Je vole dans la froideur matinale de ce premier mars. J'ai vraiment besoin de me défouler et je ne connais rien de mieux que le Quidditch pour laisser partir le stress et l'excitation.

Excitée, je le suis alors que je me précipite vers les gradins et remonte en flèche haut, haut dans la brume de mars. J'attends ce jour depuis quelques temps déjà. J'ai tellement hâte de le revoir, lui et son sourire irradiant le monde. Arnaud. Depuis près de deux mois maintenant il emplit mes pensées toute la journée. Chaque petite chose de la vie me fait penser à lui et rien qu'à l'idée de le voir aujourd'hui je me suis couchée très tard, bien après le soleil et levée très tôt, bien avant celui-ci.

J'ai été si nerveuse toute la soirée d'hier que Trisha et Mélodie, mes camarades de dortoirs n'ont pas pu se résigner à rester avec moi. Quand elles sont rentrées pour dormir, elles ont juste trouvé mes rideaux tirés et ont dû penser que je dormais. Mais en réalité, j'étais incapable de rester immobile pour rêver. Je n'ai pas pu m'empêcher de me retourner et me retourner et le dernier tempus que j'ai affiché pour regarder l'heure indiquait deux heures... Et je me suis levée à cinq, incapable de me rendormir.

Et donc, comme j'étais trop pressée et qu'une espèce de boule caoutchouteuse s'est installée dans ma gorge, j'ai décidé d'aller voler, pour me calmer...Mauvaise idée, vraiment. Maintenant je me retrouve à faire toute une série de figures qui ne sont pas dangereuses habituellement mais qui le deviennent rapidement sur un aussi vieux balais que le mien. Je sens l'adrénaline faire bondir mon cœur dans ma cage thoracique et j'ai l'impression que c'est la chose la plus délicieuse au monde. Il n'y a vraiment que le vol qui me fait me sentir comme ça. Et plus j'enchaîne les figures, plus j'oublie les minutes qui filent.

C'est seulement quand le soleil vient m'éblouir, se levant paresseusement et étendant ses rayons sur la terre, que je m'étonne du temps que j'ai passé sur mon balais. Je jette un tempus, me fustige à voix haute et file sur la terre ferme, court comme si j'avais une manticore aux trousses et me dirige vers mon dortoir.

Une fois arrivée, je tente de reprendre mon souffle comme je le peux alors que Trisha me regarde, un sourcil relevé et que Mélodie baille tranquillement.

-Quelle...heure...il est ?

-Il est huit heures trente. Me rétorque Trisha avec malice. Tu devrais te dépêcher si tu ne veux pas faire attendre ton rendez-vous. À quelle heure tu dois y être ?

Sans le vouloir je pique un fard monumental...Mais que...comment ? Mélodie semble voir ma détresse et rit légèrement alors que Trisha réplique.

-Tu parles la nuit. Bizarrement tu as oublié de jeter tes sorts habituels. Et tu n'as pas arrêté de répéter en boucle « Soleil »,« Près-au-lard » et surtout « Arnaud ». Donc on est au courant.

Je sens mes oreilles chauffer alors que Mélodie rit sérieusement cette fois-ci, rejointe par Trisha, et me glisse dans la salle de bain sans attendre. Résultat des courses, je ne sais toujours pas l'heure mais je suppose que je suis en retard sur mon super planning. Bon en vrai je n'ai pas de planning précis mais...je dois me préparer non ? Je n'ai jamais trop fait attention à comment je m'habillais avant mais je dois pouvoir faire un effort vestimentaire, non ? Comment les filles sont-elles sensées s'habiller quand elles vont chez un ami qu'elles ai... apprécient beaucoup ? Je n'ai même pas de maquillage ou quoique ce soit !

Je me sens paniquer et la boule, que j'identifie maintenant comme une boule de stress, reprend ses droits dans ma gorge. Honteuse et paniquée, je ré-ouvre la porte de la salle de bain.

-Je sais pas ce que je dois faire !

Mes deux camarades se lèvent prestement, se regardent et hochent la tête... Je sens le mauvais coup venir, étrangement. Elles me font toutes deux des sourires tendres et me chouchoutent comme deux mamans pour le premier rendez-vous de leur fille...ce n'est même pas un rendez-vous. Arnaud m'a juste invité chez lui. Peut-être que si j'en fais trop ça ne va pas lui plaire ?

Mélodie m’emmène dans la salle de bain et me montre une gamme de produits à utiliser sous la douche. Gel douche, après shampoing, le tout aromatisé au caramel. Rien n'a été touché et un peu de poussière s'accumule dessus. Je la regarde et elle m'avoue en rougissant qu'elles attendent ça depuis un moment déjà, le relooking de Paddy la sportive. Cet aveu finit de me détendre et je passe aux choses sérieuses. Une fois sortie de la douche, je me retrouve en serviette au milieu du dortoir. Trisha s'occupe ensuite de mes ongles et les rends très beaux d'un coup de lime bien placé. En y pensant, c'est un peu effrayant. Cependant je trouve juste ce qu'elle fait magnifique. Le vernis est transparent, avec des petites étoiles bleues, ce qui me fait directement penser à Nova, et donc à Arnaud. Il nous faut ensuite une bonne demi heure pour trouver l'ensemble parfait. Je n'ai pas beaucoup de vêtements mais Mélodie a su faire du neuf avec du vieux et j'en suis ravie. Je pose juste mon véto sur l'écharpe, ce sera celle d'Arnaud, sinon rien. Trisha finit par me coiffer de façon plutôt simple. Mes cheveux sont lisses et détachés, elle a juste rajouté une de mes vieilles barrettes en forme d'ourson bleu (pour un côté « kawai » selon elle...je n'ai pas la moindre idée de ce que ça veut dire). Je me retrouve donc dans un blue jeans qui paraît neuf, ma vieille veste en cuire noire par dessus, avec l'écharpe de Beauxbâtons pour couronner le tout. En dessous ? Une simple chemise blanche relevée au trois-quart des manques et quelques bracelets bleus que les filles ont bien voulu me prêter. Rien de bien clinquant en fait, ce qui me va parfaitement. Trisha complète le tout avec un peu de crayon et de masquara, «seulement pour mettre en valeur tes yeux » d'après elle.

