Une fois n'est pas coutume, Cecil corrigeait des copies dans la salle des professeurs. Préférant d'ordinaire le calme et l'intimité de son bureau, il venait là rarement, uniquement lorsqu'il avait quelque chose de précis à y faire. Il était venu vérifier quelque chose dans les dossiers des élèves. Maintenant qu'il était directeur de maison, il ne pouvait se permettre la moindre erreur. Il avait donc décidé de rester corriger là, la salle étant presque vide. Seul le nouveau professeur de Potions était présent aussi, de l'autre côté de la pièce. Patiemment et avec application, Cecil corrigeait donc ses copies lorsqu'il éternua.

J'étais là depuis une demi-heure à présent. Je crois que je ne m'étais jamais autant ennuyé à corriger un paquet de feuilles. J'y trouvais des énormités dignes de Troll, et je laissais bien souvent et à mon plus grand désespoir un petit commentaire avec ce mot dedans. Le professeur d'Arithmancie était là lui aussi, probablement dans le même état que moi. Il éternua et je sursautais violemment, concentré sur une énormité d'élève :
- A vos souhaits ! lâchais-je en me remettant de ma peur. 
Je marquais une pause et décidais d'engager la conversation : 
- Suis-je le seul à avoir des réponses de Troll ? 

"Merci."

Cecil, un peu embarrassé d'avoir éternuer aussi bruyamment remercia son collègue aussi dignement qu'il pouvait. Il écouta sa question avec circonspection.

"Qu'entendez-vous par troll ?"

Il n'avait aucune idée de quoi pouvait bien parler ce sympathique collègue et il ne voyait pas ce que les trolls avaient à voir là-dedans, à moins que les réponses de ses élèves soient stupides et odorantes. Il se leva et se dirigea vers lui.

"Excusez-moi, où sont mes manières ? Je ne me suis pas présenter officiellement, Cecil Vernet, professeur d'Arithmancie et directeur de Serpentard."

Et il tendit la main à son jeune collègue d'un air aimable.

Cecil Vernet me demanda avant de se présenter ce que j'entendais par "Troll". C'est alors tout sourire que je décidais de lui donner ma définition :

- J'entends par réponse de Troll, une réponse dont la stupidité sera au moins équivalente voire supérieure à celle d'un Troll des Montagnes. Et je peux vous dire, qu'il y a dans cette classe, quelques spécimens intéressent.

Je marquais une pause avant de me présenter à mon tour :

- Si vous êtes malpolie, je le suis au moins autant que vous lâchais-je sans me départir de mon sourire. Conuratio Fawley, professeur de Potions.

Il devait déjà le savoir bien sûr, mais je voulais faire cela dans les règles. Je lui serrais la mains en laissant de côté cette copie . Ne plus y penser ne pourrait me faire que le plus grand bien.

- Mais peut-être que les élèves sont plus doués en Artihmencie qu'en Potions ?

Cecil apprécia la politesse autant que l'humour du nouveau professeur. Quelqu'un de distingué et de drôle, voilà une association intéressante. Cecil observa son collègue en détail alors qu'il parlait.

"Oh je ne pense pas. L'Arithmancie est une matière complexe et je dois dire que les élèves qui montrent des dispositions pour son étude se compte sur les doigts des mains à Poudlard. Ce paquet de copies n'est pas si mauvais, mais une élève m'a un jour demandé s'il pouvait lire l'avenir dans ses recettes de cuisine. C'est un belle question de troll comme vous dîtes."

Cecil se permit un petit rire, un peu jaune. Il avait toujours en travers de la gorge le passage du petit Poufsouffle dans son bureau à la fin de l'année passée.

"Quel était le sujet de votre devoir d'ailleurs?"

J'écoutais attentivement Cecil tout en me disant que je ne pouvais que comprendre ses élèves. Mais je riais quand même à sa petite histoire en me disant que si un élève m'écrivais cela, je garderais la copie à vie.

- Je dois bien admettre que je ne n'étais pas moi-même une lumière en Arithmancie.

Je jetais un œil dégoûté à ce devoir que je trouvais pourtant d'une simplicité enfantine.

