Technique de l’évitement : Ne pas ramener le moins du monde sa fraise à un évènement débile –à tout hasard des portes ouvertes à Poudlard avec tout un tas d’idiots condescends et/ou opportunistes– et se payer tranquillement une journée au Lac de Poudlard. Il avait même ramené son pique-nique pour le midi.

Baignades, vol sur son balai, joujou avec sa baguette. Une journée entièrement dédiée à la procrastination, gênée uniquement par quelques amis qui sont venus le voir, plus ou moins discrètement, plus ou moins bien accueillis. Sa presque famille surtout n’avait pas manqué à lui rendre visite. Et son parrain.

Finalement, cela avait été une bonne journée, se disait-il, alors qu’il s’occupait à manipuler l’eau du bout de sa baguette magique, créant quelques formes tranquillement. Le soleil se couchait. La journée se terminait, enfin. Les intrus ne devraient pas tarder à quitter le château, et lui-même pourrait y remettre les pieds, tout en s’assurant qu’aucun n’ose lui parler de ses parents.

Il commença par revêtir à nouveau sa robe de sorcier. C’était sympathique, le short de bain, mais si on le prenait ainsi vers le Château, il était bon pour quelques heures de retenues, et alors que l’année se terminait enfin, et que seuls les résultats se faisaient attendre, c’était vraiment pas le moment. Il fixa alors l’horizon, et le soleil qui se couchait. Il avait tout son temps.

Ces vieux n’allaient pas quitter le château de sitôt, et il le savait. Il poussa un long soupir, avant de s’allonger, de fermer les yeux, et de chantonner une petite chanson. Le repos absolu, il se sentait presque déjà en vacance. Ce serait encore mieux, sans doute, à la Chaumière aux Coquillages, face à la mère, avec Victoire et ses frères.

Il fut sorti de sa rêverie par le froid. Un froid glacial, qui perce la peau, et frappe les os. Il faisait bien sombre soudainement, pourtant, il n’était pas si tard que ça. En tout cas, le froid l’obligeait à rentrer. Il jeta un dernier regard sur les eaux silencieuses du lac.

Puis se stoppa net. Il y avait quelque chose.

Le batteur plissa des yeux. Les eaux du lac sont telles que le ciel étoilé s’y reflète, tant qu’elles restent calmes. Mais il y avait là une brisure dans la fresque, une ombre noire, qui s’avançait. Laissant derrière elle une trainée blanche.

Pas un monstre aquatique. Le lac n’était guère occupé que par quelques Êtres de l’eau, une multitude de strangulots, et surtout, un Kraken, au plus profond. A vrai dire, il avait suffisamment entendu parler de cette créature pour la reconnaitre. Un Détraqueur. Le sorcier s’arma de sa baguette magique. Derrière lui, dans le château, il y avait des personnes, à qui il tenait. Et dont il doutait de leur capacité à se défendre contre une telle créature.

Lui, il connaissait le sortilège. Son père l’avait appris à Harry, son parrain lui a appris. Il l’avait appris il y a déjà quelques temps, sans raison valable. Pour l’apprendre, somme toute. Son Patronus avait la forme d’un loup. Un gros loup. Mais il ne l’avait jamais fait qu’apparaitre en absence de toute menace, et malgré tous ses efforts, il ne réussit jamais à acquérir la maitrise suffisante pour s’en servir comme d’un messager.

Il eut une grimace de dédain contre lui-même, en s’apercevant qu’il jouait les héros, et se promit de ne raconter ceci à personne, pas même sa famille. Resserrant sa prise sur la baguette alors qu’il sentait sa bonne humeur s’envoler, et ses sentiments de bonheur lui échapper, il articula clairement.

« Spero Patronum ! »

De sa baguette sortit une fumée blanche, informe. Il se mordit la lèvre. La fumée serait insuffisante, il le savait déjà. Il n’avait plus qu’à courir, pour gagner du temps. Trouver un souvenir heureux, plus heureux encore que sa victoire au Quidditch, pour repousser l’être maléfique. Et aussi, comprendre ce qu’il fout là.