Quand nous regardons enfin l'heure, je suis vraiment surprise. Nous avons passé toute la matinée à me préparer. Je me saisi de mon vieux sac et de mes lunettes, que je mets sur mon nez (après tout j'avais dit à Arnaud que je les porterais) puis m'affale sur mon lit et regarde en dessous.

Elliot a l'air surpris de me voir, alors qu'il câline littéralement le bocal de Nova, l'eau faisant de petits « clap,clap » à la surface. Je ne peux m'empêcher de rire et puis m'arrête, pour ne pas vexer mon poussin, qui est vraiment très rancunier.

-Hey, Elliot. Je vais chez Arnaud, tu veux venir ?

Je me relève rapidement alors que mon hibou sort de dessous le lit brusquement. Le temps que je me relève, je me rends compte que mon habituel sac est remplacé par un autre, plus petit et bleu, quelque chose d'un peu plus féminin en somme. Je fourre deux paquets de chocoballes à l'intérieur ainsi que ma baguette. Je fais un sourire de remerciement à mes camarades et me dispute quelques minutes avec mon hibou, lui faisant comprendre que « non, Nova ne peut pas venir, imagine si je tombe avec le bocal dans les mains ? C'est trop risqué pour elle ! » et parvient à sortir du dortoir sous le « tu nous raconteras » de Trisha.

Le stress monte sans que je le veuille vraiment et sans m'en rendre compte je me retrouve déjà devant l'immeuble où habite Arnaud, mon oiseau niché sur mon épaule, pépiant avec douceur. Il semble ravi de venir ici sans avoir à faire d'efforts, pour une fois. Je pénètre dans le hall, me frottant les mains de froid et regarde le petit panneau « hors service » devant l'ascenseur. C'est pas très grave, je n'ai pas trop confiance en ces petits appareils.

Je prends mon temps pour grimper les marches et arrive à l'étage. Quel appartement déjà ? Ah, oui, le voilà. Je frappe trois coups doux sur la porte de bois, peut-être du hêtre ?, et attend patiemment.

Elliot commence à s'agiter dans tous les sens, sans que je ne comprenne pourquoi et je suis obligée de le sortir de sur mon épaule, alors qu'il tente de tirer mes cheveux dans une direction autre que la porte devant moi. Je me chamaille avec lui alors que la porte s'ouvre.

-Mais qu'est ce qui te prend Ellio.....oh ?

La journée s'annonçait... tranquille. Liz était partie ce matin voir son père, même si j'avais insisté pour l'accompagner, elle affirmait qu'elle pouvait y aller seule. J'étais donc en face à face avec moi-même. Enfin non, ce n'était pas tout à fait exact : Il y avait Chamallow, le petit Youpi que Liz et moi avions récupéré de la Forêt Interdite qui somnolait calmement sur le fauteuil du salon. Je m'étais accroupi en face de lui et lui caressait tendrement le plumage, puis celui-ci soupira en se roulant sur le dos pour exposer son ventre. Cela me fit sourire, et j'entrepris de le lui frotter tendrement. Il semblait plutôt bien s'acclimater à l'appartement, il semblerait. J'avais un peu peur qu'il se sente triste au vu de sa séparation avec sa terre natale, mais il n'en semblait pas vraiment affecté. Même ma nature lycanthrope, que d'habitude la plupart des animaux domestique arrivait à sentir et les faisaient fuir, ne semblait pas le déranger le moins du monde. Comme si ce petit être n'avait aucun instinct de survie. Ou alors une confiance totale en Liz et moi. Au choix. Il ressemblait presque à un chat qui ronronnait, à l'exception que son ronronnement ressemblait plutôt à des petits sifflements aigus. Cela me fit rire.

Je n'avais jamais eu d'animal de compagnie de ma vie, à cause du problème que j'avais cité précédemment. Même le hiboux semblaient ne pas vouloir s'approcher de moi. Il n'y avait que Duc, le hiboux de ma mère qui m'approchait sans crainte. Il fallait dire qu'il m'avait vu naitre, il m'avait connu avant que je ne devienne un loup-garou. C'était peut-être pour ça qu'il n'avait pas peur de moi. J'en venais à croire que parfois, les animaux étaient bien plus intelligents que nous les humains. Même ce petit truc qui était en tain de se faire bichonner, confortablement installé sur son fauteuil. Cela faisait étrange d'avoir un animal de compagnie... Cela faisait une présence bien différente que celle d'un individu. Je ne savais pas que ce petit Chamallow pouvait se montrer aussi... relaxant. J'en oubliais presque tout mes soucis quand il venait se blottir dans mon cou la nuit, ou contre le petit ventre de Liz. Je me demandais comment allaient s'entendre nôtre enfant avec ce petit être. Je les imaginais en train de jouer ensemble dans la neige... Et un sourire illumina mon visage. Liz avait eu une bonne idée en voulant le ramener ici.

J'en étais là dans mes pensées lorsque j'entendis frapper à la porte. Je me tendis presque immédiatement, et j'entendis Chamallow se redresser dans un petit "Youpi ?" aigu. Ma main s'était refermée sur ma baguette par réflexe. Et si c'était elle ? Cette femme qui avait voulu me tuer ? Non, impossible, j'avais truffé l'appartement de sortilèges, dont un repousse-moldu. Elle ne pouvait pas se trouver ici. Mais si c'était quelqu'un d'autre ? Un sorcier qui serait capable de passer au travers ? J'avançais prudemment vers la porte, baguette tendue près de ma joue, tandis que Chamallow me suivait de près en sautillant allègrement. Je posa la poignée sur ma porte, prit une longue inspiration, puis ouvrit brusquement la porte, prêt à lancer un sort.

- Mais qu'est ce qui te prend Ellio.....oh ?

Cette voix... Cette odeur... Mon bras abaissa sa baguette, d'un mouvement presque ballant tandis que mon visage arborait un expression... surprise. Quasiment choqué. J'avais tellement cherché cette voix, cette odeur qui semblait si lointaine... Une odeur de hiboux l'accompagnait, et il semblait battre des ailes pour s'éloigner lorsque j'avais ouvert la porte. Chamallow avait sautillé jusqu'à elle en gémissant des petits "Youpi ! Youpi !" et je l'entendais se frotter contre son jean. Moi, je restais là, bras ballant, n'arrivant pas à croire ce que mes sens me rapportaient.

