J'avais passé des semaines plutôt compliquées dernièrement et celle-ci ne faisait aucunement exception à la règle. Toute la journée était passée à la vitesse de l'éclair, à fouiner partout à la recherche d'un éventuel contrevenant à la loi sur la déclaration des animagus dans la partie la plus mal famée du Londres Magique. Je m'étais cachée dans une grande cape noire, déguisement le plus discret ici : tout le monde était vêtu de la même façon. Après tout, j'en avais rencontré beaucoup depuis peu. Alors que j'allais quitter l'allée des embrumes, j'entendis deux vieux sorciers édentés discuter dans un renfoncement :

"... louche, le type. Il a un grand bras métallique, on dirait qu'il est prêt à égorger le premier qui passerait par là."

Je fronçai les sourcils, inquiète d'une telle rumeur. Un type louche ? Avec un bras métallique ? C'était pour le moins curieux... Je tendis l'oreille pour essayer de savoir où cet homme se trouvait. Il fallut encore un moment pour qu'il lâche l'info qui m'intéressait, désignant une direction tout en parlant :

"... en tout cas j'ai pas envie de mettre les pieds par là pour le moment. Il me rassure pas ce type."

La conversation se dirigea vers le probabilités de survie face à un tel adversaire mais je me désintéressai totalement de leurs propos. Discrètement, je remis ma capuche en place et me dirigeai vers l'endroit désigné par le vieillard. Curieusement, il n'y avait pas un bruit, pas un souffle. D'ordinaire, les gens "louches" engendraient des murmures, des rumeurs dans les rues. Mais là, rien. Curieux...

Alors que j'avançais, je tombai nez à nez avec un homme IMMENSE. Du moins, de mon point de vue. Sans compter qu'il était musclé, qu'il avait des traits taillés à la serpe et surtout... Un grand bras qui ressemblait plus à des serres qu'à autre chose. Grand, acéré, terrifiant. Je retins un hoquet de stupeur et restai bouche bée devant un tel spectacle. Je finis par dire avec une gêne évidente :

"Excusez-moi, monsieur. Ce n'est pas très poli de dévisager les gens, mais j'ai été surprise."

Je rajustai mon capuchon pour dissimuler mon visage à d'éventuels badauds, juste au cas où un individu indésirable passerait par là.

"Excusez-moi, madame, je ne voulais pas vous heurter. Je ne vous avais pas vue." me répondit l'homme avec un coup d'œil curieux.

Aussitôt, il ferma son sac comme pour cacher ce qu'il y avait dedans. Je n'avais pas vraiment envie de savoir ce qu'il contenait car dans cette partie de la ville, il valait mieux en savoir moins que trop.

"Pardonnez mon indiscrétion, mais que fait une jeune femme seule dans cette partie de la ville ?"

J'esquissai un sourire en levant les yeux vers mon interlocuteur. Il semblait d'avantage intrigué qu'autre chose, aussi répondis-je d'une voix amusée :

"Honnêtement ou prétendument ?"

Lui comme moi n'avions probablement pas très envie de donner les véritables raisons de notre présence dans les environs. Une mission pour le ministère était supposée rester plus ou moins secrète, aussi mentis-je avec aplomb, sans quitter mon petit sourire :

"Nous dirons que je fais du tourisme. Et vous-même ?"

Un groupe de sorciers encapuchonnés passa près de nous et je tendis l'oreille, essayant de capter la teneur de leur conversation. Parfois, je tombais sur des contrevenants car ils étaient trop bavards. Toujours laisser traîner une oreille attentive me permettait bien des trouvailles... Sans compter que j'indiquais parfois des pistes à certains de mes collègues du service auror. Pour le coup, cette conversation-là pouvait les intéresser. J'écoutais simplement le strict nécessaire, l'air de rien, puis jetai un sortilège mineur sur une invention de mon cousin George, la "mouche-traçeuse". Celle-ci alla se ficher dans la chaussure de l'un des bavards et je pus m'intéresser de nouveau à mon interlocuteur.

"Honnêtement ou prétendument ?"

La question ne se posait pas dans les Embrumes où rien n'est vrai et tout est permis. D'ailleurs, étant donné que bien peu d'honnêteté pouvait être trouvée dans ces ruelles, la première réponse serait un mensonge. Un de plus.

"Nous dirons que je fais du tourisme. Et vous-même ?"

Au moins, elle avait l'honnêteté d'avouer ne pas être honnête dans sa réponse. Ce que je faisais ici ? Je n'avais en fait pas de raison de mentir ou de me cacher, ni légalement, ni par crainte des oreilles des autres. Toutefois, je choisis de jouer le jeu :

"Eh bien, nous dirons que je rendais visite à un ami d'enfance.

Je pense que d'avouer la contenu de mon sac, qui aurait été suffisant pour empoisonner la moitié de la ville et en faire exploser l'autre moitié, n'était pas forcément le plus délicat ni le plus adapté pour une discussion polie avec une inconnue. Quoique ?

"Accepteriez-vous que je vous serve de guide ? Je connais assez le quartier et un peu de compagnie ne peut faire de mal à aucun de nous deux, je pense.

Je lui fit signe de la main, l'invitant à passer devant moi, et m'apprêtais à lui emboîter le pas. En effet, dans les Embrumes, la menace vient de partout, autant qu'elle vienne de derrière moi, ce serait bien plus sûr. Enfin, pour elle, pas pour de potentiels agresseurs.

Ma réponse sembla l'inspirer puisqu'il utilisa le même genre de cabriole pour esquiver ma question :

"Eh bien, nous dirons que je rendais visite à un ami d'enfance.


Un tel commentaire me fit sourire, car il ne cherchait pas à percer mes secrets. Ce qu'aurait fait toute personne réellement mal intentionnée à mon égard. Je me détendis donc légèrement (autant que l'endroit me le permettait, en tout cas). Il continua ensuite la conversation comme si de rien n'était :

"Accepteriez-vous que je vous serve de guide ? Je connais assez le quartier et un peu de compagnie ne peut faire de mal à aucun de nous deux, je pense.


