Quelques jours, ou plutôt quelques nuits déjà que le drame c'était produit. Et pourtant les souvenirs que j'en gardais, parfaitement conservés par mes sens accrus que je détenais sous ma forme lycanthrope, me hantaient toujours. Plusieurs matins que je me réveillais en sueur, effrayé par ce corps inanimé orné de deux trous sur son flanc et par ce visage si... inexpressif. Ce devait être la première fois de ma vie que je "voyais" la mort, la vraie. Les chasses nocturnes de ma forme lycanthrope ne comptait pas, car je considérais cela comme un mal pour un bien. Tel était la nature. Et je n'avais jamais vu ni sentit le cadavre de mon père. Alors... Voir un animal aussi pur qu'une licorne être là, inerte, sous mes yeux, sans vie était une expérience traumatisante dont je ferais sans doute des cauchemars pendant encore pas mal de temps.

Ce matin encore je m'étais réveillé en sursaut, frappé par ce cauchemar qui revenait sans cesse. Ma respiration était haletante, mon cœur tambourinait dans ma poitrine, j'étais dégoulinant de sueur et mes yeux étaient écarquillés dans une expression de terreur. Il me fallait toujours quelques secondes avant de reprendre pied avec la réalité et me dire que tout cela était passé. Mais je ne pouvais m'empêcher de me rappeler de cette odeur... L'odeur de cet enfant qui avait osé commettre un tel crime. En passant ma main sur mon visage, tandis que je reprenais mon souffle, mes yeux s'allumèrent dans une flamme de colère.

Je sortais du lit pour prendre une douche froide, et j'avais l'étrange sensation de purger mon corps et mon esprit en faisant ainsi. J'en ressortais toujours apaisé, la colère refoulée au plus profond de moi. Juste à côté du loup qui sommeillait en moi. Sans que je m'en aperçoive, les griffes qui ornaient le bout de mes doigts reprirent leur forme initiale d'ongles et mes crocs qui avaient doublés de longueur se rétractèrent. J'enfilais alors un T-shirt que je savais blanc et un jean, accompagné de mes docs. Il était encore trop tôt pour aller prendre le petit déjeuner, le soleil ne s'était pas encore levé. Je haussais les épaules et sortit du dortoir pour me diriger vers la Forêt Interdite.

Je ne retrouvais pas les centaures. Ils étaient sans doute partis dans un autre coin de la forêt pour aller chasser. Tant pis. Je ne me sentais de toute façon pas d'humeur à parler avec Firenze pour une fois. Certes il était mon meilleur ami, mais ses discours n'arriveraient sans doute pas à apaiser la tension qui palpitait en moi, même si il était de bonne volonté. C'était quelque-chose qui se réglait d'humain à humain. J'errais donc sans but dans la forêt, les mains dans les poches, écoutant avec attention le chant de petits oisillons qui chantonnaient à tue-tête dans le coin. La douce brise matinale caressait ma peau et m’enlaçait de tout son bien être. La nature était tellement plus agréable que la société humaine... Il m'arrivait parfois de vouloir m'y abandonner, rester loup pour toujours et se fondre à elle. Oublier les humains à jamais.

C'est en pensant aux humains que l'odeur vint frapper mon odorat comme si on m'avait claqué la porte au nez. C'était lui ! Impossible de me tromper ! Les souvenirs étaient trop récents, trop parfaits pour que je puisse le confondre avec un autre. Il venait d'entrer dans la forêt ! Pour encore tuer un autre animal ?! Cette pensée me fit faire volte face et me fit courir en direction du jeune garçon à grandes enjambées. Il ne m'a fallut que quelques dizaines de secondes pour retrouver sa piste. A part Lilas, il était le seul que j'ai pu sentir sous forme de loup-garou. Il ne pouvait pas m'échapper !

Je pris la peine de contourner mon trajet en découvrant que son odeur s'éloignait de la forêt. Il voulait fuir ? Hors de question ! Sur cette pensée, j’accélérais la cadence. Je zigzaguais entre les arbres, sans chercher à être discret comme l'aurait fait ma part animale. Tout ce que mon corps pouvait donner je le concentrais sur ma vitesse pour ne lui laisser aucune chance de s'échapper. 11 ans ou pas, il devra répondre de ses actes ! Jaugeant que je devais me tenir à bonne distance de lui désormais, je m'arrêtais brusquement et me tourna dans la direction opposée. Je le sentais... Il se rapprochait. Les poings serrés à m'en faire blanchir les phalanges, je m’avançais au pas vers lui.

Lorsqu'il se tenait alors à quelques mètres de moi, il sembla s'être arrêté. Quand à moi, je continuais toujours ma marche jusqu'à me trouver à sa hauteur. Et sa hauteur n'était pas bien grande, il m'arrivait à la taille. Mais peu m'importait. Il était de mon devoir de remettre ce petit sur le droit chemin tant qu'il était encore temps. J'avais une folle envie de le saisir par le col, de le mettre à ma hauteur, et de lui dire mes quatre vérités. Mais il avait 11 ans, et il était loin d'être un mage noir. Pas encore.

- Toi... Tu as tué une licorne il y à quelques nuit de cela.

C'était plus une affirmation aux airs de menace qu'une véritable question. Un échantillon de ma colère s'était échappé de mes lèvres, alors je me contraignis à la refouler le plus possible.

- Quel est ton nom ? Et ta maison ?