- Paddy... C'est toi ?, demandais-je, hébété.

Qu'est-ce que je racontais ? Bien sur que c'était elle ! Mais j'avais tellement de mal à y croire... C'était comme un rêve. Un rêve que j'avais attendu depuis si longtemps... Ma baguette finit par me glisser des doigts pour tomber par terre et y rouler quelques secondes. Puis soudain, mon corps se mit à se mouvoir par lui-même, et fondit sur la jeune Gryffondor tandis que mes bras l'encerclèrent pour la serrer contre moi.

- Par Merlin, Paddy ! Tu m'avais manqué !

Je sentis alors quelque-chose contre moi d'une dureté étrange. Je relâcha alors mon amie de mon étreinte pour poser ma main au niveau de sa tempe, et tâtonner du bout des doigts cette texture étrange.

- Tiens ? Tu portes des lunettes ? Depuis quand ?

Je secoua alors la tête, un énorme sourire fendant mon visage ébloui.

- Pardon, j'suis juste... Waouh ! Je suis si heureux de te revoir ! Comment tu as su que j'habitais là ?

Mon sac tombe dans un petit bruit alors que mon hibou et moi-même stoppons tout mouvement, ma phrase se terminant par un petit « oh » surpris. Devant moi, un homme. Il est grand mais pas autant qu'il devrait l'être. Il n'a pas les cheveux noir corbeaux, comme ils devraient l'être. De petits poils s'établissent sur son menton et ses joues dans une barbe très bien entretenue alors que l'homme qui devrait me faire face n'a pas de barbe du tout. L'aura qui se dégage de cet homme est totalement différente. Totalement familière aussi. Et à la place des ciels étoilés que j'affectionne tout particulièrement, ses yeux sont recouverts d'un voile de brume blanche. Et pourtant, pourtant il semble me voir moi. La vraie moi.

J'ouvre la bouche, aussi surprise que lui semble l'être mais des petits bruits aigus envahissent l'air et me font détourner le regard. Une étrange créature pleine de plume et affreusement mignonne saute autour de moi, se frottant à mon jean en hurlant des petits « youpi ». Ces petits cris pourraient faire mal à n'importe quelle oreille pourtant je les prends pour ce qu'ils sont : un chant mélodieux de joie.  Mon âme trépigne d'avoir enfin retrouvée son grand-frère et pourtant je n'ai jamais été si immobile. Damien. Damien se tient là, devant moi. Aussi étonné que je puisse l'être. Je m'attendais à voir celui qui fait virevolter des papillons dans mon estomac ( et aussi ridicule que cela puisse paraître, c'est ce que je ressens avec lui) et à la place je retrouve le troisième homme de ma vie.

Je vois du coin de l'oeil mon petit poussin battre des ailes et s'éloigner puis fronce les sourcils. Oh... J'ai facilement tendance à oublier que Damien est un lycan, et qu'il a le charisme d'un chasseur, d'un dominant, ce qui effraie les petits animaux comme Elliot. J'espère que mon hibou ne va pas se perdre et qu'il n'est pas vexé que je ne l'ai pas écouté...enfin suivi il y a quelques secondes.

Mon attention se reporte sur mon ami et sa question idiote, à laquelle je hausse un sourcil moqueur, et au bruit mât de sa baguette qui tombe sur le sol. Je me suis vite remise de ma surprise. Pas lui. Je sais pourquoi. Je l'ai entraperçu le jour de la Saint-Valentin, alors qu'il rejoignait Elizabeth et que moi je la quittais. Je ne voulais pas m'immiscer dans leurs retrouvailles de couple, et je voyais bien qu'il semblait perturbé... Un moment j'ai même cru...enfin peu importe. Je suis juste partie, rassurée qu'il aille bien et puis... et puis plus rien. Pour lui ça fait deux ans qu'on ne s'est pas vu. Deux ans c'est long et j'ai à peine le temps de me rendre compte à quel point il m'a manqué qu'il m'enlace.

Merlin que ça fait du bien. Une tornade de sentiments, tous contradictoires, m'envahit soudainement et me fait rapidement resserrer l'étreinte de ce câlin. Ma maison ambulante à moi. Ma source de chaleur quand je n'en ai plus, mon réconfort personnel. Mon grand-frère. Damien. Je me sens rassurée, heureuse et en même temps quelque chose me chiffonne. Une petite note d'amertume en arrière goût vient me prendre à la gorge quand je réalise tout à coup que si je n'ai jamais su où il était durant ces deux dernières années, lui savait. Il savait où me joindre et n'a jamais cherché à le faire.

Mon sourire se fane un peu alors qu'une grande main tendre touche mes lunettes avec douceur.

-Tiens, tu portes des lunettes ? Depuis quand ?

J'ouvre la bouche pour répondre à mon ami, alors que la bonne humeur reprend ses droits (car contrairement à mon canard, je suis loin d'être rancunière). Cependant je la referme bien vite, fascinée par son sourire. Il est loin de mon soleil mais il n'est pas mal non plus.

-Pardon, j'suis juste... Waouh ! Je suis si heureux de te revoir ! Comment tu as su que j'habitais là ?

Okay... Maintenant tu peux rougir Pad'. Bien joué, ma vieille !  Y a vraiment que toi qui peut se mettre dans une situation pareille... Bon sang, mais qu'est ce que je vais lui dire ? Que je ne voulais pas du tout le voir ? Que c'est une erreur ? Que je suis une grosse crétine ? Et si je lui mentais ? Oui mais qu'est-ce que je vais dire ? Que je l'ai su par magie ? Ahaha, très drôle Pad'... Vraiment. Je suis si désespérée que je commence à me faire des blagues dans ma tête ? Oh, bazar, je suis bonne pour Sainte-Mangouste ! Bon...trouve une idée...n'importe quoi... Il va trouver mon silence louche... OH ! Elizabeth ! Elle aurait très bien pu me donner l'adresse. Parfait ! Allez, Pad', ouvre la bouche et mens ! C'est ça, inspire, tu peux le faire.

