C'était une belle journée mais Alizea ne pouvait pas en profiter, occupée qu'elle était à remplir tout un tas de paperasse pour son service. Elle s'était assise dans un sofa et dictait un procès verbal suite à une arrestation. Profondément enfouie dans le cuir bleu du fauteuil, elle jouait du bout des doigts avec un de ses aigles en métal ensorcelés. Sa fenêtre magique donnait l'impression d'être au japon, en plein milieu du printemps. Elle y jetait des coups d'œil distraits de temps à autres, admirant au passage les fleurs de cerisier fictives qui voletaient dans les airs.

Son bureau était entièrement décoré dans les tons bleu-gris et elle adorait s'y trouver. C'était pour elle un environnement familier, qui lui rappelait ses années à Serdaigle. Son bureau, en bois de bouleau, était bien rangé mais on voyait sans peine qu'il était utilisé de façon intensive. Une grosse pile de lettres reçues le matin même encombrait le bureau. Celle sui se trouvait sur le dessus était une missive de son cousin Ron et elle avait décidé de la mettre de côté pour l'instant, car elle n'étais pas sûre de pouvoir se concentrer si elle s'intéressait de trop près à sa correspondance privée...

Soudain, l'un des aigles qui ornait le cadre dans lequel reposait son diplôme s'envola en poussant un cri perçant. Lizzie le suivit des yeux jusqu'à ce qu'il disparaisse dans l'encadrement de sa porte. Avec un soupir, elle se leva pour aller le chercher. Il ne risquait pas d'aller bien loin, mais elle n'aimait pas savoir que l'une de ses créations se promenait dans les couloirs. Elle se leva et fit craquer ses articulations endolories après être restée si longtemps affalée dans le canapé. Elle partit donc à la recherche de l'aigle et ne tarda pas à le rattraper, juste devant l'ascenseur de l'étage. au même instant, ce dernier s'ouvrit sur son supérieur et une jeune fille. Lizzie saisit le rapace d'un geste souple avant de s'écarter pour laisser passer les deux arrivants.

"Ah, Alizea ! S'exclama Wallace, le directeur du service. Je voulais justement vous voir.
-A quel sujet monsieur ? S'étonna-t-elle en fronçant les sourcils.
-La jeune demoiselle que voici doit écrire un exposé sur notre service et comme vous le savez déjà, je n'ai pas beaucoup de temps libre cette semaine. Vous serait-il possible de la renseigner ?
-Bien sûr monsieur, sans problème, affirma-t-elle en souriant à la jeune inconnue.
-Je vous remercie. Si vous avez besoin de moi, je serai au département des mystères.
-Je pense que ça devrait aller, Wallace. Je vous remercie."

Lizzie lui sourit aimablement avant d'inviter la demoiselle à la suivre. Elle la fit entrer dans son bureau et lui proposa de s'installer sur l'une des chaises disposées à l'attention des visiteurs. Elle rejoignit sa place et déposa son aigle de métal sur le cadre avant de s'intéresser réellement à la visiteuse.

"Je suis Alizea Prewett, agent de contrôle des animagi. Mon travail est de repérer et appréhender les animagus non déclarés ainsi que d'aider ceux qui souhaitent le devenir dans le cadre de la loi. Je suis moi-même animagus déclarée depuis ma sixième année de scolarité. Aussi, si vous avez des questions au sujet de notre service, je pense pouvoir y répondre."

Ce petit monologue d'introduction était somme toute assez banal, mais étant donné que Lizzie devait sans cesse se présenter dans toutes sortes de congrès et à un nombre important de personnes, elle avait mis au point un petit discours passe-partout qui servait dans toutes sortes de situations. Et une rencontre pour un exposé, ce n'était pas vraiment une de ces situations motivantes pour lesquelles on aime faire dans la nouveauté... Mais peut-être cette discussion pourrait-elle être plus intéressante que prévu ?

(ps : mes plus humbles excuses pour ce pavé.... ^^')

-Bonjour Madame, commença la jeune fille, je m'appelle Kathleen O'Hare et je suis en troisième année à Serdaigle. Je suis ici car il y a quelques semaines, en cours de métamorphose, nous avons évoqué le sujet des animagi. Je sais que ce sujet sera développé durant notre sixième année, mais je n'ai pas la patience d'attendre jusque là pour assouvir ma connaissance. C'est pour ça que j'avais demandé à Wally... Pardon Wallace un rendez-vous pour qu'il puisse répondre à mes questions mais comme j'ai prévenu un peu tard.... J'espère que je ne vous dérange pas, sinon je prendrais un autre rendez-vous ! Car cela risque d'être un peu long j'ai des milliers de questions à vous poser !

