J'avais passé la nuit dans ce bar, mais pour une fois que je n'avais pas eu besoin de boire pour me plonger dans mes problèmes personnelles. En effet, j'étais tellement préoccupé que je n'avais pas touché à la seule pinte de bière au beurre que j'avais commandé ; maintenant que je prenais une gorgée je constatais qu'elle était chaude et n'avait presque plus de bulle. Toute la nuit j'avais pensé à ce que je pouvais bien faire de ma vie à part me battre et jouir du plaisir charnelle, j'en avais conclu qu'il fallait que je sorte et me fasse au moins des connaissances, ça avait bien marché jusque là il fallait donc que je continue. J'engloutis le contenue de ma chope et partis dehors.

A en juger par la hauteur du soleil il devait être dans les alentours de midi, le vent était tombé et le ciel dégagé, il faisait presque chaud pour la saison. Néanmoins je n'enlevais pas mon manteau car l'humidité contre les batîments et la neige sur le sol étaient toujours présentes. Si je voulais trouver du monde à rencontrer il fallait que j'aille dans l'allée principale et non dans les ruelles malfamées, je déboulais donc dans le Chemin de Traverse.

La rue était bondée comme à son habitude même si elle l'était encore plus car les écoliers étaient encore en vacances, enfin il me semblait que c'était le cas comme j'en apercevais quelques-uns. Je me trompais peut être car on pouvait très bien être le week-end, ces derniers temps, je n'avais plus que le soleil comme notion du temps. Perdu dans mes pensées incohérentes, je rentrais de plein fouet dans une personne. Je reculais de quelques pas et inspectais la charmante demoiselle qui s'offrait à moi, elle faisait un tête de moins que moi et était très charmante, une grande chevelure flamboyante entourait son visage et ses yeux bleux ressortaient comme ceux d'une lapine cachée dans un buisson. Sans plus attendre, je lui présentais mes excuses avec une voix des plus agréable :

Excusez moi, j'avais l'esprit ailleurs. Je marquais un temps de pose. Que diriez vous que je vous offre un verre pour me faire pardonner ? Ou préfériez vous un repas ? Il me semble que c'est une bonne heure pour déjeuner.

Je lui dévoilais un de mes sourires les plus charmants, ces petits jeux m'amusaient de plus en plus et cela devenait même une habitude de rentrer dans les gens mais je ne le faisais jamais exprès. Un jour peut être que je foncerais dans une personne importante qui me causera beaucoup de problèmes, mais les personnes de ce rang ne s'amusaient pas à se trimballer au beau milieu des rues comblées. J'espèrais tout de même qu'elle accepetera ma proposition.

HRP:

Cela faisait plusieurs jours que je restais cloîtrée dans mon bureau au ministère à remplir de la paperasse. En voyant ma mine abattue le matin même, le directeur du service m'avait gentiment demandé de passer mon après midi dehors pour me reposer et prendre l'air. Et sans aucune poursuite, avait-il bien précisé. C'est pourquoi je me retrouvais sur le chemin de traverse vers midi.

Le rue était surpeuplée, des sorciers et des écoliers courraient en tous sens dans un incroyable brouhaha. D'une certaine façon, cela me faisait du bien de me mêler un peu au monde. Je fermais les yeux pour apprécier la douceur de l'air citadin alors qu'un doux rayon de soleil caressait mon visage. J'aurais aimé rencontrer quelqu'un de nouveau. Autre qu'un enfant, si possible. Ou qu'une personne liée à mon travail. Ces derniers temps, à part les élèves de poudlard, mes collègues et les hors la loi que je poursuivait, je n'avais vu personne de bien intéressant... Je soupirai, les yeux toujours clos pour profiter de cet instant de tranquillité.

Soudain, quelqu'un me percuta de plein fouet, me faisant rouvrir les paupières brutalement. Devant moi se trouvait un homme plutôt grand, à mes yeux en tout cas. Et beau avec ça. Il recula de quelques pas pour m'examiner avant de me décocher un sourire charmeur en s'excusant :

Excusez moi, j'avais l'esprit ailleurs. Il marqua un temps de pause. Que diriez vous que je vous offre un verre pour me faire pardonner ? Ou préfériez vous un repas ? Il me semble que c'est une bonne heure pour déjeuner.