-Je me suis trompée de porte !

J'expire tout à coup et me tape le front avec le plat de la main. Quelle grosse crétine je fais... même pas capable de sortir un mensonge plausible. Je panique un peu et rougit. Mes gestes deviennent un peu saccadés et je commence à me triturer les cheveux, vraiment très gênée. Je n'arrive pas à aligner plus de trois mots d'affilée, ce qui ne me ressemble pas. D'habitude je parle sans discontinuer quand je suis gênée mais là... Là je vais le blesse sans le vouloir... Pour me calmer je fais une chose assez inattendue. J'attrape la main de Damien et la pose sur ma joue. Son contact m'apaise directement. Comme une petite plume chaude qui vient caresser l'épiderme...ou comme un câlin rassurant qui fait du bien. Je reprends ma respiration et me lance, doucement.

-Je suis désolée... Je me suis vraiment trompée d'appartement. Je ne savais pas que tu habitais ici. Je ne savais même pas que tu étais encore en Grande Bretagne avant la Saint-Valentin. Je croyais que... je sais pas. Que je ne te reverrais pas du tout et je me suis faite à l'idée. C'est pas comme si j'avais un moyen de te contacter. Toi tu savais où j'étais mais tu n'as jamais fait la démarche alors euh... Voilà. Mais je suis ravie de te revoir. Tu m'as énormément manqué aussi, tu sais ? Deux ans c'est très long. Et pour les lunettes et bien... Je les ai depuis le début du mois. Je voyais flou alors voilà. Je les mets pas tout le temps. Mais toi aussi tu as changé, un peu.

Je porte alors la main à sa joue légèrement rugueuse, que je caresse aussi.

-La barbe te donne un air mystérieux assez drôle. Ça complète le regard de brume. C'est sympa.

J'entends ensuite mon crétin d'adorable petit volatile qui hurle dans le couloir, mécontent. Je me tourne pour le voir arriver et le regarde, surprise, fièrement posé sur une grande épaule. Mes yeux continuent de détailler l'inconnu et je me tends légèrement de surprise, resserrant ma main sur celle de Damien, que j'ai gardé sur ma joue, l'autre tombant le long de mon corps. Et mes yeux se noient dans un océan d'étoiles.

Étonnement, même si elle m'avait rendue mon étreinte à l'instant, lorsque je lui posa mes questions, elle resta silencieuse comme une tombe. Je n'entendais que le souffle de sa respiration, et celle-ci semblait plutôt irrégulière. Qu'est-ce qui lui arrivait ? Ce n'était pas son genre de restée plantée là. Pas la Paddy que j'avais connu... Son silence commençait à m'inquiéter, et je sentais le bout de mes doigts commencer à trembler et une boule se nouer dans ma gorge. Pourquoi ne disait-elle rien ? Elle qui d'habitude parlait beaucoup... Plus que moi en tout cas. Et là... Que lui arrivait-il ? Avait-elle changé pendant ce temps ? Pendant que j'essayais de la voir sans jamais réussir à la trouver... Cette idée me rendait d'autant plus anxieux. Je l'entendis alors ouvrir la bouche, et soudainement, toute mon attention, toute la capacité de mon ouïe s'était concentrée sur les mots qui allaient sortir. Chaque mot, chaque syllabe, chaque son.

- Je me suis trompée de porte !

...Mes mains cessèrent de trembler. En réalité, la totalité de mon corps avait cessé de bouger, jusqu'à ma propre respiration qui était restée en suspens. Ses mots résonnaient encore dans mon crâne comme une voix qui faisait écho dans une gigantesque grotte, haute et profonde. "Je me suis trompée de porte ! Je me suis trompée de porte !" ne cessait de me répéter mon esprit avec cette voix qui lui appartenait. Sa voix. La voix de Paddy. La voix de Paddy qui disait... qu'elle s'était trompée de porte ? Mon esprit était aussi tétanisé que mon corps qui n'avait plus désormais que seule fonction de me faire tenir debout. Rien de plus. Et mon cerveau avait un mal fou à réfléchir, comme si j'étais sonné, et que les pensées qui tentaient de franchir mon esprit butaient contre une paroi pâteuse, et que donc elles peinaient à franchir le seuil de mon cerveau, ralenties. Elle s'était... trompée de porte ? Donc... Donc ce n'était pas moi qu'elle cherchait à voir. Donc... Donc nôtre rencontre... n'était que... pure coïncidence ? Même en ayant cette révélation en tête... Je n'arrivais pas à bouger le moindre muscle. Aussi immobilisé que si elle m'avait lancé un Petrificus Totalus. Néanmoins, une désagréable sensation commençait à me serrer le cœur, presque littéralement. Une vague de déception, de tristesse, d'incompréhension... Tant de sentiments qui se bousculaient, et qui, je le sentais, montait graduellement en moi. Si... Si je ne faisais pas quelque-chose, là, maintenant... J'allais exploser. M'effondrer. Je ne savais pas. Je ne savais plus. Paddy...

Tout à coup, je la sentis. Cette vague de chaleur. Cette chaleur que je n'avais pas ressenti depuis... depuis bien trop longtemps et qui était revenue m’accueillir les bras ouverts. Cette chaleur qui s'était déversé en moi comme un torrent de flammes balayant tout sur son passage. Tout, également cette sensation de désespoir qui commençait à s'immiscer en moi, et qui fut mort-né. Cette vague de chaleur qui résonnait en moi comme les vagues qui s'étendaient en cercle concentrique lorsque l'on jetait un petit caillou dans l'eau tranquille d'un étang. Sa peau... Sa main... Sa main qui avait prit la mienne, et qui désormais l'emportait avec elle pour l'amener jusqu'à... jusqu'à sa joue. J'avais retrouvé ma respiration, et mon corps commençait à répondre de nouveau. Les pensées de mon esprits devinrent plus fluides, mais également... étrangement plus calmes. Sereines. Je ne pensais à pas grand chose, en fait... Je me contentais de respirer ce bien-être qui m'envahissait au simple contact de sa peau, et qui s'étendait en moi. Comme il l'avait toujours fait. Paddy...