A dire la vérité, Lizzie n'était pas vraiment étonnée de l'intérêt de cette jeune élève pour cette capacité magique si particulière. Elle-même se rappelait toujours de la fascination qui était née en elle le jour où elle avait entendu parler des animagi. Cet émerveillement n'avait fait que croître avec les années et l'avait poussée dans son choix de carrière. C'est donc un sourire bienveillant qui s'ébauchait lentement sur ses lèvres à mesure que la demoiselle s'exprimait. Cela dit, elle connaissait bon nombre de contrevenants à la loi qui avaient connu le même désir de toucher du doigt cette magie et qui avaient mal tourné. Très mal tourné. Elle dissipa cette pensée bien rapidement pour en revenir à la conversation.

-Alors pour commencer je souhaiterais savoir quels étaient les pré-requis pour entrer dans ce département et le nombre d'année d'études nécessaire ? De plus, faut-il obligatoirement être un animagus pour pouvoir travailler dans ce département ? Et aussi, pourquoi accordez-vous une telle importance pour que tous les animagi soient déclaré ? Ne pensez-vous pas qu'en agissant de la sorte vous portez atteinte aux droits de l'homme et de sa vie privée ? Et quels sont les conséquences pour une personne qui désire garder cette partie de lui secrète, même s'il n'a jamais fait de tort à qui que ce soit ? Sera-t-il lui aussi lourdement puni ?
-Eh bien, mademoiselle O'hare, nous allons commencer par le début. Si vous souhaitez un jour intégrer notre brigade de spécialistes, sachez qu'il vous faudra obtenir avec mention la validation des deux années d'Adem en métamorphose appliquée. Bien entendu, seuls les élèves les plus doués dans cette matière, en général ceux qui ont obtenu un Optimal aux ASPIC, sont autorisés à suivre ce cursus très complexe. Cela dit, si d'aventure vous vous découvriez une quelconque passion pour cet art, je ne saurais trop vous recommander de suivre cette voie."

Elle s'interrompit un instant et leva sa baguette, qu'elle dirigea dans un délicat mouvement de poignet vers une de ses plumes, posée près de son encrier. Celle-ci se transforma en un aigle miniature d'un brun profond qui vint se poser négligemment sur l'épaule de Kathleen.

"La magie peut vous permettre de faire des merveilles, mais rien n'est plus beau que la métamorphose, croyez-moi. Pour répondre à votre deuxième question, non, ce n'est pas obligatoire d'être un animagus pour nous rejoindre. Cela dit, comme vous le savez probablement, à l'heure actuelle, il n'y a que trois employés dans ce service et nous sommes tous trois des animagus confirmés. Je dois bien vous avouer que cela me semble être une capacité importante, sinon primordiale afin de remplir les tâches qui nous incombent. Pensez-vous être à même de poursuivre un hors-la-loi si vous n'êtes pas capable d'utiliser les mêmes méthodes que lui ? Imaginez un instant qu'il s'agisse d'un lapin, poursuivit-elle en songeant à sa dernière expérience en date, s'il file se cacher dans un terrier, en tant qu'humain vous n'aurez aucune chance de le coincer. Ma forme de renarde, en revanche, n'a aucun mal à le faire."

Elle prit une petite pause et se pencha pour saisir le tas de lettres qui encombrait son bureau. Elle tria ensuite les lettres à voix haute :

"Mis à part la première qui est de l'ordre du personnel, commença-t-elle en posant la missive de son cousin Weasley à part, Voyons ce que nous avons-là. Plainte pour vol perpétré sous forme animale, agression par une panthère en plein milieu de Londres, sur le chemin de traverse. L'animal aurait soudainement surgi pour disparaître sans laisser de trace. C'est vrai que les panthères se promènent régulièrement en liberté à Londres avant de se volatiliser, ironisa-t-elle. Vol avec effraction dans une usine de balais, pas d'effraction, seulement un trou de 20x20 cm dans un coin du hangard. M'est avis qu'une fouine, un lièvre ou une quelconque créature fouisseuse est passée par-là."

