La Forêt Interdite... J'avais l'impression que cela faisait déjà des années que je n'étais pas revenu en ces lieux. Depuis que Liz était entré dans ma vie et que j'habitais dans mon appartement, c'est comme si cette forêt n'avait plus de place dans mon cœur malgré toutes ces nuits à l'arpenter sous ma forme de loup. Son odeur était si caractéristique, si unique... Le son du vent qui venait fredonner dans mes oreilles avait un son que l'on entendait nul part ailleurs, et même sa fraîcheur me donnait des frissons dans le dos lorsque la brise me caressait la peau. L'atmosphère y était toujours lourde, pesante, comme si il y avait toujours un danger qui planait sur ma tête. Et pourtant, malgré tout ça, je me sentais comme chez moi. Enfin, pas tout à fait... Ce n'était pas du tout la même sensation de « chez soi » que dans mon appartement, assis sur le canapé du salon devant le feu de cheminé, chaud et crépitant aux côtés de ma fiancée... Non, c'était totalement différent. C'était plutôt... comme un endroit auquel j'appartenais. Hm... Non, ce n'était même pas tout à fait exact. Plutôt comme un endroit qui m'appartenait. Ou tout du moins qui appartenait au loup qui sommeillait en moi. C'était étrange... depuis peu, j'avais réellement l'impression que nos sentiments, nos émotions, et même nôtre existence commençait à se mélanger, lui et moi. Le plus flagrant avait été lorsque je m'étais fait agressé dans la forêt de Pré-au-Lard... Jamais ses émotions n'avaient déteint sur moi de cette manière et point que ça en soit presque « physique ». Pendant de longues minutes, j'avais réellement la sensation d'être un loup. Mais également un homme. Je ne savais pas vraiment comment le décrire, pour moi-même c'était confus. Mais il y avait quelque-chose de plus étrange encore : depuis la mission que j'avais fait avec Alizea... Lorsque je me suis fait touché par le Sortilège de Mort... Je ne savais pas vraiment comment l'expliquer, mais j'avais depuis mon réveil une étrange sensation qui ne me quittais plus. Je ne savais pas vraiment comment la décrire, mais... j'avais l'impression d'avoir établi une étrange connexion avec ma partie lycanthrope. Ça ne signifiait pas pour autant que nôtre « relation » avait changée pour autant -il était toujours aussi imbuvable et caractériel lorsqu'il se réveillait-, mais il y avait un petit quelque-chose qui faisait que nous étions différents. Je priais pour que cela ne présage rien de mauvais.

Je marchais donc entre les arbres de cette forêt que je retrouvais avec une étrange boule au ventre, comme si... comme si je n'aurais pas dû revenir. Je ne savais pas vraiment pourquoi j'avais ce ressentiment, mais je ne pouvais pas m'en empêcher, mon instinct avait toujours dominé ma raison. Toujours ou presque. Mes pas étaient silencieux, les branches mortes ne craquaient même pas sous mes pieds, ombre parmi les ombres, je reniflais l'air froid et humide de la forêt. Aucune trace de prédateur aux alentours, ou alors ils étaient trop loin pour représenter une menace. Je ne m'en plaignais pas, mais... je trouvais ça... étrange... Je décidais de m'arrêter un instant pour inspecter les alentours. Le menton relevé vers le ciel, je humais à nouveau l'air. La température avait refroidie. Je dirais même presque... qu'elle avait chuté. Étrange... Nous étions en Juin pourtant, les nuits ne devraient pas être aussi froides. Je tendais l'oreille en même temps que je tournais lentement autour de moi. Pas un bruit, à part celui de ma propre respiration. Je savais déjà que la Forêt n'était pas un endroit des plus bruyants, mais ce silence n'était clairement pas naturel. Il y avait toujours quelque-chose à entendre : des grattements d'insecte, des hululements de hiboux lointains, le feuillage des arbres qui bruissait lentement... et là... rien. Mon estomac se noua d'avantage. Quelque-chose ne tournait pas rond. Mes poumons demandant subitement de l'air, j'inspirais longuement et expira. Un étrange froid s'extirpa de mes lèvres, comme un glaçon qui se serait transformé en fumée. Une nouvelle brise vint caresser ma peau, et elle fut si glacée que j'avais l'impression qu'une main froide s'était posée sur ma joue et avait glissé le long de mon visage jusqu'à la pointe de mes cheveux. Il y avait quelque-chose de pas normal. C'était une certitude. Les sens en alerte, je continuais à marcher, bien plus lentement. Un étrange crépitement frottait le fond de mes oreilles, sans que je ne puisse vraiment déterminer d'où il venait. Pris d'un doute, je me pencha et prit une feuille morte entre mes doigts. Elle était humide et froide, comme si nous étions en plein hiver. Mon nœud à l'estomac se resserra d'avantage. Je pensais savoir ce qui se passait... mais c'était impossible. Il n'y en avait plus depuis la Grande Guerre. Ou tout du moins ils étaient en très grande minorité, et sauvages pour la plupart. Qu'est-ce que l'un d'entre eux viendrait faire ici, à Poudlard ? Il aurait fallu qu'il puisse franchir les défenses magiques... Ou alors... On l'aurait laissé entrer volontairement ? Mon cœur commença à accélérer dangereusement, ma respiration se faisait haletante. Bon sang... C'était impossible... Comment... Pourquoi...