-Je suis désolée... Je me suis vraiment trompée d'appartement. Je ne savais pas que tu habitais ici. Je ne savais même pas que tu étais encore en Grande Bretagne avant la Saint-Valentin. Je croyais que... je sais pas. Que je ne te reverrais pas du tout et je me suis faite à l'idée. C'est pas comme si j'avais un moyen de te contacter. Toi tu savais où j'étais mais tu n'as jamais fait la démarche alors euh... Voilà. Mais je suis ravie de te revoir. Tu m'as énormément manqué aussi, tu sais ? Deux ans c'est très long. Et pour les lunettes et bien... Je les ai depuis le début du mois. Je voyais flou alors voilà. Je les mets pas tout le temps. Mais toi aussi tu as changé, un peu.

Cette fois, ce fut sa main qui vint sur ma joue. La vague de flamme devint tempête.

- La barbe te donne un air mystérieux assez drôle. Ça complète le regard de brume. C'est sympa.

Une gigantesque bouffée d'air frais vint rentrer dans ma gorge pour enfin donner l'air que mes poumons avaient commencés à supplier. Non... Paddy n'avait pas changé. Certes, elle n'était pas venue pour moi, et je ressentais toujours une petite pointe de déception dans mon cœur, mais elle était bien minime face à la joie que je ressentais en ce moment de l'avoir retrouvée, moi qui avait pensé que je ne la reverrait plus jamais, et qui, finalement, n'avais pas changée. Ou plutôt pas autant que je ne l'aurais cru. Car étrangement, dans le son de sa voix, je sentais que quelque-chose était différent en elle. Je ne savais pas dire quoi, mais je le ressentais, c'est tout. Mon instinct me le clamait haut et fort.

Un hululement de hiboux se fit entendre un peu plus loin dans le couloir, auquel Chamallow répondit d'un petit "Youpi ?". J'entendis alors Paddy tourner la tête vers le son, et j'en fis de même et huma l'odeur. C'était la même que le hiboux avec qui elle semblait se chamailler lorsque j'avais ouvert la porte et qui avait fui à ma présence. Mais... Apparemment, il avait appelé du renfort. Une odeur se tenait juste à côté de lui. Une odeur humaine. Immédiatement, mes réflexes d'Apprenti Auror se remirent en marche, et presque aussi vite, je me mit devant Paddy et Chamallow. Ma main s'était portée à mon jean, mais je découvrit avec stupeur que ma baguette n'y était pas. Fiente de Magyar ! Elle était restée par terre lorsque je l'avais lâchée tout à l'heure ! Sur le moment, mon premier réflexe aurait été de pousser Paddy à l'intérieur de l'appartement, ramasser ma baguette et refermer la porte. Avec les sortilèges que j'avais apposé autour de l'appartement, ce type -c'était un homme, son odeur le clamait- l'aurait retenu assez de temps pour qu'elle se mette à l'abri. Mais... Mon instinct me disait que je n'avais rien à craindre. Et pour une fois, j'étais partagé. Mon instinct me trompait rarement, mais mes derniers événements m'incitaient à la méfiance... Finalement, je finis par comprendre. Que faisait le hiboux de Paddy -c'était le sien, n'est-ce pas ?- sur l'épaule de ce gars-là ? Si c'était un inconnu prêt à me tuer, jamais un animal comme celui-là serait venu à sa rencontre. J'en déduisais donc qu'ils se connaissaient... Je ne quitta pas ma position défensive pour autant, toujours sur mes gardes. Juste au cas où.

- Paddy... Tu le connais ?, demandais-je d'une voix grave et tendue.

Il suffisait qu'elle ne prononce que la lettre "n" du mot "non" pour que je réagisse immédiatement et la pousse dans l'appartement. Mon corps y était préparé. Je regrettais néanmoins de n'avoir ni ma baguette, ni mon karambit à portée de main...

Je m’apprête à ouvrir la bouche, les yeux toujours perdu dans cet océan d'étoiles avec une tendresse que je ne peux m'empêcher de montrer. Je suis si heureuse de l'avoir là, face à moi, que le stress et la gêne que j'ai accumulé jusque là semblent avoir disparus. Il est si élégant, dans sa chemise blanche que mon souffle devient légèrement plus rapide et mes joues se tintent de rose, agréablement. Mon petit sourire s'étire et j'ai l'impression qu'il ferait le tour de ma tête si c'était possible. Je suis si heureuse de le voir.

Deux semaines, ou trois. C'est environ le temps que nous avons été séparés tous les deux et pourtant, pourtant j'ai l'impression que ça fait des années. Ses lettres m'ont réconfortées et il était avec mon chaque, jour, dans mes pensées mais ce n'est pas pareil que de le voir face à moi. J'ai envie de me rapprocher et de voir de plus près ses si beaux sourires solaires qu'il m'offre généreusement. Par malheur, il semble assez neutre, voir contrarié ? Je ne sais pas ce qu'il se passe mais je me rends rapidement compte que quelque chose ne va pas. Son regard semble vide ou triste ou les deux. Et c'est là que je me rends compte.

Ma tenue. J'en ai définitivement trop fait avec ma tenue. Je suis sûre que c'est ça... Oh Merlin... Je savais que tous ces trucs de filles ne pouvaient pas m'aller ! Ou alors peut-être qu'il n'aime pas mes lunettes ? Et le maquillage ? Bon sang je fais tout de travers ! J'aurais dû y aller au naturel comme ça...

Oh... Qu'est-ce qui se passe là ? Le contact de nos yeux se coupe brusquement alors que mon regard rencontre le dos de Damien. C'est étrange, je n'ai jamais vu mon louloup de cet angle là... Ben franchement... c'est juste un dos quoi. Un dos et des cheveux blancs. Bref, Pad', si tu veux y voir quelque chose, il va falloir te décaler, oui comme ça c'est bien.

J'attrape les bras de Damien et me penche, en équilibre, pour voir Arnaud s'avancer vers nous. Il se stoppe.

-Paddy...Tu le connais ?

