"L'orgueil a cela de bon qu'il distrait l'homme de sa faiblesse." Louis Dumur
Cecil esquiva le sort qui lui frôla l'épaule, un sourire ironique dansant sur ses lèvres. D'une roulade il en esquiva un second, avant de se relever vivement et de se remettre en garde. La sueur perlait sur le front de son adversaire qui peinait à suivre le rythme que lui imposait Cecil. L'homme, répondait au nom de Keith, leva une fois encore sa baguette et lança brillamment un sort compliqué qui vint malheureusement s'écraser contre un bouclier translucide créé par Cecil. Le déception et l'étonnement muèrent le visage de Keith en un masque d'abandon et le jeune roux n'offrit pas une seule seconde de plus à son adversaire pour mesurer à quel point il lui était inférieur. D'une revers de baguette, le corps du jeune Australien s'éleva dans les airs et retomba quelques mètres plus loin immobile. Cecil rangea sa baguette, l'air suprêmement satisfait et se tourna vers son oncle Marc, qui le regardait à quelques mètres de là. Il attrapa sa bouteille d'eau posée là et but plusieurs longues gorgées avec délectation.
« Alors ? Tu en as pensé quoi ? »
Marc, les bras croisés, avait un air indécis. Il finit par soupirer avant de se gratter l'arrière de la tête. Il paraissait gêné et mit quelques secondes avant de répondre à la question de son flamboyant neveu, comme s'il cherchait les mots justes.
« Et bien, oui, tu as gagné. C'est indéniable. »
« N'est-ce pas ? »
Et Cecil eut un petit rire en s'approchant de son adversaire, toujours à terre. Il tendit la main à Keith qui l'attrapa tant bien que mal et qui se laissa remettre debout, une bosse sur le front et les joues rouges. Cecil lui posa une main sur l'épaule et dit :
« C'était un beau match, bravo à toi. »
Keith le fixa d'un air froid, aussi blanc qu'une hermine. Il sentait bien que Cecil disait cela pour le rassurer sur ses capacités et cela ne lui plut guère.
« Ce n'est pas parce que tu es meilleur que moi qu'il faut que tu me traites comme cela. Je sais reconnaître quand j'ai perdu. Ce n'était pas un beau match, tu m'as juste battu à plates coutures. »
D'un mouvement d'épaule, Keith se dégagea et fit volte-face en retournant vers la grande maison de bois qui s'élevait un peu plus loin. Il étudiait là, dans ce centre australien spécialisé dans l'étude de la magie aborigène. Marc et Cecil étaient venus là afin d'en apprendre plus sur cette magie ancestrale peu connue. Et, ne résistant pas à la tentation de montrer sa valeur, Cecil n'avait pu s'empêcher de lancer un duel à qui voulait bien. Il voulait montrer à son oncle les progrès qu'il avait fait mais aussi, faire sentir aux autres combien il leur était supérieur sur ce point-là.
Devant la réaction de Keith, Cecil fronça les sourcils et retourna bientôt vers son oncle. Il croisa les bras sans rien dire, vexé de la réaction de l'Australien. Marc, qui avait entendu l'échange, eut l'élégance de ne rien dire, mais il n'en avait pas encore fini avec son neveu.
« Tu as fait des progrès immenses, c'est certain, mais il te reste encore une large marge d'évolution. Tu excelles dans la magie de combat, tu es vif, rapide et tu cernes rapidement les tactiques de tes adversaires. Mais tu as vingt-sept ans et tu combats encore comme un jeune fou. Tu n'as pas besoin de démontrer autant tes capacités. Tu es fort, et la sage qui sait être fort n'a nul besoin de le montrer. Ce n'est pas un concours et il est inutile de te comporter comme tu le fais là : on dirait un paon qui veut impressionner sa basse-cour ! On dirait que tu oublies que tu n'es pas aussi doué que tu le penses. »
Marc regretta immédiatement d'avoir dit cela. Il le pensait certes, mais il savait que la sensibilité de son neveu ne supportait pas les critiques aussi dures et frontales. Cecil était difficile à manier et Marc savait qu'il venait de commettre un impair que le jeune homme allait sans doute lui faire payer. En effet, Cecil pâlit avant de rougir alors qu'une intense étincelle de colère se mit à briller dans ses yeux.