Elle arrêta là son énumération et reposa les plaintes à leur place d'un air ennuyé. Tout ce travail qui l'attendait cette semaine-là la décourageait un peu. Malgré tout, elle pensait que la dernière lettre, au sujet de voleur de balais, pourrait bien être en lien avec le lièvre sur qui elle avait mis la main la semaine précédente. Elle secoua la tête pour évacuer cette idée, à laquelle elle pourrait s'intéresser plus tard.

"Comprenez-vous maintenant pourquoi il est nécessaire de lister les animagus ? Portons-nous réellement atteinte aux droits de qui que ce soit ? Bien sûr que non. Regardez-moi. Je suis déclarée. Suis-je malheureuse pour autant ? Non. Quelqu'un a-t-il bridé mes capacités ? Non plus. Cela m'empêche-t-il de me métamorphoser quand je le souhaite, où je le souhaite ? Certainement pas. Mais parlons d'un cas bien plus connu de nos jours. Rappelez-vous de l'histoire de Peter Pettigrow. Lorsque Harry Potter a révélé au monde sorcier la véritable histoire de la mort de ses parents, lorsqu'il a prouvé au monde qui était le vrai traître, s'enflamma-t-elle, emportée par sa passion, ne pensez-vous pas qu'il ait pu regretter que Pettigrow ait passé tant d'années dans l'ombre avant d'être démasqué ? Ne pensez-vous pas que s'il avait été déclaré, justice aurait pu être faite ? Jamais Sirius Black ne serait mort de la sorte si la vérité avait été révélée dès le début."

Elle s'interrompit soudain, surprise de s'être laissée emporter. Bien qu'elle n'en garde qu'un très vague souvenir, la guerre et ses implications lui semblaient terriblement proches. Peut-être était-ce dû au fait d'être parente avec l'un des protagonistes principaux de cet événement ? Pour le peu qu'elle l'ait vu, notamment aux mariages, Harry Potter lui avait toujours paru comme étant quelqu'un de distant, séparé du reste du monde par tout ce qu'il avait vécu. Mais, si un jour quelqu'un avait pu lui éviter de perdre le seul parent qu'il avait encore ? Si quelqu'un avait dénoncé Pettigrow et permis à Black de retrouver sa liberté ? Au fond d'elle, Alizea espérait être à sa façon celle qui pouvait empêcher ce type de drames.

"C'est pourquoi, Miss O'hare, finit-elle par dire d'une voix lente, je pense qu'il est logique de refuser tour possibilité de non-déclaration d'un état d'animagus. Si réellement le sorcier n'a aucune mauvaise intention, en quoi cela peut-il lui nuire de se déclarer ? Au contraire, la plupart des animagus déclarés sont employés par le ministère et leurs capacités sont de précieux atouts pour certains emplois, comme le mien, ou celui d'auror par exemple. Une déclaration en bonne et due forme n'est en aucun cas un inconvénient pour l'animagus de bonne volonté. Cela peut seulement éviter les débordements lorsqu'il y en a. Car le pouvoir non contrôlé est une chose terriblement dangereuse. Après tout, c'est tentant d'utiliser des capacités que tout le monde ignore pour obtenir tout ce dont vous rêvez... Donc oui, quelle qu'en soit la raison, celui qui ne se déclare pas animagus doit être puni en conséquence."

Elle s'enfonça profondément dans son fauteuil, songeuse. Oui, cela n'était que trop évident à ses yeux. Après tout, celui qui n'a rien à se reprocher n'a rien à cacher, n'est-ce pas ? Vouloir ainsi se dissimuler aux yeux de tous, c'était le premier pas vers le danger. La tentation de se servir de ce type de pouvoir est bien trop forte pour être ignorée. Et cela, Lizzie ne le savait que trop bien.

