Je marche rapidement au milieu de ce couloir bondé, à la recherche de la tête brune que je connais si bien maintenant mais ne le trouve nulle part dans les gens de sa classe. J'attrape l'un d'eux par le bras. Oulah...pas content le serpend! Mais c'est qu'il va me mordre! Je lui fais un grand sourire.

- Salut mec, tu saurais où est Christian Whitewood? Je le cherche.

Après avoir "discuté" avec lui je me dirige rapidement vers le troisième étage. AH le voilà qui sort du bureau du dirlo, comme dit par son camarade.

- Hey Chris! Quoi de neu... ça va pas?

Je viens de vivre l'un des moments les plus bizarres de ma vie. Le professeur Braginsky qui m'annonce que mes parents sont morts. Résultat, je suis resté une grosse demi-heure à discuter avec lui, de tous les sujets. J'ai l'impression d'avoir été secoué comme une boule à neige. Et là, je vois la neige retomber. Soudain, je vois Paddy arriver en face de moi. Je la regarde un instant sans comprendre ce qu'elle me dit. Je cligne des yeux, fronçant à moitié les sourcils.

"De quoi?"

Je rougis un peu.

"Pardon... Bonjour, tu disais?"

Il a l'air...totalement perdu? Je le saisi par le bras avec un "viens par là" et le pousse dans une des salles vides qui peuplent l'étage puis m'assoit sur une des tables poussiéreuses. Je laisse pendouiller mes jambes et les fait se balancer avec plaisir.

- Alors? Qu'est-ce qui va pas? Un lien avec ton entretient chez le directeur, peut-être? T'as l'air...tout chamboulé je crois.

Paddy me pousse dans une salle vide et je me rends compte que je n'ai pas vraiment envie de discuter avec qui que ce soit. Je ne comprends pas trop ce qu'elle me veut. J'ai juste envie de retourner dans ma salle commune et me poser, et pas vraiment de raconter ce qui vient de se passer, parce que je n'ai pas encore assimilé d'ailleurs.

"Comment tu sais que j'étais chez le directeur?"

Je suis sur la défensive, je fronce les sourcils.

Je ne dis rien face à sa réaction un peu en colère? réfractaire? Je ne sais pas. Je hausse les épaules et secoue un gros sachet en papier, plein, à côté de lui.

- Un de tes potes? Collègues? M'a dit où tu te trouvais et comme j'ai une heure de libre, et toi aussi -je le sais j'ai regardé dans ton emploi du temps la dernière fois- je me suis dit qu'on pourrait manger ensemble? C'est quelques trucs sur le pouce que je suis passée prendre en cuisine.

Je lui fais un grand sourire affectif. Quelle est loin cette journée d'entraînement de Quidditch ou j'ai connu cette adorable tête brune. On s'est rapproché plus vite qu'il n'en faut pour marquer un but. Mais je suis contente. Je secoue de nouveau le sac vers lui avec un petit sourire.

Je la regarde encore, sans vraiment la voir. Je suis encore dans le bureau du professeur Braginsky. J'ai l'impression que ma vie vient de prendre un virage violent et pourtant, je n'ai pas perdu grand chose de très important. Je me sens vraiment bizarre. J'attrape un morceau de pain et je commence à le mâcher sans appétit. Pas de goût. Bon, il faut que je me ressaisisse.

"Tu vas bien toi?"

Je sors un mouchoir en papier moldu et nettoie la table de sa poussière à côté de moi pour poser tranquillement deux croques-monsieur fumants -merci les elfes de maison, cette cuisine française et tout de qui fait que manger est une bonne chose- ainsi que deux récipients de sirop de fruits rouges et du pain, que Chris a déjà bien entamé.

- Et ben...ça va. J'ai encore raté une expérience de métamorphose personnelle. T'aurais dû voir ça hier soir, j'ai transformé une quinzaine de trombones en sauterelles. C'était merveilleux...mais les filles de la maison n'ont pas trop apprécié, surtout quand je leur ai dit que le sort s'inverserait lui-même. L'une d'elle avait encore un trombone dans les cheveux ce matin. C'était fun.

Je prends un des sandwitchs français et croque dedans avec plaisir.

- Alors? te voulait quoi directeur?

Je me force à manger et j'attrape un des trucs que Paddy a ramené et là, je dois avouer que c'est vraiment bon. Je sens qu'avaler de la nourriture me fait du bien alors j'engloutis le sandwich en trois bouchées, après avoir retiré la viande à l'intérieur. Bon, qu'est-ce que je dis à Paddy? La vérité ou non? Aller on tente.

