Il approuva mon choix avant de commander à son tour. Et il me souriait. En un sens, c'était à la fois gênant et agréable. Je n'avais pas vraiment l'habitude de me laisser aller à passer du temps avec des presque inconnus et encore moins à apprécier cela. Et puis... Il avait un petit quelque chose de... Mystérieux. Quelque chose qui me donnait envie d'en savoir plus : curiosité de renarde oblige.

"Ce restaurant est agréable. Il y a bien longtemps que je n'ai pas pris le temps de profiter de ce genre d'établissement." Commentai-je aimablement histoire d'engager la conversation.

J'esquissai un sourire amusé : en effet, les britanniques étaient particulièrement connus dans le monde pour cette image chic et guindée. Ce qui m'avait accompagnée toute ma jeunesse, avec les idées saugrenues de ma mère en la matière... Je répliquai donc :

"C'est le moins qu'on puisse dire. J'ai passé des années dans mon enfance à m'exercer à l'art de boire le thé en levant le petit doigt sans en renverser une goutte. La décontraction qui règne ici est donc la bienvenue."

J'illustrai mes propos en buvant une gorgée, un doigt en l'air, tout en lui glissant un sourire et un regard espiègle.

Je répondis de la même façon en riant de bon cœur. Coincée, voilà un terme parfaitement adapté à la situation de ma glorieuse génitrice. En un sens, mon éducation me donnait la terrible sensation d'être inadaptée au monde actuel.

"Cela me permettra au moins de ne pas être regardée de travers si jamais l'une de ces... Attitudes coincées se manifeste de son propre chef. Les habitudes ont la vie dure, j'en ai peur."

Je croisai les jambes avec d'avantage de décontraction, détendue de découvrir un nouvel attrait à cette rencontre.

"Cela nous donne néanmoins un avantage lorsque nous devons assister à des dîners ou des occasions particulières au ministère, comme c'est souvent mon cas."

Alors que nous étions servis je répondis dans un soupir :

"Je connais cela..."

Je marquai une pause en dévorant la nourriture des yeux, bien obligée de museler soigneusement mon instinct animal pour goûter à mon plat aussi dignement que possible. Puis j'ajoutai sur le ton de la confidence :

"Ma mère ne s'estimera heureuse que le jour où j'abandonnerai mon emploi pour épouser un homme de ma condition, comme elle se plaît à me le rappeler en permanence. Elle n'attend que ça, que je me conduise comme une demoiselle de mon rang et que je lui fournisse une ribambelle de petits enfants de sang pur auxquels elle pourra inculquer ses principes d'un autre âge."

J'avais parlé en laissant mon regard divaguer dans le vide, d'avantage pour moi meme que pour Mike. Je me faisais l'effet d'être une poulinière de race que son propriétaire cherchait à faire saillir pour obtenir des jeunes du meilleur sang. Sensation exécrable.