Je restai un instant silencieuse alors qu'il m'invitait à le précéder d'un signe de la main. Je ne me fis pas trop prier car en effet ma présence dans cette partie de la ville, seule et manifestement sans défense, était plus que risquée. Le fait que j'étais parfaitement capable de me défendre seule (et de trancher quelques jarrets au besoin) n'était pas de notoriété publique par ici. Et heureusement, dans un sens ! Je pouvais donc investiguer plus ou moins en paix. Jusqu'ici, j'avais seulement utilisé ma magie pour me défendre dans l'Allée et n'avais pas encore eu à faire usage de mes talents cachés. Une présence masculine éviterait probablement toute tentative indésirable de la part de la "faune locale". Je répondis donc avec un léger sourire :

"Ce serait avec un grand plaisir, monsieur..."

La base de toute conversation plus ou moins civilisée étant de se présenter de façon à faciliter le contact. Pour initier la démarche j'ajoutai avant qu'il ait eu le temps de répondre :

"Je m'appelle Lizzie. Et vous même ?"

Livrer mon nom complet était bien entendu hors de question, mais au moins ce serait plus agréable avec un surnom.

"Enchanté Lizzie. Vous pouvez m'appeler Wallace."

Wallace... Cela me fit penser à mon supérieur au ministère, engendrant un petit sourire. L'imaginer muni d'un tel membre de synthèse avait de quoi vous faire rire, sans aucun doute. Il avait beau avoir une forme animagique d'ours, sous sa forme humaine, il restait toujours un bon vieux monsieur grisonnant. Et ce Wallace-là n'avait rigoureusement rien à voir avec lui !

Le dénommé Wallace m'emboîta donc le pas tandis que nous avancions dans la ruelle. Alors que nous nous approchions de Barjow et Beurk, il décida subitement de changer de direction.

"Que diriez-vous que nous allions à gauche ? Je me suis laissé dire par un ami qu'un objet d'art s'y trouverait, mais je ne sais duquel il s'agit. Nous pourrions le découvrir ensembles ?"

Je n'avais pas d'itinéraire précis en tête aussi me contentais-je d'accepter d'un hochement de tête, pénétrant dans la petite rue perpendiculaire. Je me demandais bien quel genre "d'objet d'art" pourrait se trouver par ici. Mis à part une sculpture faite d'ossements ou d'objets volés, pensais-je intérieurement. Je commentais avec amusement :

"Me voilà vraiment en train de faire du tourisme, finalement."

Situation ironique s'il en est ! Alors que nous débouchions sur une petite place sombre et franchement pas rassurante. Des maisons bancales aux murs délavés et abîmés l'encerclaient, comme autant de monstres géants prêts à vous sauter dessus. Bien qu'e je sois accompagnée, j'étais curieusement mal à l'aise. Cette partie du chemin de traverse ne me rassurait pas du tout... Au centre de la place se trouvait...

Au beau milieu de la place, devant l'affreuse "œuvre d'art", se trouvaient trois individus qui, baguette en l'air, semblaient s'amuser à brûler l'objet. Que je pense ou non que cette chose était laide était une chose, mais qu'ils la détruisent, cela me dérangeait. peu importe notre opinion sur une chose, nous n'avons aucun droit d'abîmer ce que d'aucuns estiment comme de l'art, n'Est-ce pas ? Cela dit, je n'étais pas vraiment là pour ça, aussi me fis-je violence pour ne pas intervenir.

"Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vous propose que nous avancions prudemment. Ces hommes m'ont l'air plus qu'aimables et je ne voudrais pas les déranger."

Aimables ? Charmante ironie. En effet, il valait mieux avancer avec prudence, pour éviter qu'il ne leur prenne l'envie de nous faire subir le même sort qu'à la statue. Je ne m'inquiétais pas vraiment au sujet de nos chances de victoires en cas d'affrontement, mais simplement pour mon anonymat. Ledit Wallace semblait suffisamment costaud pour s'en sortir tout seul au besoin. Quant à moi, je savais parfaitement me défendre, merci bien. Avec des petits traînards des rues, je n'aurais même pas besoin de me transformer. Je remontais ma capuche un peu plus loin afin de dissimuler complètement mon visage et remerciai ma bonne étoile de n'avoir pas mis de chaussures à talons ce matin. Ce genre de types s'en prenaient plus volontiers à une femme qu'à un homme grand et costaud comme Wallace...

"Il vaudrait mieux, en effet..."

Mais je n'étais pas bien grande non plus, même pour une femme. Malgré que mon visage soit caché, je ne devais pas être inquiétante le moins du monde. Je pouvais avoir l'air d'un grand enfant, tout au plus. Bien que j'aie déjà rencontré quelques personnes petites mais sacrément teigneuse, la plupart des gens avaient de sacrés préjugés au sujet de la taille. J'espérais seulement que ce n'était pas le cas de ces trois loustics-là... Je m'écartais donc légèrement afin de longer le bord de la place, tentant d'éviter toute confrontation.

Nos trois amis de la place s’amusaient avec leurs baguettes et s'en donnaient vraiment à cœur joie. Plus nous nous approchions Lizzie et moi, et plus nous pouvions remarquer leur apparente rancœur envers cette statue, mais surtout... non, ils n'avaient pas osé...

"Il vaudrait mieux, en effet..."

Le dispositif posé aux pieds de la statue me semblait bien trop cliquetant et fumant pour être une simple décoration ou un amusement. Ou peut-être un amusement pour un amateur de pyrotechnie. Dans un coin comme celui-ci, un tel dispositif serait probablement très "amusant" pour beaucoup de monde et pendant très longtemps : les pompiers, les infirmiers et les maçons auraient du travail pour quelques années. Définitivement, il faut que j'arrête l'ironie des fois...
Je me penchais légèrement vers Lizzie et lui confiais à voix basse mes suspicions concernant nos chers vandales de la place.

