Cecil ne put s'empêcher de s'inquiéter en voyant Camille s'assoir aussi négligemment alors que la voiture était encore en marche. Mais c'était Camille et il ne pouvait, ni ne voulait d'ailleurs, la changer. Il profita donc de ce frisson de danger à travers elle, lui qui était confortablement installé dans son fauteuil. Enfin, confortablement... Plutôt du mieux qu'il put dans une voiture aussi vieille sur une route autant pleine de chaos. Un silence paisible s'installa entre le conducteur et Cecil qui en profita donc pour admirer la magnifique vue de la ferme qui s'étalait sous ses yeux. Il sentait que ce voyage allait être vraiment magique.

Cecil suivit l'échange sans un mot, avec la brève impression d'être de trop parmi les habitudes, jusqu'à ce que Camille le rassure par sa réponse. Il se tourna vers Fabrice et sourit cordialement.

"Ce sera parfait."

Cecil prit les bagages dans le coffre de la voiture et suivit l'homme à l'intérieur. Il allait s'installer avant d'explorer les environs.

Cecil regarda la pièce d'un coup d’œil vif. C'était assez exigu mais cela ne le dérangeait pas. Durant ses voyages avec son oncle, il avai parfois dû dormir dans des endroits bien plus petits, et malodorants. Il avisa le lit double avec l'ombre d'un sourire.

"C'est parfait. J'ai du mal à me figurer que tu as pu passer sept années entières ici. A croire que tu n'as pas seulement du fauve l'aura mais aussi le caractère et la surprise."

Cecil posa ses bagages et vint déposer un doux baiser au coin de la bouche de la jeune femme avant d'aller observer la vue depuis la fenêtre. Il se tourna à nouveau vers Camille.

"Y a-t-il quelque chose que tu aies envie de faire maintenant?"

Cecil, après avoir baladé son regard sur le corps de Camille, discrètement, cela allait de soi, se laissa guider par la jeune femme. Elle voulait lui faire rencontrer quelqu'un? Qui cela pouvait-il bien être? Sans doute un ami qu'elle avait longuement connu durant ses années ici. Cecil ne s'était pas vraiment trompé, si ce n'était que l'ami en question n'était absolument pas humain, ou même bipède. Il vit le lion arriver vers eux et, instantanément, il se redressa de toute sa hauteur. En le voyant, l'animal s'arrêta et les deux lions se mirent à se toiser mutuellement, décidant tacitement qui pourrait embarquer la belle, ce que Cecil n'aurait avoué pour rien au monde à Camille, il en allait de sa vie!

Bon, ce voyage commençait vraiment très étrangement. Cecil se retrouvait à promener un lion. En laisse. Il se sentait parfaitement ridicule. L'animal était vraiment très gros, et Cecil était presque petit à côté, ce qui le mettait assez mal à l'aise. La ferme magique approchait et Cecil se demanda ce qu'ils allaient bien pouvoir faire avec un lion dans l'enclos des hypogriffes.

"Il n'est pas dangereux pour les autres animaux j'espère..."

Cecil s'inclina devant l'hypogriffe, imitant Camille. Il n'avait jamais été très doué avec les animaux magiques, mais il connaissait tout de même la marche à suivre afin de ne pas mourir. Ce fut avec stupéfaction qu'il vit le lion se coller contre l'hypogriffe. Sa mâchoire se décrocha quelques instants et ses yeux s'écarquillèrent.

"Alors ça, c'est inhabituel."

Il observa les deux animaux se faire des papouilles en se disant que la nature avait beaucoup, mais vraiment beaucoup d'humour parfois.

C'était une bonne question. Qu'avait-il envie de faire?

"Allons nous dégourdir les jambes."

Car l'avion et la voiture, c'était bien, mais l'exercice, c'était mieux. Cecil se mit donc à se promener dans la ferme magique. Il se tourna alors vers Camille et lui demanda :

"De quoi tu t'occupais lorsque tu étais ici?"

Il connaissait assez peu de choses de la vie de Camille à cette époque et cela l'intriguait beaucoup.

Cecil ferma les yeux quelques instants, heureux d'être là. Il fut empli d'une profonde quiétude, là, près de Camille, à l'écouter parler de ses années ici. A l'écouter, à la voir, il savait qu'il n'y aurait plus qu'elle. A jamais. Il aurait voulu lui dire, il aurait dû, mais il ne le fit pas. Il était sans doute trop tôt. Il ouvrit les yeux et sourit à Camille.

"Montre-moi tes endroits favoris, alors!"

Pourquoi parlait-elle d'endroits isolés? Avait-elle des pensées impies? Certes Cecil avait très envie de s'investir corporellement dans leur relation, mais il devait bien avoué qu'il était un peu désarçonné par l'approche de la jeune femme. Il décida de tâter le terrain.

"Des endroits isolés, oui, c'est bien pour une balade."

Il essaya d'avoir l'air normal tout en analysant le moindre geste de Camille.

Camille se mit à rougir et Cecil s'affola intérieurement. Était-ce un signe d'excitation ou de gêne? Cecil ne savait pas vraiment comment l'interpréter. La solution tout indiquée était donc de changer de sujet.

"C'est vrai que les paysages africains sont connus pour leur grande beauté. J'ai eu le plaisir une égyptienne... Euh, une pyramide égyptienne! Et j'ai aimé ça, enfin, c'était bon... Beau! Beau, c'était beau!"

Échec critique. Cecil sut à cet instant que son visage devait être d'un beau rouge bordeaux.

Cecil était terriblement embarrassé. Il s'était déjà ridiculisé devant Camille, mais là c'était quand même autre chose. Tous deux n'avaient encore jamais trop parlé de sexe, aussi Cecil fut complètement mortifié. Vexé, bien plus à cause de lui-même que du rire de Camille, il tourna les talons et partit dans une direction aléatoire. Ce n'était pas tellement son genre de fuir, mais là, il avait juste envie de bouder. Ce qu'il fit.

Cecil boudait. Il avait trouvé une grosse pierre sur laquelle il s'était assise, en bordure de la ferme magique. Son air sombre et renfrogné aurait fait fuir un lion enragé tant il paraissait sur le point de sauter à la gorge de la première créature à faire le moindre bruit à proximité de lui. Il finit par ne plus vraiment savoir la raison pour laquelle il boudait, ce qui l'agaça encore plus. Il finit par se mettre à penser à diverses choses, et, se perdant ainsi dans ses pensées, il se calma petit à petit.

Cecil décida d'aller faire un tour. Il se changerait les idées, et en plus, cela lui permettrait de réfléchir à ce qu'il dirait à Camille. Il espérait sincèrement que la jeune femme ne lui pose aucune question, même il ne pouvait décemment pas lui refuser une réponse si elle venait à l'interroger sur son comportement. Il fit quelques pas dans un sens puis décida d'aller d'en un autre. Cette direction sembla plus sauvage et cela plaisait à Cecil. Il entendit bientôt le clapot de l'eau. Un lac. Se tremper les pieds lui ferait du bien. Il s'assit sur le bord du lac et commença à défaire ses chaussures.