La nuit était belle. Porté par le vent de la fin de l'hiver, l'air froid glissait entre les branches pour danser entre les pierres des murs. Avançant silencieusement, Lana ne prêtait pas tellement attention au vent, son regard posé sur les marches devant elle pour y surprendre toute trace de verglas tardif qui menacerait de la faire dévaler l'escalier de façon douloureuse. Elle avait quitté la tour Serdaigle en catimini quelques minutes plus tôt comme toutes les fois ou elle sortait la nuit discrètement mais à la différence des autres soir elle avait heurté un cadre sur sa table de nuit. Le bruit n'avait visiblement réveillé personne, mais elle craignait malgré tout qu'on lui pose des questions. Enroulée dans son épaisse cape qui la protégeait du froid, elle finit par atteindre le bas de l'escalier et poser les pieds dans l'herbe du parc.

Elle connaissait le trajet par cœur à force de le faire. D'abord, aller vers le saule cogneur sans trop s'en approcher, puis contourner ce chêne et descendre le talus en se frayant un chemin à travers les broussaille. Ensuite, passer dans cet arc de frênes et sauter par dessus la grosse pierre avant d'entrer dans le bosquet. Après une vingtaine de mètres entre les arbres on arrivait à un lac. Loin d'être un immense et majestueux bassin comme le lac noir, ce petit lac était assez grand pour ses besoins personnels. Sans même allumer de lumière tellement elle était rodée, elle commença par étaler son petit baluchon habituel. D'abord la serviette, qu'elle posa sur sa pierre plate usuelle à portée du bord de l'eau. Sa boite de biscuits ensuite, car la faim la tenaillerait forcément avant la fin. Elle finit avec son petit coussin fin, plus prévu pour éviter de s’asseoir sur l'humidité de son rocher que pour un réel confort. Une fois bien en place, et toujours enroulée dans son manteau, elle sortit sa baguette et la tendit en fermant les yeux, murmurant son sort de manière presque inaudible.

Spero Patronum

De fines volutes bleues sortirent de sa baguette pour gonfler un nuage qui éclata en une forme éthérée de griffon. Elle n'était pas la première élève à invoquer un Patronus au dessus de ce lac, et il avait parait-il été le théâtre d'un célèbre combat contre des détraqueurs. La majestueuse créature de pure magie s'ébroua une seconde avant de regarder la sorcière et de décoller d'une puissante poussée silencieuse. Battant des ailes, il s'éleva de quelques mètres avant de commencer à faire des cercles au dessus de l'eau, ses rémiges rasant la surface sans la rider. Lana l'observait voler, une légère larme au coin de l’œil qu'elle écrasa distraitement. Rashi lui manquait terriblement et ce malgré le fait qu'elle le voit à chaque période de vacances. Si ces séances lui permettaient de combler un peu le manque elle l’appesantissaient toujours un peu plus aussi. Elle soupira doucement, observant la danse aérienne du griffon éthéré.

Lana sursauta lorsqu'elle entendit la voix d'une personne, ce sursaut lui faisant perdre en partie la concentration nécessaire pour maintenir le Patronus qui vacilla légèrement. Elle tourna la tête pour voir qui l'avait surprise et elle sursauta de plus belle en reconnaissant Azalem, sa concentration se brisant définitivement et le griffon s'évanouissant dans une gerbe de volutes. Lana resta un instant bloqué, l'absence de lumière l'empêchant de voir la réaction de la fille de ses rêves les plus tendres comme les plus torrides. Elle secoua sa baguette pour faire apparaître une petite boule de lumière tamisée, histoire d'éclairer sans leurs griller les yeux à l'une comme à l'autre.

La petite sphère s'éleva en silence tandis que la Serdaigle observait son homologue. Ses yeux glissèrent sur les courbes de son visage avec douceur, effleurant chaque contour sans les toucher, imaginant avoir l'opportunité de les caresser pour de vrai. Elle fit un pas maladroit en avant en balbutiant une phrase inintelligible. Son esprit reprit une forme de cohérence lorsqu'elle s’aperçut que la belle jeune femme ne portait que son pyjama dans le froid de la nuit. Elle s'approcha de plus belle en ouvrant sa large cape.

