« Dans ma vie; j’ai vécu, j’ai aimé, j’ai perdu, j’ai regretté, j’ai eu mal, j’ai fait confiance, j’ai fait des erreurs, mais avant tout, j’ai appris. »

Lavander Greengrass faisait face au Magenmaggot. Les sorciers de l'illustre assemblée l'observaient. Certains hostiles, d'autres amicaux. Mais la plupart avaient cette expression neutre, froide, distante. L'expression d'un juge à un accusé. Car il s'agissait là bien d'un procès à l'encontre du Professeur émérite d'Étude des Runes de Poudlard. Derrière elle, il y avait des spectateurs. Des amis à elle, en nombre. D'autres professeurs du château, d'autres sorciers spécialistes des runes. Sa famille aussi ou du moins ce qu'il en restait. Elle nota la présence de quelques uns plus hostiles à son égard. Le Professeur Gaunt, directeur de Serpentard, avec sa robe tout en hermine. Et d'autres, comme lui, obnibulé par leur Sang soi disant pur.

Face à elle, Damocles Clowe, Ministère de la Magie, affichait le même sourire qu'eux. Elle et sa sœur étaient peu appréciées de ces idiots. Parfois, elle les entendait les nommer « Traîtresses à leur sang » ce qui la faisait toujours doucement rire.

Tous attendaient la suite de son discours. Une jeune femme trempa sa plume dans une bouteille d'encre, prête à le retranscrire. Lavander avait toujours eu une certaine prestance à l'oral. C'était elle qui parlait en son nom, mais aussi au nom de sa sœur, installée à ses côtés, paisible et tranquille. Elle avait bien d'autre préoccupation que ce ridicule procès.

« J'ai appris que chaque vie valait la peine. Qu'il n'y avait personne de sacrifiable, peu importe au nom de quelle grande idée ou principe. La vie devrait toujours prévaloir. La vie d'un village moldu entier prévaut sur le Décret du Secret Magique. »

Les événements pour lesquelles les deux sœurs étaient jugées s'étaient déroulés un mois auparavant. Un dragon, un vert gallois, avait subitement décidé de voler vers le village proche du domaine des deux sœurs. Il avait commencé sa destruction complète de celui-ci et le massacre de ses habitants quand les deux femmes avaient transplané au centre du dit village. Ensemble, les deux sorcières étaient parvenues à faire fuir le dit dragon. Aisling la protégeait, tandis qu'elle attaquait.

Les villageois avaient d'abord montré force méfiance envers ces deux sorcières. Puis finalement, le soulagement d'être encore en vie l'emporta sur leur peur. Il faut dire, les deux châtelaines habitaient dans ce manoir depuis presque cinquante ans, elles étaient nées ici. Et il n'y avait jamais eu de problème.  Au contraire, les Greengrass, seigneurs du coin, avaient toujours été de bons seigneurs. Oh, elles ne furent pas acclamées. Mais un à un, les habitants sortirent de leur cachette pour venir constater les dégâts sur leur village. Complètement détruit. Finalement, les deux femmes les endormirent tous, pour les emmener dans leur château. Là, Lavander modifia leurs souvenirs, tandis qu'Aisling avait fait disparaître toute trace du dragon. Officiellement, ce fut un incendie qui détruisit le village.

« Nous pouvons cependant nous targuer d'avoir suffisamment de talent pour tout à la fois protéger des vies innocentes et le Décret. Comme MacMillan vous l'a dit, l'interrogation des moldus sur cet accident a montré qu'ils n'étaient au courant de rien. Bien qu'ils nous trouvent passablement étrange, voire excentrique. Mais quelles femmes célibataires de cinquante ans ne le seraient pas pour un moldu ? »

Quelques rires fusèrent dans la salle. MacMillan, joueur de violon émérite qui travaillait au Département des Accidents et Catastrophes Magiques, avait été le premier arrivé du Ministère sur les lieux. Quatre heures après. Tout avait déjà été pris en charge par les deux sœurs. Leur vieil ami avait simplement vérifié que tout avait été bien fait. A vrai dire, sur le coup, personne n'avait rien trouvé à redire sur le comportement des deux femmes. Un journal sorcier les avait même qualifié d'héroïnes. Puis les semaines passant, peu à peu, elles eurent de plus en plus d'ennuis. Les anti-moldus et les théoriciens du Sang Pur qui les détestaient parvinrent finalement à obtenir leur jugement.

