Je me regarde dans la glace, tremblante de panique. Je porte un jean, un t-shirt, des chaussettes dépareillées et voilà. Je ne sais pas ce qu’il me prend mais  je laisse tomber la lettre avant que la porte ne s’ouvre et me concentre. Une sensation me prend derrière le nombril et je me retrouve devant une porte de bois à laquelle je tape discrètement. J’ai peur. J’ai froid. Mais la porte s’ouvre déjà.

Je tiens la lettre de Travis, qui a probablement croisé la mienne. Elle est froissée, du aux nombreuses lectures : elle ma donné une raison d'espérer que je n'avais pas encore... Je suis débraillé, mal peigné et fatigué. Je dors peu, ces temps ci... pourtant, quand on frappe à la porte, je ne prends pas le temps de m'arranger et me contente d'ouvrir tel quel... Tombant nez à nez avec Elle. J'êcarquille les yeux, surpris dans un premier temps avant qu'une joie évidente colore mon visage.

"Hana..." dis-je seulement dans un souffle, la voix tremblante.

Je me trémousse sur un pied et puis sur l'autre puis tente de prendre une mèche de mes cheveux sur mes épaules pour l'entortiller à mon doigt mais je rencontre du vide. J'ouvre ensuite la bouche dans un sourire gêné.

- Hum, Salut... Je dérange ?

Je remarque son malaise, mais je ne peux le lui reprocher. JE ne dois pas avoir l'air beaucoup plus finaud. Je secoue simplement la tête en signe de dénégation puis m'écarte afin de la laisser passer.
En la regardant, je ne peux m'empêcher de l'admirer... Cette coiffure lui va très bien. Elle lui donne un air plus mature, plus... Adulte, a défaut d'un meilleur terme. J'essaie de lui faire un petit sourire pour ne pas la mettre mal à l'aise, mais c'est une bien piètre tentative... Je finis par lâcher avec gêne :

"Entre. J'espérais que tu viendrais..."

Je hoche la tête et entre dans le couloir puis passe la chambre sans la regarder. Je m'arrête dans le salon, là, début, en chaussette. J'étais tellement pressée de partir que je n'ai même pas pris la peine de me chausser. Un silence désagréable s'installe et je décide de le rompre.

- Je suis vraiment désolée pour tes parents. Je l'ai lu dans le journal et je voulais passer avant mais j'ai eu certaines... Et bien... On peut appeler ça des obligations.

Je hoche d'abord la tête sans répondre, gêné. J'ai toujours eu horreur de la dissimulation et des secrets, c'est pourquoi je finis par lui dire :

"Je sais. J'ai reçu de tes nouvelles."

Je lui montre donc la lettre que je tiens toujours, puis lache d'une voix emplie de tristesse :

"J'aurais dû te le dire avant."

Je lui fais un petit sourire piteux, toujours plantée au milieu de la pièce.

-Ah, je suppose que Travis t'as écrit. Ils ont un peu paniqué, à la maison. Mais ça va. Je vais mieux que toi, je suppose. Perdre ses parents doit être horrible.

Je me rapproche un peu de lui et lui sers brièvement la main en guise de soutien. Je ne sais pas... Je ne sais plus ce que je peux faire ou non. Et c'est destabilisant.

Je plante mon regard dans le sien, le cœur serré.

"Je pense que tu sais très bien ce que c'est. Alicia... Je suis désolé."

Je n'ose pas la prendre dans mes bras, trop gêné par ce froid qui semble enfler entre nous. Mais, j'ai quelque chose à faire. À lui prouver. Je retiens simplement sa main dans la mienne, afin de l'entraîner dans le salon. Face au canapé, sur ma table basse, se trouve une récipient de métal argenté, finement ouvragé.

"C'est la pensine de mon père. Je voudrais que tu y jettes un œil. S'il te plaît."

A l'intérieur tournoyaient des pensées plus ou moins anciennes, la plupart appartenant à mon père... sauf les plus récentes. Les miennes.

Sa main retient la mienne et je me sens de nouveau moi. Je retiens cependantes paroles, mes excuses, mes ressentis, ma panique face à mes nouvelles responsabilités, bref tout ce dont je veux lui parler et je fais un pas en arrière quand il me montre la pensine.

- Soleil... Ou... Que... Une pensine?

"Oui. Il y a me suis pensées à l'intérieur. Mes souvenirs. PAS tous, bien sûr, mais j'en ai mis quelques uns là exprès pour toi. J'ai pensé que... c'était le meilleur moyen de te prouver que je n'ai... Enfin, que ce qu'il s'est passé n'est pas ce que tu crois."

C'était ce qui m'importait le plus, pour l'heure. J'avais donc déposé dans la pensine mon souvenir de cette soirée, mais aussi quelques uns de mes parents, y compris la dernier que j'avais d'eux : une discussion au sujet du futur... qui comportait le nom de Paddy bien plus souvent qu'elle ne l'aurait probablement cru elle meme.

Je soupire et retiré ma main de celle de mon soleil.

- Je ne veux pas les voir.

Je prends une grande respiration avant de commencer à parler.

- Je ne veux pas les voir. Ce sont tes souvenirs, c'est quelque chose de précieux qui n'appartient qu'à toi. Et je te crois. Je te dois des excuses pour ma réaction. J'ai très mal réagi et je t'ai fait beaucoup de mal. Je le sais et je suis désolée. J'aurais dû t'écouter, calmement, même si ça ne me ressemble pas. Je suis désolée d'avoir fait ça, Soleil. Vraiment.