Son timbre était grave, profond et me fit frissonner. Je manquais vraiment de relations sociales pour réagir de la sorte à un parfait inconnu. D'autant qu'il avait l'air plutôt sur de lui, dans le genre... Prédateur. C'était assez curieux en soi. Non pas que je ne me fasses jamais remarquer par les hommes, bien au contraire. Mais celui-ci avait quelque chose de différent qui me poussa à réfléchir sérieusement à sa proposition. D'ordinaire, je l'aurais repoussé tout net et j'aurais poursuivi ma route. Mais la... Il dégageait une aura qui me plaisait. Quelque chose d'un peu animal, sauvage. Et puis, il était bien loin d'être repoussant. C'était une occasion pour moi de finalement rencontrer quelqu'un qui pourrait être intéressant. En tout cas, il attirait ma curiosité. C'est pourquoi je répondis avec un léger sourire:

"Je n'ai pas encore eu le temps de déjeuner, alors oui, si vous le souhaitez."

Je m'étonnais moi même de ma réponse, étant d'un naturel plutôt timide et réservé. Cela dit, une phrase de ma cousine Ginny dans sa dernière lettre me revint en mémoire: "Profite de ta vie, vis la a fond pour tous ceux qui n'en auront pas la chance". Je n'avais pas vraiment suivi ce principe jusque-là mais peut être était ce l'occasion de commencer... A cette idée, je rougis légèrement et enfouis le menton dans le col de mon manteau noir, osant à peine regarder cet inconnu dont j'avais accepté la proposition. Je fermais les yeux un instant pour reprendre une contenance et ajoutait d'une voix mal assurée :

"Avez vous un endroit où vous souhaiteriez aller en particulier ?"

HRP:

"Je n'ai pas encore eu le temps de déjeuner, alors oui, si vous le souhaitez."

Elle me répondit avec un charmant sourire, donc je ne pouvais que sourire en retour. Je me demandais à quoi elle pouvait bien penser, un inconnu qui lui rentre dedans et lui paye un dîner, c'est peu banale comme situation. Heureusement que j'avais des économies sinon je ne pourrais pas m'offrir d'aussi galants rendez-vous.

"Avez vous un endroit où vous souhaiteriez aller en particulier ?"

Sa voix était presque tremblante, je lui faisais peur ? Peut être était-ce simplement de l'intimidation, après tout, il y a de quoi être timide quand on se retrouvait face à un sorcier qui n'avait pas le profil type. C'était vrai que la majorité des sorciers ressemblaient à des filles avec leurs longues robes noires, leurs longs cheveux et leurs teints rosés. Il fallait que j'arrête de perdre mon temps en parlant de ma grosse tête ; je devais trouver un restaurant fréquentable, il suffisait juste d'en prendre un dans la rue mais à cette heure-ci ils seraient peut être tous complet. Pour être sûr de ne pas la perdre, je lui prenais la main et marchais jusqu'au restaurant le plus proche.

Après en avoir essayé cinq différents dont je ne connaissais même pas les noms, je décidais d'aller dans une petite ruelle où se situait un petit restaurant sombre dont j'étais déjà allé plusieurs fois. Comme il était caché dans une ruelle tordue, les gens de la grande rue ne le connaissaient pas beaucoup, donc il y avait toujours de la place. Un serveur prit nos manteaux et les fit s'envoler jusqu'au porte-manteau le plus proche. Il nous accompagna à une petite table pour deux près de la cheminée, où le feu crépitait tranquillement. Il posa deux cartes de menu et s'en alla faire ce qu'il avait à faire.

Il y avait des petites bougies qui lévitaient hasardement à deux mètres du sol, les murs étaient en briques rouges ce qui apportait une atmosphère chaleureuse. Les meubles et le sol étaient en vieux bois épais et sombres, apportant un contraste mu-déchard.

- J'espère que cette endroit vous convient. Dis-je gentiment avant de m'asseoir sur la chaise.

Je prenais le menu et le détaillais à la recherche de quelque chose qui apaiserait mon appétit dévastateur qui attendait d'être rempli depuis la veille. Heureusement, il y avait beaucoup de choix.

Ma voix mal assurée sembla le laisser perplexe, mais il ne s'en formalisa pas et se contenta de prendre ma main pour m'emmener vers l'établissement le plus proche. Pour une handicapée sociale telle que moi, ce simple geste était... Incroyable. La dernière fois où quelqu'un avait pris ma main, ça devait être en première année d'adem. Sa paume était chaude et je pouvais sentir des cals, chose inattendue pour un sorcier. Pour la plupart, ils avaient les mains douces de ceux qui ne font qu'écrire ou utiliser leurs baguettes.