Partir... Je devais partir d'ici. Et vite.

Tirant ma baguette hors de ma poche de veste, je fis demi-tour et marcha en sens inverse, à un rythme rapide. Puis encore plus rapide... jusqu'à finalement courir. Courir à grandes enjambées. Le froid devenait de plus en plus intense, tout autant que ma respiration. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine au point de m'en faire presque mal. Le bruit de mes pas résonnaient comme jamais, comme si je me trouvais dans un grotte. Le crépitement que j'entendais depuis tout à l'heure devenait de plus en plus fort, et je finis par comprendre de quoi il s'agissait. Bon sang... Avant même que je ne m'en rende compte, je percuta un arbre de plein fois, qui m'arrêta net dans ma course en me faisant tomber à la renverse. Toute la face avant de mon corps me tira une plainte de douleur tant elle était vive. Je tentais néanmoins de me relever, sentant presque la menace se rapprocher, mais je perdis l'équilibre et tomba à nouveau. Mais qu'est-ce qui m'arrivait ? C'était comme si mes sens étaient... brouillés... Ce devait être ce crépitement incessant qui bourdonnait dans mes oreilles désormais de manière très forte, comme si je me trouvais juste à côté... Il me faisait perdre le sens de l'équilibre. Encore plus affolé, je me releva à nouveau, avec succès cette fois, et repris ma course effrénée, poursuivi par une menace que je ne voyais et ne sentais même pas. Ou plutôt si... maintenant que j'en parlais, une étrange odeur commençait à emplir mon sens olfactif. Une odeur de... pourri. De corps décomposé. Une odeur de mort. Plus de doute, c'était bien ça. M'enfuir... Prévenir Poudlard... Partir d'ici... Survivre ! Je continuais à courir pour ma vie, mais cela s'avérait bien plus dur qu'en temps normal. Mes sens étant complètement brouillés, je n'arrêtais pas de me cogner dans les arbres, et je perdais l’équilibre toutes les cinq secondes, manquant de peu de tomber à chaque fois. Merde, merde, merde merde merde merde MERDE ! Cette fois, ce fut une racine qui vint s'agripper à mon pied et me fit tomber face contre terre. La douleur devenait difficile à supporter. Je tentais de me relever péniblement, lorsque...

J'entendis un souffle.
Le souffle de la mort.

Le souffle du Détraqueur.

Il était là... Juste devant moi... Je le sentais. Bien plus qu'avec mon odorat, mon ouïe ou n'importe quel autre sens, je le sentais avec mon instinct. Celui-ci me hurlait que je devais filer d'ici, courir dans l'autre sens, fuir... Mais j'étais tétanisé. Impossible de bouger ne serait-ce que le petit doigt. J'étais sur les genoux, les mains par terre, l'une tenant ma baguette. Ma position ressemblait presque à celle d'une personne qui demanderait grâce, qui supplierait qu'on ne lui ôte pas la vie. Et ma situation n'en était pas si loin. Un Détraqueur... L'incarnation matérielle de la peur et de la mort. Ils disaient que rien que les voir pouvait nous faire mourir de peur, littéralement. Ce n'était pas vrai. Je ne le voyais même pas, et je sentais déjà mon âme basculer entre la vie et la mort, comme si elle était en équilibre sur un fil. J'étais horrifié, apeuré au point même que des larmes commençaient à me monter aux yeux. Non... Je ne pouvais pas mourir... Pas ici... Pas maintenant... Je sentais plus que je n'entendais son souffle froid, et la sensation pouvait se comparer à la lame froide d'une épée sur la nuque, prête à frapper et à ôter la vie. J'expirais beaucoup plus que je n'inspirais, ma tête commençait à tourner, je perdais de plus en plus l'équilibre. Je ne pouvais pas mourir ici... mais avais-je le choix ? Un envoyé de la Mort était venu me chercher... pouvais-je me rebeller contre sa volonté ? J'entendis le froissement de sa cape... Il tendait le bras. Vers moi. L'odeur de décomposé s'accentuait dangereusement, au point de me donner la nausée. Il... il voulait ma vie... Mes mains tremblaient comme jamais, mes jambes aussi d'ailleurs. Ma température corporelle avait chuté de manière dangereuse, ma peau n'était plus que froideur. Une nouvelle longue expiration et je cracha à nouveau de la fumée glacée. La mort... C'était donc ça ? Le froid... Une larme perla le long de ma joue. Je la sentais se solidifier au fur et à mesure qu'elle descendait, jusqu'à toucher le sol sous forme de glace. C'était fini... Tout était fini...

