Cecil était perdu. Il avait beaucoup de mal à se l'avouer, lui qui dans ses jeunes années avait parcouru le monde. Il pouvait aisément retourner vers un endroit connu en transplanant, mais il était bien trop fier pour ne pas d'abord tenter de retrouver son chemin. La magie ne serait que l'ultime recours. Mais cette fierté si forte le faisait errer depuis bientôt deux bonnes heures, sans qu'aucun des lieux où il passait ne lui dise quoique ce soit.

Tout avait commencé par l'envie d'une ballade. Il était parti de Poudlard de bon matin, avec de quoi manger et un livre. Un fois sorti de l'enceinte du château, il avait transplané un peu loin loin, là où personne ne le dérangerait. Il s'était alors engagé dans une forêt dense et visiblement ancienne. Le soleil qui perçait les arbres se répandait en tâche lumineuse sur le sol, et l'air sentait l'humus frais. Une bien belle forêt somme toute, et une journée agréable. Jusqu'à ce qu'il se perde. Par les orteils de Merlin... A croire que les dieux, s'il y en avait, adoraient le voir s'énerver à cause de situations ridicules.

Du coup, Cecil grommelait, en essayant tout de même de garder un air détaché. Quiconque l'aurait croisé aurait cru qu'il se promenait tranquillement, jusqu'à l'entendre jurer dans sa barbe. Cecil arriva bientôt à un endroit plus dense de la forêt. Il vit un botruc qui le regardait sur une des branches d'un chêne ancestral.

Cecil entendit soudain un bruit différent. Il y avait quelqu'un dans cette forêt. On pouvait même sentir des émanations magiques. La personne qui se trouvait là était en train de faire quelque chose... de magique. Cecil s'approcha doucement de la source du bruit qui le vit aussitôt. Le professeur cligna des yeux puis sourit.

« Bonjour ! »

Je me réveilla ce matin en pensant au chien que j'avais croisé il y avait là quelques jours. Je m'approchais du salon en regardant par la fenêtre, sans doute dans l'espoir d'apercevoir quelqu'un ou quelque chose d’intéressant. Je ne vis que de minces nuages éclairés par la faible lueur du soleil qui commençait à se lever au dessus de la cime des arbres, il devait être vers 10 heures.

Comme à mon habitude, j'avais revêtis un t-shirt et un pantalon noir, le temps ne nécessitait pas de se couvrir plus que ça. J'avais une folle envie de faire connaissance, je ressentais le besoin de parler, d'avoir des amis, quelqu'un à protéger et qui me protégerais de ce sentiment que les gens appellent "le solitude".

Je me pressa de manger quelques marrons et empoignai alors un livre sur l'animagie nommé "L'animagie, l'art de se transformer Vol.IX", pour me distraire au cas où je ne rencontrerais personne, ce à quoi je m'attendais fortement. Je sortis de chez moi en trombe, pressé et excité de parler, puis me dirigea vers une direction au hasard dans la forêt.

Cela devait faire une heure que je marchais, évitant les troncs par-ci et les rivières par-là, je décida de faire une pose. Etrangement, mon cœur battait plutôt vite alors que je n'avais que légèrement couru, sans doute le stress de voir quelqu'un. J'ouvris alors mon livre pour continuer mon apprentissage de la métamorphose, "La forme d'un animagus ne peut être choisie par l'utilisateur. En revanche, cette forme sera la même que votre patronus, en grande généralité." Dans ce cas j'avais toute mes chances de devenir un ours, ce qui ne me dérangerait en aucune manière, ce serait en accord avec mon mental inflexible.

« Bonjour ! »

Je me retourna violemment en manquant de tomber du rocher sur lequel j'étais posé. Je fus pris de stress comme je l'avais prédis, j’essayai de me calmer et répondis le plus naturellement possible.

-Euhhh... bon... bonjour, bégayais-je maladroitement.