-Oui je comprends votre point de vue... Il est vrai que dans certains cas le fait de connaître qui est ou non animagus peut être utile. Et je sais que dès que l'homme cède à une première tentation, il ne peut s'empêcher de s'enfoncer dedans jusqu'à commettre l’irréparable. Cependant, pour le cas de Mr Black je suis désolée, mais je ne suis pas d'accord. Mon grand-père m'a raconté qu'à cette période, plus personne ne se faisait confiance, la peur dominait. Je ne pense pas que le fait d'être animagus ou non aurait changé quoique ce soit à l'arrestation de Mr Black, mais je pense qu'il a changé son destin. Car de ce que j'ai lu, personne ne savait qu'il était lui-même un animagus, on ne l'a apprit que deux ans après son évasion si mes souvenirs sont bon. Mais je suis certaine d'une chose, le fait qu'il en soit un l'a sauvé à Azkaban, il a même pu s'échapper grâce à ce don. S'il avait été déclaré comme la loi le veut, il n'aurait pas survécu et la vérité n'aurait jamais éclaté au grand jour. Hélas, retourner dans le temps est interdit donc nous ne le saurons jamais ~

J'opinai doucement, d'accord avec le fait que cela avait peut être sauvé la vie à Sirius Black, lors de son séjour à Azkaban. Mais de mon point de vue, jamais on ne l'aurait arrêté de la sorte si on avait su que Pettigrow était un animagus. Après tout, on n'en avait retrouvé qu'un doigt et pas même un tas de cendres... Enfin, peut être les Aurors de l'époque avaient-ils préféré prendre un bouc émissaire sans chercher plus loin. La petite Serdaigle avait raison de dire que nous ne le saurions jamais. J'observai plus attentivement la jeune fille pendant la suite de son discours, mon attention titillée par une flamme dans son regard. Une flamme que je ne connaissais que trop bien...

-Tout à l'heure vous avez parler de lapin, panthère et d'autres animaux, ce qui me fait me demander, un animagus choisi-t-il l'animal dont il prendra l'apparence ? Je veux dire, j'ai lu que pour trouver son animal il fallait faire un travail sur soi-même, alors à quoi correspond exactement la transformation ? J'avoue ne pas trop comprendre. D'ailleurs, bien que l'on étudie le sujet en sixième année, à quel moment pouvons-nous commencer les démarches pour devenir un animagus et combien de temps cela prend-t-il en moyenne ? Je sais que le processus est long, mais si par exemple nous sommes très doué en métamorphose, cela peut-il accélérer le processus ? Et si cela nous passionne vraiment, peut-on obtenir de l'aide de quelqu'un ?

Ah, nous y étions. J'avais trouvé suspect l'intérêt de cette demoiselle dès le début, mais ces quelques questions m'avaient confortée dans mon idée. Elle désirait tenter le processus elle-même, c'était plus qu'évident. Elle en savait beaucoup trop pour son âge et son cheminement de pensée était trop approfondi pour un simple intérêt passager. J'étais pareille à son âge et je me souvenais encore d'avoir posé exactement les mêmes questions à ma professeure de Métamorphose, Mrs Mc Gonagall. Je ne le lui fis pas remarquer, bien consciente que s'être faite repérer si rapidement la braquerait contre moi. Je me souvenais qu'à l'époque on m'avait répliqué qu'il faudrait que j'attende avant de pouvoir envisager quoi que ce soit. Mais, ma vision des choses était légèrement différente... Je la laissai donc continuer jusqu'à ce qu'elle ait terminé ses questions afin de pouvoir réfléchir à la réponse que je pourrais lui apporter.

-Je vous pose toutes ses questions car je souhaiterais faire un exposé oral, voire de le publier dans le journal de l'école si les rédacteurs trouvent mon papier intéressant alors je me dois de poser toutes les questions qu'une personne intéressée par cet art pourrait poser. Ma mère me répète toujours que le savoir se doit de se partager et non de rester secret ^^ Oh et je voulais savoir, vu que vous êtes vous-même animagi, lorsque vous êtes en forme animal, devez-vous lutter contre l'instinct de cet animal ou celui-ci est inexistant ? Je veux dire... Si un animagus apprend tout seul et que l'animal qui est en lui prend le dessus, restera-t-il bloqué dans cette forme ou pourra-t-il reprendre forme humain ?

A nouveau, des questions très pertinentes et terriblement typique des personnes qui souhaitent devenir animagus. J'avais plus qu'intérêt à avoir cette jeune fille à l'œil afin d'éviter d'avoir un nouveau contrevenant à la loi sur la déclaration des capacités animagiques sur les bras... D'ailleurs, quand j'y réfléchissais, il y avait un nombre croissant d'aspirants animagus à Poudlard. C'était plus qu'inquiétant et j'allais devoir prendre des mesures afin d'éviter les débordements... Constatant que Kathleen attendait des réponses de ma part, je commençai mes explications avec un sourire :

"Nous commencerons par le début, si ça ne vous dérange pas. Vous avez un grand nombre de questions et je pense qu'il est nécessaire de bien vous expliquer de quoi il retourne. Tout d'abord, l'animal."

