Fin août. Un été un peu maussade, à vrai dire. Je m'habituais peu à peu à ma condition d'infirme, mais j'avais encore quelques difficultés avec ma prothèse. Enfin... J'allais finir par m'y habituer. Un jour. Peut être. Je n'avais pas encore repris le travail, mais cela n'allait plus tarder. Je m'assis sur mon canapé, démoralisée. Mon travail... Plus vraiment. Du bureau, voilà tout. Je soupirai tristement en caressant d'une main distraite ma Mélusine, posée sur l'accoudoir près de moi. La journée ne s'annonçait pas très bien...

Toc, toc, toc.

Je redressai légèrement la tête en fronçant les sourcils. Je n'attendais personne. Et j'étais en chemise de nuit... Je prenais rarement le temps de soigner mon apparence depuis... Ce jour.

"Une minute." lançai-je d'une voix un peu hésitante.

Je me levai et revêtis rapidement un jean qui traînait sur le dossier d'un fauteuil, ainsi qu'un chemisier froissé que j'avais abandonné sur le tapis trois ou quatre jours plus tôt. Il faudrait bien que cela suffise. 'ayant pas encore de baguette neuve, j'allai ouvrir la porte moi même.

"Oh... Camille. Ca fait longtemps. Commentai-je avec un très léger sourire à la vue de mon amie. Vas-y, entre."

Elle n'avait vraiment pas l'air bien. Elle qui était d'habitude si coquette et si soignée... Je regrettais de ne pas lui avoir rendu visite plus tôt, mais entre mon voyage en Afrique et mes propres questionnements... Je lui tendis le bouquet et déposai un baiser sur son front.

"Désolée de ne pas être passée avant. J'ai eu un été plutôt chargé... Je ne te demande pas comment tu vas, c'est marqué sur ton front. Tu veux en parler ?"

J'étais peut être trop franche, mais je devais savoir. Elle m'était trop précieuse.

L'air préoccupé de mon amie suffit à m'informer de mon propre laisser aller. Je devais avoir l'air d'une mendiante... Elle me tendit un bouquet de fleurs avant de m'embrasser sur le front. Je saisis les plantes, un joli ensemble en noir et rouge, et me laissai faire avec un léger soupir. Je manquais terriblement de relations sociales, dernièrement.

"Désolée de ne pas être passée avant. J'ai eu un été plutôt chargé... Je ne te demande pas comment tu vas, c'est marqué sur ton front. Tu veux en parler ?"

Je haussai les épaules et me baissai pour relever mon pantalon jusqu'au genou, dévoilant ma prothèse mécanique. Un bel objet, mais qui ne remplacerait jamais ma vraie jambe.

"Pas grand chose de plus à dire, j'en ai peur. Viens donc dans le salon, c'est moins... Enfin, plus confortable."

Relâchant le tissus, je la précédai jusqu'au canapé, nonchalante.

"Tu arrives à t'y faire ? Tu sors un peu quand même ?
-Je n'ai pas d'autre choix que de m'y faire. Ca vaut mieux qu'une jambe de bois, pas vrai ? Et je sors. Un peu. Je suis allée au mariage d'une amie et d'un collègue la semaine dernière."

Un joli mariage. Qui m'avait enfoncé le visage dans ma propre solitude, certes. D'autant qu'Elizabeth était enceinte et que de toute évidence, cela ne risquait pas de m'arriver de sitôt. Personne ne voudrait jamais de moi. Je n'aurais pas d'enfants. Je resterai seule toute ma vie. Bref.

"Je suis passée au ministère, également. Ils m'ont... Aménagé un poste de travail adapté. D'après eux mon infirmité ne me permettra pas de continuer à travailler dans la brigade d'intervention. Je vais devenir... Un rat de bibliothèque."