- Il s'agissait d'écrire une dissertation sur les propriétés de l'essence de Dictame et se qui la distinguait de l'essence de Murlap qui est, à mon grand désespoir confondu avec l'autre par les élèves. Bien évidemment, ce sujet est traité dans un ouvrage au fin fond de la bibliothèque mais au vu de ce que je lis, ils ne doivent pas connaître cette pièce.

Cecil sourit au ton de Conuratio. Il savait ce que c'était de lire un travail qui semblait avoir été écrit par un crétin : lorsqu'il travaillait au Ministère, il avait plus d'une fois dû remettre les pendules à l'heure à quelques-uns de ses collaborateurs. Il comprenait le désarroi de son collègue.

"La bibliothèque ? Vous leur en demandez beaucoup. Vous ne voulez pas non plus qu'ils travaillent tout de même !"

Pas de sourire sur le visage de Cecil mais un ton empli d'ironie.

Cecil restait assez impassible, mis à part quelques légers sourires. Il devait privilégier l'ironie c'était en tout cas ce que je pu relever lorsqu'il prit la parole. Je ricanais doucement avant de continuer :

- Suis-je bête, vous avez raison. Je leur en demande trop.

Je n'étais surtout pas un prof qui donnait beaucoup de devoirs. Au contraire. Je n'en donnais que sur des potions essentielles, pas à chaque cours ! Je notais les préparations importantes en classe, mais pour les travaux de dortoir, mes élèves n'avaient pas à se plaindre. Je réalisais soudain que Cecil me parlait toujours debout tandis que j'étais assis de profil à la table.

- Vous ne voulez pas vous asseoir ? Que je ne sois pas obligé de vous préparer une potion pour sauver vos jambes.

Cecil esquissa un sourire devant la remarque de Conuratio. Puis, suivant son invitation, il s'assit à sa table en faisant venir ses affaires d'un coup de baguette. Il reporta son attention un instant sur la copie qu'il était en train de corriger avant de relever les yeux vers son collègue.

"Vous avez dit que vous aviez étudié l'Arithmancie ? Ce n'était un pas sujet qui vous passionnait ? Je dois dire que mes collègues ayant pris cette option sont bien rares à Poudlard."

Et Cecil aurait sans aucun doute aimé de pouvoir avoir des discussions intéressantes et constructives à propos de sa matière.

Cecil s'était assit à mon invitation et avant ramené ses copies d'un coup de baguette. Je jetais un coup d'oeil à celle que j'avais finit de corriger et annotais vite la note, guère glorieuse, avec un mot pour aller avec. Je relevais la tête vers lui en posant ma plume :

- Oh oui, je l'ai étudié. Toute ma scolarité, ce qui est assez contradictoire puisque j'aurais pu abandonner vu mes piètres résultats. A vrai dire, je trouvais cette matière intéressante, mais malgré cela, je n'ai jamais eu de résultats satisfaisants. J'étais plus doué en runes.

Je marquais une pause tout en enlevant la copie que j'avais finit de corriger avant de parler. Je reconnu l'écriture d'une élève sur la copie suivante, mais je n'étais pas décidé à l'attaquer de sitôt.

- A vrai dire, je crois que ce qui me perturbait, c'était les chiffres. Problématique, non ?

Cecil écouta attentivement ce que lui disait son collègue. Oui, il comprenait. C'était souvent le problème chez les élèves.

"Avoir un problème avec les chiffres n'est pas gênant pour un Maître des Potions?"

Son ton était neutre, mais ne cachait pas une pointe d'ironie.

"Mais je comprends votre désarroi et je le retrouve bien souvent chez mes élèves. Ou alors, c'est une incapacité à manier l'abstrait, ce qui est tout aussi embêtant, vous comprenez bien. En ralité, je m'aperçois que nos matières sont diamétralement opposées."

Voyant son collègue reporter une partie de son attention sur une des copies qu'il devait corriger, Cecil laissa glisser ses yeux vers les siennes et corriger d'un geste vif un faute d'accord.

"J'étais bon en potions. En réalité, il y avait peu de matières dans lesquelles je n'étais pas bon. Disons que j'étais un élève très travailleur et assidu. Ma rigueur m'a permis d'avoir un O à mon Aspic de Potions."

Cecil essaya de gommer le trop plein de fierté qui emplissait sa voix. Il était fier de ce qu'il avait fait, mais il ne voulait tout de même pas se vanter outre mesure.