Cecil fut frapper par deux choses lorsque l'homme devant lui se retournant. Tout d'abord l'étrange paradoxe entre la douceur de son visage et l'aura presque animale qui se dégageait de lui. Puis dans un second temps, lorsque Cecil vit les yeux du jeune homme, il fut étonné par l'innocence toute farouche de son regard. Assurément, il n'avait pas l'habitude de voir du monde.

« Euhhh... bon... bonjour, dit-il en bégayant. »

En effet, il n'avait pas l'air très adroit avec le contact humain. On avait cependant presque l'impression qu'il s'attendait à voir quelqu'un, mais que son instinct avait repris le dessus. Il était en train de lire, assis sur un rocher lorsque Cecil l'avait interpellé. Le professeur put voir le vieux grimoire, mais ne parvint pas à lire son titre. Etrange... Que faisait ce jeune homme seul dans la forêt, alors que visiblement il attendait quelqu'un ? Cecil mit les pieds dans le plat.

« Enchanté, je suis Cecil Vernet, professeur à Poudlard. Je ne m'attendais pas à rencontrer quelqu'un ici, et pour tout vous avouer, je me suis perdu. Peut-être ne souhaitiez vous pas être dérangé, vous semblez attendre quelqu'un ou quelque chose. Si c'est le cas, je vous prie de m'accorder votre pardon pour ma terrible impolitesse. »

Cecil parlait naturellement d'une langue soutenue, mais là, il avait forcé le trait pour provoquer une réaction chez son interlocuteur. Non pas qu'il souhaitait l'humilier de quelque manière que ce soit, mais il avait appris qu'il était toujours plus facile d'être à l'aise avec un inconnu poli, qu'un inconnu trop exubérant. Du moins, il espérait que ce serait le cas pour ce mystérieux jeune homme aussi. Sinon, il allait le bloquer complètement. Cecil se mit une gifle mentale, mais sourit tout de même, attendant que l'autre dissipe ses doutes.

Un... humain... enfin. La tourmente cessa dans ma tête, je réussi à réfléchir et à analyser le gentil bonhomme qui se tenait debout.

Je contemplais son grand corps athlétique de toute sa longueur. Je basculais entre la jalousie et l'intimidation. Il avait une barbe rousse et de longs cheveux roux formaient un chignon sur sa tête. Malgré un air rude et intriguant, il avait étrangement l'air amical. Je n'apercevais pas la couleur de ses yeux à cette distance mais de grandes lunettes noires tenaient sur ses oreilles et sur son nez.

« Enchanté, je suis Cecil Vernet, professeur à Poudlard. Je ne m'attendais pas à rencontrer quelqu'un ici, et pour tout vous avouer, je me suis perdu. Peut-être ne souhaitiez vous pas être dérangé, vous semblez attendre quelqu'un ou quelque chose. Si c'est le cas, je vous prie de m'accorder votre pardon pour ma terrible impolitesse. »

Sa voix grave résonna dans ma tête... Poudlard... cela devenait intéressant et professeur qui plus est, voilà quelqu'un qui pourrait m'en apprendre un peu plus sur la magie. Je me rendis compte du blanc que j'avais provoqué. Madame Durvan avait beau être une ancienne professeure, elle avait vu de nombreux hivers passés et ses connaissances ne devaient plus être aussi précises et claires que dans sa jeunesse.

-...je suis Evan Wood, ermite. Votre présence ne me dérange pas le moins du monde, j’espérais justement tombé sur quelqu'un. Ce serait long à raconter mais je suis heureux de faire votre connaissance, m'empressais-je de répondre.

Je ne savais pas si je devais le tutoyer ou le vouvoyer, je décida de le vouvoyer au cas où, on ne sait jamais.

Quel étrange énergumène... Un ermite. Voilà qui était intéressant. Cecil fut à nouveau frapper par la grande honnêteté de son interlocuteur, Evan Wood, qui portait extrêmement bien son nom. Cecil fit le calcul rapidement, et son sentiment fut vérifié. Ses trois nombres étaient identiques : le neuf. Cecil avait donc affaire à un être entier, un être vrai. Cette rencontre promettait d'être très intéressante.