Liz...

Immédiatement, pris d'une soudaine pulsion, ma main se resserra sur ma baguette.

- EXPULSO !

Le sortilège n'eut pas tout à fait l'effet escompté : au lieu de provoquer une explosion, il ne lâcha tout au plus qu'un bruit à peine plus fort que celui d'un pétard. Néanmoins, ce fut largement suffisant pour déstabiliser le Détraqueur ne serait-ce qu'une demi-seconde. Et cette demi-seconde fut largement suffisante pour que je fasse volte-face et que je m'enfonce au plus profond de la Forêt. Je courrais encore plus vite que tout à l'heure, empli d'une nouvelle énergie. Liz... Et dire que j'étais à deux doigts de mourir. Il en était hors de question. Je n'avais pas le droit de la laisser seule avec nôtre enfant ! Jamais ! Peu importait le nombre d'arbres que je me prenais, peu importait le nombre de fois que je trébuchais, je me relevais et je continuais à courir, peu importait la direction dans laquelle j'allais. Le tout était de mettre le plus de distance entre lui et moi. Mes jambes commençaient à me faire terriblement mal, les chutes et les chocs se faisaient nombreux, même mon corps avait ses limites. Mais là, tout de suite, je m'en fichais de mes limites. Je les surpasserais, peu importait le prix que ça me coûterait. Pour Liz. Pour nôtre enfant. Pour nôtre avenir ! Réflechis, Damien, tu as déjà eu des cours sur les Détraqueurs ! Alors fouilles dans ta mémoire, rappelles-toi comment t'en débarrasser ! Mon sang bouillonnait comme jamais, surpassant le froid provoqué par la créature. Rappelles-toi, Damien... bon sang, rappelles-toi ! Tu l'as déjà vu dans les cours théoriques de Défense Contre les Forces du Mal, tu as même eu un séminaire il y a quelques mois de cela qui traitait du sujet ! Tu SAIS comment t'en débarrasser ! Alors creuses-toi les méninges, bon sang ! Pourquoi est-ce que je n'arrivais pas à m'en rappeler ! Je poussa un grognement de rage et m'arrêta dans ma course brutalement.

Tant pis pour les cours. J'allais affronter la Mort. De face.

Le voilà... Il arrivait. Je le sentais au plus profond de moi, comme un sixième sens qui m'alertait du danger. Et même bien plus que ça : mon instinct de survie avait atteint son paroxysme, et affutait tellement mes sens qu'ils entraient en synergie de manière stupéfiante. Ma "vraie" vision. Le bruit de sa cape qui flottait, les brindilles et feuilles mortes qu'il dégageait à son passage de manière si légère, à peine un frémissement. Mais ce petit mouvement suffisait pour que je le repère aussi bien que si je le voyais. Il se tenait devant moi, flottant dans les airs, sa cape ondulant au gré du vent glacial qu'il faisait lever autour de lui. Je pouvais même sentir la brume épaisse qui se formait à cause du changement de température, comme si elle s'insinuait dans les moindres fibres de ma peau. Je sentais mon souffle glacé inspirer et respirer sous la commande de mes poumons. Ma main se resserrait sur ma baguette comme si ma vie y était accrochée. Ce qui était au final plus ou moins le cas. Elle seule pouvait me tirer d'affaire, et me permettre de survivre. Sans magie, je n'allais pas y arriver. Il fondit sur moi en une fraction de seconde, que j'esquivai avec une roulade sur le côté à l'ultime seconde. L'offensive était lancée. Le duel à mort pouvait commencer.

