Elle glisse les mains dans mes cheveux et m'incite à bouger légèrement, de façon à ce que le baiser prenne une toute autre dimension. Et j'aime ça. Je ne sais pas vraiment si je fais ça correctement, mais... En tout cas, c'est tout un nouvel univers de sensations qui s'ouvre à moi. Je me penche un peu plus, caressant doucement sa joue du bout des doigts. Alors qu'elles s'animent sur les siennes, mes lèvres laissent finalement échapper ce qu'elles retenaient jusque là :

"Je t'aime."

Le baiser se rompt de lui même alors qu'Arnaud prononce un "je t'aime" franc et sincère contre mes lèvres. Je souris et lui caresse la joue. Ce serait peut-être déplacé de répondre "je sais" alors je lui réponds simplement que je l'aime aussi et le réembrasse avec douceur avant de l'enlacer.

Elle m'enlace encore, sa bouche dansant sur la mienne. Et je me sens tellement bien, tellement heureux. Je n'ai jamais connu cela, de toute ma vie. Finalement, je m'écarte d'elle pour reprendre ma respiration, rougissant mais souriant de toutes mes dents.

"Je n'aurais jamais cru... Que tu pourrais m'aimer aussi."

Je ris légèrement face à sa déclaration.

-Tu es la personne la plus incroyable que j'ai jamais rencontré. Comment j'aurais pu ne pas t'aimer? Tu es...Tu es...parfait. Pour moi en tout cas.

Je hausse les épaules, peu sur de la véracité de ses dires. Si personne ne s'était jamais intéressé à moi, il devait bien y avoir une raison. Je me contente de marmonner :

"Je te l'ai dit. Je n'ai jamais eu... Personne. Et je n'avais rien ressenti de tel avant toi. Je crois que si je n'ai jamais eu de petite amie, c'est a cause de ma ... Timidité. Je suis très loin d'être parfait."

Avouons le, je suis déjà gêné simplement parce qu'elle est la, tout contre moi. Alors, comment imaginer qu'on puisse me trouver parfait ? C'était... Tellement improbable.

Je fronce les sourcils et hausse les épaules.

- Si tu te souviens bien je n'ai jamais intéressé personne de ce point de vue là non plus, tu sais. J'ai déjà embrassé un garçon, une fois, et il m'a dit après ça qu'il pensait être gay. J'ai eu beau ne pas le prendre mal quand on y réfléchit, j'aurais pu. Et ta timidité est l'une des choses que je préfère chez toi, tu sais. Je trouve ça adorable. Pas que je te trouve pas viril ou masculin c'est juste qu'un garçon qui montre sa fragilité c'est bien aussi. Et puis franchement, vu la pipelette que je suis, si tu n'étais pas timide on finirait par se disputer le temps de parole.

Je lui fait un grand sourire malicieux suivi d'un clin d'oeil puis me souvient soudainement de quelque chose.

-Oh! Au fait! Je ne te dérange pas ? Tu avais peut-être prévu des choses aujourd'hui.

Je pique un fard, une fois de plus. Trop de compliments... Et pas forcément justifiés à mes yeux, ce qui ne fait qu'aggraver ma gêne. Je pouffe de rire à la mention d'un ex-copain qui se découvrit ensuite des penchants homosexuels. C'était bien dommage et à sa place je l'aurais mal pris, personnellement. Elle me complimente encore, sur ma timidité cette fois-ci, avant de s'inquièter de la possibilité de me déranger. Je réponds alors tout naturellement :

"Tu ne me déranges jamais. J'avais prévu de faire la sieste sur le canapé. On peut le faire à deux, si tu veux. A moins que... Ne me dis pas que tu as encore séché les cours pour venir suite à une de mes lettres ?"

Je rougis et bafouille tout d'un coup rien qu'à l'idée de faire la sieste avec lui. Bizarrement ça me rend nerveuse alors que j'adorerais ça mais... c'est son manque de timidité sur le sujet qui me surprend agréablement. En fait, le voir parler si légèrement de chose comme ça me rend...fébrile? étrange? Je sais pas. Je me rends compte, en sortant de mes pensées, qu'il m'a posé une question.

- Oh, euh, ne t'inquiètes pas pour ça, je n'ai que deux heures de cours le vendredi matin. Je suis venue après. Et euh...je serais...vraiment...et bien... siester avec toi...oui. Oui pourquoi pas.

