"Ce soir, c'est la pleine lune". Cette certitude tournait en boucle, sans cesse, dans mon esprit et jusque dans les moindres fibres de mon corps. "Ce soir, c'est la pleine lune". Je ne pouvais pas vraiment expliquer comment je pouvais le savoir. Ça n'avait rien à voir avec mes sens hyper-développés, car malgré leurs sensibilités, les nuances qui changeaient les nuits en fonction des phases de la lune étaient sans doute bien trop minces pour que je puisse les capter. Ça ressemblait plus à une sorte d'horloge biologique inconsciente, et qu'une alarme y était installée pour qu'elle sonne en moi une fois par mois. Enfin... C'était comme ça que ça commençait, parce que les autres symptômes qui suivaient après, eux, étaient plus que repérables. C'est alors que je quitta la salle commune des Poufsouffles, à pas de loups -et l'expression était plutôt adéquate ici-, pour ensuite sortir du château, vêtu d'habits moldus afin d'éviter de salir ma robe de sorcier. C'était donc ainsi que je marchais, les poings serrés dans les poches de ma veste, les sourcils froncés. Les prémices de ma transformations commençaient déjà à se faire sentir : ma peau me picotait de partout, et mes dents me faisaient mal. Ces sensations n'étaient vraiment pas agréables, mais elles étaient loin d'êtres les pires. Tandis que je marchais, légèrement crispé, j'entendais au loin un son que je connaissais bien : le vent qui se scindait en deux sous la vitesse d'un balai. Et ça provenait du terrain de Quidditch. Il y avait encore des gens qui s'entrainaient à cette heure aussi tardive ? Être joueur de l'équipe ne devait pas être de tout repos, apparemment.

Cette fois, ce fut mon nez qui me tira un élan de douleur, tandis que je franchissais la lisière de la Forêt Interdite. Bon sang, fichue lycanthropie ! Je me serais bien passé de toutes ces transformations nuptiales mensuelles ! Quand j'entendais des filles se plaindre de leur menstruations, j'avais presque envie d'en rire. Presque. Sauf que se transformer en loup n'avait absolument rien de drôle. Et je ne pouvais pas m'empêcher de m'inquiéter à ce moment-là. Et si un élève rôdait dans la Forêt ce soir-là ? Cette école semblait remplie de petites têtes bien téméraires. Et si l'un d'entre eux, ou même tout un groupe avaient choisis ce soir bien particulier pour faire une petite excursion pour se donner des sensations fortes ? Si jamais je venais à blesser quelqu'un... ou pire... Je ne pourrais jamais me le pardonner. Je ne sais même pas si j'arriverais à vivre avec une mort sur la conscience. Rien qu'à l'idée... J'en avais des sueurs froides. C'est pourquoi j'inspectais toujours les alentours à l'aide de mon odorat et de mon ouïe, en espérant ne jamais entendre la voix d'une personne ou son odeur.

A priori, il n'y avait l'air d'y avoir personne aux alentours. Je n'entendais que le cris de quelques animaux sauvages et des odeurs familières. Rien d'alarmant. Je m'étais enfoncé jusqu'en plein milieu de la Forêt, à un arbre précis dont j'avais mit une marque sur son tronc pour le repérer au toucher. J'y avais écrit une simple lettre : un L. Cette simple lettre me donnait toujours le courage dont j'avais besoin lorsque j'étais au plus mal. Elle me rappelait que rien n'était insurmontable, et que toute épreuve pouvait être surpassée. Sur ces pensées, je commença alors par enlever ma veste, puis mon pull, et s'en suivit tout le reste de mes vêtements jusqu'à me retrouver nu comme un ver. Au début, c'était un peu déroutant de devoir faire ça en pleine nature, mais on finissait par prendre l'habitude à force. D'autant plus qu'il n'y avait jamais personne pour voir quoi-que ce soit, et je ne tenais pas à déchirer mes vêtements tout les mois. Surtout que si je ne pouvais plus les remettre, je n'aurais plus rien à me mettre en revenant au château, et là ce serait VRAIMENT embarrassant.