Je tourne la tête pour regarder le visage mortellement sérieux de Damien... Merlin que ça ne lui va pas ! On dirait qu'il a cinquante ans, avec ce visage et ses cheveux blancs... Bon pour les cheveux il n'y peux rien. Je vois du coin de l'oeil Arnaud faire encore un ou deux pas et tourne pour de bon la tête alors qu'il s'adresse, vraisemblablement, à moi.

-Eliott a déboulé chez moi, effrayé... J'ai cru qu'il t'était arrivé malheur alors j'ai accouru.

Je me décale bel et bien alors que mon cœur a un raté. Arnaud est si parfait. Il s'inquiète toujours pour moi que ça m'en donne le tournis parfois. Et je crois que je n'ai pas peur de m'avouer que je l'aime. Vraiment. C'est la première fois que je me fais la réflexion et mon visage se met soudainement à brûler, tellement il est rouge et pourtant je ne dis rien. Bon sang... Je l'aime. Comment j'ai fait pour ne pas m'en rendre compte avant ? Dès que je parlais d'amour dans mes lettres je ne voyais que lui. Je pense à une lettre que m'a envoyé Josh et je rougis encore plus, si possible. Même mon petit frère de sept ans s'en est rendu compte avant moi. Je suis pitoyable...  Un petit silence s'installe et j'ai l'impression qu'il est tendu. C'est là que je me rends compte que je n'ai répondu à aucun des garçons et que je me fais attendre de façon très mal polie. Bien, Pad', inspire et ACTION.

Je tapote deux fois doucement le bras de Damien.

-Tu te souviens, il y a deux minutes quand je t'ai dis que je me suis trompée de porte... Et bien...

Je marche ensuite vers Arnaud et lui lance un petit sourire timide.

-Bonjour Arnaud. Je suis désolée de t'avoir inquiété. Tout va bien. Et j'ai quelqu'un qui m'est très cher à te présenter.

Je lui saisis la main sans faire de gestes brusques et l'amène face à Damien. Mon sourire s'élargit alors que je me rends compte qu'il ne manque plus que Josh pour que les trois personnes les plus importantes de toute ma vie soient réunies dans un même lieu. C'est assez drôle quand on y pense. Je me rends compte que je tiens encore la main d'Arnaud, ce qui doit le déranger. Après une légère petite pression je la relâche et prend la parole.

-Arnaud, je te présente Damien. Le meilleur grand-frère que cette terre n'ait jamais porté. Je ne sais pas si tu te souviens mais je t'en ai parlé dans une lettre. J'ai rencontré sa petite amie sur le terrain de Quidditch pour la Saint-Valentin et je me suis rendue compte qu'il n'était pas loin. On s'est pas vraiment retrouvés ce jour là puisque je l'ai juste aperçu mais hum...voilà ? Et pour Damien, voici Arnaud. La personne la plus gentille et prévenante que je connaisse sur cette terre.

Je me mets soudainement à rougir et tripote mes cheveux, gênée. J'aimerais tellement en dire plus sur Arnaud. Parce qu'il est tellement plus que ça mais... Je ne sais pas. Je ne me sens pas prête ? Je viens à peine de m'avouer que je l'aime, je ne peux pas tout bonnement le hurler à Damien pour nos retrouvailles, hors de question. Je reprends alors juste la parole, les yeux vissés sur mes chaussures, mes doigts s'emmêlant dans une de mes mèches de cheveux.

-C'est un a...ami qui m'est très très cher. Je l'ai rencontré en Janvier mais c'est comme s'il me connaissait depuis toujours. Et...

Je me tais soudainement, vraiment trop gênée pour parler, attendant que celle-ci passe.

Mes oreilles attendaient une seule lettre. Une seule. Si jamais elle la prononçait, alors je la protègerais au péril de ma vie. Ma résolution sur ce point était intarissable, absolu. Mais... mon instinct ne me hurlait pas que cet homme était un danger. Pas comme il l'avait fait lorsque j'avais croisé la maudite route de cette femme, cette nuit-là... Il fallait dire qu'à peine elle avait apparu qu'elle avait tenté de me cribler de balles. J'avais réagit par réflexe, et à partir de là... Mon avis sur elle était tout vu. Mais lui... Il ne semblait pas dégager de mauvaises intentions. Et puis si c'était le cas, il ne serait pas resté planté là sans rien faire alors que j'étais désarmé et en dehors de l'appartement. N'importe qui ayant voulu attenter à ma vie n'aurait pas raté cette chance. Et encore une fois, je doutais fortement que le hiboux de Paddy serait venu se loger sur son épaule. Lorsqu'il fit un pas en avant, je me tendis imperceptiblement, prêt à réagir en conséquence, mes sens en alerte.

- Eliott a déboulé chez moi, effrayé... J'ai cru qu'il t'était arrivé malheur alors j'ai accouru.

Eliott ? Hun... Sans doute le nom du hiboux. A ce moment-là Paddy, qui était restée silencieuse depuis tout à l'heure, posa sa main sur mon bras pour le tapoter deux fois. Je tourna alors légèrement la tête vers sa direction, sans pour autant relâcher mon attention sur l'individu en face de moi.

- Tu te souviens, il y a deux minutes quand je t'ai dis que je me suis trompée de porte... Et bien...

Je la sens et l'entends alors se mettre devant moi, et avancer innocemment vers l'individu. Je m'apprêtais à la retenir par l'épaule pour l'empêcher de faire ça. Mais mon instinct me retint dans mon geste. Il me chuchotais tendrement à l'oreille que ce serait une erreur, et que si je faisais ça... C'était comme si j'allais gâcher quelque-chose. Je ne savais pas vraiment de quoi il s'agissait, et même si mon esprit lui hurlait de la retenir, de la protéger... Je ne pu me résoudre à bouger le petit doigt. Elle continua alors à s'avancer jusqu'à s'arrêter à deux pas de l'inconnu.

- Bonjour Arnaud. Je suis désolée de t'avoir inquiété. Tout va bien. Et j'ai quelqu'un qui m'est très cher à te présenter.