Merlin, Pad... tu es ridicule.

Un doux sourire illumine mon visage à ses mots. Pour moi, le sommeil est quelque chose de très innocent et il est bien évident que je n'ai aucune arrière pensée en lui proposant de dormir avec moi. Cela m'amuse de la voir aussi gênée, bien que je sois persuadé que c'est seulement à cause de mes interrogations au sujet de ses cours. Je la serre un peu plus contre moi, déposant un baiser sur sa joue. Je ferme les yeux. Je suis épuisé... Vraiment... Epuisé...

Et je dors...

Je sens mon soleil se détendre contre moi et s'endormir presque immédiatement. Je suis aussi du genre à m'endormir vite, mais là j'avoue que ça relève du record pour moi. Nous sommes tous les deux assis, par Merlin. Sans trop le bousculer, je me dépatouille du câlin et le met en position plus ou moins allongé avant de me glisser contre lui, dans ses bras. Le silence de l'appartement et le ploc ploc de l'eau sur les vitres finissent par me bercer et je m'endors rapidement.

Je suis tellement épuisé que je ne sens même pas Paddy qui remue contre moi. Il me faut d'ailleurs une bonne demie-heure avant de bouger, glissant inconsciemment mes bras autour d'elle pour l'enlacer. Dans mon sommeil... Je ne peux pas vraiment vous dire ce qu'il se passe, j'en suis désolé. Mais toujours t-il que je me sens si bien que mon sommeil est paisible et ... Plein de rêves qui me font sourire, même endormi.

Je dors depuis un moment quand d'un coup je me retrouve dans une pièce vide sans vraiment comprendre pourquoi. Il n'y a pas de fenêtres, pas de porte, juste une lumière magique dans le coin de la pièce. Je ne peux pas l'atteindre, ni transplaner et l'air se réduit autour de moi. Soudainement je sens quelque chose m'agripper et sans le vouloir je me débats dans tout les sens pour finir par me réveillée... par terre, le souffle court et les fesses douloureuses. Je viens de tomber du canapé.

Je suis réveillé en sursaut par un incompréhensible mouvement et des coups dans mon visage et mon torse. Je me redresse d'un coup à cause d'un bruit sourd et jette un coup d'œil inquiet alentours. Je ne comprends rien à ce qu'il se passe. Quoi ? Qui ? Pourqu... Oh. Paddy. Je la vois soudain, au pied du canapé, tout ébouriffée et manifestement aussi hagarde que moi.

"Ca va ?"

Je me penche précipitamment pour l'aider à se relever, inquiet qu'elle ait pu se faire mal.

Je reprends mon souffle difficilement, les yeux perdus et les sourcils froncés puis le relève, un peu agacée d'avoir tout gâché.

- J'ai fait un cauchemars ridicule, rien de grave. Désolée de t'avoir réveillé pendant ta sieste.

Ma voix est un peu sèche et triste. Je ne voulais pas gâcher ce moment et je ne trouve rien d'autre à faire qu'un rêve bidon et effrayant. Je souffle une fois, puis deux et me rassois sur le canapé, un peu loin d'Arnaud sans le vouloir.

Elle a l'air... Enervée. Et triste. Cela me fait de la peine, d'autant plus qu'elle s'assied loin de moi. Je n'aime pas la voir ainsi. J'aimerais qu'elle soit souriante. La voir rire. Être heureuse. alors je m'approche un peu plus près et caresse doucement sa joue du bout des doigts. Puis je murmure d'un air très sérieux :

"Ce n'est pas grave. Un humain passe 25 ans à dormir dans toute une vie. J'ai de la marge."

A ces mots, un léger sourire moqueur se dessine au coin de mes lèvres.

Sa phrase me fait rire légèrement et je me détend en retrouvant peu à peu ma bonne humeur. Je saisi sa main et la triture avec les doigts, pas parce que je suis gênée mais parce que j'aime le toucher. Et puis mon ventre gargouille allègrement ce qui ne manque pas de me faire rire.

- Je crois que j'ai faim.

Je lui souris gentiment et me lève pour aller fouiller mes placards. Pas grand chose là dedans, ni dans mon meuble à sortilège de réfrigération continue. Hum.

"Tu veux aller manger dehors ? Je n'ai pas fait de courses depuis... Un certain temps..."