"Mademoiselle, j'ai changé d'avis. Si ce que je vois devant eux est bien ce que je pense, je préférerai autant rester là encore un peu."

Histoire d'être un peu plus spécifique, je portais un regard appuyé vers le suspect et potentiellement dangereux paquet et poussais légèrement la jeune fille vers l'autre côté de la place.

"Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aimerais autant vous savoir en dehors de tout ce qui pourrait se passer ici, ce serait dommage que vous ayez des problèmes à cause d'une erreur de ma part. Toutefois, je me trompe rarement en ce qui concerne ce genre de choses."

Repérant notre petit manège, l'un des trois compères se tourna vers nous et nous porta un regard noir. J'espérais juste qu'il ne serait pas assez stupide pour tirer sur un black et un amas de tissu.

"Mademoiselle, j'ai changé d'avis. Si ce que je vois devant eux est bien ce que je pense, je préférerai autant rester là encore un peu."

Je jetai un œil intrigué à ce qu'ils étaient en train de fabriquer, mais à dire la vérité, je ne savais pas de quoi il pouvait bien s'agir. Je n'étais pas artificière, moi. Mais bon, s'il me disait que ces trucs étaient dangereux, je voulais bien le croire. Et il en avait l'air convaincu puisqu'il m'écarta vers l'autre côté de la place. Ce n'étaient pas des explosifs quand même ?

"Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aimerais autant vous savoir en dehors de tout ce qui pourrait se passer ici, ce serait dommage que vous ayez des problèmes à cause d'une erreur de ma part. Toutefois, je me trompe rarement en ce qui concerne ce genre de choses."

Aïe. C'était donc bien quelque chose qui risquait de faire "boum". De façon générale, je n'aimais pas trop les choses en question, qui avaient tendance à mal tourner. Je tenais un peu plus à ma peau que ça quand même... Alors que je m'écartais prudemment, l'un des trois individus s'aperçut de la manœuvre et tourna vers nous un regard noir. Serait-il assez téméraire pour s'en prendre à nous ? Je ne devais pas avoir l'air bien effrayante mais ledit Wallace, lui, il en imposait. Juste au cas où, je glissai la main dans mon dos, saisissant ma baguette. J'espérais ne pas avoir à m'en servir, mais il valait mieux être prête à toute éventualité.

"Qu'Est-ce que vous regardez là ?!" S'exclama l'homme d'une voix rocailleuse.

Je préférai rester silencieuse afin de ne pas leur donner le moindre indice sur mon identité. Les femmes, ça ne fait pas peur voyez-vous ? Et d'ailleurs il ne semblait pas non plus intimidé par Wallace, car il s'avança vers nous d'un air menaçant. Avant qu'il n'ait franchi ce que je qualifierai de "la limite de sécurité", je lui jetai un sort d'égarement informulé. Ce petit sortilège était bien pratique dans ce genre de situation et l'homme nous regarda avec des yeux hagards, complètement perdu. Je jetai un œil à Wallace pour savoir ce qu'il voulait faire, parce que s'il avait l'intention d'agir, il faudrait que ça soit avant que le type reprenne ses esprits. Et avec un sortilège aussi discret, il n'y en aurait pour guère plus de dix minutes.

Un des hommes avait hélas porté son attention sur nous. Il l'avait toutefois rapidement regretté. En effet, bien que ses intentions aient été claires et son attitude bien trop menaçante, il n'avait pas résisté à l'envie soudaine qu'il avait eu d'oublier totalement ce pourquoi il existait. Et même un peu comment exister d'ailleurs. Quoi qu'il en soit, cela en faisait certes un de moins, mais toujours deux autres à neutraliser. Et probablement pas longtemps pour le faire. Quelle stratégie adopter alors ? Je murmurais à l'oreille de Lizzie :

"Vous sauriez rendre celui-là totalement inoffensif pendant quelques heures ?"

Ne lui laissant pas vraiment le temps de me répondre, et pendant qu'elle réfléchissait à une solution, je me dirigeai d'un pas assuré vers la statue, affichant aux yeux de tous une ferme intention de me joindre aux deux autres. Je sortis ma baguette et des flammes commencèrent à en jaillir, aspergeant la pauvre statue déjà bien moche depuis longtemps, voir depuis sa création.

"Vous ne m'en voulez pas si je me joins à vous, mais je n'aime pas vraiment la sculpture..."

Mon ton de voix était légèrement trop sarcastique pour être totalement convaincant, mais j'espérais que les deux malfrats ne m'en tiendraient pas rigueur. Dans tout les cas, j'étais à portée de leur dispositif suspect et pouvait fort bien les empêcher d'en approcher... si tant est qu'ils aient besoin de le faire...

Pendant que leur camarade partait vers allez savoir où les deux autres continuaient leur affaire. De deux chose l'une : soit ils s'était seulement rassemblés pour abîmer cette statue et se fichaient donc bien de ce qu'il faisait, soit ils ne tarderaient pas à s'apercevoir que quelque chose clochait. Enfin, moi, si quelqu'un avec qui j'étais en train de faire une activité plus ou moins illicite s'en allait comme ça, je me demanderais ce qu'il se passait. Après, je ne pouvais pas deviner ce qu'il se passait dans leur têtes. Le fait que l'esprit de leur ami batte actuellement la campagne ne leur faisait ni chaud ni froid... A ce moment, Wallace murmura à mon oreille :

"Vous sauriez rendre celui-là totalement inoffensif pendant quelques heures ?"


Il était déjà bien entamé... Je n'avais donc pas grand-chose à faire. Mais je pouvais toujours donner un coup de main avec l'un des deux autres. A cette idée un large sourire naquit sur mes lèvres. Abandonnant ma première victime qui s'était assise sur le trottoir et engageait la conversation avec une boîte aux lettres, je m'avançai légèrement pour être à portée.