Il avait un avantage cela dit. Son balai, juste là, sous la main. Il s’en saisit rapidement, l’enfourcha, et décolla. Dans les airs, aucune chance qu’il se fasse attraper par cette affreuse bestiole. Inconscient, il prit même la peine de l’observer légèrement, maintenant qu’elle était plus proche, et lui, plus en sécurité…

L'horrible créature passa à côté de lui, tendant ce qui devait lui servir de doigts vers lui. Sur son balai, dans une pirouette, Ted évita prestement cet affreux contact. Et se prépara de suite à une nouvelle manœuvre aérienne pour éviter la prochaine attaque.

Qui ne vint pas. Le Détraqueur avait passé son chemin, le... dédaignant ?

Ted cligna des yeux. Il ne comprenait pas. Le comportement du Détraqueur était loin de ce qu'on lui avait dit sur eux. Ils n'étaient pas censé attaquer tout ce qui passait à leur portée ? En tout cas, depuis qu'ils avaient rejoint Voldemort. Ils ne souciaient vraiment plus de qui tombait entre leurs... griffes ?

Alors, pour quelle putain de raison ce Détraqueur ne s'occupait pas de lui. Il devait viser le château, et ne pas perdre de temps ici. Pour un seul clampin.

Hors de question qu'il aille dans le château. Il y avait Victoire, Dominique, Roxane, Fred... Mais comment bloquer un Détraqueur ? Comment l’emprisonner ? S'il parvenait à faire un Patronus complet, et qu'il le repoussait. Qu'est ce qu'il lui disait qu'il n'irait pas en direction du château ?

Baguette en main, il fonça en direction de l'être maléfique. En une tentative désespérée, il tenta de le stupefixer, mais le sort ne lui fit strictement rien. Seul le sortilège du Patronus leur faisait quelque chose.

Mais ils n'étaient pas non plus des fantômes. Ils ne pouvaient pas passer à travers la matière. Il devrait pouvoir, dans l'absolu, en théorie, l’emprisonner. La métamorphose. Il allait modifier l'environnement autour du Détraqueur pour l'immobiliser. Il avait toujours été talentueux dans ce domaine pourtant complexe de la magie. Il s'amusait même parfois à se créer ainsi de véritables parcours d'obstacles pour s'entrainer aux acrobaties.

Le voilà au même niveau que le Détraqueur. Il sentait toute sensation de bonheur s'éteindre. Il serra les dents, pointa sa baguette en direction du Détraqueur, et lança un sort. L'énergie de celui ci frappa le sol, faisant s'envoler la terre Évidemment, l'affreuse bestiole en sortit indemne. Mais c'était bien la terre que le sorcier visait.

« Gemino ! Amplificatum ! »

Le voilà qui transformait le simple nuage de terre en une véritable masse de terre, qu'il transforma finalement en une grande plaque de verre lorsque le Détraqueur fit mine de vouloir passer à travers. Un sourire passa rapidement sur les lèvres du batteur. Il avait stoppé le Détraqueur dans sa course.

« Hey l'affreux ! C'est par là que ça passe ! »

Il fit grandir sa plaque de verre, pour finalement la laisser tomber sur la créature. On allait voir, si ça craignait de se faire écraser ou pas ! La plaque se fracassa sur le sol, redevenant poussière, sans faire le moindre mal au Détraqueur. Mais au moins, il avait réussi à attirer l'attention de la bestiole, puisque désormais, il se dirigeait vers lui.

Il s'éleva dans les airs, avant d'effectuer un looping. Le Détraqueur le suivait. Il tâcha de se concentrer sur des belles choses. Ses amis. Les Weasley et les Potter. Sa grand mère. Le tout était teinté d'une amertume, ses parents. Cette fois ci, lorsqu'il prononça la formule, un loup en sortit bien. Mais un loup bien pâle, qui n'arrêta même pas le Détraqueur. Il s'évapora aussitôt, alors que désormais, Ted se faufilait entre les branches d'un arbre.

« Incarcifors ! »

S'écria-t-il dès qu'il en sortit. Aussitôt les branches formèrent autour de la bestiole malveillante une véritable prison.

« Tu fais moins le malin là, maintenant ! »

Il pensait s'en être enfin sortit, mais la cage ne dura pas. Les branches se flétrirent. Et le Détraqueur put passer. Malgré son air bravache, Ted n'en menait pas large, alors qu'il filait à nouveau sur son balai. Ils étaient de retour sur le lac. Au moins, il ne prenait plus la direction du château. Il se maudit un temps de ne connaître aucun sort pour geler l'eau, sinon, il aurait bien tenté d'emprisonner le Détraqueur ainsi. En parlant d'emprisonnement, peut être qu'avec ce sort ci...