J'allai fouiller dans mon bureau et en sortis un schéma simplifié séparé en deux parties : à gauche, un croquis de Wallace entouré de tout un tas d'annotations, allant du caractère aux descriptions physiques, et à droite, l'animal qu'il incarnait sous sa forme d'animagus. Je le tendis à la jeune fille tout en expliquant :

"Comme vous le voyez, l'animal n'est pas réellement un choix du Sorcier. Il s'agit plutôt d'une mise en valeur de ses traits les plus marquants, qu'ils soient physiques ou psychologiques. Sur ce modèle, vous voyez que Wallace, que nous connaissons toutes les deux, a gardé certaines des choses les plus percutantes de sa personnalité. Les caractéristiques que vous voyez écrites en rouge sont celle qui ont probablement amené à l'ours qu'il incarne. Tout d'abord, sa force physique a beaucoup joué dans la balance. Si vous êtes maigre et de petite taille, jamais vous ne pourrez vous changer en sanglier ou autre chose du même acabit. Ensuite, le fait que ses cheveux étaient d'un brun très foncé ont également joué sur sa transformation. Comme vous le constatez, son brun est très similaire de celui du Grizzli. Sans oublier qu'il est plutôt du genre solitaire. Tout cela, ainsi qu'une infinité d'autres points communs entre lui et le Grizzli ont conduit à sa métamorphose. Il est assez difficile de savoir à l'avance ce que sera un futur animagus. Surtout si l'étude est réalisée par un tiers. Le plus souvent, seul le Sorcier lui-même a une chance d'être sur la bonne voie."

Je m'interrompis une seconde avant d'ajouter avec un sourire :

"Regardez plutôt et dites-moi vous même quelles peuvent être les caractéristiques qui m'ont conduite à ça."

Je lui fis un clin d'œil avant de me métamorphoser devant elle. Je m'étirais en remuant ma queue touffue, heureuse d'être sous cette forme qui était pour moi comme une seconde nature. Evidemment, le point commun le plus flagrant était ma fourrure : d'un roux vif, bouffante et douce, elle ressemblait à une version plus courte de ma chevelure humaine. Mes yeux ensuite, d'un bleu lumineux, étaient une réplique assez proche de mes iris habituels. J'avais des gants blanc qui remontaient le long de mes pattes et une tache d'un roux plus clair, presque doré, à l'emplacement exact où se trouvait mon pendentif avant transformation. Je fis quelques pas de la démarche élégante de gracieuse typique de mon espèce puis d'un bon sautai sur le dossier de l'un de mes fauteuils. Je croisai les pattes avant d'y reprendre forme humaine, les jambes et les bras croisés à leur tour.

"Alors, quelles sont les caractéristiques qui ont pu m'amener à devenir un renard commun ? Pourquoi pas un fennec ?"

Elle s'apprêtait à répondre mais je l'interrompis en levant la main.

"Tout d'abord, la suite de vos réponses. Prenez le temps d'y réfléchir, toutes les causes ne sont pas si évidente qu'on pourrait le croire. Comme vous vous en doutez, avec ce que je viens de vous dire, il s'agit bel et bien de faire un travail sur soi-même avant de devenir animagus. Mais pas seulement. La chance y fait aussi, car tout le monde n'est pas apte à le devenir. Cette question est très controversée dans le milieu de la métamorphose appliquée, alors je ne vous ennuierai pas avec des détails inutiles. Sachez seulement que tout le monde ne peut pas réussir sa transformation, même malgré un travail acharné. Comme tout le monde n'est pas apte à devenir légilimens ou à voler sur un balais."

Je m'interrompis une seconde, réfléchissant à la suite des réponses que je pouvais lui apporter. Il ne fallait pas que je m'y perde, sans quoi elle ne comprendrait plus rien. J'avais envie de lui faire comprendre l'importance d'un bon suivi, mais c'était difficile sans lui dire que j'avais compris son intérêt pour l'animagie...