- Stupéfix ! Expulso ! Bombarda Maxima !

Je lançais touts les sorts de défense qui me passaient par la tête, répétant même parfois plusieurs fois le même sortilège. Je me déchainais sur lui, comme si je déchainais ma propre colère, mon propre instinct de survie contre lui. Je défiais la Mort. Les sortilèges fusaient de ma baguette à une vitesse effrénée, je ne réfléchissais même plus à quel sort je lui lançais dessus, je laissais ce flot de connaissance déferler sur moi, et couler le long de mon bras pour s'y déposer dans la baguette et sortir pour attaquer le Détraqueur. Sans même arrêter cette rafale de sorts, je tournais autour de lui. Je ne lâchais pas la tension. Peu importait le sort que je lui lançais, le but était de le déstabiliser pour l'empêcher d'agir, et me laisser le temps de trouver une solution pour le vaincre. L'une d'entre elle avait été d'utiliser le Sortilège de Mort, bien qu'interdit. Mais pouvait-on tuer un Détraqueur ? Pouvait-on tuer un Ange de la Mort ? Aucune idée. Et de toute façon, cette solution n'était pas la bonne. Je le savais. Continuant de le mitrailler, mon cerveau tournait à plein régime tandis que je continuais ma course dans la forêt. Que faire, que faire ?! Comment battait-on un Détraqueur ? Je le savais, mais l'information n'arrivait pas à remonter jusqu'à ma mémoire. Tandis qu'une moitié de mon esprit lançait des sorts désormais de manière automatique, l'autre moitié faisait la liste de tout les séminaires que j'avais pu faire au cours de l'année pour retrouver celui sur ces créatures encapuchonnées. Tous défilaient dans mon esprit à une vitesse aussi effrénée que celle de mes sorts que je continuais encore à lancer. Gobelins, Trolls, Kobolds... Non, pas ça. Loups-garous, vampires... Non plus. Réfléchis, réfléchis ! Mon cerveau cherchait une solution, lorsque soudain mon pied trébucha à nouveau contre une racine, et me fit tomber à la renverse. Et comble de l'ironie : ma baguette s'échappa de ma main. Je l'entendais rebondir contre la terre, et ma main s'était tendue presque d'elle-même vers elle. Mais elle était bien trop loin, je ne pouvais pas la toucher de là où j'étais. Je tentais alors de me relever, mais je sentis alors des... mains se déposer sur mes poignets et me retenir avec force. Lorsque je tourna la tête, je sentis le souffle du Détraqueur sur mon visage. Il se trouvait à peine à dix centimètres de moi. Son odeur était immonde, et le contact de ses mains sur ma peau me glaça le sang, presque littéralement. Je sentais une vague de froid s'emparer de mon corps comme pour le congeler, mes muscles refusaient de m'obéir.

- Non... Non..., murmurais-je, aux bords des larmes.

Même sortir ces simples mots étaient difficile, comme si ma gorge s'était nouée. Mes membres tremblaient de plus belle, la peur m'enlaçait dans ses bras, et s'enlisait dans les pores de ma peau jusqu'à la moindre fibre de mes muscles. J'étais parfaitement incapable de bouger, mon instinct de survie me hurlait de plus belle de fuir, tandis que des images qui datèrent d'il y a dix ans revenaient se montraient dans mon esprit, aussi claires que si je venais de les vivre. Les visages de ceux qui avaient agressés mon père, le sortilège qui me frappa de plein fouet et m'ôta la vue... L'odeur de... du sang de mon père. Sa voix peinée qui me suppliait de fuir... Les larmes qui coulaient lorsque j'étais à l’hôpital... Le son des sanglots de ma mère... Les paroles prononcées à son enterrement...

Papa...