"Et comment en êtes-vous donc arriver ici à enseigner le noble art des Potions?"

J'écoutais mon collègue me parler de sa scolarité avec un sourire. J'étais ravi de voir que je n'étais pas le seul à briller dans beaucoup de matière. Je me retenais de faire moi aussi l'étalage des matières où je brillais et acquiesçais poliment lorsqu'il me demanda comment j'en étais arrivé là.
Avant de commencer ma tirade sur ma matière je le remerciais d'abord :

   -     Je suis ravi de voir que vous partagez mon idée sur les potions. C'est un art noble que beaucoup délaissent, hélas. Au départ, je ne voulais pas être prof. Ma famille désirait un métier bien plus en vu, au Ministère et j'ai un temps envisagé de travailler au Magenmagot. Mais... Poudlard me manquait et j'aimais autant le Quidditch que les potions. Après mûre réflexion, je me suis rabattu sur l'art noble que j'enseigne actuellement.

Je me tu. Je n'allais pas étaler tous mes problèmes familiaux, ils étaient bien trop complexes. Mais au moins, professeur de potion était mieux vu que professeur de vol. Mon nom continuait d'influencer la réputation de ma famille...

   -     Avez-vous, vous aussi hésité comme moi quand à votre métier ? A Poudlard, je n'étais guère très décidé, et je ne peux que comprendre les élèves qui hésitent, donc je m'efforce de les aider.

Cecil sourit intérieurement en entendant son collègue parler du Magenmagot. Lui qui en faisait partie aujourd'hui, en plus de ses activités à Poudlard, ne dit rien, mais s'amusa de la coïncidence. Il comprenait que Conuratio avait pu subir la pression de sa famille, ce qui était souvent le cas dans les grandes dynasties sorcières.

"Nous avons en commun le manque d'idées quant à notre avenir lors de nos études. Après mes Aspics, je me suis vu proposé un poste au Ministère, mais il a fallu attendre dix ans avant que je ne l'accepte, dix années au cours desquelles j'ai voyagé de par le monde, à la découverte des anciennes civilisations magiques. Et je ne suis professeur que depuis l'année dernière, suite à un changement de direction professionnel, dirons-nous."

Cecil ne put empêcher son ton de devenir plus sombre à la fin de sa phrase. Il était toujours un peu amer face aux circonstances qui l'avaient poussées à quitter le Ministère. Il reporta son attention sur sa copie, en reprenant sa lecture.

Je corrigeais trois réponse, mon esprit divisé entre les paroles de mon collègue et cette copie presque parfaite. Cecil Vernet avait donc travaillé au Ministère ? Cela devenait intéressent. Mais j'entendis qu'au son de sa voix, sa sortie s'était mal passé. Je ne voulais pas remuer le couteau dans la plaie, alors je décidais de partir sur un sujet moins douloureux.

   -    Oh, vous avez donc voyagé ? Vous devez être très cultivé, dans ce cas, surtout si vous avez étudiés les anciennes civilisations magiques. Elles avaient bien des points communs avec celles-actuelles, n'est-ce pas ?

Un tel sujet m'intéressait réellement, parce qu'à part l'Angleterre et ses environs, je n'avais jamais vraiment été nulle part.

   -    Enfin, personnellement, je connais notre civilisation actuelle. J'oserais dire que c'est plutôt prometteur dis-je autant sur le ton de la conversation qu'avec amusement.

La question de Conuratio fit remonter un flot de souvenirs dans l'esprit de Cecil qui releva ses yeux, quittant la copie qu'il était en train de corriger. Ses années d'aventures et de découvertes. Il en gardait toujours des images, des odeurs et des rencontres qui avaient fait celui qu'il était aujourd'hui.

"J'ai en effet beaucoup voyagé. J'ai eu la chance de voir des choses que très peu pourront découvrir dans leur vie et j'ai conscience de ce privilège. Que vous dire de plus? Les situations et les histoires des différentes civilisations sont extrêmement diverses, il est difficile de tirer des constantes. Tout ce que je peux vous dire, c'est que découvrir toutes ces choses que j'ignorais m'a permis de mieux comprendre et apprécier la situation d'aujourd'hui. Nous avons beaucoup à apprendre des autres et même du passé. Je ne pourriez plus vous donner le détail, mais vous seriez étonné de la manière dont les anciens sorciers chinois effectuaient certaines potions. Leurs techniques n'avaient rien à voir avec ce que nous faisons aujourd'hui et pourtant, leur efficacité n'était en aucun cas moindre. Et pourtant, même en découvrant ces différences, on se retrouve sans cesse, dans un miroir certes poussiéreux mais fidèle. Tout cela nous amène à nous penser à nouveau, et remettre en question nos manières de faire et beaucoup devraient se livrer plus souvent à cet exercice, si vous voyiez ce que je veux dire."