"Au sujet de l'année nécessaire pour commencer l'apprentissage... Je dirais qu'on peut éventuellement envisager des petits exercices dès la cinquième année, si l'on est dans des conditions favorables. Cela nécessite un suivi important de la part de plusieurs personnes, à savoir un membre de notre service et un professeur de métamorphose. Comme vous vous en doutez au vu de certaines de vos questions, le processus n'est pas sans risque... Ce qui m'amène à répondre directement à une autre de vos interrogations : oui, un animagus mal entraîné est susceptible de se changer en animal et de le rester à tout jamais, perdant toute caractéristique humaine. Pire, une métamorphose mal orientée peut mener à des créatures très étranges, voire à la mort. Ce n'est pas quelque chose que l'on peut se permettre de faire à la légère."

Je m'arrêtai là, frissonnant au souvenir que j'avais eu le malheur d'avoir récolté pour ma deuxième mission au ministère. C'est d'une voix brisée par la peine que j'ajoutais :

"J'ai déjà vu ça à plusieurs reprises. La première fois que je suis intervenue sur ce genre de cas, le processus était tellement avancé que malgré tous nos efforts... Elle n'a pas pu reprendre forme humaine. Elle avait à peine seize ans, cette gamine, mais elle a tenté l'aventure toute seule. Seulement, elle n'était pas prête. Elle n'était qu'à moitié transformée. Une fois achevée, sa métamorphose aurait été adorable, une petite biche brune. Mais, imaginez que... Non, en fait, n'essayez pas de l'imaginer, m'interrompis-je avec un frisson d'effroi, c'était suffisamment terrible sans qu'on en reparle. Sachez seulement que le résultat était suffisamment terrible pour qu'elle se suicide. Elle ne pouvait plus parler ni même écrire ou pratiquer la magie alors elle n'a rien laissé derrière elle. A part sa famille et ses amis."

J'arrêtais là ce douloureux épisode de mon passé avant d'ajouter d'un ton un peu plus gai pour détendre l'atmosphère :

"Heureusement, ce genre de choses ne se produit pas souvent. Pour en revenir à l'apprentissage, la durée peut varier selon les personnes, allant de six mois à deux ou trois ans. Cela dépend de plusieurs facteurs. Tout d'abord, la facilité de la personne avec la métamorphose. Une personne qui ne montre aucun talent pour cet art aura évidemment des difficultés avec l'animagie. au contraire, quelqu'un qui comprend facilement les systèmes de métamorphose classiques sera avantagé. Le danger étant qu'à vouloir aller trop vite, ceux qui s'y connaissent négligent le travail sur eux-mêmes, auquel cas leur personnalité animale risque d'effacer ce qu'ils sont en réalité. En règle générale, pour devenir animagus, je conseille le système de tutorat. Il s'agit de signer un contrat entre l'apprenant, un professeur de métamorphose agréé et un des membres de notre service. Cela permet de suivre pas à pas l'apprentissage et d'éviter tous les problèmes dont je vous ai parlé. Sans compter que c'est bien plus facile pour la personne d'être guidée que d'avancer à l'aveuglette."

Voilà, c'était dit. J'avais plus ou moins discrètement fait passer le message, mais j'espérai que Kathleen ne tenterait rien de risqué seule. Je ne tenais absolument pas à être appelée dans quelques mois pour essayer de la faire revenir à son état d'origine... J'enchaînai alors directement sur la suite, d'une voix égale :

"Je suis d'accord, le savoir doit se partager, mais dans de justes limites. Certaines choses n'ont pas besoin d'être rendues publiques car elles sont trop dangereuses. Imaginez seulement qu'on divulgue dans la Gazette la méthode pour fabriquer une pierre philosophale ? Ne voyez vous pas les risques que cela engendrerait ? Tout ce que je vous ai dit jusqu'ici n'a rien de secret, c'est pourquoi je vous encourage à le faire paraître dans le journal de Poudlard, sans aucune crainte. Mais si quelqu'un venait à entamer un processus de parrainage et à en divulguer les secrets... Combien de gamines finiront sous une forme innommable, à votre avis ? Je vais peut-être avoir l'air un peu vieux jeu ou rabat-joie mais... Je ne veux plus jamais avoir à faire à ce genre de choses." Terminais-je, le regard troublé par des souvenirs pas franchement agréables.