Un rire s'éleva dans ma tête, un rire perçant, suraigu... Je sentais le souffle froid et putride de la mort m'emplir les poumons, me noyer... Les doigts glacés du Détraqueur se resserrèrent délicatement sur mes poignets. Le rire suraigu devenait de plus en plus sonore, lorsque soudain une voix résonna dans mon esprit :

« Ne t'en fais pas, tu rejoindras ton père. Inclines-toi devant la mort, Damien. »

M'incliner devant la mort... Rejoindre mon père... Ce n'était peut-être pas si mal, comme solution... M'abandonner à la mort, et être aux côtés de mon père pour l'éternité... Les images continuèrent de défiler dans mon esprit, lorsque soudain... l'une d'entre elle se démarqua parmi les autres, plus insistantes. Au point d'en faire taire le rire qui devenait assourdissant. J'entendais la voix de mon père. Lorsqu'il m'avait dit cette phrase, je devais à peine être âgé de cinq ans, mais je m'en rappelais comme si c'était à l'instant. Ou même pour être encore plus exact : j'avais l'impression qu'il me le disait à nouveau, comme si il était en face de moi.

« Quand on à peur de quelque-chose, on à deux solutions : Soit on la fuit, et on prie qu'elle nous quitte. Ou alors... on l'affronte. On la regarde droit dans les yeux, et on lui montre que l'on est plus fort qu'elle. »

Le voix disparut, et cette fois, alors que j'avais l'impression que j'étais à deux doigts de sombrer dans l'inconscience, ce fut la voix de Liz que j'entendis. Elle fut encore plus forte que celle de mon père. Ce souvenir était beaucoup plus récent, et le contexte n'était pas vraiment le même. Elle me disait.

« Prends garde à toi, sinon je te fais revenir d'entre les morts pour te botter les fesses personnellement. Compris ? »

Ça... C'était bien ma Liz... Comment aurais-je vécu sans elle ? Je me le demandais bien... Tandis que je fermais les yeux, lentement, mes lèvres s'entrouvrirent, presque imperceptiblement.

- S...

Le rire suraigu revint à la charge dans mon esprit, comme pour me garder encore en vie quelques instants.

« Quelque-chose à dire ? », demanda la voix dans ma tête.

C'est alors que, contre toute attente, la commissure de mes lèvres se déformèrent dans un sourire étrange.

- Spero...

Soudain, je sentis quelque-chose tâter le bout de mes doigts. Un... bâton en bois. Je l'empoigna aussi sec, et presque immédiatement, une nouvelle énergie déferla en moi, d'une puissance égale à l'éruption d'un volcan. Prends ça dans les dents, la Mort !

- ...PATRONUUUUUUUM !

Je sentis les doigts du Détraqueur se détacher vivement de mes poignets, comme repoussé par une force invisible. Ha... ha... Mon sort avait marché. Je tenais ma baguette tendue devant lui, laissant mon patronus ayant pris la forme d'un loup agir et charger contre cet envoyé d'Azkaban. Et comme on pouvait s'y attendre, le loup à l'intérieur de moi avait refait surface. Je le sentais se réveiller au plus profond de moi, atteint par ce qui venait de m'arriver. Je m'attendais presque à ce qu'il se mette à grogner de mécontentement, comme il le faisait à son habitude... Mais non. Il s'était contenté de se lever... et il restait immobile. Parfaitement calme. Ou tout du moins en apparence, mais je sentais quelque-chose d'anormal dans sa respiration. Elle était bien plus... profonde. Il ne s'énervait pas, mais il voulait se débarrasser de ce Détraqueur, c'était une certitude. Celui-ci se mit d'ailleurs à émettre un cri strident, aussi suraigu que le rire que j'avais entendu dans ma tête lorsqu'il aspirait mon âme. Un cri qui me vrillèrent les tympans et me firent grimacer de douleur. Néanmoins, je m’efforçais de garder la baguette tendue devant moi, je ne devais pas me laisser déconcentrer si je voulais garder mon Patronus actif. Celui-ci chargeait contre le Détraqueur, le poursuivait peu importait où il allait. Mais... Il y avait quelque-chose d'étrange. Je tentait d'analyser la trajectoire de la créature, et... elle semblait ne pas vouloir s'enfuir. En réalité, elle continuait à tourner autour de ma position le plus possible, malgré la présence de mon sortilège qui le traquait. Pourquoi ? Mon Patronus n'était-il pas assez puissant ? Pourtant le souvenir heureux que je gardais en tête, auquel je m'accrochais comme une bouée de secours pour me sortir de ce pétrin, était le plus heureux que je connaissais. Il ne pouvait pas être plus puissant. Était-ce insuffisant ? Ou bien... Ou bien manigançait-il quelque-chose ? Réussissant enfin à remettre la main sur les souvenirs de mes cours sur les Détraqueurs, on ne savait pas grand chose d'eux finalement. Seulement ce qu'ils étaient capable de faire et comment les vaincre. Mais je commençais à croire que ce type de créature était doué d'intelligence quasi-humaine. Qu'est-ce qu'il attendait ? Pourquoi tournait-il en rond, ainsi ? Je l'entendais flotter au dessus de ma tête, zigzaguant entre les arbres pour échapper au courroux de mon Patronus qui le pourchassait férocement en poussant des grognements.