« Pendant un mois, le temps pour eux de reconstruire leur village, ces moldus ont été accueillis sur notre domaine. Quand je parle de notre domaine, je ne parle pas de l'intérieur de notre château, et de ses nombreux objets insolites. Mais de la cour et du parc parfaitement plat et ennuyant à l'entrée. Quelques sortilèges repousse-moldus. »

Elle marqua un temps, avant de reprendre, avec plus de force et d'assurance son plaidoyer.

« Mais tout cela, vous le savez déjà, car à ces propos, nous avons déjà été auditionnée. Et vous avez déjà pu entendre de multiples témoins vous faire part de toutes les précautions que nous avons prises. A ceux qui ne comprennent pas ce que nous faisons ici, à ceux qui se demandent bien pourquoi nous nous retrouvons à justifier nos actes dont ils ont déjà été jugés juste et même nécessaire, je dirais ceci. Notre Ministre, instigateur -et par cela, il s'attribue des pouvoirs qui ne devraient être siens- de ce procès, ne nous reproche point d'avoir mis en danger le Secret Magique. Mais tout simplement d'avoir sauvé puis aidé des moldus, lui qui les déteste tant. Et sans s'en cacher. »

Un mince sourire apparut alors sur les lèvres de la femme, alors qu'elle continuait ce qui était devenu un réquisitoire.

« Quand aux autres qui ont participé à cette comédie, ils sont tous tout aussi célèbres pour leur comportement particulièrement agressif envers les moldus, ou même les nés-moldus. Adeptes de cette ridicule idée de Sang Pur, qu'ils me reprochent de ne point suivre. La haine qui les habite, je ne peux la comprendre, tant elle est aveugle et sans fondement. Car enfin, pouvez vous me dire ce que les moldus vous ont fait, Monsieur le Ministre ? »

Un silence s'installa, seulement troublé par les tintements d'une robe richement décorée de broches de métal, tintant comme un carillon, tandis que la salle portait ses regards sur le Ministre de la Magie qui était devenu cramoisi. A dire vrai, elle savait déjà, grâce à Aisling, ce que Damocles leur reprochait : il s'était fait éconduit par de nombreuses jeunes filles, ce que sa fierté n'avait su accepté, alors qu'il était encore à Poudlard. C'était la base de tout ci. Vint ensuite s'ajouter quelques arguments biaisés, et même quelques humiliations subies. Mais il les avait chercher. Aisling avait eu l'information d'une amie qui habitait dans le même village que lui. A ces anecdotes, les deux sœurs avait bien rit.

« Quelle folie de croire que les moldus représentent pour nous un danger. Nous pouvons vivre côte à côte, sans danger, si nous respectons simplement quelques règles. La plupart rejoignent le Décret du Secret Magique. Mais quelle folie aussi que de nous croire supérieur, que de penser que nous devrions régner sur eux. L'histoire nous l'a pourtant apprit. Les Pharaons de l'Empire d'Égypte, tout sorciers qu'ils étaient, ont succombé face à Alexandre. Merlin n'a pu sauver Arthur de lui même et de la folie des hommes. Il nous faut encore trouver cet équilibre, un équilibre qui nous permettra de vivre en paix. Pour cela, il nous faudra faire fit des discours de haine de certains. Mais en attendant, Monsieur le Ministre. Il serait peut être temps de nous occuper de ces dragons. »

Son discours eut l'effet escompté. Plusieurs personnes, la moitié au bas mot à vrai dire, se levèrent pour applaudir, avant de passer au vote. Sans surprise et avec une écrasante majorité, les deux sœurs furent relaxés. Un sorcier leur rendit leur baguette respective. Les déçus du jugement tempêtèrent, sortant des arguments de plus en plus fallacieux pour que le procès recommence. Tout avait cependant été déjà dit. Un autre procès ne serait plus une comédie, mais une farce. Le Minsitre, quand à lui, quitta la salle les yeux fixés sur ses chaussures.

Lavander se tourna vers Aisling, et celle-ci murmura tout bas.

« Ces mots, ils entreront dans la mémoire de tous. Dans ma vie; j’ai vécu, j’ai aimé, j’ai perdu, j’ai regretté, j’ai eu mal, j’ai fait confiance, j’ai fait des erreurs, mais avant tout, j’ai appris. »