Il essaya plusieurs restaurants, mais chacun d'eux était déjà plein à craquer, si bien qu'il finit par m'entraîner dans une ruelle un peu sombre qui me donna la chair de poule. S'y trouvait une sorte de bistrot qui ne payait pas de mine, mais qui avait l'avantage d'être moins bondé. L'un des serveurs prit nos manteaux qui s'envolèrent sur des patères, avant de nous accompagner à une table près de la cheminée. Il nous donna le menu avant de retourner à ses occupations.

Étonnamment, l'ambiance à l'intérieur était agréable et chaleureuse. J'appréciai les bougies qui lévitaient un peu partout, donnant une impression intimiste plutôt sympathique.

"J'espère que cet endroit vous convient." Me dit mon interlocuteur en s'asseyant sur sa chaise.

J'en fis de même et saisit la carte afin de fureter à l'intérieur. Discrètement, je j'étais un coup d'œil par-dessus pour observer l'homme dont je ne connaissais pas encore le nom, puis les baissait précipitamment, rougissante. J'espérai qu'il ne m'avait pas vue et reportai mon attention sur le menu. Aussitôt, je repérai quelque chose qui me mit l'eau à la bouche. Lapin aux marrons. Lapin... Quelque part au fond de moi, la renarde que j'étais à mes heures perdues se délectait à cette idée. C'est bien connu, les renards apprécient particulièrement ces animaux là. Et ma forme humaine n'y faisait pas exception...

J'essayais de cacher ce que je ressentais, consciente que la plupart de mes sentiments étaient aisément lisibles sur mon visage. Ma mère m'appelait son livre ouvert, et non sans raison. Je me contentais donc de héler le serveur et de lui passer ma commande. Je jetais un œil au feu, admirant ses flammes qui m'hypnotisaient. Les voir me détendit rapidement et je cessai de m'inquiéter pour tout et pour rien. Je m'adressai ensuite à cet inconnu en face de moi d'une voix douce :

"Au fait, nous ne nous sommes pas encore présentés. Je m'appelle Alizea. Alizea Prewett. Mais je préfère Lizzy. C'est moins formel."

Je lui coulais un regard interrogateur, curieuse de savoir à qui j'avais à faire. J'avais préféré ne pas mentionner mon travail dans ma présentation, car cela avait tendance à braquer les gens. Dîner en tête à tête avec un agent de contrôle du ministère n'était pas franchement rassurant pour la plupart des sorciers, allez savoir pourquoi. A moins que vous n'ayez quelque chose à vous reprocher, vous n'avez rien à craindre du ministère. Et il y avait tout de même peu de chances pour que l'homme assis en face de moi soit un tueur en cavale ou un quelconque voleur, cambrioleur d'objets magiques, animagus non déclaré ou autres, n'est-ce pas.. ?

Parmi tous les choix que proposait le menu, je n'avais pas mis longtemps à me décider ; quand je passais l'hiver en chien, je me nourrissais bien souvent des carcasses, l'arrière des magasins et parfois même dans les poubelles. C'est pourquoi quand j'ai vu qu'il y avait du lapin, je n'ai pas hésité une seule seconde. Car en plein hiver, il n'y a que le lapin d'élevage qui n'est pas enterré au fin fond d'un trou congelé, et cette petite bestiole poilue avait une chaire si tendre et succulente que je ne le laisserais pas filer entre mes crocs. Quand elle héla le serveur, je passais à mon tour ma commande, qui à mon grand étonnement fut la même chose qu'elle. C'était toujours curieux de rencontrer des inconnues et de voir qu'on avait des points en commun ; elle devait avoir un côté carnassier. Je la regardais attentivement, essayant d'imaginer qu'elle animal pouvait elle bien être si elle était un animagus, ce qui était peu probable, mais cela m'amusait tellement. Au bout d'un moment elle tourna la tête vers moi et parla d'une voix douce accompagné d'un regard interrogateur.

"Au fait, nous ne nous sommes pas encore présentés. Je m'appelle Alizea. Alizea Prewett. Mais je préfère Lizzy. C'est moins formel."