"Il voulait me parler de mes parents. Ils sont morts hier dans un accident de voiture."

Je dis ça d'une seule traite, comme on enlève un pansement. Je n'ai pas envie d'en parler, mais je me verrais mal lui mentir aussi.

J'écarquille les yeux, la bouche fermée, et avale de travers puis me met à tousser. Ses parents? Ses parents?! Je croyais qu'il vivait chez son frère ainé depuis que ses parents étaient morts... Même ses potes de Serpentard savent que ses parents sont morts... Est-ce qu'il aurait... menti? Mais pourquoi? Je fronce les sourcils et serre les poings, ma colère montant petit à petit après un long silence.

- Tes parents...sont morts. Tes parents?

Je bloque un instant avant de répondre d'un ton plus sec que je l'aurais voulu.

"C'est ce que je viens de dire."

Je croise les bras en rougissant à moitié. Je ne comprends pas vraiment mes émotions mais ça fuse dans tous les sens. Et Paddy est malheureusement là au mauvais endroit au mauvais moment.

"Un problème?"

Son air condescendant et sa question posée l'air de rien me mettent littéralement hors de moi. Il plaisante là? Il plaisante, sérieusement hein?! Je me rends compte que je suis furieuse, parce que ce crétin ne se rend même pas compte qu'il a battit notre amitié sur des mensonges. Parce que si quelque chose d'aussi important est faux, pourquoi pas tout ce qu'il m'a raconté d'autre, hein?! Furieuse, dépitée et déçue je me relève, ferme mon poing et lui balance dans le visage avant de crier.

- Est ce que j'ai un problème? MOI?! Mais c'est à toi qui faut poser cette question pauvre crétin! Tes parents sont morts depuis toujours pour moi... Pour tout Poudlard en fait puisque c'est ce que tu as fait croire à tout le monde. A TOUT LE MONDE?! Alors quoi ? Tu es orphelin? Oui ou non? Depuis quand?! Tu vis avec tes frères ou ça aussi c'était un mensonge? Depuis combien de temps tu te paies ma tête... Merlin j'ai l'air ridicule, je t'ai parlé de mes sentiments par rapport à mes parents en croyant que tu comprendrais. Tu t'es bien marré non?

Le poing de Paddy me percute le visage et je tombe en arrière. Je l'écoute m'engueuler. Je sens ma colère monter. Je lui en veux de me dire tout ça, de comprendre de travers parce qu'elle comprend de travers. J'attends qu'elle ait fini et je la fixe d'un air glacial.

"Bien sûr que je me suis moqué de toi! Bien sûr que j'ai fait semblant de te comprendre pour tes parents! Je suis un être horrible c'est bien connu! Tu m'as jamais demandé s'ils étaient morts et je ne veux pas en parler. Je n'en ai jamais parlé à qui que ce soit, alors arrête! Tu ne sais pas qui ils sont, ou ce qu'ils m'ont fait! Tu ne sais pas ce qu'on a enduré mes frères et moi alors tais-toi!"

Je finis par lui crier dessus, les larmes aux yeux. Pourquoi a-t-il fallu qu'elle demande? Je ne veux pas que les gens me posent de question...

J'entends ses mots durs et je ne peux m'empêcher d'avoir les larmes aux yeux. Je sais bien que j'ai sur-réagi et je m'en suis voulu dès que mon poing a touché sa pommette. Mais j'y peux rien, je me sens trahie et déçue. Merlin la déception me transperce de part en part. C'est douloureux. J'ouvre la bouche puis baisse les yeux, légèrement honteuse, le visage décomposé. Puis je me mets à parler, à voix basse, en triturant mes mains.

- Je ne t'ai jamais demandé, c'est vrai. Mais j'ai demandé, autour de toi. Je me suis rendu compte que t'étais pas très loquace. T'aimes pas parler de toi et moi je voulais pas faire de gaffe. Alors je me suis renseignée. Mais c'est vrai. Je ne sais rien de toi. Ou alors si peu que c'est ridicule. Mais j'essaie de faire avec. Et non, je ne pourrais jamais savoir ce que ça fait de souffrir à cause de ses parents. Je ne saurais jamais ce que ça fait de savoir ses origines, d'où l'on vient. Je ne saurais jamais la déception qu'on peut avoir par rapport à son père ou à sa mère. Et je comprends, enfin je tente de comprendre difficilement ce qui t'as poussé à renier ton passé et tes géniteurs. Mais c'est vrai que je ne sais pas. Et j'aurais pas dû te frapper, désolée.