"Vous ne m'en voulez pas si je me joins à vous, mais je n'aime pas vraiment la sculpture..." commença Wallace en s'approchant des deux loustics.


Fiers de leur œuvre, ils étaient suffisamment concentrés sur lui pour se désintéresser totalement de moi. J'en profitai pour entamer une formule à voix basse, accompagnée des mouvements de baguette appropriés sous ma cape. Quelques secondes plus tard, l'un des deux compères disparaissait. Enfin, il ne s'était pas vraiment évaporé, mais il avait été transformé. J'adorais vraiment la métamorphose, il n'y avait pas à dire : c'était tellement distrayant ! Ca pompait un peu mon énergie mais pas suffisamment pour m'inquiéter. J'étouffai un petit rire lorsque l'ancien voyou, changé en petit écureuil tout mignon, fit quelques petits sauts sur le pavé. Franchement, il était bien plus beau comme ça !

Les malfrats étaient apparemment tombés sur plus doué qu'eux... et leur esprit de groupe était réellement l'un des plus développés que j'ai jamais vu. Enfin, remarquez, vu leur aspect patibulaire, il n'est guère étonnant qu'ils réussissent à se détester même entre eux. Après tout, ils avaient déjà probablement prévu de se séparer et de ne plus jamais se reparler après ce coup ci, nous ne faisions qu'accélérer un processus inévitable de haine et d'oubli dans l'esprit de ces brigands par très futés.

Ah, je retire ce que j'ai dit, le dernier des trois compères a enfin remarqué lui aussi notre présence, mais surtout l'absence d'alliés de son côté. Enfin, bien sûr, il y a toujours le légume mobile qui traîne du côté de Lizzie, mais lui il ne compte pas et ça se voit : il compte les papillons et réussit à rater.

Le dernier se tourne donc vers moi, oubliant totalement la présence de mon alliée au fond de la place.

"C'est toi qu'à fait ça à Grigory ? Et il est ou Dan' ?"

Bien évidemment une série de question auxquels je ne pouvais répondre... Enfin, techniquement si, mais là je n'en avais pas vraiment envie. Je me contentais de me tourner vers lui , gardant bien la moitié de mon corps derrière la statue, et de lui répondre :

"Tu veux vraiment savoir si c'est moi ? Parce que je peux te montrer."

N'ayant pas l'air convaincu par l'idée que je le rende complètement débile, ou que je le fasse disparaître de façon non-identifiée, il se contenta de pointer sa baguette vers moi et de tenter de me "stupefixer". Au moment ou son projectile toucha la statue, je pointais à mon tour ma baguette vers lui et criais "Expelliarmus !". Sa baguette vola directement aux pieds de Lizzie.

L'imbécile restant finit par s'apercevoir que quelque chose clochait. Bien. Enfin, près de dix minutes trop tard, ce qui dénote d'un niveau intellectuel à peine plus élevé que celui de l'huître près de moi. Enfin, l'huître humaine, parce qu'il n'était guère plus que cela à l'heure actuelle. Aussi bête que ses compères, il commença à s'en prendre à Wallace d'un ton particulièrement agressif.

"C'est toi qu'à fait ça à Grigory ? Et il est ou Dan' ?"

Ah, où était le fameux Dan' ? Bonne question. Parti chercher des noisettes, très probablement. Et il en avait pour un moment, à cette période de l'année. J'esquissai un sourire amusé à cette idée, qui ne fit que s'élargir lorsque Wallace répondit :

"Tu veux vraiment savoir si c'est moi ? Parce que je peux te montrer."

Crâneur. Je pouvais le montrer, moi. Et facilement. En plus je disposais de tout un tas de créatures amusantes en quoi le changer, s'il le souhaitait vraiment. Mais la tentative ridicule de stupéfixion du dernier membre du trio me fit carrément ricaner. Quel ratage ! S'il l'avait voulu, il ne serait pas passé aussi loin. Avait-il bu pour être aussi mauvais ? Ou bien il avait besoin de lunettes. Ou d'une cible rouge avec son adversaire marqué d'une croix en plein milieu ? Peut-être voulait-il également un panneau clignotant pour l'aider à repérer l'adversaire ?

"Expelliarmus !".

Et voilà comment on fait, songeai-je lorsque Wallace projeta la baguette du belligérant à mes pieds. Je la saisis d'un geste souple et la fis disparaître sous ma cape. J'espérais qu'il ne prenne pas le risque d'essayer de la reprendre. Parce qu'il risquait de finir changé en moule. Voilà une idée intéressante. Comme ça, il ferait la paire avec son camarade qui grattouillait le trottoir avec son auriculaire. Je regardai Wallace avec intérêt, curieuse de savoir ce qu'il ferait ensuite.

Je n'avais aucune raison de faire démonstration de tout mes talents ici et maintenant, surtout pas pour trois pauvres malfrats. Je décidais par conséquent de mettre le troisième hors d'état de nuire via la méthode classique.

"Je t'offre trois choix : soit tu réussis à t'occuper de moi sans baguette, soit tu t'enfuis, soit tu te rends. Par contre, je te préviens, je suis en forme aujourd'hui."

Bien évidemment, je ne m'attendais pas vraiment à ce qu'il ose attaquer, seul et désarmé. J'étais toutefois préparé à toutes les éventualités, ou presque. Ceci dit, notre ami resta classique dans sa réaction : il se retourna et se mit à courir sans demander son reste, et il avait vraiment envie d'être parti le plus vite possible.

"Mauvais choix. Wingardium leviosa !"

Ça faisait longtemps que je n'avais plus fait léviter quelqu'un au combat, d'habitude les sortilèges offensifs font un bien meilleur office. Toutefois, dans le cas présent, ça me semblait une idée intéressante d'accrocher le malfrat à la statue, histoire qu'il y attende un peu. D'ailleurs, une fois que sa ceinture fut bien attachée au plus haut de la statue, je me décidais à rajouter une touche finale à l'oeuvre d'art :

"Petrificus totalus."