Soudain, je sentis ma part lycanthrope réagir. Il avait tendu l'oreille, et tourné la tête derrière-moi. Il sentait quelque-chose approcher.

Presque aussitôt, je tournais dans la même direction, et ce fut un autre cri strident lointain qui me fit écho. Par le bouc fourchu de Salazar...

Un deuxième Détraqueur.

Mon bras qui tenait ma baguette faillit flancher, mais je me ressaisi au dernier moment pour garder le bras tendu. Merde merde merde merde, un DEUXIÈME ! J'avais déjà failli mourir avec un seul d'entre eux, alors avec DEUX ?! Non, ne te déconcentre pas Damien ! Gardes courage, penses à ton souvenir heureux, sinon c'était fichu ! Garder son calme... Sentant l'autre Détraqueur approcher, je décida de ramener mon Patronus à mes côtés, préférant l'avoir avec moi, prêt à me défendre contre le deuxième plutôt qu'il ne s'acharne sur le premier. Il finit alors par arriver à mon niveau, doublant le cota d'odeur nauséabonde des environs. Ils tournoyaient autour de moi en cercle, semblables à deux vautours qui survolaient leur repas. Et c'était probablement le cas. Réfléchis, Damien... Qu'aurait fait Yeon Jin à ma place ? La connaissant, elle aurait probablement déjà réussi à faire déguerpir le premier avant même qu'il n'aurait eu le temps d'appeler son copain de chambrée... Mais dans le cas présent ? Quel genre de conseil aurait-elle pu me donner pour me tirer d'affaire ? Hun... Probablement quelque-chose du genre "Démerdes-toi pour trouver un meilleur souvenir heureux, et leur botter le cul à tout les deux !"

Et dans le fond... Elle n'avait pas tout à fait tord.

Seulement, quel souvenir heureux ? Alors que je me posais à peine la question, l'un d'entre eux vint à charger sur moi subitement. Je fis volte-face et envoya ma baguette dans sa direction pour le repousser avec mon Patronus. Celui-ci se ramassa sur le sol et lui bondit dessus, griffes et crocs ouvertes. Lorsqu'il vint à son contact, le Détraqueur recula immédiatement, et recommença à tourner autour de moi avec son semblable. Sauf que celui-ci n'attendit qu'une petite seconde avant de passer à l'attaque à son tour. Une voix résonna dans mon esprit... Les paroles de ma mère... Non ! Je me tourna à nouveau et lui fit subir le même sort qu'à son copain. Alors voilà comment ils voulaient procéder... Il voulaient m'avoir à l'usure. Petit à petit. Les salauds... Cette fois, lorsque l'un d'entre fonça dans ma direction, mon esprit y était préparé, et ma réaction se fut plus rapide, si bien qu'il n'eut même pas le temps de m'atteindre cette fois. J'étais vraiment dans le pétrin, et je ne savais pas comment j'allais pouvoir m'en sortir. Ce combat était vraiment différent, ça ne ressemblait en rien à l'affrontement d'un troll des cavernes ou d'une moldue folle furieuse. Non... Là je devais affronter deux créatures immortelles que je ne pouvais que repousser... Et si je ne trouvais pas le moyen de renforcer mon Patronus, ils allaient finir par avoir mon âme... Merde...

L'un d'entre eux passa encore à l'attaque, et se percuta à nouveau face à mon loup de lumière. Mais cette fois, l'autre n'avait pas attendu pour attaquer à son tour. Son souffle se propagea sur ma nuque, et j'entendis les sanglots d'Emily.

- Mais vous allez..., commençais-je à voix basse.

Pris d'un réflexe que je ne me soupçonnais pas, je fis volte-face...

...et décocha un coup de poing sur sa tempe.

- ...ME FOUTRE LA PAIX, OUI ?!