Je garde mes yeux posés sur mes mains en les triturant encore, de nouveau silencieuse.

Je me sens désolé pour Paddy et en même temps je lui en veux encore. Je ne m'excuserai pas, mais je vais essayer de me détendre. Je respire profondément en essayant de faire le tri dans mon cœur.

"Les parents sont sensés aimer leurs enfants, je crois."

Je marque en temps d'arrêt, je ne sais pas trop quoi dire.

"Disons qu'on a choisi notre vraie famille..."

Je baisse la tête et je sens les larmes rouler sur mes joues. Mince, moi qui ne voulait pas pleurer...

Je me mets à genoux, sort une serviette en papier du sac et la tend gentiment à Chris. Je lui sourit un peu piteusement.

- Ils vous ont sûrement aimé, à un moment donné. Mais les soucis du quotidien les ont dépassé, sûrement. Et ils étaient peut être tellement pas bien dans leur peau que ça s'est collé sur toi et tes frères. Enfin peut-être.

Je m'assoies à ses côtés, comme il y a quelques mois, lors de notre première rencontre, épaule contre épaule, cuisse contre cuisse et soupire.

- T'as le droit de pleurer tu sais. C'est pas parce qu'ils ont oublié ce que c'était que d'aimer que toi tu les as pas aimé au bout d'un moment. Même, si tu te sens soulagé, tu peux pleurer. Et je pense que tu devrais vider ton sac aussi, à quelqu'un qui juge pas. Qui te dirait rien à ce propos et qui ne l'a pas vécu. Peut-être que ça te ferait du bien. Peut-être pas. A toi de trouver cette personne et de voir.

Je ne veux pas pleurer, je ne dois pas pleurer. Je me relève, m'éloigne de Paddy et je me dirige vers une fenêtre. Je respire profondément en regardant l'horizon. J'ai terriblement mal au cœur, mais je ne veux pas le montrer. Je sens au plus profond de mon être que c'est pas le moment. J'inspire, j'expire puis je me tourne vers Paddy. Je ne pleure plus.

"Merci, mais ça va pour l'instant."

Je me relève de toute ma hauteur en fermant les yeux. Sois fort, Chris. Sois fort.

Le voir se refermer comme une huitre ne me plait pas du tout. Merlin qu'il est têtu à vouloir faire son fort. Avec sa mâchoire close et carrée comme un roc il a l'air d'un enfant qui ne veut pas pleurer. Je soupire, me frotte le crâne et et soupire encore une fois.

- T'es pas obligé d'être comme ça avec moi tu sais.

Je montre son lui entier d'un geste de bras.

- C'est pas comme si j'allais aller crier sur tous les toits que tu es une pleurnicheuse ou je ne sais quoi. Tu pourrais, je sais pas moi, faire confiance? Tu devrais te lâcher, au moins une fois, ça te ferais du bien. C'est bien gentil de vouloir tout supporter sur ses épaules, je le fais aussi, d'une manière différente mais c'est pareil, mais il te faut un truc pour décompresser, sinon un jour tu vas finir par exploser. Je te dis pas d'aller voir un psychomage mais, je sais pas moi, confie toi à un ami. Pas forcément moi mais quelqu'un qui peut être là pour toi. Parce que le jour où tu vas t'effondrer devant tout le monde en tentant de rester fort, ce sera pas beau à voir.

Je souffle de nouveau, frustrée de sa non confiance. Je ne lui ai pas dit mon plus grand secret non plus, mais il est ridicule et sans intérêt par rapport à tous les soucis qu'il semble cacher. Prise d'une soudaine pulsion je lui souris.

- Tu veux un câlin? Pas besoin d'être faible ou fort pour accepter ça?

Oh pitié ne sois pas gentille avec moi! Tu ne vois pas que je veux te protéger? Je ne veux infliger ça à personne... Je lui souris, sans doute un peu crispé.

"L'avantage d'avoir un jumeau."

Je m'approche d'elle.

"Par contre, je ne dis pas non pour le câlin."

Je n'ai pas à lui en vouloir. Elle est là pour moi et ça présence me fait du bien. Je la serre dans mes bras en retenant mes larmes. Respire, Chris. Respire.

"Mais, cette fois, je ne te laisserai pas m'embrasser!"