Notre ami venait de gagner une patience infinie, et il avait à présent beaucoup de temps devant lui. Je m'approchais de Lizzie :

"Et voilà le dernier."

De toute évidence, nos capacités conjuguées avaient de quoi effrayer, car le troisième larron s'enfuit à toutes jambes comme s'il avait le diable à ses trousses. Ce que je pouvais aisément comprendre, en fait. Nous devions être réellement terrifiants... Enfin, Wallace devait l'être, tout du moins. Moi, je restais une petite forme sombre dans un coin de la place, aux pieds de laquelle une larve humaine se trémoussait comme si elle imitait un canard tout en chantant un refrain que je ne connaissais guère. Quelque chose qui parlait justement d'une danse des canards. Curieuse idée, si vous voulez mon avis.

"Mauvais choix. Wingardium leviosa !"

Ah, un peu vieux jeux mais néanmoins amusant. Je n'avais pas vu ce genre de formules dans un "combat" depuis des années, mais tout de même... Ca faisait son office. Ou en tout cas, ça faisait sourire, car je peux vous assurer que la vue de ce gorille en train de flotter dans les airs a un petit quelque chose d'hilarant. Lorsque l'individu fut soigneusement accroché en haut de la statue, Wallace ajouta :

"Petrificus totalus."

Voilà qui avait le mérite d'être définitif. Ou tout comme. Wallace s'approcha alors de moi en disant :

"Et voilà le dernier.
-Rien de bien difficile, commentai-je avec un léger sourire. Mais leur... Chose, là, en dessous. Qu'Est-ce que c'est ?"

En effet, il ne fallait pas oublier ce avec quoi ils se distrayaient à notre arrivée. Qui sait ce qui pouvait bien se trouver là !

"Si c'est quelque chose de dangereux, dites-le moi tout de suite, que je puisse appeler les renforts."

Je n'allais quand même pas laisser le quartier exploser par négligence. Ce n'était peut être pas mon secteur et je ne faisais pas partie de la brigade anti-magie (sans compter que je n'y connaissais rigoureusement rien en explosifs), mais j'avait tout de même des principes et des devoirs... Surtout que s'ils étaient réellement coupables de quelque chose, il serait judicieux de profiter de leurs relative inoffensivité pour les emmener au ministère. Juste au cas où il leur prenne l'envie de recommencer à jouer avec des produits nocifs.

"J'espère que vous vous y connaissez vraiment, parce que ce n'est pas mon cas" ajoutai-je en me grattant le menton, pensive.

Après tout, nous avions plus ou moins dissimulé nos identités respectives depuis le début. Le jeu des devinettes, c'était amusant jusqu'à ce que la personne dont vous ne saviez rien tienne un quelconque objet explosif entre ses mains. Là, c'est tout de suite bien moins drôle. Je ne savais pas vraiment à qui j'avais à faire, si ce n'est son prénom alors comprenez que je sois quelque peu anxieuse... Je n'avais guère envie de finir en chair à saucisses uniquement parce qu'un inconnu s'était surestimé. On ne sait jamais. Surtout que rencontrer quelqu'un dans l'allée des Embrumes, c'est déjà un départ plutôt moyen en soi...

"-Rien de bien difficile"

À la vérité, toute cette histoire m'avait paru un peu trop facile, mais bon... que dire ? Une bande de vandales brûlent un statue, on les arrête un peu trop facilement, et il reste toujours un problème non-résolu. Alors soit il s'agit réellement d'amateurs, soit il y a baleine sous gravillon.

"Mais leur... Chose, là, en dessous. Qu'est-ce que c'est ?"

Ça c'est une bonne question à laquelle il va falloir que je trouve une bonne réponse. J'avoue que je n'en avais aucune idée à ce moment là : ça aurait aussi bien pu être de la pâte d'amandes ou une bombe très puissante, je ne saurais pas tant que je n'aurais pas ouvert la-dite boite.

"Si c'est quelque chose de dangereux, dites-le moi tout de suite, que je puisse appeler les renforts."

Ben justement, j'allais vérifier ça avant que ça nous explose le quartier. Là tout de suite, je pouvais pas vraiment dire à quoi ça ressemblait, vu que ça ressemblait à... une boite ? En carton marron, ou en très mauvais bois, avec aucune décoration, aucun dessin et pas de pictogrammes de sécurité. Logique, si on veut être discret.

Je m'approchais de la boite pour l'ouvrir avec tout la délicatesse du monde, en découpant lentement les bords d'un coup d'index bien ajusté, et en les relevant précautionneusement.

"J'espère que vous vous y connaissez vraiment, parce que ce n'est pas mon cas"

Le contenu de la boite venait à peine de se dévoiler, et c'est maintenant qu'on remettait en doute mes compétences... après qu'il soit trop tard pour changer d'avis. Pas grave après tout, même si je n'y connaissais rien, il allait bien falloir que je me mette au boulot. Et avec délicatesse de préférence, puisqu'il faut que je ne fasse rien exploser.

"Eh bien, je ne sais pas trop, mais si je ne me trompe pas, ceci sont des morceaux de mèche noircies, et à l’odeur il y a du salpêtre dans le mélange.

Une odeur piquante et âcre s'élevait en effet de la boite pour agresser nos narines et jusqu'à nos bouches. Le salpêtre est l'ingrédient principal de la poudre noire, ainsi que d'un certain nombre de transformations alchimiques basiques dont les résultats ont tendance à exploser également. Impossible de savoir de quoi il s'agit exactement, mais il serait bon d'avoir de l'aide pour écarter le danger.

"Je pense qu'il est temps d'appeler des renforts. Je pourrais savoir de quoi il s'agit, mais il faut le déplacer jusqu'à mon matériel sans le faire exploser, et c'est probablement piégé."

Wallace commença à examiner la boîte d'un œil critique, tandis que je me demandais quelle conduite adopter. La chose avait beau avoir l'air inoffensive, je savais très bien qu'il ne fallait pas se fier aux apparences. Il finit par me dire :

"Eh bien, je ne sais pas trop, mais si je ne me trompe pas, ceci sont des morceaux de mèche noircies, et à l’odeur il y a du salpêtre dans le mélange.