-Je ne peux pas comprendre ce que vous avez pu ressentir en voyant tout ça… Mais je peux vous jurer que ce n’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde, je rapporterais bien tout ça dans mon article. Qui sait, peut-être que ça fera réfléchir ceux qui souhaiterait devenir Animagus par leur propre moyen…  Quant à votre question de tout à l’heure, je pense avoir la réponse : Si vous êtes un renard car vous avez une grâce naturelle, un regard intelligent et rusé, vous avez l’air de quelqu’un qui devine très rapidement les choses. Et que votre animal a également été choisi à cause de votre apparence physique. Un renard plutôt qu’un fennec à cause de vos cheveux, de la forme de votre visage et de votre corps en général. … Après je ne vous connais pas, alors peut-être que je me trompe… Personnellement j’aimerais bien connaître mon animal, mais je ne pense pas que ce serait facile, après tout je ne me connais pas moi-même. Je suis un Contraire à moi toute seule comme dit mon père. "

Sa réponse me fit sourire, elle venait plus ou moins d'avouer que j'avais vu juste. Mais je n'avais aucune intention de lui dire directement les choses, puisqu'elle était manifestement bien assez intelligente pour comprendre par elle-même. Dans son cas, il s'agissait surtout d'une remise en question, d'une exhortation à la prudence. A vouloir trop se presser, on risque sa vie. Quant à sa façon de justifier ma transformation, elle me fit rire et je répondis avec un sourire jusqu'aux oreilles :

"En effet, c'est plus au moins cela. Mais n'oubliez pas le mode de vie de l'animal, qui est également très important. Le renard est une créature peu difficile question alimentation et... Ne le répétez à personne, mais ma cousine Ginny dit toujours que je suis une "vraie poubelle". Je pense que ça vient de cette triste habitude que nous avons de dévorer tout ce qui nous passe sous la dent !"

Cette mention à ma cousine me fit rire à nouveau et je me rappelai avec plaisir de ce repas où elle m'avait traitée de "véritable poubelle de table". C'était suffisamment drôle pour m'avoir marqué. Mais j'ajoutais ensuite :

"Je suis également assez solitaire, comme mon animal. Les renards sont très difficiles pour trouver un compagnon et c'est sans doute pour cela que je suis toujours célibataire. J'aime les endroits sombres et étroits et j'ai un instinct de chasse assez développé. Des caractéristiques un peu curieuses pour une jeune femme du ministère, mais le poste que j'occupe me permet de les mettre en valeur. Conseillez bien à vos lecteurs de réfléchir à ce qu'ils souhaitent faire plus tard, afin de pouvoir sublimer leurs capacités. M'imagineriez-vous cloîtrée dans mon bureau toute la journée ? Jamais, je dépérirais bien vite. Il faut y songer avant d'entreprendre un quelconque processus de transformation."

Alors que je parlais, une lueur s'alluma dans le regard de Kathleen et je supposai qu'elle avait une question. Je ne m'étais pas trompée car elle me enchaîna sans attendre :

-Oh cela me fait penser à quelque chose… Voilà, lorsque l’on parle d’animagi, on parle souvent d’animaux ordinaires, mais est-il possible pour une personne de se transformer en animal magique ? Personnellement je ne pense pas, mais imaginons par exemple une personne qui aurait les même caractéristiques pour un félin que pour un reptile, pourra-t-il se transformer en chimère ou l’une de ses caractéristiques prendra toujours le dessus ? Il y a tellement de choses à savoir sur l’animagie et son fonctionnement… Je trouve cela vraiment captivant et j’aimerais savoir tout de A à Z.
-Ah, voilà des sujets que je trouve particulièrement passionnants. Pour ma part, d'après les recherches que j'ai faites, il n'est pas possible de se transformer en créature magique. De même qu'il n'est pas possible de se transformer en porc par exemple. Ces créatures-là sont imperméables à la magie, allez savoir pourquoi."

Tout en parlant, je fouillais dans mon bureau à la recherche d'un document qui pourrait lui être utile.

"Par contre, il est possible de devenir sanglier ou phacochère par exemple. Je pense que les possibilités sont limitées par le corps de la personne. La métamorphose est un processus qui implique que notre enveloppe corporelle change. Néanmoins, elle garde les mêmes... Comment dire... Les mêmes dispositions que notre corps d'origine. Par exemple, si je suis blessée lorsque je me transforme, une fois revenue à ma forme naturelle, je garderai des séquelles équivalentes."