La sensation d'un Détraqueur contre sa peau... était vraiment abominable. J'avais l'impression d'avoir frappé un cadavre -bien que je n'en ai jamais réellement frappé pour faire la comparaison-. C'était comme avoir touché un crâne nu recouvert d'une simple cape. Il était froid comme un glaçon, au point même que mes phalanges me brulaient presque. Tandis que la créature reculait face à mon coup, je contractais et détendait mon poing gauche, mouvement assez instinctif pour tenter de faire partir la douleur, même si je savais pertinemment que c'était inutile. Une étrange colère commençait à s'emparer de moi, mais... elle ne ressemblait en rien à ce que j'avais connu jusqu'ici. Je sondais au plus profond de moi, mais ça ne semblait pas provenir du loup. Il n'avait pas bougé depuis tout à l'heure. Il était debout, inspirant profondément. C'était bien la première fois qu'il était aussi peu réactif alors que j'étais en danger de mort. C'en était même inquiétant. J'entendis mon Patronus à côté de moi flancher. Stop, Damien ! Pensée positive ! Le Patronus à côté de moi semblait se stabiliser. Bien... Mais je n'avais toujours pas la moindre idée de comment me débarrasser de ces fichus Détraqueurs. J'avais caressé l'espoir que le fait de le frapper puisse le troubler au point qu'il prenne la fuite, mais c'était un espoir qui était mort avant même que mon poing n'atteigne sa tempe. Il allait donc falloir trouver autre chose. Ma main droite se resserra sur ma baguette. Que faire... A peine me posais-je la question que les Détraqueurs passèrent à l'attaque... En même temps ! Par pur réflexe, j'envoyai mon Patronus affronter le premier, mais avant même que je ne me retourne pour m'occuper du deuxième, celui-ci s'empara du poignet qui tenait ma baguette, et avec une délicatesse presque sensuelle, mais fermement, il m'immobilisa mes mains derrière mon dos. Je tentais de me débattre, mais il détenait une force étonnante, pour un cadavre volant. Impossible de s'en dépêtre. Soudain, une autre main décomposée vint se glisser sur mon cou, et ses doigts rachitiques se refermèrent fermement. Son souffle putride se propagea sur ton mon visage, et j'entendis mon Patronus disparaitre dans un gémissement de tristesse. Non...

- Spero... Patro...num..., articulais-je difficilement.

J'entendis ma baguette cracher une germe d'étincelles... Mais ça n'alla pas plus loin. Non...

- Spero... Spero...

Rien à faire, le sort ne voulait plus fonctionner. Mon corps était devenu aussi froid que de la glace, même mon cerveau semblait s'être figé dans le froid. Plus aucun muscle ne voulait bouger. J'essayais de tout mon possible de me dégager de leur emprise, mais c'était comme si du givre s'était entreposé dans les rouages de mon cerveau, et que toutes mes pensées, toutes les fonctions qu'assuraient mon cerveau étaient ralenties au maximum. Je n'avais même plus de force physique, j'opposais à peine plus de résistance qu'un ver de terre. Les souvenirs les plus tristes de ma vie remontaient à nouveau dans mon esprit. Cette fois, ce fut le jour de ma rentrée à Poudlard lorsque je pleurais en boule au coin du feu de la Salle Commune. Les voix recommençaient à parler, et ce rire suraigu revint à l'assaut, mais encore plus intense, comme si cette fois il y avaient plusieurs rires.

- Spe..., tentais-je d'articuler, mais même mes lèvres semblaient se solidifier, et ma gorge se nouait de nouveau.

Rien à faire... Je n'y arrivais plus. Je n'arrivais plus à avoir accès à mon propre esprit. Tout bonheur s'échappait de la commissure de mes lèvres, et les images les plus terrifiantes, les plus tristes de ma vie défilaient dans ma tête avec une intensité telle que j'avais l'impression de les vivre à nouveau. Cette fois... C'était vraiment la fin. Je n'avais réussi qu'in-extremis à me débarrasser d'un seul de ces Détraqueurs, alors deux... Il fallait que je me rende à l'évidence, je n'allais pas m'en sortir. J'allais mourir ici, ce soir, et je ne pouvais rien y faire. Mes pensées allèrent vers Liz. J'entendais ses sanglots, ses pleurs lorsqu'elle s'était enfermée dans les toilettes en première année. Je suis désolé, Liz... Je n'allais pas pouvoir tenir ma promesse. Je n'allais pas pouvoir vivre avec toi pour l'éternité, et t'aider à élever nôtre enfant... Une larme perla sur le coin de mon œil, et glissa le long de ma joue. C'était fini... Il n'y avait plus rien à faire.

« Inclines-toi devant la mort, Damien. », répéta la voix dans ma tête.