Il fit volte face, et fonça sur le Détraqueur, serrant les dents.

Il se revoyait. C'était quand, ça. Il y a dix ans. Il allait à l'école. Un enfant l'interpela. « Elle est trop vieille ta mère ! On dirait une sorcière ! Elle va nous manger quand ? Sorcière, sorcière, sorcière... » Ted le fixa, hargneux. « C'est ma grand mère, parle pas d'elle comme ça ! Au moins, elle, elle m'a pas abandonné ! » « Tes parents ont du fuir en voyant ta sale face de rat. » « Mes parents sont morts à la guerre. »

« Incarcerem »

Des cordes sortirent de sa baguette, pour s'enrouler autour du monstre. Enfin, tenter de s'enrouler. Puisque le Détraqueur les évita, tournoyant sur lui même. Ted remontait déjà en chandelle. Le plus rapidement possible, pour s'éloigner de cet être malsain.

Il supportait mal sa condition d'orphelin, d'accord. Il reprochait souvent à ses parents d'avoir joué les héros, et d'en être mort. Il ne supportait pas qu'on lui rappelait qu'il était l'enfant de deux martyrs, de deux sorciers morts au combat.

Mais il avait vécu de belles et d'incroyables choses. Et il avait une famille. Le visage de Victoire s'installa derrière ses paupières. Victoire, sa presque cousine préférée. Pour elle, il devait absolument se débarrasser du Détraqueur.

« SPERO PATRONUM ! »

Cette fois ci, c'est un énorme loup, aux muscles puissants, d'un blanc éclatant, qui fusa hors de sa baguette magique. Se précipitant sur le Détraqueur sous Ted. Le faisant plonger avec lui dans le lac.
A hauteur respectable, Ted volait en cercle, au dessus du lac. Guettant. Le Détraqueur allait-il revenir ? Il serait prêt, alors, à le recevoir.

Décidément, Victoire porte bien son nom. C'est ce qu'il se disait, alors qu'il survolait toujours le lac. Aucun signe du Détraqueur. Il s'amusa à faire sortir de sa baguette une pluie d'étincelles, formant un blaireau, avant de se calmer.

Le froid intense était de retour. Le malheur aussi. Son cœur n'était soudainement plus à la fête.

Le pote de celui qu'il avait envoyé au fond du lac ? Il allait lui faire subir le même sort. Serrant les dents, il monta plus haut encore, pour surveiller les alentours au mieux. Dans le parc, il aperçut divers lueurs. Il n'était pas le seul à se battre contre un Détraqueur. Il se demande brièvement de ce qu'il en était, des autres. Il espéra aussi que son parrain, Ron, Hermione, Ginny, et tous les autres, soient encore là. C'était eux, les héros, après tout.

Il l’aperçut enfin. Du terrain de Quidditch.

« Toi, je te jures que si tu y as croisé Kath, je vais te faire passer un très mauvais quart d'heure. »

Il ne voyait que Kathleen pour être à cette heure là au terrain de Quidditch, et il était désormais bouffé par son inquiétude pour elle. Elle avait beau être une petite sorcière très douée, il ne pensait pas qu'elle était capable de produire un Patronus.

Il leva sa baguette, et s'écria à nouveau la formule du charme. Son loup en sortit à nouveau, et fusa sur la créature. Celle ci recula, mais son Patronus s'évapora aussitôt, alors que l’encapuchonné reprit sa marche vers lui.

Il ne maîtrisait toujours pas ce sortilège. Pas assez pour se défendre efficacement, tout du moins. Il grinça des dents, et accéléra promptement sur son balai. Le Détraqueur le suivait. Une pirouette, un looping. Toujours là. Il secoua la tête, tout en se forçant à se rappeler ses meilleurs souvenirs. Mais il se sentait toujours plus nauséeux, plus assaillit par les pensées sombres. Ses mains s'engourdirent,  tant et si bien qu'il manqua de tomber. Et que sa baguette lui échappa. Aussitôt, il plongea en piqué pour la récupérer. Tudieu, il n'était pas attrapeur lui !

C'est à la surface de l'eau qu'il la reprit, négociant une remontée scabreuse difficilement. Il avait la tête qui tournait. Cette manœuvre subite avait mit de l'écart entre lui et le Détraqueur. Mais c'était sans compter un élément inattendu.

