"Une femme n'a pas besoin d'une personne qui n'a pas besoin d'elle." Marilyn Monroe
Un matin de Septembre très pluvieux, sur le chemin de Traverse. Le monde ruisselant de pluie était aussi maussade que mon humeur, qui était pourtant au beau fixe quelques minutes plus tôt. La raison de cette bougonnerie ? Elle était actuellement assise sur mon tout nouveau sofa, au beau milieu de mon salon rutilant, claquant nerveusement ses ongles impeccablement manucurés sur l'accoudoir. Elle tenait dans son autre main un verre rempli de vin, la bouteille a peine ouverte trônant sur la table basse.
"C'est ridicule, Alizea. Tu ne pourras te trouver un mari convenable si tu emménages dans un tel... Taudis."
Je frémis, me retenant de froncer les sourcils à cette attaque directe de mon nouveau chez moi. A peine embauchée au ministère, j'avais quitté le manoir familial pour venir m'installer ici, dans le cœur du Londres Moldu. Et cela, manifestement, ne plaisait absolument pas a ma mère. Elle s'exprima d'ailleurs sans le moindre détour à ce sujet, poursuivant sur sa lancée :
"Je refuse catégoriquement de te laisser faire une sottise aussi regrettable. Que diront les gens ? Que tu es impossible, une véritable furie détestablement désireuse d'indépendance, au point d'en oublier les convenances. Voilà ce que j'entendrai a ton sujet à tous les coins de rue ! Sois raisonnable, enfin ! D'ailleurs, je refuse d'avancer la moindre mornille pour que tu puisses louer ce... Cet endroit."
Ce dernier argument semblait être son atout le plus important, a en juger par son expression rassérénée lorsqu'elle l'avait exprimé. Pas de chance pour elle, je n'avais aucun besoin de son aide financière. Mais cela n'était pas le problème. Non, le problème, à l'heure actuelle, c'était qu'elle m'avait vexée. Elle ne pensait qu'aux on dit, qu'aux mariages avantageux et à sa stupide réputation. Pas une seule fois elle n'avait mentionné le seul argument qui, peut être, m'aurait amenée à réviser mon jugement. J'étais encore jeune, après tout, et je n'aspirais pour le moment qu'à une chose, socialement parlant...
"Voudriez-vous dire, Mère, que le fait que je quitte la maison vous indifférerait complètement si je l'avais fait pour rejoindre un prétendant fortuné et de sang pur ?"
J'espérais sincèrement qu'elle ressente de l'amour pour moi, et que cette tendresse difficilement assumée constitue la raison qui la poussait à rechigner à me laisser partir. Après tout, une mère n'est elle pas supposée aimer son enfant et souffrir d'une séparation aussi rapide ?
"Un prétendant ? Merlin, non ! Un mari, pour le moins." Avait-elle répondu, manifestement choquée.
Mon expression se ferma encore d'avantage à ce presque aveu d'indifférence totale. Elle se moquait complètement de mon bonheur, de mes envies et même de mon sort en général, tant que cela restait acceptable et avantageux socialement parlant. Pour elle. Je répliquai sans réellement réfléchir :
"Eh bien, quel dommage. Je suis partie, c'est déjà trop tard. Et je n'ai pas besoin de votre aide, que ce soit pour payer mon loyer ou pour quoi que ce soit d'autre. Je me débrouillerai seule, puisque mon emploi m'assure un revenu tout à fait suffisant.
-Alizea ! S'exclama-t'elle, outrée. Ce n'est pas une situation convenable pour une jeune fille de ton rang ! D'ailleurs, tu devrais suivre l'exemple de ta cousine Astoria. Elle me disait l'autre jour que..."
Je me figeai, ignorant volontairement la suite de sa tirade. Elle avait touché un point sensible. Toute ma jeunesse, elle m'avait reproché de ne pas être d'avantage comme Astoria. A ses yeux, je n'étais jamais assez bien. Pas assez soumise, pas assez intéressée par la mode, pas assez concernée par ses histoires de sang et de mariage, pas assez... Pas assez. Je le comprenais maintenant avec d'avantage d'acuité que jamais auparavant. Pour elle, je ne serais jamais vraiment sa fille. Elle ne me considérait pas comme tel, mais seulement comme une marche pour atteindre son propre idéal de vie. Bien. Puisqu'elle n'avait manifestement pas besoin de toutes ces choses que j'aurais pu lui apporter si elle avait pris la peine de s'intéresser à moi, je ne lui ferais plus jamais le plaisir de me soumettre docilement a toutes ses stupidités.
"Mère. La coupai-je soudain au beau milieu d'une phrase. Je me moque comme d'une guigne d'Astoria. Et encore plus de toutes vos considérations stupides. Je suis ici chez moi, et si cela ne vous plait pas, je vous suggère de prendre la porte. Elle est juste là."
J'avais tendu le doigt en direction de l'entrée tout en parlant, mon regard implacable posé sur elle. Elle ouvrit la bouche avec ahurissement, ne sachant manifestement pas quoi répondre. Elle la referma bientôt, avant de l'ouvrir à nouveau, hésitante. Un vrai poisson hors de l'eau. Puis, elle prit une teinte rouge foncée des plus inquiétante. La fureur l'empêchait manifestement de prononcer le moindre mot. Pas un son ne s'extirpe de sa gorge et elle finit par se lever, furibonde. Elle se dirigea vers la sortie d'un pas digne mais en claquant plus brutalement le talon de ses chaussures sur le parquet que nécessaire. Elle finit par s'exclamer avant de claquer la porte :
"Tu vas le regretter, crois moi !"
Son départ ne provoqua pas en moi La moindre tristesse. A peine son écharpe d'hermine avait elle disparu dans le couloir que ma respiration reprit soudainement. Contrairement à quelques instants plus tôt, le son de la pluie dans la rue ne me faisait plus penser à un violon mélancolique. Non. Cela me faisait maintenant songer à un doux carillon plein d'espoir. Je me murmurai a moi même :
"Après tout... Une femme n'a pas besoin d'une personne qui n'a pas besoin d'elle."
A ces mots, un doux sourire se dessina sur mes lèvres. J'avais fait là le premier pas vers la libération. Ma libération.
"Une femme n'a pas besoin d'une personne qui n'a pas besoin d'elle." Marilyn Monroe