Mes mains se mettent à trembler avant même qu'elle ait fini de parler. J'ai chaud, j'ai froid, je suis stupéfait. Alors, je me laisse réagir par instinct. De toute façon, je serais bien en peine de réfléchir, à cet instant. Et pour une fois, mon instinct me pousse à faire quelque chose de très... surprenant. Je m'avance brusquement vers elle d'un pas vif, la prends dans mes bras, et plaque mes lèvres sur les siennes, dans une sorte d'urgence que je ne comprends pas moi meme...

Ma première réaction face à son mouvement est un petit qursaut et puis un étonnement total quand je sens deux lèvres sur les miennes. Je fonds... Je ne fais que fondre alors que je m'accroche à mon soleil et que je lui rends son étreinte avec tout l'amour que j'éprouve pour lui.

Je la serre fort contre moi, le cœur battant la chamade. Ces quelques jours avaient été un calvaire pour moi. Une épreuve de plus dans un océan de misère. Et là, enfin, Elle est revenue vers moi. Un rayon de soleil, d'espoir... Qui romp le peu de contenance que j'avais jusqu'alors. Sans meme m'en rendre compte, je me mets à pleurer, comme le grand gosse que je suis, et je murmure à,son oreille d'une voix entrecoupée de sanglots :

"J'ai cru t'avoir perdue..."

Je suis bouleversée par ses larmes, que j'entends, que je sens couler le long de mon cou. Je caresse ses cheveux alors que je prends réellement conscience du mal que je lui ai fait au moment où il avait le plus besoin de moi.

- Je suis là, je suis désolée, ça va aller, je suis là., je suis désolée...

Je ne peux pas m'empêcher de murmurer cette phrase, encore et encore et encore.

Je la serre plus près de moi, comme si le fait de sentir son corps comme le mien pouvait la rendre plus tangible. Plus... réelle. Après avoir craint sa disparition de ma vie, il me semble d'autant plus impossible qu'elle soit la, contre moi, aussi... Facilement. Peut être ais-je tendance a rope faire dans le dramatique, mais c'était,ce que j'avais néanmoins craint plus que tout ces dernier sur jours... qu'elle m'abandonne.

"Je t'aime tellement..." finis-je par laisser échapper lorsque le fus un peu calmé.

Il me serre dans ses bras et je partage cette étreinte avec plaisir, Enfouissant mon visage contre lui, apaisée.

- Je t'aime aussi, de tout mon coeur. Je suis désolée de ne pas t'avoir fait confiance... Tu arriveras à me pardonner? Ces quelques jours sans toi étaient... impossible à décrire.

"Il n'y a rien à pardonner."

Je n'ai rien de plus à en dire, du reste. La savoir la, près de moi, cela me suffit amplement. Je n'ai besoin de rien de plus, car tout est déjà oublié.

Je souris, heureuse mais fatiguée par mon quotidien mais je me dit que tout va aller mieux. Rien ne peut être pire que ce que je viens de vivre n'est-ce pas ? Un silence tranquille s'installe et mes yeux ne cessent d'être attirés par la pensine. La curiosité rampe dans mon coeur et j'ouvre la bouche sans m'en rendre compte.

- Est-ce que c'est grave si je veux quand même voir tes souvenirs ? Je te fais confiance, je t'aime mais je suis super curieuse...

J'esquisse un petit sourire légèrement gâché par ma mine de déterré précédente, et réponds simplement :

"Si je te l'ai proposé, c'est que je voulais te les montrer. Regardons les ensemble."

Je lui tends la main, dans une invitation plus qu'explicite. C'était important pour moi qu'elle comprenne. Qu'elle le voie de ses propres yeux... Au travers des miens.

Je lui prends la main et la serre doucement puis me rapproche de lui et pose ma tête sur son bras dans un petit câlin.

- Après ça, je crois que des câlins-plaids avec du chocolat chaud seront nécessaires.

Je porte ensuite nos mains mêlées à ma bouche et fait un petit bisou sur son pouce.

- Après ça, je crois que des câlins-plaids avec du chocolat chaud seront nécessaires.

Je hoche la tête, un léger sourire au coin de la lèvre. Elle ne se rendait probablement pas compte à quel point sa proposition était tentante. Et elle ignorait encore... Enfin, elle verrait bien assez tôt. Je désignai la pensine d'un signe de la tête :

"Après toi."

Je m'assois sur le canapé et sans faire de chichis, plonge dans la pensine, la main d'Arnaud dans la mienne. C'est parti.

Ce premier souvenir, le plus récent, nous ramenait à ce fameux soir. Il commençait sobrement par moi, assis à mon bureau, le regard rivé sur la fameuse lettre annonçant le décès de mes parents, froissée et constellée de gouttes plus ou moins grandes, sèches ou plus récentes : de nombreuses larmes avaient coulé sur ce papier. Puis j'avais mangé une miette et je m'étais enfoui sous mes plaids, sur le canapé. Et Laeti était entrée. Et je l'avais ignorée. Revoir cela me fit frémir et je me collai instinctivement contre Paddy en quête de réconfort.

Je fronce les sourcils, serre légèrement sa main mais ne dis rien. J'attends de voir la suite, anxieuse.