L'autre était sortit de l'eau, manquant de l'agripper.

Deux Détraqueurs. Deux foutus Détraqueurs.

« J'suis appétissant au final ? »

Il eut un rire sans joie, avant de projeter de véritables flammes sur les deux monstres jumeaux. Sérieusement, ils étaient absolument identiques ! Évidemment, les flammes ne firent... Strictement rien. C'était vraiment de sales bêtes, ces trucs. Ted maugréa entre ses dents, alors qu'il effectua une figure pour éviter les doigts de l'un d'entre eux. Ils cherchaient à l'agripper. Le prendre. L'immobiliser. Il savait pourquoi.

Et lui, il tentait de ne pas se perdre dans ses plus sombres pensées. Il murmura doucement, encore une fois, la formule. Spero Patronum. Son loup vint, mais il le garda avec lui. Le temps de reprendre ses esprits. Son Patronus n'était pas puissant, mais il lui donnait au moins un peu d'air.

Il allait devoir repousser ces deux monstres, et pour cela, il l'avait amplement compris, seul son Patronus pourrait lui servir. Le reste, ça les ralentissait tout juste. Au mieux. Il était bien content, de l'avoir, ce balai. Il lui avait certainement sauvé la vie ce soir. Il était dessus bien plus rapide et agile qu'à pied, c'était certain.

Et voler, ah, voler. Cela lui procurait un plaisir indescriptible. Il aimait voler. Et il allait leur montrer à ces sales bêtes, qui était le meilleur dans les airs. Le jeune enchaînait les figures à toute vitesse. Grâce à la petite protection de son Patronus autour de lui, il était plus concentré. Si les Détraqueurs tentaient de le prendre en tenaille, il effectuait pirouette ou looping pour brusquement changer sa direction, et filer encore. Le tout faisait une curieuse chorégraphie aérienne, un véritable petit ballet.

Il voyait aussi au loin le château, illuminé. Des lueurs, ci et là. Des Patronus. Poudlard se défendait. Les Détraqueurs ne pourraient rien contre eux. Cette pensée, plus que toute autre, le réconfortait, et lui apportait du bonheur. Il se persuadait qu'aucune victime ne serait à déplorer ce soir, et il en était heureux. Parce que c'est ce que son père et sa mère auraient voulu.

Parce qu'ils auraient été fier de lui.

Son Patronus brillait de plus en plus. Il devenait plus imposant. Plus fort. Il remarqua du coin de l’œil qu'un Détrauqueur semblait hésiter. Reculer.

Il se pencha aussitôt sur son balai, et fila dans sa direction, avec son Patronus. Celui ci percuta de plein fouet le Détraqueur. Quelques instants plus tard, la créature disparaissait en direction des montagnes.

Il vira en épingle à cheveux, pour ensuite se précipiter sur le deuxième Détraqueur. Il n'avait certainement pas besoin de le faire ainsi, il pourrait même se contenter de diriger son Patronus, mais il ressentait une joie sauvage à participer à cette chasse. Son loup fit mine d'égorger la créature. Lumière et Ombre s'emmêlèrent, avant que la silhouette maléfique plonge dans le lac. Cette fois ci, le batteur ne le laissa pas s'y reposer. Il descendit en piqué, de pair avec son Patronus, rattrapant le Détraqueur, puis laissant son loup le frapper par en dessous.

Enfin, celui ci suivit le même chemin que son compagnon. Le loup sembla hurler à la lune, puis s'évapora en direction de celle ci, sous les exclamations du Poufsouffle. Ted ne perdit pas de temps. Il fila en direction du terrain, pour voir si oui ou non, il y avait quelqu'un là bas. Survolant le parc, l'illuminant, il vit ci et là plusieurs autres sorciers qui avaient eux aussi combattu un Détraqueur. Constatant rapidement que personne n'était en difficulté, il se dit qu'il était temps de filer.

Il ne tenait vraiment pas à ce que quiconque apprenne qu'il avait combattu une, et même deux, de ces créatures. Il vola jusqu'à la tour d'Astronomie, pour y retrouver sa chouette, qu'il dorlota tranquillement.

Tout sourires malgré tout, fier et heureux de son petit moment de bravoure et d'héroïsme.