"Voilà qui est intéressant..."

En pleine dissection, Soranos Loki Rackharrow était absorbé par sa tâche, derrière le bureau de l'Infirmerie. Tout était une question de précision et de patience. Alors que deux scalpels tranchaient déjà la chair sanguinolente, animé par la magie, le médicomage s'occupait de la partie la plus intéressante directement avec un sort de découpe verdâtre qui s'échappait de sa baguette. Ses longues mains déjà tâchées de sang brillaient à la lumière de la petite boule illuminée qu'il avait fait apparaître et qui suivait de près ses actions.

Le dernier coup du scalpel volant acheva de découper une partie de la cervelle que le scientifique put passer sous sa loupe sorcière qui faisait plus effet de microscope que de simple verre grossissant.

"Vraiment très intéressant..."

Le bocal qui quelques instants plus tôt était encore chargé du cerveau désormais déchiqueté, portait une large étiquette blanche sur laquelle une plume avait soigneusement inscrit: "Cerveau Moldu". Un bocal jumeau un peu plus en arrière contenait un cerveau visiblement similaire, si ce n'est l'inscription: "Cerveau Sorcier". Soranos avait dû bataillé pour obtenir ces deux specimens rares et avait redoublé de ruses -et de magie- dans plusieurs morgues afin d'obtenir ce qu'il cherchait. Ses études de chirurgie parmi les Moldus lui avaient permis de goûter à l'exercice délicat de la dissection et l'hématophile qu'il était s'était fasciné de cette pratique sanglante. Il savait cependant ce que pensaient la majorité de ses congénères sorciers de ces pratiques étrangères jugées barbares, aussi faisait-il en sorte de mener ces expériences au sein de Poudlard de la façon la plus discrète possible. C'est lorsque Dolos arriva en trombe dans son bureau en couinant, que l'ancien Serpentard se vit obliger de stopper son mouvement. Quelqu'un arrivait. Aussi vif qu'un Hippogriffe mal luné, l'homme brun reposa le cerveau et ses morceaux dans son bocal. D'un coup de baguette il dirigea les deux scalpels encore rouges à leur place sur le mur et versa dans le récipient un liquide jaunâtre qui préservait ses précieux spécimens. Il saisit habilement un drap de camouflage et le jeta dans le fond de la pièce avant d'utiliser un sortilège de dissimulation: au fond du bureau il n'y avait plus qu'un mur blanc légèrement abîmé. La boule de lumière avait disparu et le sorcier saisit deux lingettes désinfectantes pour essuyer le sang de ses doigts. Il tenait encore les deux mouchoirs humides et rouges entre ses doigts lorsque la porte s'ouvrit. Bah, quelle importance après tout! Il était médicomage, c'était normal d'avoir du sang sur les mains. Nul n'était censé savoir que c'était du sang humain qui tâchait ses longs doigts fins, au sens propre et figuré du terme...

Soranos posa ses yeux clairs sur le nouveau venu. Ou plutôt sur la nouvelle venue. Son visage se crispa de manière imperceptible: il contrôlait parfaitement ses émotions, mais son dégoût intérieur pour la gent féminine n'en était pas moins présent. Déjà on le dérangeait dans ses expériences, et en plus de ça il s'agissait d'une sorcière et non d'un sorcier. Tout cela commençait bien mal... Mais le médicomage ne laissa rien paraître et acheva de nettoyer ses doigts fins avec sa lingette antiseptique avant d'envoyer, d'un coup de baguette, le tissu blanc et rouge dans la corbeille. Il s'avança donc vers la jeune fille devant lui, écoutant ses paroles.

Même pour Soranos qui éprouvait une haine sans nom à l'égard des femmes, il ne pouvait nier que la nouvelle arrivante était d'une beauté à couper le souffle, presque envoûtante. Il se félicita d'être un homosexuel accompli, car bon nombre d'hommes auraient perdu leur sang-froid en présence de l'inconnue. Il y avait cependant plusieurs choses qui lui paraissait importante de relever. Pour commencer, il ne connaissait pas cette fille. Alors certes, il n'était pas là depuis longtemps, il pouvait donc s'agir d'une élève à qui il n'avait pas fait attention. Mais elle était trop vieille pour être une élève. Et elle avait un visage assez remarquable pour ne pas être oubliée de la sorte. Et elle n'avait pas d'uniforme. Trois éléments qui poussaient Soranos à l'éliminer de la catégorie "élève". Ses déductions l'amenèrent à considérer le reste des individus vivant à Poudlard: le personnel et le corps enseignant. Elle n'en faisait pas partie, ça il en était sûr, il avait été présenté à l'équipe pédagogique et était assez malin pour se renseigner très précisément sur chacune des personnes un peu influente au château. Bref. Cette réflexion qui n'avait pas duré plus de deux secondes lui suffit amplement pour se montre prudent. Il joua sa très crédible comédie du sympathique médecin épris d'une compassion sans nom:

"Bonjour mademoiselle. En effet, je vois que vous saignez, asseyez-vous je vous en prie, évitons à tout prix un malaise ou une perte de conscience, la tête est une partie fragile, beaucoup plus qu'elle en a l'air. Je me permets de vous demander comment vous vous êtes ainsi blessé? Il est évident que l'information purement professionnelle me permettrait de faire le bon choix de soin, celui qui sera le plus rapide et le plus efficace."

A grand renfort de gestes aimables, Soranos l'invita à prendre place sur l'un des lits de son infirmerie, en prenant cependant soin de ne pas toucher la jeune fille. Il n'avait pas de gants, il ne pouvait décemment pas se permettre que sa peau si douce et pure entre en contact avec celle d'une femelle. Il saisit donc une paire de gants en caoutchouc blanc et prit entre ses doigts fins sa longue baguette des plus inflexibles. Il ne ferait rien tant qu'elle n'aurait pas répondu à sa question. Il savait qu'elle n'avait techniquement rien à faire à Poudlard et il était à dire vrai presque curieux de savoir s'il s'agissait d'une potentielle offensive, d'un espionnage ou d'une toute autre explication. Il aurait dû en informer directement le Directeur Braginsky, mais Soranos ne l'aimait pas, lui et sa ribambelle de N. Et puis avec un peu de chance, peut-être que la venue de cette inconnue était liée à l'organisation secrète qu'il s'était juré de combattre. Il commençait par les bases, les autres questions viendraient ensuite...