- Logan....De Serpentard !, répondit le petit garçon.

Il y eu de longues secondes de silence. Je me penchais alors vers le jeune garçon, rapprochant mon visage à quelques mètres du sien. Non, le but n'était pas de l'intimider et de lui faire les gros yeux. C'était pour une tout autre raison qui n'appartenait qu'à moi, et que personne ne pouvait faire à ma place. J'écoutais attentivement, sensible à la moindre variation sonore, et ayant obtenu la réponse que je souhaitais, je me redressais. Je posa mes mains sur mes hanches et mes sourcils se froncèrent d'eux-même.

- Si il y a bien quelque-chose que je sais, c'est que tu mens. J'entends ton cœur tambouriner d'ici.

Disons que cette dernière phrase n'était qu'un demi-mensonge et un soupçon de bluff. J'entendais son cœur battre à toute allure, certes, mais certainement pas de là d'où je me tenais. C'était pour ça que je m'étais penché sur lui à l'instant. Et ce petit me mentait, il n'y avait pas de doute là dessus. Je réprimais un soupir de colère et prit sur moi. A quoi jouait ce gamin ? Il avait 11 ans, presque autant que ma petite sœur. Il ne savait pas si il était né dans une famille moldue ou sorcière, mais il venait d'arriver il y avait seulement quelques mois à Poudlard, un monde où l'on apprend la magie, où l'innocence se mélange à l'émerveillement. Comment diable pouvait-il commettre de tels actes à son âge ? Quel genre de vie avait-il vécu pour agir de manière aussi... indifférente ? Et en plus de mentir aux gens ?

...Peut-être fallait-il tenter une autre approche.

- Je ne te veux aucun mal. Alors réponds-moi sincèrement, cette fois : Quel est ton nom, et dans quelle maison est-tu ?

- Simba, Gryffondor..., répondit le gamin, penaud.

Cette fois, je n'avais même pas besoin de me baisser pour vérifier son rythme cardiaque. Sa simple intonation de voix avait suffisamment changée, plus assurée, pour comprendre qu'il lui disait la vérité. Je hochais la tête, satisfait. Bien, c'était déjà ça de fait. Je ne savais pas son nom de famille, mais son prénom et sa maison était largement suffisant pour moi. Toutefois, je tiqua légèrement sur cette dernière information. Un Gryffondor ? En général, ce genre de coup avait plutôt tendance à se faire par un Serpentard. Surtout quand l'élève en question est accompagné d'un python. Enfin, à croire que tout le monde pouvait avoir son lot. Un Gryffondor, donc... J'en étais encore bouche bée. On vantait le courage et le sens de l'honneur des lions, même si ils avaient une légère tendance à vouloir outrepasser les règles, mais tuer de sang-froid une licorne n'était pas commun. Enfin... C'était valable pour n'importe qui, au final. La question était : que voulais-t-il donc faire de ce sang récolté ? Il était très peu probable qu'il connaisse les effets de ce sang particulier. Beaucoup trop jeune. A moins qu'il n'en ait déjà entendu parler avant ? Dans ce cas, ce gamin étais plus atteint que je ne le pensais.

- Et toi !? Comment tu t'appelles et professeur de quoi ?

La question me fit arquer un sourcil. Professeur ? Avais-je l'air aussi âgé que ça ? Enfin... Peut-être que les enfants de onze ans étaient facilement influençables. Ce ne serait pas la première fois. Toutefois, le fait que ce Simba mélange tutoiement et professeur provoquait un mélange qui était légèrement à l'encontre des règles de respect pré-établies en société. Je me voyais mal tutoyer mes professeurs, j'imaginais d'ici la tête qu'ils feraient si c'était le cas. Même pour un aveugle. Ou alors il perdait juste les pédales par-ce qu'il avait peur. Depuis un bon moment je le sentais un peu paniqué. Pourquoi ? C'est en bougeant légèrement le pied, qui émit un bruissement de feuilles qui me donna la réponse. Je me rappelais enfin de l'endroit dans lequel nous étions. Si la Forêt Interdite était devenu un second foyer pour moi, ce ne devait pas être le cas de beaucoup d'élèves. Voir aucun, même les plus téméraires. Et ce gamin n'en menait pas large.

D'un mouvement de menton, j'incitais le jeune homme à me suivre. Je commençais à marcher en direction de la sortie de la forêt pour placer le gamin dans des conditions un peu plus favorables. Histoire de ne pas passer pour le grand méchant loup.

- Je m'appelle Damien Throwback, et je ne suis pas professeur. Je suis ADEM.

Au bout de quelques mètres, le soleil tapant contre ma peau m'indiqua que nous étions sortis de la forêt et que nous nous trouvions désormais à la lisière. Un bruit sourd fit écho à mes oreilles. Quelque-chose se déplaçait dans l'herbe. En rampant. Et je me rappelais avoir déjà entendu ce bruit lors de ma dernière pleine lune. Apparemment le python de Simba était venu rejoindre son maitre. Il avait même eu la délicatesse de me contourner pour s'approcher de moi le moins possible. Se pourrait-il qu'il ait senti ma nature lycanthrope et qu'il décelais en moi un prédateur naturel ? Ou était-ce juste de la méfiance sauvage ? Bah, peu important, au final. Je me tournais vers Simba.

- Dis moi, j'aimerais savoir pourquoi tu as récupéré le sang de cette licorne. Qu'est-ce que tu comptes en faire ?