D'accord. Mais, concrètement, pour la profane que je suis ? Parce que moi, salpêtre ou pas, ça ne me parlait pas du tout. Je n'y connaissais rigoureusement rien en explosifs et mes notes en potions s'étaient maintenues dans la moyenne de Serdaigle sans que j'essaye de trop me forcer. Ca ne m'intéressait pas. Et en plus, ça sentait mauvais. Sans compter que je n'avais jamais fait d'alchimie, un art trop sombre pour mes parents qui avaient refusé que je le prenne en option à Poudlard. Alors, là, j'étais un peu perdue.

"Je pense qu'il est temps d'appeler des renforts. Je pourrais savoir de quoi il s'agit, mais il faut le déplacer jusqu'à mon matériel sans le faire exploser, et c'est probablement piégé.
-D'accord. Bon, j'imagine que je n'ai plus le choix. Ce serait dommage de faire exploser le quartier bêtement."

J'invoquai mon patronus, un aigle de grande envergure. Il était suffisamment reconnaissable et connu dans les bureaux pour que sa simple présence suffise à rameuter les hommes nécessaires. Surtout que j'appelais rarement pour rien. et l'envoyai au ministère avec le message suivant :

"Dispositif à potentiel explosif repéré, chemin des embrumes. Envoyez la brigade concernée."

Court, simple, concis. Tout l'intérêt d'être plutôt haut placée dans ma hiérarchie était qu'on faisait tout simplement ce que je demandais, sans chercher à parlementer. Mon rapace battit des ailes avant de s'en aller remplir sa mission. Nous n'aurions pas à attendre longtemps et je n'avais pas besoin de laisser de signal quelconque pour qu'on nous retrouve facilement. J'étais équipée d'un système permettant de me suivre à la trace, comme toujours lorsque je patrouillais. Je rangeai ma baguette dans mon harnais spécial, relevant légèrement ma capuche en tendant la main à Wallace. Il était plus que temps d'être honnêtes...

"Je suis Alizea Prewett, Agent d'intervention du Ministère de la magie. Puisque nous en sommes là, je vais devoir vous demander de rester un peu plus longtemps, pour témoigner de ce qu'il vient de se passer. Puis-je vous demander votre nom complet, Wallace ?"

Question de procédure. Franchement pas amusant, mais ça n'était pas la mer à boire. Je n'avais pas mentionné mon service, car après tout ça n'était pas important. Et je répugnais à le mentionner dans cette ruelle mal famée.

"D'accord. Bon, j'imagine que je n'ai plus le choix. Ce serait dommage de faire exploser le quartier bêtement."

Voilà une réaction raisonnable. De toute façon, je n'aurais pas laissé cette chose exploser ici, quitte à sauter avec : j'ai l'habitude et encore un bras à perdre. Mais je m'éloigne du sujet : le dispositif devra être désamorcé et je ne sais toujours pas comment.

"Je suis Alizea Prewett, Agent d'intervention du Ministère de la magie. Puisque nous en sommes là, je vais devoir vous demander de rester un peu plus longtemps, pour témoigner de ce qu'il vient de se passer. Puis-je vous demander votre nom complet, Wallace ?"

Un agent du Ministère ? Ici et à cette heure ? Après tout, pourquoi pas... Ma plus grande crainte venait de se réaliser : je venais de m'enchevêtrer dans les méandres de l'administration. Rien de bien dangereux, me direz-vous, mais bien souvent une perte de temps infinie. Tâchons de faire bonne figure...

"Bien évidemment. Je m'appelle Wallace David Swörl, je suis professeur d'Alchimie à l'école de Sorcellerie Poudlard."

À vrai dire, j'avais un peu autre chose à faire que de répondre à des questions aussi bateau que celle-là... Si je ne me trompe pas c'est bien un explosif qui se trouve ici par terre et il me faut réfléchir à un moyen de le rendre inoffensif.

Je m'agenouillais devant la boite entre-ouverte et sortis ma baguette. Je n'étais pas un professionnel des explosifs, mais le meilleur moyen de les rendre moins dangereux c'est de les surveiller. Enfin, quand on a pas de matériel, en tout cas.

Manifestement, Wallace ne s'attendait pas à ce que je fasse partie du ministère. Son expression était suffisamment éloquente pour que je le comprennes... Il n'avait pas l'air choqué comme le sont ceux qui doivent se méfier des agents tels que moi, mais plutôt ennuyé. Sa grimace était assez comique et m'attira un petit sourire. Il tenta de faire bonne figure en répondant à ma question :

"Bien évidemment. Je m'appelle Wallace David Swörl, je suis professeur d'Alchimie à l'école de Sorcellerie Poudlard."

Oh, un professeur d'alchimie. Voilà donc une rencontre intéressante ! Cette matière était pour moi un mystère car je ne l'avais jamais étudiée. Pourtant, les méthodes et techniques qui y étaient liés semblaient suffisamment complexes pour titiller ma curiosité. Mais il serait toujours temps d'en parler plus tard : l'objet non identifié était toujours là et nous avions d'autres chats à fouetter.

Wallace s'agenouilla devant l'objet et sortit sa baguette. Il avait l'air de surveiller l'objet, mais je doutais qu'il soit temps pour réagir si la chose explosait vraiment. Je proposais donc :

"Il serait peut être plus sage de lancer un protego autour de l'objet en attendant, histoire de contenir un minimum l'explosion... Ca n'empêchera pas de faire un cratère, mais au moins ça limiterait les dégâts, si dégâts il y a."

Une chose remarquable au sujet du protego, c'est que ce sortilège est aussi bon pour empêcher les choses d'entrer que pour les empêcher de sortir... J'en faisais régulièrement usage dans les deux cas de figure alors j'étais bien placée pour en parler. Après tout, certains des objets dont je disposais pouvaient être dévastateurs si on ne les contenait pas avec ce genre de sortilèges boucliers. Les billes à incinération, pour ne mentionner que ça...