Je l'enlace avec une grande tendresse et me détend un peu. C'est vrai qu'il a ses frères, il n'est pas seul dans la vie. Pas comme. J'inspire une fois puis expire et lui frotte le dos avec douceur dans le câlin, profitant du calme de la pièce et de l'odeur de son shampoing. Je ne savais pas avant de le faire que j'avais autant besoin de ce câlin que lui. Ma main, aux phalanges légèrement égratignées, me lance un peu et mon coeur pleure sans raison. Mais je souris, aucune raison d'être triste, n'est-ce pas?

Je me détache bientôt de Paddy et je l'embrasse sur la joue en lui frottant le bras. Je suis vraiment heureux de l'avoir dans ma vie, même si je sais que je ne pourrai jamais tout lui dire. Je me rassois à côté d'elle et je reprends notre repas.

"Par contre, j'ai rencontré le professeur Braginsky. Il est assez génial! On a discuté un grand moment tous les deux. Tu le connais?"

Effectivement, c'était la première fois que je me sentais compris par un adulte autre que Isaac. C'est assez troublant comme impression d'ailleurs.

Je hausse les épaules en sortant du petit sac en papier d'autres mets délicieux préparés par les elfes. Ce sac parait sans fond, tout comme mon estomac et tant mieux. Je me saisi d'un sandwich chaud qui sent délicieusement bon et hausse les épaules à la question de CHris avant d'en prendre une bouchée.

- Ch'ais pas. Je l'ai vu que de loin et il ressemble juste au chapelier fou, d'Alice au pays des merveilles. Tu dois connaître, c'est un conte moldu. Il est un peu bizarre, carrément étrange et très observateur, à ce que j'ai vu de loin. Mais je crois qu'il veut notre bien à tous... Sinon il serait pas directeur, non?

Je suis étonné que Paddy ne partage pas mon enthousiasme pour le professeur Braginsky. Après tout, elle ne lui a pas parlé comme je lui ai parlé. Oui, ça doit être ça...

"Tu dois avoir raison."

J'attrape un scone et je commence à l'engloutir avec délectation. Je me sens mieux, je dois aller mieux de toute façon. J'écrirai une lettre à Matt je pense et ça ira après. Oui, je vais faire ça. Il y a quand même quelque chose que j'ai envie de demander à Paddy, mais j'hésite. Au puis si, aller!

"Dis-moi, tu n'as jamais essayé de savoir qui sont tes parents?"

Je prends une gorgée de liquide en souriant tranquillement face à l'air prévenant de Chris.

- Pas besoin de prendre ce sujet avec des pincettes tu sais. Je suis orpheline. Je n'ai pas connu mes parents et j'aurai toujours des tonnes de questions sur mes origines, sans réponses mais l'une des première chose que m'a conseillé notre directrice d'orphelinat c'est la suivante: ne cherche jamais tes parents. S'ils sont morts tu seras déçue, s'ils ont refait leur vie tu seras déçue et si tu ne les trouves pas tu seras déçue. Et si tu les trouve? Qui te dis qu'ils seront ceux que tu attends d'eux qu'ils soient? Et elle a raison. Mais je suis têtue et j'ai cherché, bien évidemment. Mais difficile de trouver avec pour seuls indices mon nom de famille trop commun, un panier d'osier et la une du journal de la date de mon abandon. Je me suis faite une raison mais ça n'empêche pas de me sentir seule parfois. C'est comment pour toi, d'avoir un jumeau? vous vous ressemblez?

La question brutale de Paddy me déstabilise. J'étais concentré sur ce qu'elle disait, en essayant de m'imaginer à sa place.

"Euh... Oui, physiquement on se ressemble beaucoup. Après au niveau de caractère aussi, disons qu'on fonctionne de la même manière. On a à peu près les mêmes goûts. Juste que je suis sorcier et lui non..."

Je baisse la tête. C'est pas un sujet facile à aborder pour moi. Je déteste qu'il ne soit pas avec moi, parce que moi j'ai besoin de lui, bien plus que lui n'a besoin de moi. Lui il a juste besoin de savoir que je vais bien, que je suis en sécurité et il fait avec.

"C'est jamais simple d'avoir un jumeau, mais je ne sais pas ce que je ferais sans lui."

Son abattement est visible quand il parle de son frère et de l'absence de magie en lui. Je lui souris tout de même chaleureusement à la suite de son explication.

- Certaines personnes sont notre famille, de sang ou de coeur, peu importe. J'ai un petit frère tu sais? Il n'est pas mon frère biologique mais il est adorable. Josh, c'est son nom. C'est moi qui lui ai donné. Il a quatre ans et je ne sais pas du tout s'il a de la magie ou pas. Alors j'appréhende un peu... et je crois que je comprends ta douleur.