Soudain, une vive douleur me transperça la poitrine au point de me couper le souffle. Par pur réflexe, ma main vint s'agripper à ma poitrine, et mon visage se tordit de douleur. Putain de merde, ça commençait déjà ! C'était beaucoup plus rapide que prévu ! Mes membres me tirèrent comme si on était en train de m'écarteler, mais dans l'autre sens : comme si mes membres se rétractaient. La douleur était insupportable, et très vite j'en perdis le sens de l'équilibre et me retrouva à genoux. Des larmes coulèrent le long de mes joues, tandis que je tentais de retenir des plaintes de douleur, mais certaines s'échappèrent tout de même de ma gorge. Le bout de mes doigts se mirent également à me lanciner douloureusement, sentant mes ongles s'étirer et se courber lentement, comme si on les tordaient avec une pince. C'était atroce, je voulais que la douleur cesse au plus vite, mais le destin semblait s'amuser à me voir souffrir ainsi, alors il faisait toujours en sorte que les transformations soient longues et douloureuses à souhait. Mes picotements sous la peau s'intensifièrent, comme si des milliers et des milliers d'aiguilles sortaient de ma peau. Mes dents elles aussi se mirent à s'étirer lentement de mes gencives, me tirant un hurlement de douleur. Je sentais mon visage s'étirer lentement et prendre une forme triangulaire, tandis que ma conscience s'échappait peu à peu de mon corps. Mes membres devinrent alors des pattes. Mes ongles devinrent des griffes. Mes dents devinrent des crocs. Mon visage devint une gueule. Ma peau devint une fourrure blanche.

La transformation s'acheva tandis que je sombrais définitivement dans l'inconscience.

Il était libre.

La liberté. Enfin. Il était temps. Se retrouver enfermé dans un corps de chair aux sens atrophiés, et à l'instinct à peine plus développé que celui d'un nouveau-né... Devoir supporter ses élucubrations pleines de non-sens et aux "codes" superficiels... L'entendre déblatérer des propos incompréhensibles qui pouvait déclencher chez lui des sentiments dont le loup n'en percevait pas le sens... Pure absurdité. Comment pouvait-il vivre ainsi ? Il ne comprenait pas. Comment pouvait-il ainsi ignorer l'appel de la nuit ? Peu importait. La bête était là, elle pouvait enfin se mouvoir à sa guise, profiter de ces quelques heures de liberté pour se ressourcer. Retrouver le doux chant du vent, le doux parfum des odeurs qui dansaient sous son museau, les vibrations de la terre sous ses pattes... Toutes ces choses que ce misérable "porteur" ne pouvait qu'approcher. Si faible... Si seulement il existait un moyen pour qu'il puisse ne plus partager ce corps si frêle, qu'il puisse être définitivement libre et ne plus avoir à dépendre de cet humain.

Le loup se secoua le pelage, son corps encore endolori par la transformation. Mais ça n'allait pas tarder, d'ici quelques instants cette sensation désagréable allait disparaitre. Il profita de ce temps pour s'étirer les pattes. Enfin il pouvait être maitre de ce corps. Qu'allait-il donc faire pendant ces quelques heures de répit ? Probablement chasser une proie un peu lointaine, pas trop inoffensive. Ce fut alors qu'il le sentit. Comme si son odeur venait d'apparaitre sous son museau. Et immédiatement, le loup cessa tout mouvement. Cette odeur... Après toutes ces années à la poursuivre, à espérer la sentir un jour de son propre odorat... L'odeur d'un humain. Ici. Si proche. Si enivrante... De loin l'odeur la plus délicieuse qu'il n'ait jamais pu sentir jusqu'ici. Toutes les proies qu'il avait pu chasser jusqu'ici avaient toutes un gout fade, presque répugnant. Mais lui... Il pouvait presque sentir le gout de son sang sous son palet. La texture à la fois ferme et tendre de ses muscles sous ses crocs. Rien qu'à cette idée, son estomac réclama immédiatement famine, tandis que la proie déblatérait encore des sons qui n'avaient aucun sens à ses oreilles.

Patience, estomac, patience... Le repas allait venir.
Si appétissant...

Un grognement s'extirpa de sa gorge. Une menace de mort. Son corps se tourna lentement vers lui, tandis qu'un filet de bave glissait entre ses crocs et s'écrasait sur le sol. Faim... Il avait terriblement faim. Il se ramassa près du sol, grognant de plus belle.