Cecil fut soulager de voir que son ton n'avait pas intimidé le jeune homme. Son trouble venait uniquement de sa propre solitude. Cecil essaya de moduler sa voix pour mettre Evan le plus possible à l'aise.

"Heureux de vous rencontrer aussi. Vous êtes ermite, dites-vous? C'est inhabituel. Je suis sûr que votre histoire est des plus fascinantes."

Cecil sourit et s'approcha un petit peu d'Evan. Il choisit un rocher à proximité de celui sur lequel l'ermite se tenait et s'y assit confortablement. Si tant est qu'il était possible de s'assoir confortablement sur un rocher aussi froid et dur.

"Vous dites que vous espériez rencontrer quelqu'un. Et bien je suis là!"

Cecil eut un petit rire, se rendant compte que ce qu'il venait de dire était au moins étrange, sinon ridicule.

"Racontez-moi votre histoire, et je vous parlerez de la mienne, si vous le souhaitez."

"Heureux de vous rencontrer aussi. Vous êtes ermite, dites-vous? C'est inhabituel. Je suis sûr que votre histoire est des plus fascinantes."

Mon histoire ? Fascinantes ? J'aurais plus dit triste. Sa voix me parût cependant plus douce que la première fois, j'étais visiblement tombé sur quelqu'un de gentil, heureusement pour moi d'ailleurs. A moins qu'il ne cache terriblement bien son jeu et qu'il ne veuille juste saccager ma cabane. Mes pensées étaient si embrouillées que je devenais littéralement paranoïaque.

"Vous dites que vous espériez rencontrer quelqu'un. Et bien je suis là!"

Un petit rire lui échappa, peut-être se moquait-il de ma solitude ? "Arrête de ressentir le mal partout", me dis-je mentalement.

"Racontez-moi votre histoire, et je vous parlerez de la mienne, si vous le souhaitez."

Il voulait que je raconte mon histoire ? Mon esprit réservé trouva cette idée légèrement indiscrète mais bon ça devait venir de moi. Je commença alors mon récit :

-Ma mère est morte à ma naissance, mon père c'est alors mis à boire et je fus recueilli par mon oncle. Je vécu avec lui des années durant. Un jour, à mon onzième anniversaire, quelqu'un est venu sonner chez nous. Le grand monsieur disait venir de "Poudlard" et m'annonça que j'étais un sorcier. Je réfléchis longtemps au sort (sans jeu de mot) qui m'attendait, je décidai alors, avec l'aide de mon oncle... surtout mon oncle en fait, que Poudlard me rendrait violent et changerait ma douce nature. Mon oncle décéda dans un accident de voiture à mes 16 ans et je partis alors vivre seul dans la nature. quelques mois plus tard, je tombai sur une hutte et y rencontra Mme Durvan, une ancienne professeur de Poudlard, qui m'apprit les rudiments de la magie et particulièrement la transformation, dis-je en montrant mon livre. Hélas la dame est morte depuis peu et je continue mon apprentissage à travers les livres qu'elle m'a légué.

A la fin de mon récit,les yeux à terre, je ressentis cette impression de manque que j'avais quand je repensais à tout ça, mais moins violemment, sans doute dû à la présence de Cecil. Je détourna ensuite mon regard vers Cecil :

-Et vous ? Quelle est votre histoire ? Parlez moi de Poudlard, j'ai toujours voulu en savoir plus sur cette fameuse école de magie.

Je voulais vraiment devenir ami avec ce Cecil, faire connaissance, au point que je l'assoma de questions. Je me demandais de quelle matière était il professeur, métamorphose m'aurait particulièrement aidé dans mon espoir d'animagus en devenir.