"C'est pas en t'enfermant que tu pourras aller mieux, misstinguette. Regarde toi ! Avant tu te maquillais, te coiffais tous les jours, et maintenant tu te laisses aller. Tu as beau avoir une fausse jambe, tu es en vie, merde ! Vis ! Tu le faisais si bien ! Ce n'est pas parce que le Ministère te pense incapable que tu l'es ! Lizzie, tu est une battante, je te connais ! Bats-toi ! Ca me fait de la peine de te voir si mal... Et malgré ton infirmité, tu restes belle ! Tu es une femme magnifique ! Il faut que tu penses à revivre, ma chérie. Je me doute que c'est dure à accepter... Mais tu ne dois pas te laisser abattre comme tu le fais. La vie et ses bonnes surprises sont trop précieux pour ça."

Ses paroles me firent l'effet d'une bombe et je virai instantanément à un bordeaux profond. Est-ce que je vivais, avant ? Je lâchai un profond soupir en fermant les yeux. Oui, avant. Je croyais en quelque chose. J'espérais. J'aimais vivre et parcourir les forêts sous ma forme animale. J'adorais m'habiller et attirer les regards en rêvant qu'un jour quelqu'un m'aime. Je rêvais. Avant.

"Je... Je sais. Mais... Tout ce que je croyais, tout ce que je voulais... C'est fichu, tu comprends ? J'ai toujours pensé qu'un jour je trouverais quelqu'un et que je pourrai goûter à tous les plaisirs de la vie sans rien changer à ce que j'étais. Mais au lieu de ça, j'ai tout raté. Dis moi un peu qui voudra de moi, entre mes cicatrices et ma jambe ? Je n'avais jamais trouvé quelqu'un avant, ça ne risque pas de s'arranger si je bousille le matériel de base..."

"Lizzie ! Tu es et resteras une très belle femme ! Je suis certaine que tu pourrais faire chavirer des coeurs ! C'est pa une jambe mécanique qui va t'en empêcher. Et puis merde, t'es excellente en métamorphose, je vais pas t'apprendre ce que c'est les glamours, si tu veux cacher ça. Tu sais quoi, il faut qu'on sorte ! C'est pas en restant cloîtrer chez toi que tu trouveras un mec ! Alors tu t'habilles, un coup de maquillage et on va boire un coup ! Je t'invite."

Belle... Je n'étais franchement pas convaincue. Mais elle n'abandonnerait pas si facilement, aussi décidai-je de la contenter. Je hochai la tête et filait dans ma chambre, où je choisis un chemisier d'été rouge à volants, échancré mais pas trop afin de dissimuler mes cicatrices. Je l'accordai a un jean bleu sombre et terminait par des ballerines du même rouge que le haut. Une paie de bas couleur chair me permit de dissimuler le peu de prothèse visible sous une allure de peau. Quelques minutes plus tard, j'étais coiffée et maquillée. Je rejoignais alors mon amie.

"Je suis prête. Autant que possible sans baguette en tout cas. "

Resultat:

"J'en ai encore une, tu sais. Et n'oublies pas que je suis prof, et de métamorphoses. Ca ne devrait pas tellement me poser de problème. Et crois moi, même sans glamour, tu es magnifique."

Elle se chargea elle même de m'arranger, ce qui me donna un léger sourire. Cela faisait tout de même du bien d'être ... Belle.

" Tu es plus à l'aise ?"

Je hochai la tête, satisfaite. Je n'aimais guère sortir en ayant l'air d'une paysanne.

"Tu veux aller où ? Tu veux qu'on passe à Olivander's ?
-Non, merci. Araekin a dit qu'il m'en procurerait une. Il m'a déjà fait faire la prothèse, tu sais. Je crois qu'il s'en veut de ne pas être arrivé plus tôt. Alors que sans lui, je serais morte."

Je haussait les épaules pour éloigner ce souvenir et me rendis a la porte, après une petite caresse a Mélusine au passage.

"On y va alors ! Te sortir te fera sans doute du bien, bichette."