Arnaud... Donc elle le connaissait. A cette révélation, mes muscles se détendirent, et ma respiration qui était devenue profonde se relâcha. J'abandonnai alors ma posture défensive, et me redressa pour laisser le temps à mon corps de se décontracter paisiblement. Et alors je me rendis compte, à ce moment là... Que j'avais changé. Beaucoup changé. Au point même que je doutais encore appartenir au même monde que Paddy... Le monde de Poudlard, celui de l'innocence enfantine, de l'insouciance. Lorsque l'on se trouvait à l'abri entre les murs de cette école... comment pouvait-on s'inquiéter de ce qui pouvait arriver ? Mes seules préoccupations, jusqu'à l'année dernière... une éternité... Étaient mes notes, cacher ma nature lycanthrope et... Liz. Pour ce dernier point, cela n'avait pas tant changé que cela -ou plutôt si, mais positivement- mais aujourd'hui, tout cela était bien loin derrière moi... Mais Paddy vivait encore dans ce monde-là. Elle n'avait encore aucune idée des menaces qui trainaient, là dehors... Mais je ne pouvais pas lui en vouloir. En réalité,  ce n'était peut-être pas un mal qu'elle n'en sache rien... "Heureux sont les ignorants" comme on dit...

- Arnaud, je te présente Damien. Le meilleur grand-frère que cette terre n'ait jamais porté. Je ne sais pas si tu te souviens mais je t'en ai parlé dans une lettre. J'ai rencontré sa petite amie sur le terrain de Quidditch pour la Saint-Valentin et je me suis rendue compte qu'il n'était pas loin. On s'est pas vraiment retrouvés ce jour là puisque je l'ai juste aperçu mais hum...voilà ? Et pour Damien, voici Arnaud. La personne la plus gentille et prévenante que je connaisse sur cette terre.

...Hm ? Cette description... Quelque-chose dans sa voix semblait indiquer qu'elle pensait bien plus que ce qu'elle disait. Son ton avait imperceptiblement changé... Un petit sourire s'étira sur mes lèvres. Je connaissais ce ton. Non pas que Paddy l'avait déjà eu, mais... Enfin bref. J'en profitais pour "détailler" un peu plus ce fameux Arnaud. Il se la jouait... lopette. Félon fébrile... mec louche et lâche. Potentiellement bourrin... Mais quand il n'y a aucun risque. Euh... Une petite minute, qu'est-ce que je pensais, moi ? Ça me ressemblait pas du tout ? Je secoua la tête pour me remettre les idées en place. Je crois que mon ma formation commençait vraiment à me prendre la tête. J'irais peut-être sortir avec Liz un de ses quatre pour sortir un peu, mettre ma tête au frais. Non, il semblait... non en fait je ne crois pas que j'arriverais à poser un jugement en si peu de temps. Il n'avait prononcé qu'une phrase pour le moment. Je sentais Chamallow rentrer à l'appartement en sifflotant un air guilleret.

- C'est un a...ami qui m'est très très cher. Je l'ai rencontré en Janvier mais c'est comme s'il me connaissait depuis toujours. Et...

Oh oui. Ce que je pensais à l'instant venait de se confirmer. Le sourire à mes lèvres s'étira, plus engageant. Je m'avança alors d'un pas vers le fameux Arnaud, et lui tendit la main.

- Enchanté, Arnaud. Excuses-moi pour mon comportement... déplorable.

Je ne pouvais pas non plus lui expliquer pourquoi non plus. Premièrement par-ce que c'était un pur inconnu pour moi, même si Paddy le connaissait plutôt bien, et deuxièmement par-ce que cette dernière était présente. Et que je ne voulais pas l'inquiéter avec mes problèmes. Et puis elle n'était pas venue pour ça. Elle était venue ici pour le voir, lui. Inutile de les retenir plus longtemps, n'est-ce pas ?

- Bon, je vais vous laisser seuls alors, annonçais-je avec le sourire. Paddy, tu sais où j'habite maintenant, alors si un de ses quatre tu veux passer, la porte t'es ouverte.

HRP:

Les yeux baissés sur le parquets, j'attends toujours que la gêne passe. Mon visage est rouge, je le sens et je n'arrive pas à me sortir de cette attitude étrange. Je ne suis pas du genre à ressentir ce sentiment, la plupart du temps, mais il semblerait qu'Arnaud brouille toutes mes frontières et mes habitudes. Je ne m'en plains pas, vraiment c'est juste très bizarre de ressentir des choses dont on a pas l'habitude. Comme cette chaleur qui irradie de mes joues et ce poids dans ma poitrine quand je regarde Arnaud. Je n'ai jamais autant eu conscience que j'ai un cœur, et ça augmente encore plus quand celui-ci fait des loopings comme maintenant alors que je vois les deux hommes se serrer la main dans une entente cordiale.

Je me rends bien compte, bizarrement, que cette poignée de main est forcée. J'aperçois rapidement sur le visage de Damien quelque chose que je pensais ne jamais voir sur lui, une sorte de dédain étrange. Je me demande pourquoi il considérerait Arnaud avec dédain, tout à coup, alors qu'il y a deux minutes, alors que je faisais les présentations, il souriant grandement, à la fois d'un air tendre et goguenard, ce qui est plutôt drôle à voir, quand on y pense, mais qui ne me fait pas trop rire. J'ai à peine le temps de comprendre que je suis amoureuse de l'homme le plus génial que j'ai jamais rencontré que tout le monde autour de moi se rend compte de mes sentiments. Et c'est même pas exagéré ! Parce que je sais, que ce crétin de loup n'y voit rien mais il me comprend vraiment trop bien pour ma propre santé mentale. Il aurait même pu être ma mère tellement il me comprend ! Oui, ma mère... Bon je me rends bien compte que je me venge de lui toute seule dans mon esprit, mais c'est pas grave. Maudit lycan à la perception plus qu'humaine qui voit tout sans rien y voir ! Voilà !

Toujours est-il que le visage de Damien redevient bien vite celui de d'habitude, c'est à dire un visage accueillant à l'air serein. Je souffle doucement l'air que je n'avais pas conscience d'avoir retenu alors que l'ambiance se détend un peu et qu' Arnaud retire sa main de la poigne de mon ami ni trop rapidement, ni trop lentement, avec un naturel qui me semble feint. Je sais très bien qu'il n'aime pas toucher les gens. Déjà que j'ai l'impression de le déranger dès que je le touche, moi (ce qui me fait un peu mal au cœur, je l'avoue), alors un étranger ?! Je lance un grand sourire doux à Arnaud de façon à le remercier et approche ma main de la sienne pour la frôler seulement. Une fois fait, je tourne la tête vers Damien qui prend la parole.

