"Les idées se pressent sous ma plume si abondantes que je n'ai même pas le temps de les exprimer. C'est ce qui explique pourquoi mes lettres en sont quelquefois totalement dépourvues." Orgueil et Préjugés, Jane Austen.

Hermine, Bouteille, Violon, Carillon, Chaussure

oOoOo

Allongée sur mon lit, du papier et un stylo près de moi, cela faisait plus d'une heure que je réfléchissais à ce que j'allais bien pouvoir écrire à Glenn.
Les yeux perdu dans le blanc du plafond, je repensait aux souvenirs que j'avais avec mon moldu de copain.

J'avais été surprise quand mon frère m'avait tendu l'enveloppe de la lettre de mon premier ami british deux jours avant, et depuis je me questionnais sur ce que j'allais pouvoir lui répondre.
En même temps, la sienne n'engageait pas beaucoup à la diversion. Chose plutôt rare, il était allé droit au but et ne me laissait pas beaucoup échappatoire.
Je relus une énième fois la lettre :

"Coucou petit bout d'humain, je t'écris en direct de Barcelone, où je suis en train de siroter une bouteille d'une boisson incroyable.
Connaissant tes goûts étranges pour la bouffe et la boisson, je me doute que cela n'est pas très important pour toi, alors j'entre dans le vif du sujet tout de suite."

Je pouffai un peu en lisant ça. Mes habitudes japonaises en matière de nourriture avaient toujours été une source de questionnements pour Glenn qui n'avait jamais pu s'y faire.

"Tu sais que je ne suis pas doué pour la réflexion, mais dernièrement je commence à me poser de sérieuses questions avec tes dernières lettres. Ne le nie pas, je sais que tu ne me dit pas tout. Mais tant que tout allait à peu près bien, je n'avais pas trop de soucis avec ça.
Je sais bien que tu es spéciale et que ton école au bout du monde est une explication à ça.
Mais dans tes trois dernières lettres, il y a un hic. Que s'est il passé ? J'ai eu l'impression que tu étais retournée à l'époque où l'on est devenus amis. Méfiante et sous tension, ce qui n'est pas bon pour ton teint maladif, je te l'ai déjà dit petite hermine."

Le bougre savait comment piéger ma grosse cervelle aussi bien que Mamoru et apparemment n'aurait plus de scrupules à le faire.

"- Hey demie-portion, maman a besoin d'aide dans le jardin, me lança mon frère qui venait justement de passer devant l'entrée de ma chambre, ouverte comme d'habitude."

Je n'avais rien à cacher à ma famille et n'aimais pas m'enfermer comme une ado lambda dans ma chambre. J'attrapai rapidement une paire de chaussures et descendis rejoindre ma mère, tout en emmerdant mon frère en le poussant au passage.

"- Attention Hanabi, tu risquerais de te faire mal, se moqua gentiment Mamoru en m'attrapant par les épaules pour me stopper.

- Silence Oni-chan, un jour je te battrai tu peux en être certain.

- Ce n'est les quelques leçons d'aïkido que je te donne qui vont changer grand chose.

- Je compte t'avoir à l'usure, c'est plus facile. Et puis je compte bien corrompre mes neveux et nièces de m'aider à vaincre leur papa."

Nous étions arrivés dans le salon où mon père lisait un article sur une vieillerie quelconque. Il entendit ma remarque et pour m'aider il lança innocemment :

"- Avant de parler de neveux et nièces, il faudrait trouver une jeune femme qui réussisse à détourner ton frère de ses recherches."

Je ne pus retenir un rire qui vexa mon frère, qui serra plus fort mes épaules.

"- Doucement Oni-chan, tu ne voudrais pas abîmer ta fragile petite sœur tout de même ?!

- Fragile ? On ne doit parler de ma sœur alors. Quand je pense à elle je dirais plutôt petite furie."

Vexée comme un poux, je me rebellais contre lui et finis par m'échapper en lui marchant assez violemment sur le pied.

"- Tu vois, une vraie furie, grogna mon frère entre deux plaintes de douleur."

Pour faire bonne mesure devant mon père qui se marrait franchement, je lui tirai la langue et les planta là pour rejoindre ma mère.

"- Vous êtes toujours aussi bruyants tous les deux, me lança-t-elle avec son grand sourire.

- Que veux tu, on ne se refait pas. Tu plantes des camélia ?

- Oui, ils devraient fleurir peu après les aigaku, et tiendront compagnie au chèvrefeuille Halliana. Un peu d'aide serait la bienvenue, continue-t-elle en me montrant des choses à porter.

- Tu sais ta baguette pourrait très bien le faire à ma place. Je suis encore en pleine croissance et porter des choses lourdes ne va pas m'aider à rattraper mon retard.