"A moins que ça puisse réagir à la magie ? Par exemple avec une sorte de déclencheur magique qui se débloque au contact d'un sortilège quelconque ?"

Auquel cas, lancer un protego ferait tout exploser. Pas super. Je n'avais aucune idée de la façon dont il fallait gérer la situation... Les explosifs, ce n'est pas vraiment mon domaine...

La jeune femme à mes côtés était sans aucun doute intelligente, aussi ne devais-je pas la prendre pour stupide. Je n'avais aucune idée de ce que renfermait ce paquet. Tout ce que je savais était qu'il contenant un grand potentiel de destruction de par les composés qu'il renferme : du soufre, un peu de salpêtre, vu les traces noires probablement du charbon, il y a aussi de l'huile et de l'alcool. En soi, rien dans ce paquet n'est dangereux seul, mais il est suspect de retrouver tout cela dans un seul paquet. Donc, soit nos amis sont juste des vandales imprudents qui reviennent de course, soit ils ont prévu de faire exploser quelque chose. Et comme il vaut mieux prévenir que guérir... je considérais que ceci était une bombe.

"Il serait peut être plus sage de lancer un protego autour de l'objet en attendant, histoire de contenir un minimum l'explosion... Ca n'empêchera pas de faire un cratère, mais au moins ça limiterait les dégâts, si dégâts il y a."

Je n'avais pas pensé à cette idée tout de suite, mais en y réfléchissant, cela ne pouvait être qu'une solution de secours : jamais une telle bombe ne serait aussi facile à désamorcer dans un monde de sorcier... les moldus pourraient faire quelque chose dans ce genre, parce que leurs bombes sont simples et leurs moyens de les désarmer aussi. Les sorciers en revanches sont bien plus sadiques et ont tendance à mettre des protections en tout genre sur tout ce qu'ils considèrent comme important. Ce qui n'est pas une mauvaise idée dans le cas d'un coffre de banque, mais devient une très mauvaise chose si on est devant une bombe.

"A moins que ça puisse réagir à la magie ? Par exemple avec une sorte de déclencheur magique qui se débloque au contact d'un sortilège quelconque ?"

Qu'est-ce que je disais ? Intelligente jeune femme. Elle avait déjà pensé à ce dont j'allais lui faire part concernant le sortilège de protego. Il ne restait maintenant plus qu'une seule chose à dire : le plan au cas où ça tournerait mal.

"Vous avez en effet raison, ça pourrait exploser au contact de la magie, tout comme ça pourrait exploser dès maintenant. Ce que je vais faire est donc très risqué : si je sens que le paquet commence à exploser, je vais transplaner avec lui jusqu'à un petit coin tranquille dans le Nord du Pays de Galle, où rien ne risque d'être brûlé."

J'essayais d'avoir un ton de voix très assuré, mais il n'est jamais facile de se dire qu'on risque de devoir se faire exploser pour sauver la ville... encore moins de le dire à quelqu'un d'autre.

De toute évidence, Wallace avait suivi le même cheminement de pensée que moi, car il ne me contredit pas. Il avait l'air songeur, surtout. Il finit par répondre :

"Vous avez en effet raison, ça pourrait exploser au contact de la magie, tout comme ça pourrait exploser dès maintenant."

Très juste. Nous étions dans de beaux draps, de toute manière. Enfin, peut-être aurions-nous un peu de chance : l'objet en question n'était peut être pas une bombe. On ne sait jamais. Les individus avec lesquels il se trouvait jusque là ne m'avaient pas l'air bien malins, mais... Comment en être sûrs ? En attendant les démineurs magiques, nous étions livrés à nous mêmes... Une fois de plus, Wallace suivait le même raisonnement :

"Ce que je vais faire est donc très risqué : si je sens que le paquet commence à exploser, je vais transplaner avec lui jusqu'à un petit coin tranquille dans le Nord du Pays de Galle, où rien ne risque d'être brûlé."

Je fronçai les sourcils, perplexe. Comptait-il réellement se faire exploser avec le paquet ? Idée... Saugrenue. Tenait-il si peu à son existence ? Je le scrutai du regard, intensément. Sa voix m'avait semblé assurée, mais son regard l'était beaucoup moins. Heureusement, dans un sens. Il n'était pas totalement dépourvu de tout sens de survie. Cela dit, il était évidemment hors de question que je le laisse faire une telle bêtise.

"Les démineurs ne sauraient tarder, fis-je donc remarquer d'une voix tendue. Il serait plus raisonnable de les attendre avant de faire quoi que ce soit... Parce qu'il est bien possible que, dans l'hypothèse où vous transplaneriez avec la boîte, celle-ci n'explose aussitôt. Si vraiment elle se déclenche par la magie, vous risqueriez de précipiter le processus... Il est très noble de faire une telle proposition, mais c'est le genre de choses qui a tendances à finir dans les larmes... J'aimerais mieux éviter cela, voyez-vous ?"

J'avais beau ne pas bien le connaître et l'avoir très récemment rencontré, Wallace me paraissait sympathique et par conséquent j'espérais que nous pourrions nous sortir de cette histoire vivants. Tous les deux, de préférence. J'ajoutai en esquissant un léger sourire :

"Je vous avoue que je préférerais vous garder entier, monsieur Swörl. D'autant que la matière que vous enseignez m'a l'air passionnante et que j'aimerais pouvoir en discuter autour d'un café... Une fois que toute cette histoire sera finie. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, bien entendu."