Mais qu'est-ce que tu fais ici Aza ? Et dans cette tenue ? Tu va attraper froid ma b... Viens donc sous ma cape avant de t’enrhumer.

Elle avait retenu de peu sa langue de trahir ses sentiments, encore embrumée dans sa douce contemplation du visage de la fille de son cœur. Elle se sentait un peu inquiète que quelqu'un ai pénétré ainsi dans son intimité personnelle, mais venant d'Azalem elle pouvait tout accepter sans problème. D'abord parce que celle-ci n'avait pas l'habitude de raconter les secrets des gens à tout le monde, mais surtout parce qu'Azalem pouvait tout demander à Lana et tout obtenir.

Lorsqu'Azalem se glissa contre elle, le cœur de Lana fit un bond dans sa poitrine, battant la chamade tel un tambour de salsa. La présence de sa belle dans le vêtement la rendait folle de joie et de timidité à la fois. Elle craignait de faire une erreur qui lui coûterait cette marque d'affection.

- Désolée si je t'ai dérangée ... j'étais juste curieuse ... je voulais vraiment voir les étoiles aussi

Lana leva les yeux vers la voûte étoilée. Il est vrai que le ciel était magnifique. Sentant la chaleur de la fille de ses rêves contre son corps, enroulées toutes les deux dans sa cape épaisse, la jeune Serdaigle était aux anges. L'air de rien elle glissa sa main jusqu'à celle de son homologue. Elle souriait d'un air un peu stupide.

Tu ne m'a pas dérangée... Tu ne pourrais jamais me déranger.

Elle se figea une seconde, mortifiée d'avoir lâché un tel aveux, portée par l'émotion intense de l'instant. Elle jeta un regard vers la jeune femme à son coté pour voir si celle-ci avait remarqué, mais l'ombre ne lui permit pas d'obtenir une réponse, son sortilège de lumière s'étant effacé lorsqu'elle avait baissé sa baguette. Un peu gênée elle tenta de se rattraper.

Tu préfère qu'on regarde les étoiles un peu plus longtemps ou je fais revenir Rashi ?

Elle avait très envie de faire réapparaître son griffon, mais toute activité qu'Azalem voudrait faire avec elle la rendrait heureuse. Elle croisa les doigts intérieurement en espérant que la belle ne voudrait pas rentrer à la tour Serdaigle. Elle avait bien l'intention de profiter de chaque seconde auprès d'elle.

Lana sourit et rougit légèrement. Elle baissa un peu la tête d'un air gênée. Le sourire d'Azalem la rendait complètement chose, remplissant tout son être de frissons incontrôlables. Elle tenta de reprendre un peu de contenance pour expliquer à la belle.

À vrai dire, Rashi n'est pas le nom de mon Patronus. Rashi est le nom de mon griffon, c'est le diminutif de Rashkae, le nom d'un griffon célèbre. Mais j'appelle mon Patronus comme ça parce que... Parce que ça me permet de calmer un peu le manque. Rashi est un peu le seul frère et ami que j'ai eu enfant puisque je vivais loin de tout... Et venir ici m'a obligé à le garder loin de moi.

Elle s'étrangla légèrement, n'en ayant jamais trop parlé, et encore moins à cet endroit. Elle étouffa son sanglot en un éternuement pour qu'Azalem ne comprenne pas et entreprit de se reprendre.

J'essaye désespérément d'obtenir une dérogation pour qu'il puisse venir vivre ici avec moi. Mais c'est un échec depuis des années. Il faudrait vraiment que je fasse quelque chose d’extrêmement important pour l'école pour l'obtenir aujourd'hui. Bref...

Elle leva sa baguette hors de sous la cape et murmura le sort de Patronus. Comme si rien ne s'était passé le griffon éthéré reprit son vol au dessus de l'eau, l'effleurant sans la troubler. Elle serra la main d'Azalem, submergé par l'émotion, une larme de joie coulant le long de sa joue. Rien au monde n'aurait pu la rendre plus heureuse, à par la présence réelle du griffon à cet instant, ce qui l'aurait rendu parfait. Elle murmura doucement, inaudible pour Azalem.