Elle m'emmena dehors et j'inspirai profondément. C'était vrai, j'avais bien besoin de sortir. Quelque chose remua au fond de moi, une sorte... D'instinct. Le renard en moi, tenu en laisse trop longtemps, manifestait son bonheur d'être au dehors. Il faudrait que j'aille en forêt. Cela me ferait le plus grand bien.

"Et toi ? Qu'as-tu à me raconter depuis le temps ?"

"Pas grand chose, la routine. Je suis partie en Afrique... Un voyage que je ne regretterai jamais, ça c'était certain."

Oh. Quelle drôle de façon de le dire... Sa phrase m'interpela et je rendis l'oreille, intéressée. Que s'était il passé en Afrique ?

"Une bieraubeurre, ou un pur feu ?
-Je crois qu'une bieraubeurre serait la bienvenue. Tu étais partie seule en Afrique ? Dans quel pays exactement ?"

Il fallait dire que c'était grand, l'Afrique. Je ne connaissais pas très bien, mais mes cousins étaient allés en Égypte, une fois. Ginny disait qu'il y avaient vu des momies, ce dont je doutais fortement.

"Tu sais, je suis retournée en Afrique du Sud, là où je bossais avant... Et non, je n'y suis pas allée seule. A la base, je voulais que tu m'accompagnes, mais... Disons qu'un imprévu m'est tombé dessus.
- Un imprévu ? Ironisai-je en la voyant rougir. A moins qu'il ne s'agisse d'une histoire de ces véhicules moldus que tu adores... J'exige de savoir de quoi il s'agit."

Cette conversation me faisait penser à autre chose et cela me faisait du bien. Beaucoup de bien. Je sentais qu'elle ne me disait pas tout. Après tout, j'avais toujours eu du flair pour ce genre de choses. Littéralement.

Son petit rire me fit hausser un sourcil interrogateur. Anguille sous roche. Clairement.

"Non, c'est pas de moto... Même si j'en ai fait. C'est plus... masculin."

Mon sourire naissant s'élargit. Un homme. Ben ça alors, voilà qui m'étonnait !

"Je suis partie avec Cecil Vernet, un collègue de travail...Disons qu'on est plus que des collègues maintenant et que notre relation est trèèèès loin de rester platonique, si tu vois ce que je veux dire... Un coup de foudre assez inattendu, je dois dire.
-Par la barbe de Merlin ! Alors ça, si je m'y attendais ! Mais c'est une excellente nouvelle Camille ! "

J'étais tellement heureuse pour elle... Dire que j'avais toujours craint qu'elle ne regrette un jour de ne pas avoir cherché à se trouver quelqu'un ! Et voilà que cela lui arrivait ! En un sens, ça me donnait de l'espoir. Mais... Comme toujours, j'étais curieuse. Insatiablement.

"Comment est-ce arrivé ? "

Je ne répondais pas tout de suite, perdue dans mes pensées. Camille... Amoureuse. Voilà qui était surprenant et plutôt encourageant. Il devait être drôlement séduisant pour que... Une seconde.

"Cecil Vernet, tu as dit ?" Demandais-je en fronçant les sourcils.

Je connaissais ce nom... Il me semblait, du moins. Mais peut être que je me trompais. Alors, je préférais demander :

"Un grand rouquin aux cheveux longs ? Barbu ? Qui travaillait au service de la justice magique ?"

Je hochai la tête distraitement. Eh bien... Qui aurait pu le deviner !

"Un peu, mais pas beaucoup. Nous avons travaillé sur une affaire d'êtres de l'eau ensemble, Parce que l'on suspectait un animagus de mettre le bazar dans le clan qui vit dans la mer du Nord."

Je marquai une petite pause, puis télé ai la tête, souriant plus largement.

"Je pense que c'est une personne qui a un bon sens moral et de solides principes. Je crois que vous allez très bien ensemble."