J'interrompis mes recherches pour relever ma manche, dévoilant trois grosses griffures sur mon avant bras. Les cicatrices étaient blanches car anciennes, mais tout de même très nettes..

"Je les ai eues en tant que renarde. Et pourtant, ça n'a pas empêché que je les garde en tant qu'humaine. Du coup, j'ai émis la théorie que, comme pour les blessures, notre capacité magique est la même en animal qu'en humain. Il faut savoir que la dose de magie que peut contenir notre corps est plus ou moins déterminée par différents facteurs. A savoir notre exposition à la magie, l'usage qu'on en fait... Vu la concentration en magie qu'on peut voir dans certains animaux magiques, notre corps n'est tout simplement pas apte à le supporter. Ah, le voilà !"

J'avais finalement trouvé ce que je cherchais : un document de douze pages concernant ma théorie du transfert des capacités magiques entre la forme humaine et la forme animale. Je le tendis à Kathleen avec un sourire :

"Si ça peut vous intéresser, n'hésitez pas à le consulter. "

Kathleen me remercia pour les papiers, mais j'avais un doute sur ce qu'il adviendrait d'elle après notre entrevue. Elle semblait si curieuse, si terriblement avide de savoir... Un peu comme moi, à l'époque. Même aujourd'hui, j'attribuais la réussite de ma formation d'animagie à l'excellent suivi que j'avais reçu à l'époque. Mon professeur de métamorphose et Wallace m'avaient si bien aidée que j'y étais parvenue sans trop de mal... Et sans risque réel. C'était là le point le plus important. J'espérais surtout que Kathleen s'adresserait à moi au besoin, si jamais elle se lançait vraiment. Je le souhaitais du fond du cœur.

-Eh bien Mademoiselle, je vous remercie pour toutes ses informations qui ont été précieuse pour mon article et pour moi. Après tout, je ne serais pas une bonne Serdaigle si je n’étais pas curieuse à propos de ce procédé, même si le tenter m’a l’air trop dangereux pour le faire seule. Pourrais-je avoir un moyen de vous joindre ? Si jamais j’ai d’autres questions à vous poser. A propos de l’article bien sûr.

De l'article, bien sûr. J'esquissai un léger sourire, amusée par sa persévérance. Elle ne lâcherait pas le morceau, n'Est-ce pas ? Je répondis donc aimablement :

"N'hésitez pas à me recontacter au besoin, ce serait avec plaisir. En général je suis joignable à tout moment ici, mais... "

Je m'interrompis un moment pour grifonner quelques mots sur un bout de papier que je lui tendis :

"Voici mon adresse personnelle. N'ayez pas peur de l'utiliser au besoin. Je suis rarement en vacances, mais sait-on jamais."


Si jamais il lui prenait l'envie de sauter le pas, au moins je serais peut être informée... En tout cas, je l'espérais ! Eviter tout drame était devenu l'un de mes objectifs depuis ce fameux jour où j'avais vu l'impensable. J'osais espérer que d'avoir la possibilité de me joindre la ferait réfléchir à deux fois avant de se lancer.


-Oh… Ma mère doit m’attendre, il faut que j’y aille ! En tout cas je vous remercie pour toutes vos informations, je les utiliserais à bon escient promis ! Et j’espère vous revoir bientôt.
-Je vous en prie. N'hésitez pas à me recontacter, ma porte est toujours ouverte", répondis-je avec un large sourire.

Elle me serra la main avant de s'en aller précipitamment. Je songeai avec nostalgie à l'époque où mon père me conduisait partout de la sorte. Ma mère, jamais, car nous ne nous entendions absolument pas. Mais avec mon père, j'avais passé tant de temps à me faire conduire par monts et par vaux !

En soupirant, je rédigeai une courte note avec quelques informations sur le passage de Kathleen, que j'insérai dans un de mes dossiers soigneusement rangé dans mon étagère, juste après la fiche consacrée à Yohana Dwight. Le classeur portait une inscription :

"Elèves à risques de Poudlard".

Après tout, c'était bien cela qu'elle était, la petite Kathleen... Je retournai alors à mon travail, espérant ne jamais avoir à la faire migrer vers le dossier "métamorphoses ratées"...