Je t'aime...

Lana sursauta lorsqu'Azalem la prit dans ses bras et d'autant plus lorsqu'elle lui demanda se répéter ce qu'elle avait murmuré. Elle se figea, paniquée comme un jeune daim dans les phares d'une voiture. Elle regarda de droite et de gauche à la recherche d'une échappatoire, manquant de faire disparaître son patronus une seconde fois. C'est justement en se concentrant sur le maintient du patronus qu'elle réussit à trouver une solution.

Je... Je renouvelais le sortilège du patronus... Je ne voudrais pas qu'il s'évanouisse...

Elle était un peu gênée de mentir de façon si éhontée à Azalem, mais elle osait encore moins lui avouer ses sentiments. Même si le décors s'y prêtait parfaitement elle ne se sentait vraiment pas prête. Elle lui sourit maladroitement.

En général je me me baigne quelques secondes pour me vivifier avant de rentrer... Ça te gêne si...?

Elle pointa du doigt la serviette qui trônait sur une pierre à coté de l'eau. Même si l'idée pouvait sembler folle au cœur de l'hiver, Lana avait pris l'habitude, et tenait la serviette chaude et sèche d'un petit enchantement pour ne pas attraper la crève. Cependant l'idée de la voir se baigner nue dérangerais peut-être Azalem, aussi demandait elle avant.

Lana eut un petit rire amusé.

Je ne disais pas ça pour que tu te retourne. Ça ne me gène pas que tu regarde... À vrai dire elle l’espérait secrètement. Surtout que tu ne verrais pas grand chose avec cette lumière. Mais comme j'ai remarqué que tu évitais les douches quand d'autres y sont, tu avais peut-être un problème avec le fait de voir des gens nus... Je... Elle hésitait. Je me suis dis qu'il valait mieux te prévenir...

Quand même un peut gênée de la réaction d'Azalem, Lana se dévêtit à son rythme, laissant à sa peau le temps de s'habituer au froid de la nuit autour d'elle. Comme d'habitude, elle finit par ses chaussettes, parce que noms de dieux que les pierres sont froides en hiver. Une fois nue elle se jeta directement dans l'eau, sans prendre le temps de réfléchir. La jeune Serdaigle avait remarqué que c'était le seul moyen d'entrer dans une eau aussi froide sans renoncer au cours du processus. Elle ressortit la tête de l'eau dans un petit cri inarticulé, croisement entre un grognement de satisfaction et une vaine tentative d'évacuer ce froid qui l'avait saisie et vivifiée.

Elle donna un coup de talon sur le fond et en quelques mouvements de brasse elle revint sur le bord, au niveau de sa serviette, comme à chaque fois. Sauf que cette fois-ci il y avait une spectatrice. Dans le noir, et avec de l'eau dans les yeux elle ne pouvait pas voir si celle-ci s'était retournée. Elle saisit sa serviette à tâtons et s'enroula rapidement dedans, se frictionnant les cotes pour se réchauffer. Elle s'avançait vers ses vêtement lorsque son pied mouillé glissa sur un rocher un peu plus lisse que les autres. Elle s’affala sur le sol dans un choc sourd, grognant de douleur à cause de l'impact et tentant d'une main ralentit par le choc de rattraper la serviette qui n'avait pas suivit la même trajectoire qu'elle.

Lana boitilla jusqu'à la rive en souriant.

Je ne suis pas en sucre tu sais ?

Malgré ses mots, la jeune Serdaigle profitait de l'occasion de rester en contact le plus possible, légèrement émoustillée de se retrouver nue sous les doigts et le regard de la fille de ses rêves.  C'est à regrets qu'elle brisa le contact pour remettre ses jambes dans l'eau glacée, histoire de les nettoyer. Elle frotta la terre du bout des doigts, s'assurant à l'aveuglette qu'elle ne s'était pas blessé plus gravement qu'une simple écorchure. Soulagé de se savoir indemne, elle ressortit et récupéra la serviette que lui tendait son homologue.

