Llewellyn se réveillait doucement. Ou plutôt, il remontait lentement des profondeurs du puits sombre et vertigineux de l'inconscience. Il se sentait lourd et nauséeux. Et, étrangement, son corps semblait refuser de lui obéir, il se sentait incapable de bouger.
Il entendait, indistinctement, des chants d'oiseaux ... des cris d'enfants, cris de joies et de jeux ... autre chose, plus vague, comme en sourdine, mais plus près. Des gens semblaient discuter, à voix basse, un peu plus loin.
Je suis désolé, chère madame, il se peut que je sois en partie responsable de la situation ... disait une voix d'homme, grave, mâle, lénifiante.
Mademoiselle, je vous en prie ... non, non, ne vous excusez pas, vous ne pouviez pas savoir ! répondit une voix de femme, anormalement aiguë, presque excitée, clairement minaudière.
Hem ! oui, quoi qu'il en soit, je vous disais que j'avais déjà vu ce garçon, quand on me l'a présenté à Ste Mangouste, pour une visite médicale...
En piteux état, d'ailleurs, traumatismes mineurs, mais multiples, malnutrition avancée, problèmes psychologiques assez sévères pour être notables ... mais n'avons pas à ce moment cru que celà pouvait être une contre indication à sa scolarisation, nous comptions sur vous ...
Et vous fîtes bien, Cher Monsieur, vous fîtes bien !
Les deux personnes semblaient se déplacer dans la pièce, s'éloignant, se rapprochant ... à moins que ce ne soit l'esprit du garçon qui jouait au yoyo avec la reprise de conscience, hésitant entre revenir ou rester.
Toujours est-il que c'est à LUI, que je n'aurais pas du faire confiance. J'aurais du prévoir, avec la crise d'hystérie qu'il nous a faite à l'approche des infirmières, qu'il ne viendrait pas vous voir pour faire appliquer son onguent s'il n'y avait pas de personnel masculin ici. J'aurais au moins du me renseigner.
Et voilà le résultat : une bonne partie de ses blessures se sont infectées, il est devenu fièvreux, et vu son état, soit il a sauté trois repas sur quatre, soit, ce que j'aurai pu prévoir aussi, il a fait une intolérance à la nourriture trop riche de l'école à laquelle il n'est pas habitué, au point de développer diarrhées, coliques, nausées aggravées, vomissement fréquent, et ainsi de suite...
Ce qui explique son état de faiblesse actuel et son évanouissement.
Llew avait fini par choisir, il avait opté pour la conscience, ne serait-ce que pour pouvoir se rincer la bouche, un horrible goût trainant sur sa langue et ses lèvres sèches. Il ouvrit les yeux et les referma bien vite, la douleur causée par la lumière les ayant perforés jusqu'à son cerveau, qui lui semblait fait de fromage blanc. Il grogna, en se débattant faiblement contre quelque chose qui le retenait, l’empêchant de bouger.
Ha ! mais le voilà qui revient !, je vous prie de m'excuser, mais si vous vouliez bien nous laisser ?
Un bruit de pas s'éloigna, et une porte, un peu plus loin, se referma doucement. Le malade tenta à nouveau d'entrouvrir les yeux, avec prudence, quelque chose retenant avec force la main qu'il tentait d’amener au dessus de son visage pour les protéger.
La voix de l'homme reprit, proche de lui, pendant qu'il entendait quelque chose glisser sur le sol :
Doucement, jeune homme, laisse moi t'aider, il n'y a plus que nous, maintenant
Il sentit une main farfouiller près de son poignet, et sa main, libérée, pût voler vers son visage et se poster, au dessus de ses yeux pour les protéger de la clarté cruelle. Il réussit à les ouvrir sans souffrance, et constata que la pénombre régnait dans la salle, carrelée et peinte du blanc des hôpitaux. En tournant et retournant la tête, il remarqua aussi que la longue rangée de lits était déserte, et qu'il était le seul occupant de la pièce, avec l'homme assis sur un tabouret à côté de lui. Il entendait vaguement les bruits des oiseaux et des enfants, venant de la fenêtre entrouverte, et ceux de l'infirmière, dans la salle voisine, qui vaquait.
Dis moi, mon garçon, de quoi as-tu besoin, là tout de suite ?
Peut-être me reconnais tu ? Nous nous sommes vu à Ste Mangouste, il y a un mois, je m'étais déjà occupé de toi ...
Eau ... de l'eau ... s'il vous plait ... croassa difficilement Llewellyn.
Oui, bien sur, évidemment ! reprit l'homme avec un bon sourire.
Mais laisses moi d'abord te détacher et t'aider à t'asseoir.
Llew regarda l'homme retirer les sangles qui l'entravaient, avec dextérité, mais en douceur. Il l'aida ensuite à se redresser, cala quelques coussins dans son dos, puis lui approcha un verre d'eau et l'aida à boire. Au moment même ou le garçon eût un haut-le-cœur après avoir avalé sa première gorgée, l'homme lui tandit un bassin émaillé pour qu'il puisse recracher, puis une serviette avec un petit clin d’œil.
Mauvais goût dans la bouche, hein ? Les potions les plus efficaces ont souvent cet effet, et crois moi, dans ton état, tu avais besoin d'une potion BIGREMENT efficace !
L'homme aida le petit serpentard à se rencogner sur ses coussins, lui pris doucement le poignet en regardant une jolie pendeloque accrochée à sa blouse, lui examina ensuite le visage et les yeux.
Mwoui ... ça va un peu mieux ... tu survivras, mais tu as fait très peur à tout le monde ! Pourquoi n'es-tu pas venu te faire appliqué l'onguent que je t'avais préparé ? Parce qu'il n'y avait pas d'homme dans cette infirmerie ? Je ne sais pas vraiment quelles sont tes raisons, mais si tu fuis toutes les femmes sans distinction, celles que tu crains aurons gagné, elles pourraient bien te tuer sans avoir à bouger ...
L'homme observa la moue de Llew, mi-renfrognée mi-désespérée, tout en continuant son auscultation, essayant de comprendre ce qu'il pouvait bien se passer dans la tête de ce gosse, visiblement traumatisé et fatigué.
Bon, ne t'inquiète pas, je vais rester quelque temps à l'école, je pourrai m'occuper de toi, et de certains de tes camarades qui ont aussi besoin de mon savoir. Au fait, permets moi de me présenter, docteur Fridrik, médecin assistant, détaché par Ste Mangouste auprès de l'infirmerie de Poudlard ... Content que tu t'en sois sorti, Llewellyn Abernathy ! reprit il en lui serrant, doucement, la main.
Une semaine plus tard, Llewy sortait de l'infirmerie, pour rejoindre cours et dortoir, en meilleure forme que jamais, avec un menu et des conseils diététiques destinés à l'habituer à la nourriture si riche de l'école, ainsi que la certitude qu'il pouvait, encore pour un bon moment, compter sur une présence masculine à l'infirmerie pour l'aider en cas de bobo !