« Je ne suis pas aussi fort que ça ? C'est ça que tu veux dire ? »
« Je ne remets en aucun cas en doute tes capacités, tu es un sorcier extraordinaire. C'est ton attitude qui t'empêche de progresser encore et j'en suis bien désolé. »
« Comment ça ? »
« Et bien je suis désolé de ne pas avoir réussi à te faire combattre que la puissance ne vient pas que des capacités magiques ou physiques, mais avant tout du mental et du cœur. Et je suis désolé de te dire cela, mais tu manques de cœur lorsque tu combats. »
Marc se savait dur de dire cela, mais il avait ouvert par sa maladresse une porte qu'il ne pouvait refermer. Il vit le visage de son neveu se déformer sous le poids de la colère, et aussi, de manière moindre mais présente tout de même, de la honte.
« Tu n'as pas à me prouver que tu es bon. Je le sais, Cecil. Je le sais. Mais je veux seulement que tu sois encore meilleur que tu ne l'es là, car tu le peux. J'ai encore des choses à t'apprendre. »
« Tu en es sûr ? »
Cecil regardait son oncle d'un air mauvais, le regard brûlant d'une colère contenue. Marc soupira une fois encore. Il ferma les yeux un instant, mais lorsqu'il les rouvrit, son regard était aussi dur que celui de son neveu.
« En position. »
Et les deux sorciers se mirent en place, l'un face à l'autre en position de duel. Ils se saluèrent d'un mouvement de tête bref puis ils levèrent leur baguette. Et Cecil attaqua. Férocement, mais sans impulsivité. Ses actions étaient réfléchies et vives et les sorts s'enchaînaient dans une myriade de lumières et de sifflements enragés. Il mobilisait toutes ses connaissances, tous les astuces et les techniques qu'il avait apprises jusqu'alors, mais à chaque fois, Marc paraît et répliquait, frappant avec sévérité, sans retenue. Cecil enchaîna différentes bottes, alliant Métamorphoses, Sorts de Combats et même Sortilèges visant à déconcentrer son adversaire. Sa baguette en bois de violette vibrait sous l'afflux que lui imposait son sorcier. Le duel n'avait rien à voir avec celui contre entre Cecil et Keith. Là, c'était un combat de titans qui ne retenaient rien et qui voulaient tous deux prouver à l'autre qu'ils avaient raison.
Bientôt, Cecil recula d'un pas, puis de deux. Il se mit à serrer les dents et réalisa très vite qu'il se défendait plus qu'il n'attaquait. Marc, le visage figé dans un masque de concentration, ne lui laissait pas une seconde de répit. Et au bout de quelques minutes, Cecil fut toucher à la jambe, puis à l'épaule. Il tomba à genoux et son oncle le désarma d'un mouvement sec. Marc s'approcha alors de lui et baissa les yeux vers son neveu vaincu.
« Oui, j'ai encore des choses à t'apprendre. »
Cecil se releva, en colère et honteux, et partit vers une falaise toute proche, en boitant. Marc le laissa partir, le regard triste. Parti l'enfant qui s'émerveillait de tout. L'enfant qui courrait dans les champs et qui posait milles questions. L'enfant qui voulait faire du Quidditch et du violon et qui finit pas se passionner pour les chiffres et la philosophie.
« Pourvu que ton orgueil ne te perde pas. »
Et, lorsque Cecil fut seul, il s'écroula au sol, complètement exténué, avant d'enlever ses chaussures et d'enfouir ses pieds dans la poussière rouge du désert. Les larmes se mirent à rouler sur ses joues alors qu'il serrait ses bras autour de sa poitrine endolorie, comme s'il voulait s'étouffer lui-même. Il resta ainsi un moment, à pleurer tout son chagrin et toute sa frustration de ne pas être encore assez fort.
Et il pleura de larmes de honte et des larmes de promesse.
Car dans chaque sanglot qui faisait frémir son corps meurtri, dans chaque gémissement qui tailladait son âme nuageuse, Cecil se promettait de devenir meilleur, de ne plus être faible, pour que jamais ne se reproduise l'horreur et la perte.
Et sous le ciel d'un rouge crépusculaire, sous le brise sableuse du désert australien, résonnaient encore le carillon de la souffrance de celui qui reste. La chagrin de l'enfant pour sa mère perdue.
"L'orgueil a cela de bon qu'il distrait l'homme de sa faiblesse." Louis Dumur