J'avoue cela d'un air gêné, consterné de voir à quel point je peux être négligeant.

J'acquiesce, enthousiaste et me relève aussi du canapé... pour constater ma tenue. Ma chemise est toute froissée et débraillée, les deux premiers boutons déboutonnés -sûrement un effet du cauchemars- et ma jupe, initialement plissée, ne ressemble plus à grand chose. Je rougis en me rendant compte de mon accoutrement et tente comme je peux d'arranger ma tenue, renfilant chaussettes et chaussures par la même occasion, ma tignasse décoiffée gênant mon regard.

- Laisse moi juste le temps de me rhabiller et on pourra y aller.

Je jette un coup d'œil un peu perplexe à la belle gryffondor, puis... Je me souviens que j'ai justement ce qu'il lui faut. Je file donc dans ma salle de bains et sors de l'une des armoires une sorte de grande plaque métallique. Puis je reviens vers elle.

"Poses tes habits là dessus et donnes un coup de baguette. Ca va les défroisser."

Personnellement, je ne m'en sers jamais, mais c'est un des objets que ma mère affectionne tout particulièrement.

Dire que Alicia m'avait fait utiliser un de ces fers à repasser moldus pendant tant d'années ! Alors qu'il existait une version sorcière ! Quoi que, après tout, je comprends ses raisons. Je me mets dos à Arnaud et retirai ma chemise que je dépose sur la planche. Je la tapote de ma baguette et commente :

- Ce truc marche vachement bien en fait!

Je me retourne vers Arnaud, en oubliant que j'étais à moitié nue.

Alors que je la regardais en souriant, Paddy se retourne et... Enlève sa chemise. J'écarquille les yeux, m'étranglant presque à cette vue. Je secoue la tête pour vérifier que je ne suis pas toujours endormi et au beau milieu d'un songe des plus gênants... Mais non. Pas du tout. Mon visage prend une teinte écarlate et je n'ai même pas le temps de fuir qu'elle se retourne...

- Ce truc marche vachement bien en fait!

La réaction est immédiate. Le sang monte en flèche à mon cerveau (et pas que, à mon grand malheur) et je... M'évanouis.

Je vois devant moi Arnaud tomber vers l'avant et je ne peux m'empêcher de m'avancer pour le rattraper in-extremis. Avec mon éternelle habileté de batteuse, je parviens à le glisser sur le canapé. Je récupère ensuite ma chemise, que je remets et réitère l'opération avec ma jupe puis remet tricot et cravate. Je pénètre ensuite dans la salle d'eau, trouve une petite serviette que j'imbibe d'eau froide, puis vais l'appliquer sur le front d'Arnaud, veillant son sommeil. Me montrer à demi-nue devant lui n'était peut-être pas l'idée du siècle.

Lorsque je reprends conscience, je suis... Couché sur le canapé. J'entrouvre une paupière, pour vérifier que la voie est libre. Et je vois Paddy. Je referme l'œil aussitôt, en quête d'un plan d'action. Nom d'un hippogriffe... Je viens de totalement me décrédibiliser devant elle. Je suis ridicule, lamentable, pitoyable. Je devrais peut être songer à disparaître quelques temps.

Il paraît que c'est très beau, l'Alaska, en cette période de l'année.

Je suis véritablement inquiète pour Arnaud. Ce que j'ai fait était égoiste. C'est pas parce que je suis à l'aise avec mon corps que tout le monde doit l'être. J'aurais dû me douter que sa timidité agissait aussi de ce côté là. Trop prise dans mes pensées, je rate ses yeux qui se rouvrent. Avec douceur et attention, toujours un peu anxieuse, je lui caresse la joue et fait ce que je fais le mieux. Je commence une histoire.

-Il était une fois une fleur qui aimait le soleil...

J'essaie de ne pas le laisser paraître, mais elle me trouble. Malgré tous mes efforts, je rougis. Elle va me repérer, là, c'est certain. Je ne sais pas quoi faire alors dans le doute... Je rouvre les yeux, puis me redresse. Saisi d'une subite inspiration, je lève ma baguette et écris dans les airs en lettres lumineuses et d'un bleu délicat :

"Et lorsque la fleur n'est pas là,
le soleil ne brille plus sur terre,
et lorsque tu n'es pas avec moi,
ta délicieuse présence me manque,
comme la fleur manque au soleil,
au plus profond de l'hiver."