Cecil accusa le coup en écoutant l'histoire d'Evan. Il ne s'était pas attendu à ce que le jeune homme soit aussi direct et franc avec un inconnu. Cela révélait sans doute une terrible envie de se lier à quelqu'un. Son récit était emprunt d'une profonde mélancolie, si ce n'était de la tristesse, et Cecil se maudit intérieurement d'avoir manqué de subtilité. Mais Evan, s'il avait été surpris de la question de Cecil, n'avait aucunement retenu sa parole. Il fallait vraiment qu'il soit beaucoup plus prudent, car débarquer ainsi devant une âme aussi pure pouvait faire énormément de dégâts.

Evan attendait avec avidité que Cecil lui réponde, et bien que la perspective de se livrer à quelqu'un qu'il ne connaissait pas ne le mettait pas à l'aise, il devait à l'ermite la même franchise que celle dont il avait fait preuve.

"Et bien, je suis issu d'une famille de sorciers, et j'ai fait mes études à Poudlard, à Serpentard. J'étais un élève plutôt studieux et assez doué, je dois l'avouer. J'ai fini mes études avec d'excellents résultats, puis j'ai voyagé pendant de longues années avec mon oncle qui étudiait les créatures et les langues mortes magiques. J'ai travaillé ensuite au Ministère de la Magie puis je suis revenu ici, à Poudlard. J'enseigne l'Arithmancie."

La voix de Cecil baissait d'un ton, et son regard se perdit dans la cime des arbres.

"Tu sais, Evan, je n'ai pas l'habitude de parler aux gens que je ne connais pas. J'ai souvent été entouré de beaucoup de gens, mais cela ne m'a pas empêché de me sentir souvent très seul. Je ne sais pas vraiment pourquoi je te dis ça. Peut-être que quelque part, sans vouloir comparer nos histoires ou nos vies, je cherche à te dire que je te comprends. Enfin, je pense."

Cecil fixa Evan.

"Tu veux devenir Animagus, n'est-ce pas?"

Je ne me rendis compte de ma franchise qu'après avoir parlé. C'est la première fois que je parle si ouvertement à quelqu'un, à cause de ma longue solitude il n'y a aucun doute là dessus.

"Et bien, je suis issu d'une famille de sorciers, et j'ai fait mes études à Poudlard, à Serpentard. J'ai fini mes études avec d'excellents résultats, puis j'ai voyagé pendant de longues années avec mon oncle qui étudiait les créatures et les langues mortes magiques. J'ai travaillé ensuite au Ministère de la Magie puis je suis revenu ici, à Poudlard. J'enseigne l'Arithmancie."

Lui aussi avait vécu longtemps avec son oncle, même si je considérais le mien comme mon propre père. Cecil était donc professeur d'arithmancie, dommage pour mon faux espoir. L'arithmancie donc... voir l'avenir, le passé et l'invisible à travers les nombres, Cecil devait déjà savoir des choses sur moi dans ce cas. Moi qui aime les chiffres, je ne me suis pourtant jamais vraiment intéressé à l'arithmancie, cela pouvait cependant s'avérer très utile dans certains cas. Je vis Cecil lever les yeux au ciel :

"Tu sais, Evan, je n'ai pas l'habitude de parler aux gens que je ne connais pas. J'ai souvent été entouré de beaucoup de gens, mais cela ne m'a pas empêché de me sentir souvent très seul. Je ne sais pas vraiment pourquoi je te dis ça. Peut-être que quelque part, sans vouloir comparer nos histoires ou nos vies, je cherche à te dire que je te comprends. Enfin, je pense."

Ses paroles me choquèrent, ce qu'il venait de me dévoiler ne collait pas pas du tout à son histoire. A toute évidence, il y avait quelque chose d'autre. Quelqu'un qui me comprenait ? Sans doute la première d'ailleurs. Cette triste nouvelle allait faciliter mon ouverture au monde, Cecil serait en quelques points mon pilier dans ce monde instable, quelqu'un a qui parler, à qui je pourrais révéler mes plus sombres secrets et aussi une épaule sur laquelle pleurer sans retenue. Le regard de Cecil se posa sur moi de nouveau :

"Tu veux devenir Animagus, n'est-ce pas?"

