Peeves avait encore pris les lunettes de Cecil, sauf que cette fois-ci, il était resté dans la salle d'arithmancie à narguer le professeur. Il avait posé les lunettes au sommet d'une train haute armoire, sur laquelle Cecil avait dû monter pour les récupérer avant de se retrouver complètement pétrifié par le vertige. Son esprit était coincé sur la vision de la hauteur, lorsque quelqu'un frappa à la porte. Par réflexe, Cecil répondit.

"Entrez."

"Amun, calmez vous, s'il vous plaît. Vous me donnez la nausée..."

Cecil dut fermer les yeux car il voyait se sol se mettre à tourner autour de l'élève paniqué. Peeves l'avait pris par surprise alors qu'il lisait encore dans la salle de cours. Dans toute autre circonstance, Cecil aurait ri de la situation, mais actuellement, assis sur le sommet de l'armoire, il ne riait pas du tout. En réalité il ne se souvenait pas avoir eu aussi peur depuis bien longtemps. Il agrippait le bord de l'armoire comme si sa vie en dépendant, le dos contre le mur, les jambes repliées sous lui.

"Calmez-vous, s'il vous plait et n'appelez personne. Je ne veux pas qu'on me voit ainsi..."

Cecil rouvrit les yeux et fut étonné de voir le visage d'Amun très proche du sien. Visiblement il était monté sur une chaise. Monté sur une chaise?! Il est fou, c'est la seule explication possible. Cecil sentit son estomac se retourner. Une goutte de sueur tomba de son front. Il serra les dents pour se concentrer. Ne pas penser, ne pas penser.

"Merci d'essayer de m'aider Amun, mais c'était un peu stupide non?"

L'armoire émit un léger craquement, et Cecil eut un frisson.

"Vous aussi vous avez le vertige?"

Amun posa ses mains sur l'armoire et Cecil sentit son pouls s'accélérer. Il vit sa baguette posée sur son bureau et se promit que sa vengeance contre Peeves serait terrible.

"Amun, regardez moi. Ne regardez pas en moi, regardez moi. Tout ira bien."

Cecil ne voyait absolument pas comment la situation pourrait aller bien de quelque manière que ce soit, mais il essaya d'adresser un sourire confiant à son élève qui se transforma en une moue assez moche.

"J'ai le vertige, oui c'est vrai. Et pourtant j'adore le Quidditch. Les voir voler haut dans le ciel sur leurs balais m'emplit de joie, mais je ne peux le faire moi-même. Vous aimez le Quidditch, Amun?"

"C'est gentil, Amun, mais je suis un adulte, je dois trouver une solution moi-même."

Et dans un accès de courage, ou de folie, selon les opinions, Cecil se mit debout. Sur l'armoire. Loin du sol.

"Oh..."

L'armoire émit un craquement sinistre, et Cecil ne put s'en empêcher. Il couina. Aussitôt, le rouge lui monta aux joues, et il se mit à paniquer.

"Oh mon dieu, oh mon dieu... Je suis stupide, débile, idiot... Amun... Sauve-moi!"

La chute fut brève. Le choc douloureusement rude. Cecil crut que la mort l'avait emporté, lui offrant un doux échappatoire à sa terreur. Et bien non. Il se retrouva juste par terre sur les débris de ce qui fut une armoire. Il n'était absolument pas certain de savoir ce qui venait de se passer, et son coccys lui faisait mal, mais il était de retour sur le sol. Il posa ses mains sur la pile de débris en soufflant légèrement, tandis qu'il sentait le soulagement anesthésier toutes ses facultés intellectuelles.

"Je suis vivant, Amun. Et toi?"

"C'est une excellente question à laquelle je vais répondre."

Cecil était encore assis sur son tas de débris, et même si Amun se relevait, le professeur n'avait pas l'air d'avoir envie de bouger. Il observait la situation avec un calme étonnant et un air complètement anesthésié.

"C'est d'ailleurs une histoire très drôle qui a débuté il y a plus de vingt ans. J'étais élève ici, en deuxième année il me semble. Je montais un escalier et Peeves est apparu à côté de moi. J'ai glissé en arrière et j'ai dévalé deux étages. Peeves a beaucoup ri, mais cette affaire a marqué le début d'une guerre sans merci entre lui et moi."

Cecil sortit ses lunettes, dont un verre était cassé, de sous les débris de l'armoire.