Merci de ton coup de main. Elle lui fit un clin d’œil complice. Tu vois, ce n'était pas si terrible de me voir nue. Après tout on est faites de la même manière toi et moi. Deux bras, deux jambes, et le reste...

Elle eut un petit rire gêné et se dirigea sur ses vêtements pour les enfiler à nouveau. Elle les avait légèrement éclaboussé en tombant, mais rien de gravissime, cela sécherait. Nonobstant les sous-vêtements pour gagner du temps il ne lui fallut que quelques minutes pour être embraillée. Elle se retourna vers Azalem avec un sourire calme jusqu'aux oreille. Constatant que le jolie Serdaigle avait fait tomber la cape, elle se dépêcha de la saisir pour venir l'enrouler dedans.

Tu vas attraper la mort si tu reste comme ça dans le froid. Moi j'ai grandis dans le nord de l'écosse, donc le froid n'est qu'une information, mais pour une petite Londonienne comme toi ce n'est pas la même musique...

Elle ne prit pas conscience tout de suite du coté ridiculement maternel de son comportement, mais lorsqu'elle s’aperçut de ce qu'elle faisait, elle se figea, ses mains rejoignant lentement les cotés de ses hanches alors qu'elle rougissait jusqu'aux oreilles. D'autant plus qu'Azalem ne lui avait jamais parlé de ses origines, et qu'elle ne pourrait jamais avouer à la jeune fille qu'elle avait fouillé son passé par le biais des rumeurs et des interrogations l'air de rien pour en apprendre le plus possible sur elle.

Je... Je.... On devrait commencer à remonter. Se faire plaisir c'est une chose, mais il faut dormir malgré tout.

Lana se figea, la bouche sèche. Elle se mordit la lèvre d’appréhension en baissant la tête pour cacher le rouge qui lui montait au joues. Elle toussota pour se redonner une contenance avant de regarder la douce de son cœur.

C'est plus compliqué que ça... C'est... Ses mains se tordaient tandis qu'elle bredouillait. C'est pas que j'ai un problème avec toi... Non, vraiment. Tout... Tout va bien. C'est juste que...

Comment faire sans se dénoncer. Comment expliquer les heures nocturnes passées juste à l'observer dormir, la pêche aux renseignements auprès de toute personne en sachant un peu plus qu'elle, les rares tentatives de dessin de sa vie qui représentaient toutes le même visage plus ou moins maladroitement et qui se trouvaient cachée dans la chambre de chez ses parents... Difficile d'avouer des sentiments à une personne quand on ne sais pas vraiment mettre de mot sur ceux-ci. Je t'aime ? Des mots biens faibles et bien peu représentatifs des troubles qui faisaient tanguer son cœur sur le flot de ses émotions. Lana aimait le soleil, le souffle du vent sur son visage quand elle volait, une bonne bière au beurre. Mais Azalem cela dépassait au delà de toute échelle ce qu'elle désignait par ces mots.

Lana prit une grande inspiration et saisit maladroitement la main de sa belle, tremblant légèrement, heurtant par accident sa hanche en montant leurs mains jointes. Elle eut un pauvre rire en réalisant la maladresse dont elle faisait preuve, elle qui était d'ordinaire si confiante partout, que ce soit en vol ou dans la vie en général.

Je me sens un peu bête dans cette situation. Je suis... A la fois très embarrassée et effrayée. Mais... Elle prit son courage à deux mains... Je t'apprécie beaucoup, tu es une fille sympa et vraiment j'ai aucune raison d'avoir un problème avec toi. Ça doit être une impression. …et se dégonfla lamentablement.

Elle eut un rire qui se voulait enjoué mais qui sonnait faux même à ses propres oreilles qu'elle assortit d'un clin d’œil souriant tout aussi adroit et adapté. Il y eut un blanc juste derrière, signe évident du malaise ambiant. Elle se retint plusieurs fois de dire quelque chose, trop gênée par la situation et finit par lâcher en bafouillant.

On rentre ? On risque vraiment d'attraper froid là...