Lizzy, qu'elle prénom mignon, cela me faisait penser à un petit chien touffu, genre loulou de poméranie. Pour ne pas la stresser plus longtemps je décidais de lui dire mon nom complet, de toute façon elle pourrait trouver cela louche si je ne lui disais que mon prénom. De plus, je n'avais jamais été arrêté par un membre du ministère, et la seule « agence » qui pourrait ouvrir un dossier sur moi était celle des combat illégaux d'animagus, et je doute qu'elle m'aurait accepté un rencard.

- Moi c'est Jasper, Jasper Lernak.

En attendant que le serveur nous ramène notre repas, je cherchais quelque chose de pas trop indiscret qui pourrait nourrir la conversation. Il y avait des tonnes de chose à savoir sur un parfaite inconnue, les arguments étaient de choix. Je lui demandais donc avec ma voix la plus gentil :

- Qu'est-ce qu'une jeune femme comme vous faisiez au beau milieu de la rue ?

C'est vrai qu'il était étrange de sa part d'être au Chemin de Traverse et de ne rien avoir à faire de précis ; après tout j'y étais bien et je n'avais strictement rien à faire de ma journée. Le serveur vint à nous apporter notre repas en faisant léviter les assiettes, qui étaient présentées exactement de la même manière, puis les déposa sous notre nez. Tout en prenant ma fourchette, je regardais Lizzy avec un petit sourire au coin des lèvres en lui susurrant un bonne appétit. En attendant sa réponse à ma question je pris une bouchée de mon mignon lapinou et constatais avec déléctation qu'il était parfaitement cuit.

Je trouvais cela amusant que nous mangions la même chose. Mais cela ne m'étonnait qu'à moitié : j'avais bien vu en lui quelque chose de prédateur. Un peu comme moi, si ce n'est que mes chasses étaient exclusivement animales et non humaines. Quant à lui, il avait bien l'air d'un de ces hommes qui se complaisent à prendre des demoiselles comme proie. Après tout, la séduction reste une sorte de chasse entre deux individus... Et j'y étais bien moins habituée qu'à la traque pure et simple, par manque de pratique. J'étais une pisteuse redoutable, mais une bien piètre femme fatale. Il répondit enfin à ma question, après avoir souri... Manifestement mon prénom lui plaisait.

"Moi c'est Jasper, Jasper Lernak."

J'aimais bien son prénom, qui, bien qu'un peu vieillot, m'avait toujours paru élégant. Un de mes amis à Poudlard s'appelait Jasper et je m'étais dit un jour que si j'avais un petit garçon un jour, il porterait certainement ce patronyme. Curieuse coïncidence ! Mais ce fut son nom de famille qui me laissa perplexe. Lernak ? Je fronçai les sourcils, plongée dans mes réflexions. Lernak... Voilà qui me disait vaguement quelque chose. J'avais déjà vu ce nom-là quelque part, j'en etais certaine. Mais où ? Curieux... Je n'eus pas vraiment le temps de m'appesantir sur la question que déjà il entamait la conversation d'une voix aimable.

"Qu'est-ce qu'une jeune femme comme vous faisait au beau milieu de la rue ?"

Il semblait curieux de savoir pourquoi je me trouvais là et je m'amusai à lui répondre sans trop développer :

"Je rentrais chez moi après le travail. J'habite juste à côté du magasin Weasley."

Tout sorcier normalement constitué connaissait "Weasley, Farces pour Sorciers Facétieux", la boutique de mon cousin George. Après tout, son business avait fait un boom incroyable après la guerre. Je humai le plat que venait de déposer le serveur. Cette viande était toujours remarquablement appétissante, mais la cuisson choisie me ravit aussitôt. Après avoir souhaité un bon appétit à mon interlocuteur, je plantai ma fourchette dans mon plat et la portai à ma bouche, savourant le goût subtil de l'animal. Divin ! Histoire de découvrir un peu plus à qui j'avais à faire, je lui retournais sa question :

"Et vous ? Que faisiez-vous là, Jasper ? Demandais-je en prononçant son prénom comme s'il s'agissait d'une sucrerie. Si je peux me permettre, vous n'avez pas vraiment l'air d'un de ces sorciers que je croise habituellement sur le chemin de traverse. Vous êtes un homme de terrain, ça se voit tout de suite. Et puis, je n'ai pas encore eu le plaisir de vous croiser en ville jusque là."