- Pauvre enfant, il faudrait sortir les violons, rétorqua-t-elle se moquant gentiment de moi."

Je ne réussis pas à me retenir et j'éclatais de rire. Nous nous mimes au travail avec bonne humeur.

Deux heures plus tard, nous rentrâmes à l'intérieur, couvertes de terres et de brindilles dans les cheveux, mais le sourire aux lèvres.  
Après une bonne douche, j'avais retrouvé mon lit et repensais à Glenn. Machinalement, dans un geste savamment étudié et souvent pratiqué, j'allumais mon poste modifié – cadeau de mon frère pour mes dix ans – et fit défiler les nombreux morceaux qu'il avait et me décidai pour la playlist des morceaux de mon anime préféré, FMA. Rapidement ma voix se mêla à celles de chanteurs et j'oubliai momentanément le monde qui m'entourait pour me laisser bercer par la musique.
Apaisée, je pris en main mon stylo et me laissai porter par une soudaine inspiration.
Délicatement, je commençai à écrire ma réponse à Glenn.

"Salut tête de pioche… Il serait peut être temps d'arrêter de nous appeler par des surnoms débiles non? Je reprends donc :

Ma chère brute épaisse préférée… Rien à faire, je ne réussis pas.
Il doit y avoir une raison profonde à ce fait. Je veux dire, ce n'est tout de même pas anodin. Ça craint un peu de ne pas pouvoir s'empêcher de s'insulter dès qu'on en a l'occasion.
Je me demande ce qu'en dirait un psy. Une espèce de syndrome de Stockholm, mais dans ce cas, qui est la victime ?

… Ce que je dis n'a aucun sens…

Les idées se pressent sous ma plume si abondantes que je n'ai même pas le temps de les exprimer. C'est ce qui explique pourquoi mes lettres en sont quelquefois totalement dépourvues.
Tu me diras, mes conversations aussi. Il est amusant de voir que ce soit à l'oral ou à l'écrit, je suis une incorrigible pipelette, qui ne peut se retenir de dire tout ce qui lui passe par la tête.
Ce ne doit pas être facile d'être mon ami, je m'en rends compte.
Je te dois des excuses. Pas seulement pour mon vilain défaut, mais pour t'avoir caché des choses.
Tu sais que je n'ai jamais été très douée pour parler de ce qui me tracasse. Ce n'est pas que je ne te fais pas confiance, mais je n'ai pas le droit de t'en dire plus sans risquer qu'il t’arrive de mauvaises choses. Tu n'as pas à t'en faire, je ne risque absolument rien. Nous ne sommes tout simplement pas du même monde.
Je suppose que tu ne dois pas comprendre ce que je t'écris, mais vu ta dernière lettre je suis sure que tu saisiras l'essentiel.
Avant que tu ne commences à t'inquiéter, ce n'est pas  une lettre d'adieu. Je ne compte pas disparaître tout de suite et te faire chier quelques temps encore.

Quand reviens tu en Angleterre ? Il faut que je le sache rapidement car un ami m'a invité à venir le voir pendant son séjour au Japon, et il attend ma réponse pour la date.
Tu te doutes que je n'ai pas pu refuser l'invitation. Le plus surprenant est que mes parents n'ont pas dit non, alors que ça fait des années que je les tannes pour y aller.
Et tu sais ce qu'à répondu mon père ? Je cite :
«Tu avais besoin de te concentrer sur l'instant présent et avancer. Tu es à présent sur la bonne voie, je n'ai donc rien à redire là dessus.»

Tu te rends compte ? Mon père est un vrai tordu !
…"

Je fus coupée dans mes réflexions par un coup du carillon de l'entrée. Curieuse, je me levai pour voir qui c'était. Ma fenêtre donnait une vue parfaite sur la porte d'entrée, certainement un choix réfléchi de mon père –lui aussi était allé à Serdaigle – pour me permettre de toujours savoir qui venait sonner, au cas où.  
Quand je vis que ce n'était que la voisine, venant sûrement pour demander un remède quelconque à ma mère.
Bien que travaillant dans la littérature, elle continuait à faire toutes sortes de remèdes et onguents pour la vie de tous les jours, et en faisait profiter les voisins. Préparés grâce à ses connaissances de miko, ces potions avaient la réputation d'être efficaces.
Je ne pus reprendre ma lettre car mon frère m'appela et me proposa de faire une petite leçon d'aïkido que je m'empressai d'accepter…

oOoOo

Les idées se pressent sous ma plume si abondantes que je n'ai même pas le temps de les exprimer. C'est ce qui explique pourquoi mes lettres en sont quelquefois totalement dépourvues." Orgueil et Préjugés, Jane Austen.