"Tout ça pour des lunettes..."

Cecil fixa Amun sans comprendre un traitre mot de ce qu'il lui disait. Il entendait des mots, il les voyait passer dans son esprit, mais ils ne faisaient pas sens. Amun aurait pu être en train de l'insulter que Cecil l'aurait regardé avec cette même expression vide et hébétée.

"Vous avez vraiment de très beaux yeux vous savez."

Cecil essaya de se relever, chancela, et retomba aussi sec, sur Amun cette fois. Cecil comprit que bouger n'était pas une bonne idée, alors il décida de rester là un instant. Sur Amun.

Cecil reprit peu à peu ses esprits. Disons plutôt qu'il commençait à prendre conscience de la situation. Agir en conséquence était une toute autre affaire. Amun se remuait en dessous de lui et Cecil eut le bon sens de rouler sur le côté. Il parvint à s'assoir par terre et décida de ne plus bouger pour l'instant. Il observa l'armoire.

"C'est cassé."

Puis il reporta son attention vers Amun.

"Vous vouliez me demander quelque chose, Amun?"

"Non! Restez ici! N'allez chercher personne..."

Cecil attrapa le bras de son élève pour l'empêcher de partir.

"Je ne veux pas qu'on me voit. Pas comme ça."

Le ton de sa voix était très insistant, presque suppliant. Cecil avait la tête qui tournait et le cœur au bord des lèvres, mais il avait tout de même conscience que ça dignité était suffisamment entachée pour la soirée.

"Amun, vous me comprenez, n'est-ce pas? Vous non plus, vous ne voulez pas qu'on vous voit faible."

Cecil retrouvait ses facultés de compréhension. Il se rendit compte qu'Amun essayait vraiment de l'aider. Il l'avait vu jusqu'alors comme un élève plutôt renfermé sur lui-même, mais visiblement il ne l'était pas tant que ça.

"Merci Amun, mais il me faut juste un peu de temps. J'ai tout essayé. La seule solution est que je pense à autre chose. Nous nous occuperons de l'armoire plus tard."

Cecil recula afin de poser son dos contre le mur. Il fixa Amun qui avait vraiment de très beaux yeux. L'élève était entouré d'une aura de mystère, ce qui intriguait beaucoup Cecil.

"Vous devez savoir que le couvre-feu a débuté depuis longtemps. Pourquoi êtes-vous venu? Vous vouliez me dire quelque chose?"

Cecil ferma les yeux en essayant de faire passer sa nausée. Amun avait compris son problème et il essayait vraiment de l'aider.

"J'étais à Serpentard, comme toi. J'étais extrêmement fier d'être dans cette maison dont je trouvais les attributs correspondant à mes attentes dans la vie. Je ne peux pas dire que j'ai eu une scolarité très heureuse, puisque je ne m'entendais pas avec la plupart de mes camarades qui pensaient que leur sang leur donnait une supériorité sur les autres. Je suis Sang Pur, mais je ne vois absolument pas pourquoi je devrais en être fier."

Cecil se perdit un instant dans ses souvenirs. S'il ne se trompait pas sur Amun, ses paroles allaient trouver un certain écho en lui.

Cecil fixa Amun. Il avait noté dans les devoirs du jeune Serpentard une véritable aptitude à la réflexion, mais il fut étonné par la profondeur de son raisonnement. Plus encore, il sentit que ses mots venaient d'une zone particulièrement sensible de son âme.

"Non Amun, vous ne vous trompez pas. En vérité je n'aurais pas mieux dit moi-même. Mon nom de famille vient d'une ancienne dynastie de sorciers français, mais personne ne les connait ici. Je n'en ai appelé qu'à ma seule volonté pour devenir celui que je suis aujourd'hui, même si le nom et la famille de ma mère a emprunt le mien du surnom de Traître à mon Sang. Je suis ce que j'ai fait de moi, et si quiconque affirme le contraire, je lui offre soit mon mépris, soit un duel. Toi comme moi, nous nous faisons notre propre nom."

Cecil n'avait pas l'habitude de parler de son histoire personnelle aussi librement, mais le vertige avait fait tombé une partie de ses barrières et il voyait dans les yeux d'Amun qu'ils se comprenaient.

"J'ai cependant une question pour toi, Amun. Pourquoi souhaites-tu devenir plus fort?"