J'entendais par "homme de terrain" quelqu'un qui avait besoin d'action, de sensations fortes. Rien qu'à le regarder, je pouvais parier qu'il n'aurait pas supporté de passer sa journée à bricoler les potions ou à rester le nez collé dans un livre. Un peu comme moi, qui devenais rapidement irritable si je restais trop longtemps dans mon bureau. J'aimais le grand air et mes petites poursuites sauvages avaient quelque chose de grisant. J'adorais la métamorphose, mais aussi la sensation de la terre sous mes pattes, le parfum du monde lorsque je levais le museau... Ma forme animale faisait partie de ma vie tout autant que ma forme humaine. Etant donné que je passais un temps considérable sous cette apparence, je conservais certains automatismes de renard dans ma vie de tous les jours. Comme la détestable habitude de tendre l'oreille à tout bruit suspect. Ou de glisser ma langue sur mes lèvres quand je mangeais.

Sous forme animale, cela ne posait pas de problème. Toute créature se lèche les babines lorsqu'elle se régale. Mais sous forme humaine... Soit on vous prend pour quelqu'un d'un peu indélicat, soit on croit (surtout parmi la gente masculine) que ce geste a une connotation sexuelle ou autres bêtises du même acabit. Aussi m'arrêtai-je en plein élan lorsque ce réflexe m'échappa, toussotant pour cacher mon embarras avant de tamponner mes lèvres avec ma serviette de table. La conversation que nous avions me faisait du bien et je n'avais pas envie de paraître bizarre...

Il allait falloir que je pense à surveiller ma langue. Au sens littéral du terme.

Elle habitait donc à côté du fameux magasin Weasley, un petit boui-boui rempli de conneries pour amuser les gamins, avec quelques accessoires permettant de faire des choses plus dangereuses que de simples blagues. C'était quand même une idée farfelue de vouloir habiter en plein centre-ville, surtout dans cette rue, où le brouhaha était constamment présent, sauf en temps de guerre. Mais depuis la mort de Voldemort, un espèce de détraqué qui se prend pour un Lucifer xénophile armé d'une branche d'os, la paix était là et durerait certainement très longtemps car personne n'avait encore atteint ce stade de la stupidité.

Tout en mangeant mon somptueux lapin, je ne la quittais pas des yeux, et quand je la voyais humer son plat, c'était très amusant, j'étais sûr et certain qu'elle devait être une redoutable prédatrice dans une autre vie. Ou peut être étais-ce le cas et qu'elle se faisait un malin plaisir à prendre de pauvres hommes dans la rue et leurs faire toute sorte de chose.

- "Et vous ? Que faisiez-vous là, Jasper ? Demandait-elle en prononçant mon prénom comme s'il s'agissait d'une sucrerie. Si je peux me permettre, vous n'avez pas vraiment l'air d'un de ces sorciers que je croise habituellement sur le chemin de traverse. Vous êtes un homme de terrain, ça se voit tout de suite. Et puis, je n'ai pas encore eu le plaisir de vous croiser en ville jusque là."

Son dialogue me paru pour le moins osé et lourd de sens, je ne pouvais m'empêcher de décocher un grand sourire. Depuis quand une jeune femme parlait comme ça dans un banal déjeuner ? Elle devait avoir sacrément envie pour ne même pas attendre le soir en compagnie d'une bonne bouteille. Ou alors, je lui faisais plus d'effet que je l'imaginais, je n'étais quand même pas aussi beau au point de la faire bouillonner de l'intérieur.

- Eh ben... Je suis de passage à Londres et je m'ennuyais, alors j'ai décidé de faire un petit tour en ville. Mais c'est vrai que je vais repartir crapahuter en pleine nature, là où l'action m'attend.

Je lui lançais un petit clin d'œil accompagné d'un large sourire ravageur. Je ne savais pas quelle tournure allait prendre ce diner, mais cela serait très intéressant. Je finissais mon assiette et commençais à tremper un morceau de pain dans la sauce qui restait.  Je n'aurais pas imaginé dévorer le contenu de mon repas aussi vite. Quand elle aura à son tour finit son assiette, on pourra commander le dessert, peut être même qu'il y aura un second dessert s'il s'avérait vrai qu'elle habitait non loin de là. Je lui collais mon pied contre le sien en attente d'une réaction.