Et bondit, crocs et griffes déployées.

Bon appétit.

Tandis que le vent sifflait dans ses oreilles, que ses griffes s’apprêtaient à labourer de la chair humaine... Celui-ci poussa un hurlement incompréhensible et aussi soudainement, le loup se heurta à un mur. Il poussa un glapissement et retomba lourdement sur le sol. Les sens perturbés, il se releva péniblement et se secoua la tête. Une vague de rage monta en lui. Misérable proie... Oser s'en sortir en utilisant contre lui des sortilèges. Exactement comme son hôte. Cela allait rendre la chasse plus difficile. Mais qu'importait. Pour la première fois depuis sa naissance, il allait pouvoir gouter à la chair humaine. Hors de question de rater cette occasion. Il le traquera toute la nuit s'il le fallait, et même en dehors de la forêt si c'était nécessaire. Cet humain allait finir dans son estomac, c'était une certitude.

Le loup étouffa un grognement pour tendre l'oreille. Il entendait ses bruits de pas. Il n'était pas encore très loin. Il pouvait même entendre sa respiration saccadée, il était essoufflé. Pauvres créatures sans défenses...

Il poussa un hurlement à la lune.
Et s'élança à la poursuite de sa proie.

Le vent cinglait dans ses oreilles et caressait son pelage. Les odeurs se bousculaient dans son museau, mais une seule était importante. Elle s'étendait en un long chemin escarpé, zigzaguant entre les arbres. Son souffle devenait de plus en plus proche, et aussi de plus en plus fort. Il commençait déjà à fatiguer.

Ce n'était qu'une question de temps.

Néanmoins, il fallait se montrer prudent. Ce n'était pas un humain ordinaire. C'était un sorcier, comme son hôte. Il était capable de se défendre, comme il l'avait fait tout à l'heure. Il lui aurait fallu une meute pour en venir à bout facilement. Mais il n'allait pas attendre d'en avoir une pour chasser. Hors de question.

Optant pour un effet de surprise, le loup bifurqua légèrement sur la droite, et accéléra le rythme de sa course. Il passa à quelques mètres de sa proie, mais continua plus loin son chemin pendant une vingtaine de secondes. C'est alors qu'il fit volte-face, et fit barrage à l'humain.

Il n'allait pas pouvoir le tuer aussi facilement. Il fallait l'épuiser. Le vider de ses forces pour qu'il baisse sa garde. Et pouvoir ainsi lui sauter à la gorge. Ses babines se retroussèrent, et un grognement sauvage s'échappa d'entre ses crocs acérés.

Parfait... Il était acculé. Cette forêt était ridiculement grande, mais sa proie ne semblait pas s'enfuir. Ses oreilles perçurent le bruit sourd d'un corps qui s'affaissait. Il avait trébuché. On ne pouvait pas rêver meilleure situation. Un gibier qui tombait à terre sans qu'on ne lui bondisse dessus. Quelle aubaine. Il n'y avait que les humains pour agir de la sorte. La peur donnait de l'adrénaline aux bêtes, les poussaient à dépasser leur limites pour survivre. Pas eux. La peur les terrassaient.

Le loup s'approchait lentement, un pas après l'autre, sans faire craquer ne serait-ce qu'une brindille sur le sol. Ses griffes sorties rentraient en contact avec la terre, comme pour les préparer à labourer de la chair humaine. Faim. Il avait si faim. L'odeur humaine emplissait ses narines et faisait presque gronder son estomac. Une odeur succulente qu'il pouvait presque sentir sur ses papilles. Si faim.

Un craquement un peu plus loin mit ses sens en alertes, le stoppant dans sa marche. Il crû qu'un autre prédateur avait flairé l'odeur de l'humain, mais en levant le museau, il ne sentit aucune nouvelle présence. Était-ce un coup de l'humain ? Très probable. A nouveau concentré sur sa proie, il reprit la marche. Il se trouvait désormais à à peine quelques mètres de son repas. Il était tenté de se ramasser pour lui bondir dessus, mais il avait compris que l'humain pouvait le repousser. Il devait donc se retenir, approcher lentement, sans précipitation et en restant sur ses gardes.