Tiens ? Cette question me fit tiquer, pourquoi un professeur d'arithmancie s’intéresserait-il à cela ? Je m'appliquai quand même à lui répondre.

-Oui, depuis que j'ai appris que la magie existait c'est mon rêve le plus fou. Cela fait longtemps que je lis les livres sur l'animagie et que j'en apprends toujours plus.

"Oh, je vois ça. Ton livre est bien, mais un peu daté. Si tu veux je pourrais te prêter un ou deux ouvrages que j'ai à Poudlard."

Cecil se leva, fit quelques pas et fixa à nouveau Evan.

"En vérité, j'ai moi même essayé de devenir Animagus lorsque j'étais élève à Poudlard, donc je connais plutôt bien la démarche."

Il en avait trop dit ou pas assez et il le savait. Cecil ne parlait pas facilement de cet échec, car, même si la blessure s'était refermé depuis longtemps, son amour propre ne s'en était jamais complètement remis. Cecil pensait souvent que sa confiance ressemblait à un estropié de guerre. Survivant mais hanté jusqu'à la fin de ses jours.

"Pendant de longues années, je me suis entraîné, jusqu'à ce que cela devienne une obsession. Je voulais tellement réussir que je me suis perdu en chemin. J'ai perdu mon but premier, je me suis oublié dans cette quête folle. J'étais bien trop jeune et empressé."

Le souvenir de la douleur prit Cecil à la gorge. Il ferma les yeux, et respira profondément, pour calmer l'emballement de son cœur.

"Aussi, si tu veux un conseil, je te donnerais celui-là. Devenir Animagus est une question d'équilibre, car tu plonges au plus profond de ton âme, de ton animalité. C'est un parcours constamment sur un fil, et la moindre imprudence peut te faire tomber d'un côté comme de l'autre. C'est autant un travail magique, qu'un travail d'équilibriste."

Cecil leva une fois de plus les yeux vers Evan et lui sourit.

"Si tu veux, nous pourrions nous revoir de temps en temps, pour que je t'aide, ou juste pour discuter, ici ou à Pré-au-Lard par exemple. Cela te dirait?"

"En vérité, j'ai moi même essayé de devenir Animagus lorsque j'étais élève à Poudlard, donc je connais plutôt bien la démarche."

Ah, ceci expliquait cela. Mais pourquoi ne pas avoir fait professeur de métamorphose ? Il avait essayé ? Ce qui signifie que l'on peut échouer, je ferais mieux de faire attention à moi si je ne veux pas qu'il m'arrive la même chose. Cecil m'en dira sans doute plus un jour.

"Pendant de longues années, je me suis entraîné, jusqu'à ce que cela devienne une obsession. Je voulais tellement réussir que je me suis perdu en chemin. J'ai perdu mon but premier, je me suis oublié dans cette quête folle. J'étais bien trop jeune et empressé."

Ou maintenant d'ailleurs... Cette situation me mettait mal à l'aise, voilà ce qu'il a dû ressentir quand je narrais ma sombre épopée. Il s'était perdu en chemin ? J'avais peur, oui peur de rater, que toute ma vie ne soit qu'un échec. Je regarda Cecil, lui non plus n'avait pas l'air dans son assiette, il avait marqué un arrêt et fermait les yeux. Un sentiment de tristesse m'envahit, je tremblais. Je m'imaginais alors la scène, nous deux dans une forêt sans rien dire, chacun perdu à travers nos malheureux souvenirs. Comment Cecil aurait pu devenir mon pilier si lui-même s'éffondait, nous avions déormais tout les deux le rôle de pilier, deux piliers qui se tenaient l'un à l'autre pour porter le lourd pont de la fatalité. Cecil reprit la parole :

"Aussi, si tu veux un conseil, je te donnerais celui-là. Devenir Animagus est une question d'équilibre, car tu plonges au plus profond de ton âme, de ton animalité. C'est un parcours constamment sur un fil, et la moindre imprudence peut te faire tomber d'un côté comme de l'autre. C'est autant un travail magique, qu'un travail d'équilibriste."