"Eh ben... Je suis de passage à Londres et je m'ennuyais, alors j'ai décidé de faire un petit tour en ville. Mais c'est vrai que je vais repartir crapahuter en pleine nature, là où l'action m'attend. "

Il me fit un clin d'œil et un sourire dévastateur puis retourna à son assiette. J'avais deviné juste. Ou alors, il me faisait du gringue, à voir. J'en fis de même, réfléchissant tout en mangeant. Cet homme-là était manifestement bien plus rompu à l'art de la séduction que moi et je risquais de m'y brûler les ailes. Voulais-je réellement d'une histoire d'un soir, sans lendemain ? Je n'en étais pas sûre. Je n'avais jamais réellement eu de relation et ce serait du gâchis de commencer de la sorte...

Soudain, il se mit à me faire du pied. C'était bien la première fois qu'une telle chose m'arrivait et je ne pus m'empêcher de rougir. C'était à la fois flatteur, puisque de toute évidence il était intéressé, mais aussi très gênant. Par Merlin, qu'étais-je en train de faire ? L'idée de ma cousine Ginny qui me poussait à m'amuser m'effleura l'esprit, entrant en totale contradiction avec ce que je pensais intérieurement. Devais-je suivre ses conseils (et s'appliquaient-ils bien à la situation ?) ou attendre d'avoir réellement des sentiments pour un homme avant de faire de telles choses ? Je ne devais pas me leurrer, il n'était pas là simplement pour mes beaux yeux. Je lâchai un soupir puis écartai légèrement mon pied du sien. Le jour n'était pas encore venu.

Et, bien qu'il soit très séduisant, l'Homme non plus. Pas pour l'instant, en tout cas.

Je levai les yeux vers le serveur, à qui je demandai d'une voix tendue :

"Une tartelette à la fraise s'il vous plaît.
-Et pour monsieur ?" demanda-t-il avec un sourire.

Je jetai un coup d'œil à Jasper, curieuse de voir s'il avait les mêmes goûts que moi à ce niveau-là également. Je n'étais pas prête à sauter le pas avec lui (ni avec personne d'ailleurs), mais il ne m'en intéressait pas moins !

Quand je sentais son pied se retirer, je me m’offusquais pas, j’avais peut être mal compris son message. Ou alors, elle ne savait pas ce qu’elle voulait, comme un grand nombre de femmes depuis la nuit des temps. J’étais légèrement rancunier, je savais donc que je réussirais à la recroiser un jour ou l’autre et j’aurais une petite vengeance personnelle. Silencieusement elle finit son plat et commanda son dessert au serveur.

-Et pour monsieur ?" demanda-t-il avec un sourire.

Je fis une légère moue amusée, une tartelette à la fraise, ça ne me plaisait pas autant qu’un lapin. Je prenais le temps de réfléchir, ou de perdre du temps pour agacer le serveur. Je savais exactement ce qui me ferait plaisir après ce petit échec, mais je ne pouvais pas toujours gagner.

- Une tarte tatin bien chaude, s’il-vous-plait.

Je tournais la tête vers Lizzy la malicieuse, avec un petit sourire serein je ne la quittais pas des yeux. A quoi pouvait-elle bien penser ? Avait-elle fait exprès ? Peut être que c’était un petit jeu, foncer dans des hommes en pleine rue et les persuader d’une bonne journée jusqu’au dessert où il n’y avait plus que les caries pour ronger nos dents.

Alors comme ça on aime les fraises ?

Ca n’avait rien de méchant ou d’un lapsus révélateur, je voulais juste remplir la conversation. Je n’avais pas beaucoup de choses à dire sur ma vie, ce qui impliquait de ne pas s’occuper de la sienne. Je n’avais pas de travail, j’étais donc forcément un voleur ou un assassin pour gagner de l’argent. Alors autant dire que les sujets de conversation étaient peu nombreux.

"Les fraises ? Oui, je dois dire que j'adore ça. C'est sucré et j'aime assez tout ce qui est sucré en général."