Ses grognements redoublèrent d'intensité, laissant parfois échapper des morsures dans le vide.

Dévorer...

Il se levait. La bête l'entendait. C'était presque imperceptible, pour une oreille humaine, mais pour lui c'était largement suffisant pour savoir ce qu'il faisait. Le loup redoubla de méfiance. Les proies prises au piège tentaient toujours des actions désespérées et imprévisibles. Et il fallait absolument se méfier de l'inventivité des humains. Et de leur "magie". Mais néanmoins, ce n'était pas ça qui arrêta la marche lente et mortelle du loup. Il approchait. Pas à pas. Le sang à la bouche.

-Da... Damien ?

La bête s'arrêta, une patte toujours levée. Ce mot... Le loup ne le comprenait pas, mais il résonnait étrangement dans sa tête. Et immobilisait son corps, comme pris d'un doute. Mais il finit par se rappeler. "Damien". Le "nom" de son hôte. Sa proie savait qui il était. Mais qu'importe. Dans une petite seconde, il ne saura plus rien... L'animal commença à se ramasser, prêt à bondir... Mais s'arrêta dans son élan.

Un craquement. Il avait entendu un craquement.
Et cette fois, ce n'était pas la proie qui l'avait provoqué.

Sa tête avait pivoté sur sa droite, à l'affut du moindre bruit, de la moindre nouvelle odeur qui pourrait se présenter à son museau. Qu'est-ce qui pouvait oser le déranger pendant son repas ?

Non... Pas ça... De toutes les créatures que pouvait abriter cette forêt, il eu fallut que ce soit celle-là. La chance n'était vraiment pas de son côté. Et pour couronner le tout : la proie avait profité de sa distraction pour s'enfuir à nouveau. Le loup grogna de frustration, et hésita sur la marche à suivre. Devait-il poursuivre la proie à nouveau ? Ou s'éloigner pour ne pas risquer d'affronter son rival. Si il avait eu une meute, la question ne se serait même pas posé, mais le soucis est qu'il était seul. Tant pis, il devait tenter sa chance. C'était le première fois depuis le début de son existence qu'il pouvait gouter à la chair humaine. Il ne pouvait pas la laisser filer entre les pattes !

Il détala alors, gardant néanmoins une partie de sa conscience concentrée sur la créature. Elle était dangereuse, il fallait se méfier d'elle. Si ils venaient à se rencontrer, le loup ne mènerait pas large. Mais il ne comptait pas non plus lui laisser sa proie. Il l'avait "vue" le premier, hors de question de lui donner aussi facilement. D'ailleurs en parlant de proie, celle-ci devenait de plus en plus repérable. Il respirait plus fort, et une légère odeur de sang flottait autour de lui. De quoi creuser d'avantage l'estomac de la bête. Il fallait l'attraper au plus vite avant que la faim ne le vide de ses forces.

Mais il ne fallait pas non plus se précipiter. Le loup avait bien compris qu'une approche directe ne fonctionnait pas, à cause de sa "magie". Il devait donc se montrer plus discret. Devenir une ombre parmi les ombres, calquer sa respiration sur celle du vent. Ne plus exister, jusqu'à ce que ses crocs se plantent dans la chair de la proie. Il avait donc ralenti le pas, se camouflant parmi les buissons et les arbres. Sans le moindre bruit.

Bien. L'humain avait fini par s'arrêter. Quelle ironie du sort, s'il avait passé plus de temps dans cette forêt, il aurait su que la lisière entre elle et le château n'était qu'à quelques dizaines de mètres, tout au plus. Si le loup avait été un peu plus humain, il en aurait rit. Mais un loup ne riait pas. Il était caché derrière un buisson à quelques pas de sa proie, invisible à ses yeux. Il tendait l'oreille en quête de sa présence. Elle semblait avoir perdu leur trace, pour le moment. Mais ça ne durera pas longtemps. Il fallait donc que la bête se dépêche si il ne voulait pas voir son diner se faire dérober sous son museau. Mais il devait se montrer prudent, la proie opposait plus de résistance qu'elle n'en avait l'air. Il fallait jouer de la ruse et de la discrétion. Tout à coup, le loup quitta son buisson jusqu'à l'arrière d'un arbre assez grand pour le cacher entièrement. Il sentais sur son pelage l'humidité de la brume qui recouvrait la terre, et c'était tout à son avantage. Ses poils blancs n'étaient pas des plus pratiques pour se camoufler, mais la situation présente ne pouvait être plus parfaite.