Cecil adressa un petit coup d’œil à une de ses copies qui arborait dans son en-tête un D entouré.

La réponse de mon collègue, quoique longue, était néanmoins instructive. Je ne connaissais rien aux potionnistes chinois, mais je me doutais bien qu'ils avaient leurs propres techniques et potions.

    -     Ce que je trouve dommage, c'est que certaines choses aient disparues. Il est évident que le passé sera toujours un peu flou, d'une manière ou d'une autre.

Je mis un Optimal à cette copie parce qu'en comparaison des autres, elle était parfaite. Il y avait quelques fautes, mais elles restaient minimes. Je jetais un coup d'oeil à la copie que venait de corriger mon collègue.

   -    Pas mal dis-je en la désignant du bout de la plume, j'en ai mis quelques uns comme ça.

Cecil eut un léger rire devant le commentaire de Conuratio. Son collègue comprenait sa situation. Cecil était étonnamment détendu et il se fit la réflexion que la maître des Potions était de compagnie agréable.

"Je comprends votre point de vue, mais j'aime à penser que nous avons conservé l'essentiel. Peut-être pas directement par des écrits ou des vestiges, mais par l'héritage culturel que nous avons d'eux. Le temps en courbe vous savez, alors rien n'ai jamais vraiment acquis ou perdu."

Cecil ponctua sa phrase sybilline d'un léger sourire.

Cecil sourit à la remarque de son collègue. Il voyait que le problème l'intéressait véritablement. Peut-être même le troublait-il un peu. Cecil retira ses lunettes, qu'il devait porter pour arriver à lire ses copies et fixa Conuratio.

"Vous avez parfaitement raison. C'est pour cela qu'il est important d'enseigner à nos élèves des disciplines comme l'histoire de la Magie. Chacun doit être conscient de ce que la connaissance du passé peut apporter mais plus encore, si quelques élèves se passionnent eux-mêmes pour des questions et font des découvertes importantes, nous aurons remplis notre devoir de professeur, ne pensez-vous pas?"

Cecil comprenait la frustration qu'on pouvait ressentir à l'idée que des connaissances importantes aient pu être perdues, mais il préférait voir le positif sur cette question.

Cecil marqua un temps d'arrêt, hésita, puis finit pas craquer.

"Oh, le Professeur Binns! Vous ne savez pas combien de fois j'ai dû le défendre auprès de mes camarades alors que je trouvais ses cours insupportables! Et pourtant, j'adore sa matière et j'étudiais avec passion, mais je ne peux vous cacher qu'il reste le Professeur avec lequel j'ai eu le plus de mal."

Cecil se sentait coupable de dire cela, mais ça lui faisait un bien fou. Jamais il n'avait avoué s'ennuyer en Histoire de la Magie, par esprit de contradiction, mais ces longues heures avaient été très difficiles. L'avouer enfin lui fit un bien fou qui se traduisit par un sourire à peine coupable qui naquit sur son visage.

Cecil fronça les sourcils d'un air pensif. Il se posait la même question.

"Je ne saurais vous répondre. Mais je ne vous cacherais pas que j'ai été soulagé de savoir qu'il n'était plus en poste lorsque je suis arrivé. J'aurais été extrêmement inconfortable en sa présence."

Une pensée lui vient et Cecil ne put s'empêcher de poser la question.

"Quel âge avez-vous? Je sais que ce n'est pas poli de vous le demander, mais je n'ai pas le souvenir de vous avoir vu lorsque j'étais élève."

En réalité, Cecil s'en serait souvenu, étant donné que Conuratio était tout à fait charmant et selon ses dires, un rat de bibliothèque comme lui-même avait pu l'être, deux qualités qui auraient poussé Cecil à se souvenir de lui.