Je lui fis un petit sourire, bien consciente que je devais l'avoir déçu avec ma réaction. Je m'en voulais un peu, parce que je lui avais laissé imaginer des choses auxquelles je n'étais pas prête... Aussi, après avoir terminé mon dessert, je glissai la somme que je devais ainsi qu'un généreux pourboire près de mon assiette. Hors de question de lui faire payer mon repas ! J'avais cela d'indépendant que je détestais devoir quoi que ce soit à un inconnu. Encore moins lorsque j'avais déçu ses espérances ! J'attendis que Jasper ait terminé son repas avant de me lever. Le serveur m'apporta mon manteau sans même que j'aie eu à le demander et je notai dans un coin de mon esprit l'adresse de l'établissement afin de pouvoir y revenir ultérieurement. Je rejoins la porte et attendis qu'il m'eut rejointe pour sortir.

A l'instant où je mis le pied dehors, ma chouette plongea en piqué et se réceptionna sur mon épaule avec une grâce inimitable. J'adorais cet animal ! Elle tendit la patte d'un air solennel et attendit que je retire la missive qu'elle transportait. Je le fis sans plus tarder et la gratifiais d'une caresse avant qu'elle ne reprenne son envol. Curieuse, je manipulais délicatement la lettre qui portait le sceau du ministère. Comme c'était la mode pour ce type de papiers officiels, celle-ci était basée sur le système des beuglantes, si ce n'est que la voix qui s'adressa à moi était fort aimable et ne criait absolument pas.

"Chère Miss Prewett, vous êtes attendue à 15h dans votre bureau pour une mission de la plus haute importance concernant un contrevenant à l'article e-3 de la Déclaration de Capacités Animagiques de Grande Bretagne. Nous sommes désolés de devoir interrompre votre congé mais cette mission est de la plus haute importance et nous souhaitons que vous veniez aussitôt que possible.

Cordialement,

Wallace Gromit, Responsable du Service Animagi"

Je râlai un peu, déçue de ne pas rester en congé. Mais bon, ça me donnerait l'occasion de penser à autre chose qu'à ce rendez vous un peu bizarre... Je me retournai donc vers Jasper et lui dis d'une voix douce :

"Merci pour ce dîner ce fut fort agréable, mais le devoir m'appelle. J'espère avoir à nouveau le plaisir de vous revoir un de ces jours... Désolée pour... Enfin, vous voyez..." termina-t-elle en rougissant.

En tout cas, elle espérait qu'il comprenait qu'elle n'avait eu aucune mauvaise intention.

"Les fraises ? Oui, je dois dire que j'adore ça. C'est sucré et j'aime assez tout ce qui est sucré en général."

M’avait-elle dit avec un petit sourire ; même après ce qu’elle refusait elle continuait à jouer avec moi, elle adorait vraiment se délecter de cette victoire d’inaccessibilité. Quand ce fut le moment de payé, elle paya sa part, je n’avais rien dit car cela m’arrangeait, surtout parce qu’elle m’avait mit un petit vent que je n’allais pas oublier. J’engloutis mon délicieux dessert sans la quitter du regard, mais ça ne lui faisait aucun effet à ce que je pouvais constater. Le serveur faisait très bien son boulot, devinant exactement à quel moment nous allions nous lever pour quitter son restaurant.

Une fois dehors, une chouette vint se poser sur les épaules de Lizzy avec une lettre ; intrigué je me collais presque contre le dos de la rouquine pour voir qu’il s’agissait bien du cachet du ministère. Pendant que la lettre se transformait en bouche, mon visage commençait à être plus sombre ; parmi toutes les personnes qui circulait dans cette rue il fallait que je rentre dans une femme travaillant pour le ministère.


"Chère Miss Prewett, vous êtes attendue à 15h dans votre bureau pour une mission de la plus haute importance concernant un contrevenant à l'article e-3 de la Déclaration de Capacités Animagiques de Grande Bretagne. Nous sommes désolés de devoir interrompre votre congé mais cette mission est de la plus haute importance et nous souhaitons que vous veniez aussitôt que possible.

Cordialement,

Wallace Gromit, Responsable du Service Animagi"

J’avais écouté attentivement le message et j’en avais appris plus sur elle que pendant toute la durée du repas. Tomber sur une femme du ministère était une chose, tomber sur une femme au service Animagie en était une autre. Mission, cela voulais dire qu’elle était sur le terrain et donc qu’elle arrêtait les animagus non déclaré, ce qui était mon cas.

Tout mes sens étaient en alerte, mon visage avait retrouvé un faible sourire mais mon regard restait méfiant. Elle se retourna pour me dire d’une voix douce :

"Merci pour ce dîner ce fut fort agréable, mais le devoir m'appelle. J'espère avoir à nouveau le plaisir de vous revoir un de ces jours... Désolée pour... Enfin, vous voyez..." termina-t-elle en rougissant.