Silencieusement, il quitta son arbre pour un autre, puis couru jusqu'à un nouveau buisson. Le but était de déstabiliser sa proie, de la faire se sentir cernée et donc lui ôter son envie de fuir. Ça n'en sera que plus facile pour le dévorer par la suite. Sentant l'humain lui tourner le dos, il en profita pour s'approcher de lui, aussi lentement que possible. Sans faire craquer la moindre brindille sous ses pattes. Une fois arrivé à à peine deux mètres de lui, il se ramassa en jouant des muscles, attendit quelques secondes...

Et bondit.
Crocs et griffes ouvertes.

C'en était fini de lui.

La pauvre proie sans défense s'était faite prise au piège par le stratagème de la bête, elle restait debout, sans rien faire à part essayer de le repérer dans la pénombre. Futile. Malgré son pelage blanc contre nature, il était une ombre parmi les ombres. Seul un œil aguerri aurait pu le repérer. Un œil que le frêle humain ne possedait pas. Ils se prenaient pour des prédateurs avec leur « magie », pensaient être au dessus de tout. Et cette nuit ? Le loup en tenait un au creux de ses griffes, aussi terrorisé qu'un nouveau-né. Il avait toujours son petit bâton avec lui, mais la peur semblait lui avoir ôté l'idée de s'en servir. Il le tenait. Le repas était là, juste sous son museau. Il aurait préféré l'attraper plus tôt, la peur rend la chair plus joueuse, moins tendre. Mais il n'allait pas faire le difficile. C'était la première fois en près de quatre-vingts lunes d'existence qu'il pouvait enfin goûter à la chair humaine, celle qu'il désirait le plus ardemment, celle pour laquelle il existait.

Il n'avait donc pas hésité un seul instant lorsqu’il bondit en avant depuis le dos de sa proie. Celles-ci s’était retournée in-extremis, mais n'avait pas eu le temps d'éviter que sa masse ne le fasse tomber à la renversé. Il s'était protégé le visage avec ses bras, mais la chute l’empêcha d'atteindre sa cible : la carotide au niveau de la nuque. Néanmoins, l'humain se trouvait désormais juste en dessous de lui, écrasé par son poids. Il ne pouvait plus fuir. Sans la moindre forme de sommation, le loup planta ses griffes dans les épaules du jeune humain. Il ne fallait pas qu'il s'enfuie. L'odeur du sang qui s'en échappa creusa d'avantage l'appétit de la bête qui commençait à perdre patience. La faim dévorait son énergie à grande vitesse. Si la traque avait dû se poursuivre, il aurait dû se résigner à abandonner et à reprendre ses forces pour le reste de la nuit.

Mais heureusement pour lui, ce n'était pas le cas.

Un filet de bave s'était échappée d'entre ses canines, tandis qu'un grognement rauque raclait sa gorge. Le repas était servi. Le loup ouvra la gueule, dévoilant ses dents acérées. Elles furent à mi-chemin de son cou lorsqu'un bruit attira son attention et le stoppa dans son élan. Il se redressa alors immédiatement, non sans garder ses griffes logées dans les épaules de sa victime. Tout ses sens étaient aux aguets. Non… Comment était-ce possible ? A moins que… un autre ? Le loup grogna de mécontentement. Il devait faire un choix, et très vite. Même si il tuait sa proie maintenant, il faudrait le déplacer, et son poids ralentirait considérablement sa vitesse. Et quand bien même, l'odeur du sang gisant sur le sol l'atrirerait inexorablement vers lui. Et l'animal savait pertinemment que seul, il n'avait aucune chance de défendre son repas sans en devenir un lui-même. Il aplatit ses oreilles contre son crâne et grogna à nouveau en se ramassant d'avantage. Il n'avait pas le choix. A contre-cœur, il sortit ses griffes des épaules de sa proie et huma l'air un instant. Il se tourna alors vers l'humain, grogna encore.

Puis disparut dans les profondeurs de la forêt.