Ceci ne me rassura pas... même pas du tout, mais quand Cecil avait essayé de devenir animagus, il était jeune et je ne pense qu'aucune personne ne pourra mieux m'apprendre l'animagie que lui, lui qui me comprend si bien, lui... qui est mon ami, mon si précieux pilier. Il leva les yeux sur moi :

"Si tu veux, nous pourrions nous revoir de temps en temps, pour que je t'aide, ou juste pour discuter, ici ou à Pré-au-Lard par exemple. Cela te dirait?"

Nous revoir de temps en temps ? Je n'attendais pas de meilleure proposition que celle-là. Pré-au-Lard est un village non loin de Poudlard où se rendent souvent les élèves des années supérieures. Mme Durvan m'en avait parlé de nombreuses fois, ressassant sa jeunesse, elle me racontait les bières au beurre qu'elle buvait avec ses amis et les gourmandises qu'elle volait dans les petites boutiques.

-Euhh oui, avec plaisr, un immense plaisir même. Le seul prolème est que je ne sais pas du tout où se situe Pré-au-Lard.

Cecil sourit, puis éclata de rire. Un rire clair, franc, profondément joyeux. Raconter son histoire à Evan lui avait fait beaucoup de bien. Il sentait le poids de l'échec s'évanouir doucement. Aujourd'hui, dans cette forêt, avec ce jeune ermite étrange qu'il avait rencontré il y a moins d'une heure, Cecil acceptait. Il acceptait enfin d'avoir échouer. Sans doute n'était-il pas fait pour être Animagus. Sa part d'animalité était bien assez développée comme cela dans son caractère.

Cecil était très fier de son Patronus. Un magnifique Lion. Voir un animal si majestueux, si puissant lui avait encore plus donné envie de se transformer lui-même, et il se rendait à présent compte que c'était cette avidité là, ce désir orgueilleux, qui l'avaient fait échouer. Développer un Animagus aussi imposant était déjà compliqué, mais la fierté qu'il en avait retiré avant même d'y parvenir avait été la cause de son échec.

Alors Cecil riait, parce qu'il se pardonnait enfin. Et ce sentiment était incroyablement libérateur. Il sourit à Van, le cœur léger.

"Et bien, allons-y maintenant! Je t'offre un verre!"

Et Cecil lui tendit la main.

Cecil me sourit, il paraissait libéré, libéré d'un poids lourd, très lourd. Son visage était illuminé d'une clarté qui signifiait tout, la liberté, l'espoir mais surtout la joie. J'espérais vraiment apprendre beaucoup avec lui, ce premier contact humain depuis le décès de Mme Durvan était assez... violent. Cela ne faisait même pas une heure que nous parlions et je considérais déjà Cecil comme un grand frère, dont j'avais besoin mais qui avait aussi besoin de moi dans les moments les plus difficiles. Cecil s'était levé et me tendait désormais la main :

"Et bien, allons-y maintenant! Je t'offre un verre!"

Aller jusqu'à Pré-au-Lard ? Maintenant ? Après réflexion j'étais parti de chez moi dans l'espoir qu'il m'arrive ce genre de chose donc pourquoi est-ce que gâcherais cet instant qui étais pour moi comme une porte vers la renaissance.

-Avec plaisir, Cecil. En route pour Pré-au-Lard !, lui répondis-je tel un enfant pressé d'aller manger sa glace par un chaleureux après-midi.

Je saisit la main que me tendait fraternellement Cecil et me leva de mon rocher, mon livre coincé entre mon coude et mes côtes. Et nous voilà tout les deux debout au beau milieu de la forêt tels deux amis depuis leur plus jeune enfance. Un sentiment de vertige me saisit, le décor autour de moi se déforma et je compris que nous tranplanions vers un futur incertain mais rempli de joie et de bonheur.