Malgré ma méfiance et mon sérieux je ne pouvais m’empêcher de rire, elle était très douée pour jouer la comédie ou alors elle était totalement idiote. Faisait-elle bien son boulot ou étais-je devenu expert pour cacher ma vraie nature ? Je ne savais pas trop, en tout cas, il fallait que je reste un peu concentré pour rester naturel. Je prenais une bonne inspiration et décidais de lui répondre, sinon il était évident qu’elle trouve ça bizarre.
Après tout, je m’en faisais pour rien. Pourquoi m’inquiéter ? Elle n’avait pas le moindre soupçon et elle n’avait rien à craindre, qu’est-ce qui pourrait lui arriver ? Je ne risquais pas de lui faire mal, elle ne m’avait rien fait d’incorrecte, hormis un petit refus. Je la regardais dans les yeux en me penchant doucement.

- Ne vous en faite pas…

J’étais tout près de son visage, je pouvais sentir son souffle. La ruelle était silencieuse, le vent ne sifflais pas, la neige ne tombait pas, il n’y avait personne, seulement nous deux. Il serait dommage que notre relation reste dans ce mystérieux froid, un peu de chaleur ne ferait de mal à personne. Partis dans ma lancé, je l’embrassais du bout des lèvres sans lui laisser le temps de s’enfuir. Au bout de quelques secondes, je quittais ses lèvres pour lui chuchoter l’oreille d’une voix énigmatique :

- On se reverra un jour, vous pouvez en être certaine.

Depuis que nous étions entrés dans le restaurant, les nuages étaient apparus et voilaient le soleil. L’étroitesse de la ruelle l’avait rendu plus sombre que l’intérieur du restaurant, j’en profitais donc pour me retirer silencieusement à pas de loup. Je pouvais partir comme ça me chantait, nous n’avions plus rien à nous dire et elle avait une ‘’mission de la plus haute importance’’. Et moi je n’avais rien à faire, mais il devait certainement y avoir quelques femmes qui attendaient une certaine compagnie et qui devaient s’ennuyer au plus haut point.

Il avait l'air vexé de ce qui c'était passé entre nous, mais je n'y pouvais plus grand-chose... Il me fixa droit dans les yeux et se pencha vers moi, murmurant à quelques centimètres de mon visage :

- Ne vous en faite pas…

Il n'y avait pas un son, pas un mouvement dans la ruelle, comme si le temps s'était arrêté. J'eus un frisson d'anticipation, comme si le monde me soufflait à l'oreille que quelque chose allait arriver. Mon souffle se suspendit dans ma gorge lorsque Jasper s'élança vers moi et déposa ses lèvres sur les miennes. Jamais je n'avais été embrassée et ce premier baiser me laissa un goût doux-amer sur les lèvres. Un premier baiser mystérieux, au parfum d'inédit qui me parut étrangement... Interdit. Quelque chose me perturbait en Jasper et je n'arrivais pas à savoir quoi. Il se pencha à mon oreille pour murmurer :

- On se reverra un jour, vous pouvez en être certaine.

Je rougis instantanément, comme si le temps reprenait son cours sans crier gare. Je portai la main à mes lèvres, comme si elles me brûlaient. Alors qu'il disparaissait dans l'ombre, je me demandais ce qui le rendait différent de la plupart des gens, à qui je n'accordais guère plus qu'un regard. Quelque chose en lui m'hypnotisait, comme si j'y trouvais un écho de moi-même. Anormal. Il faudrait que je creuse la question. Et vite. Je détestais ne pas savoir, ce qui m'avait probablement conduite à Serdaigle, dans le temps. Lorsque je quittais la ruelle à mon tour, me métamorphosant en renarde au passage, je sentis une étrange odeur. Une odeur que je connaissais, mais sur laquelle je n'arrivais pas à mettre de nom. Cette piste partait à l'opposé de là où je devais me rendre, dans la direction que Jasper avait prise. Devais-je la suivre, dans le doute ?

Je secouais la tête, trop pressée par mon travail pour perdre du temps inutilement. Je m'intéresserais à ce problème plus tard. Je m'élançai donc de ma course élastique en direction du ministère, renarde rousse sur fond gris et blanc de cette après-midi d'hiver...