S'incliner devant la mort... Je ne pouvais m'empêcher malgré tout que c'était une mauvaise chose. Parce que ce n'était pas dans mon tempérament. Parce que j'avais fait une promesse à mon père, devant sa tombe : je deviendrais le plus grand des Aurors jamais connus, et je retrouverais ceux qui l'ont tués. Je ne pouvais pas mourir avant d'avoir accompli ma promesse. Je le devais pour mon père, mais aussi pour ma mère et ma sœur. Parce qu'ils étaient de ma famille, et elles aussi avaient perdues un mari et un père. Je me devais de rendre justice, et si les Aurors de l'époque n'avaient pu y arriver, alors je devais le faire moi-même. Peu importait le temps que cela prendrait, ou le prix que je devais payer. J'étais prêt à tout. Si mourir devait en être la contrepartie, alors oui, j'étais prêt à donner ma vie pour rendre justice. Mais là, ce n'était pas pour mon père que je mourrais. C'était... pour rien. Pour nourrir des Détraqueurs. Simplement. J'étais réduit à simple gibier. Mes paupières commencèrent à se fermer contre ma volonté. Je tentais de les en empêcher, je mettais toute ma force, toute mon énergie restante pour qu'ils ne se ferment pas... mais je n'y arrivais pas. C'était fini. Je sentis alors quelque-chose... ma vie... mon âme... s'échapper de mes lèvres lentement. C'est alors que je l'entendis. Plus fort que tout, plus fort que le rire du Détraqueur, plus fort que les pleurs qui résonnaient en moi...

Le chant du loup.

Son hurlement fut comme... comme la chaleur d'un feu de cheminée qui se propageait dans mon corps et qui faisait fondre toute la glace qui enrayait les rouages de mon cerveau. Ils se remirent à tourner normalement, et là, ce fut comme si la chaleur qui s'y était entreposée filèrent dans des milliers de directions différentes, au moyen des veines de mon corps. Je sentais la chaleur se propager dans mes muscles, jusque dans mes os, et balayer impitoyablement le froid qui s'y était entreposé. Je sentis mon âme revenir entre mes lèvres, et retourner là où était sa place. Je sentis mon cœur battre un coup plus fort que les autres, et une autre vague de chaleur se propagea en moi. Bien plus en profondeur. Comme pour réchauffer mon âme elle-même. Les pensées tristes qui trônaient dans ma tête furent balayées comme d'un simple revers de main, et se remplacèrent pas les rires de Liz, le gout de ses baisers, la douceur de ses mains sur ma peau, le doux son de sa voix... Et enfin son image. La fois où je la vit pour la première fois de ma vie. Elle était si belle...

Une des mains que retenait le Détraqueur derrière moi réussit à se dégager de son emprise, et se resserra brusquement contre le poignet squelettique de celui qui me faisait face.

- Vous... qui incarnez la peur...

Mes yeux s'ouvrirent lentement, et mes sens retrouvèrent leur sensibilité habituelle. Je pouvais deviner les contours de la créature, et mes yeux se figèrent là où devaient se trouver les siens, sous sa cape. Ma pression sur son poignet le força à retirer ses doigts de mon cou.

- ...Je suis plus fort que vous.

Ma deuxième main derrière mon dos se resserra sur la poignée de ma baguette.

- SPERO PATRONUM !

Mon Patronus s'échappa de ma baguette dans un grognement sauvage, et bondit sur le Détraqueur derrière moi qui prit immédiatement la fuite. Je n'avais même pas besoin de le voir pour savoir que mon Patronus était plus grand et plus puissant que le précédent. Mon souvenir heureux était le plus heureux qui soit, rien ne pouvait le surpasser. Pas même la peur elle-même. En même temps que je lâchais le poignet du Détraqueur qui me faisait face, je lui envoya violemment mon pied à l'abdomen pour le faire reculer. Puis, impitoyablement, ma baguette vint se pointer devant lui. Le loup ne se fit pas attendre, et bondit sauvagement sur la créature. Je pu même entendre une onde de choc avant que le Détraqueur ne prenne la fuite à son tour. C'était fini... pour de bon. Et j'étais vivant. J'avais survécu. Exténué, mes jambes faillirent flancher, mais je tint bon. Bon sang... Je n'avais plus d'énergie. Mon Patronus était néanmoins toujours présent, mon souvenir heureux étant si puissant qu'il en était persistant.

Aussi persistant que le sourire qui illuminait mon visage fatigué.