Tout en parlant, je ne cessai de surveiller la boîte du coin de l'œil en priant Merlin pour que les services que j'avais contactés arrivent vite. J'étais d'avis que ce genre de brigades (qui restaient confinées au ministère bien trop souvent à mon goût) étaient composées d'agents peu soucieux de ce qu'il se passait au dehors tant que cela n'affectait pas leurs petites personnes. Ou que la bombe dont on leur parlait n'était pas située à deux pas du logement du ministre de la magie... Si j'en avais fait partie, je pense que j'aurais plutôt été du genre à rappliquer en vitesse. Un accident est si vite arrivé ! Mais eux, je les avais déjà vus prendre le temps de finir leur dîner avant de rejoindre les lieux d'une intervention... Bande de fumistes !

Un rapide coup d'œil en direction d'un clocher avoisinant m'indiqua qu'il n'était pas l'heure d'un quelconque repas. A moins qu'ils ne soient en pause-café, ils devraient bien finir par montrer le bout de leur nez...

J'étais toujours agenouillé devant le paquet suspect, ma baguette sortie, Je n'avais pas vraiment pensé à tout les détails quand j'avais échafaudé mon plan, comme me le confirmait ma partenaire improvisée.

"Les démineurs ne sauraient tarder. Il serait plus raisonnable de les attendre avant de faire quoi que ce soit... Parce qu'il est bien possible que, dans l'hypothèse où vous transplaneriez avec la boîte, celle-ci n'explose aussitôt. Si vraiment elle se déclenche par la magie, vous risqueriez de précipiter le processus... Il est très noble de faire une telle proposition, mais c'est le genre de choses qui a tendances à finir dans les larmes... J'aimerais mieux éviter cela, voyez-vous ?"

Sa voix était tendue. Pour quelle raison ? Pas vraiment besoin de l'expliquer... elle risquait un peu sa vie aussi, en restant à côté de moi, et surtout de la bombe. Y avait-il autre chose ? Pas très concentré sur la psychologie de Lizzie, je ne m'attardais pas sur tout les détails. À vrai dire, je voyais la paquet plus statique que jamais et cela me troublait un peu.

"Je vous avoue que je préférerais vous garder entier, monsieur Swörl. D'autant que la matière que vous enseignez m'a l'air passionnante et que j'aimerais pouvoir en discuter autour d'un café... Une fois que toute cette histoire sera finie. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, bien entendu."

Son intérêt pour moi et ma matière dans la situation présente me surprit quelque peu, autant que son honnêteté dans une telle situation. À vrai dire, dans l'immédiat, je n'avais pas vraiment la tête à ça, aussi répondis-je un peu stressé :

"Je pense que j'en aurai besoin après ce qui se passe ici. Je serai ravi de vous accompagner, une fois que cette histoire sera finie. Toutefois, dans l'immédiat, j'aimerais beaucoup savoir où sont vos collègues du Ministère, si vous n'y voyez pas d'inconvénient."

J'espérais vraiment que l'équipe de déminage arrive très vite, mais je le sentais : cette affaire était sans doute une grosse blague : le paquet était bien trop inerte pour être explosif de lui-même.

"Je pense que j'en aurai besoin après ce qui se passe ici. Je serai ravi de vous accompagner, une fois que cette histoire sera finie. Toutefois, dans l'immédiat, j'aimerais beaucoup savoir où sont vos collègues du Ministère, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
-Je m'en doute... Et je vous avoue que ça commence à m'inquiéter également..."

Ils étaient tellement longs ! Je soupirai e me frottant les tempes du bout des doigts. Que faire ? Se décider à agir ? Juste rester là ? Evacuer la zone ? Par Merlin, je détestais ne pas savoir quoi faire... Première chose que je ferais en rentrant au ministère : me renseigner sur la procédure appropriée à ce genre de situations.

J'en étais là de mes réflexions lorsqu'enfin (oui, ENFIN !) l'équipe de déminage du ministère pointa le bout de son nez. Trois hommes en uniformes, marchant avec une lenteur exaspérante et riant aux éclats d'une quelconque blague. J'exhalai un soupir de soulagement et m'exclamai :

"Eh bien, vous aurez mis le temps !
-Désolé m'dame mais cette intervention n'était pas prioritaire, répondit l'un d'eux avec nonchalance.
-Oh, forcément. J'imagine que votre café aurait pu refroidir. Je peux vous promettre que vous entendrez parler du pays avec mon rapport d'aujourd'hui. Envoyez au moins quelqu'un vérifier ce qu'il se passe avant de décider si une chose est prioritaire ou non !"

J'étais assez en colère de leur manque de bonne volonté. Des vies auraient pu être en jeu ! Surtout qu'en l'occurrence ils s'adressaient à quelqu'un de plus haut placé qu'eux  dans la hiérarchie et que j'avais pas mal de leurs supérieurs directs dans mes petits papiers... En particulier mon propre père, qui était sous-directeur du service des accidents et catastrophes magiques... Dont dépendait la brigade. A la mention de mon rapport, l'homme sembla réaliser qu'il n'avait pas vraiment adopté la bonne attitude envers moi. Il envoya aussitôt ses deux collègues s'occuper du carton et nous fis évacuer la zone. Il nous emmena, Wallace et moi, à une dizaine de mètres de là, juste après la limite d'un cercle magique que l'un d'eux traçait avec sa baguette. Un périmètre de protection, très certainement. Tandis que les deux autres travaillait, celui à qui j'avais parlé essayait de rattraper sa bourde :

"C'est bien inutile de faire un rapport pour ça, madame. Je vous assure que nous avons les choses bien en main et qu'il n'y avait pas grand chose à craindre...
-Ah oui ? Intéressant. Et si cet objet était réellement une bombe et qu'il nous avait explosé au visage pendant que vous traînassiez ? Qu'auriez-vous fait, alors ? "

Alors qu'il essayait de se justifier en vain, je finis par l'ignorer résoluement. L'un de ses collègues étaient en train de vider la boîte, qui contenait en effet des éléments explosifs... Pas encore assemblés. Tant mieux pour nous. Je me tournai alors vers Wallace :

"Si vous êtes toujours intéressé, ma proposition tient toujours" signalai-je en parlant du café que j'avais proposé un peu plus tôt.