-Bon je vais vous laisser seuls, alors. Paddy, tu sais où j'habite maintenant, alors si tu veux passer un de ces quatre, la porte t'es ouverte.

Je ne cache pas la grimace qui me vient à l'idée de le quitter de nouveau. C'est ridicule d'être triste alors que maintenant je suis sûre de venir le voir souvent, puisqu'il habite à Près-au-lard et que j'ai le droit d'y aller toutes les semaines. Pourtant j'ai un peu l'impression qu'on m'arrache une dent, après qu'elle ait repoussé et la douleur est là. J'ai juste peur, et je le sais, qu'il disparaisse soudainement sans laisser de traces, comme cela s'est passé à Poudlard, et qu'il ne donne plus de nouvelles, alors qu'il sait où je suis et que je ne sais pas où il est. Je l'ai cherché partout, à Poudlard, après notre rencontre, mais impossible de le trouver. Il n'était jamais chez les Puff quand j'allais le voir et jamais nulle part en réalité. Et puis une autre année a commencé et il a quitté Poudlard. Et moi...ben je suis restée là. Mais maintenant la donne a changée. Parce que je sais où il habite. Donc ça ne sera plus pareil. Oui c'est ça, Pad', impossible que tu ne le revois pas maintenant !

Je sors de mes pensées pour voir Arnaud rougir et balbutier la fin d'une phrase que je n'ai pas saisie. Puis son regard se fait plus net et de la façon la plus assurée que je ne lui ai jamais vu, il invite plus ou moins Damien à passer l'après-midi avec nous. Attend...QUOI ? Mais...Mais... Il se tourne vers moi et me regarde d'une façon que je ne pourrais pas qualifier, alors que je sens mon cœur se liquéfier dans ma cage thoracique.

-Je sais que tu en as envie.Tu m'as tant parlé de lui...Ce n'est pas parce qu'on devait se voir que tu ne dois rien faire d'autre tu sais. Et puis, les chocolats se mangent aussi bien à deux qu'à trois. N'aimerais-tu pas nous voir miauler comme des chatons tous les deux ?

Merlin...le retour du sourire soleil, irradiant tout sur son passage et gorgeant mon cœur de bonheur. Je vais finir aveugle si je continue de le regarder et pourtant mes yeux ne peuvent se détourner d'un tel chef-d'oeuvre. Il ne s'en rend sûrement pas compte mais Arnaud est si beau comme ça, et ce sourire malicieux qu'il me lance maintenant est si...sexy ? Oui je crois que sexy est le bon mots. Je rougis fortement et puis quelque chose fait tilt dans mon esprit.

J'ai l'impression qu'une horde de fan de Quidditch hystérique vient de me renverser et me piétine avec joie. Je pensais...Je pensais qu'Arnaud voulait me voir et que nous passerions l'après-midi seuls. Mais encore une fois, mon ami me montre à quel point il est gentil et me renvoie mon propre égoïsme au visage. Le pire c'est qu'il fait ça pour moi.

Je ne dis pas que je ne veux pas passer de temps avec Damien, bien sûr que si ! Je souris d'ailleurs à la perspective d'un Damien et d'un Arnaud miaulant en cœur après avoir mangé un chocolat. Et puis je réalise...Puis je réalise. J'aurais tellement aimé qu'Arnaud...Qu'Arnaud quoi ?! Qu'il t'emmène sur son balais en disant à Damien « C'est ma journée aujourd'hui, repasse une autre fois. » Bon sang, oui, j'aurais aimé ça !

Je plonge mon visage dans mes mains, cachant ma honte d'être aussi égoïste, ma déception et mon air perdu. J'aurais aimé qu'Arnaud veuille aussi passer la journée seul avec moi. Ça n'a pas l'air d'être le cas.

Je me recompose un visage joyeux puis relève la tête et souris en attrapant une main de Damien, et une d'Arnaud. Mon sourire tente difficilement d'atteindre mes yeux quand je regarde mon soleil et lui lance :

-Tu as raison, allons-y !

Je continue de sourire aux deux homme et attend qu'Arnaud nous indique le chemin, sans montrer mon désarroi. Sois courageuse et souris, Pad'.

Lorsque la main... Arnaud, c'est ça ? Lorsque la main d'Arnaud saisit la mienne, je découvrit qu'il n'avait pas beaucoup de poigne. Bon d'accord, le Ministère n'était pas forcément une référence, surtout Clavell, mais là quand je disais qu'il manquait de poigne, c'était par rapport à la norme. Ce garçon semblait légèrement... timide. Du genre introverti, mais gentil et attentionné. C'était ce genre de poignée de main qu'il donnait. Je regretta aussitôt ce que j'avais pensé de lui précédemment. Oui... Je crois que mes études d'Auror commençaient vraiment à me prendre la tête. Il fallait que j'en sorte un peu, que je me détende pour me retrouver et ne pas finir par sombrer dans la folie et la paranoïa. Arnaud finit par me lâcher la main, et lança d'une voix plutôt mal à l'aise :

- Je... Je suis content d'avoir fait ta connaissance... Paddy parle beaucoup de toi. Quant à ton attitude... C'est oublié.

Waw... J'avais l'impression de m'entendre parler lorsque j'avais tout juste 11 ans. Non pas que je disais qu'il avait la personnalité d'un gamin de cet âge, mais juste que j'étais comme lui lorsque je venais d'entrer à Poudlard. Timide, mal à l'aise avec les gens... Je connaissais ça. Et cela me fit complètement changer d'avis sur ce garçon. Et puis Paddy l'aimait bien -je soupçonnais d'ailleurs qu'elle l'aimait plus que bien. Ou tout cout-, alors c'était en quelque-sorte une preuve qu'il n'était pas bien méchant, pas vrai ?

- Elle attendait tellement de te revoir que ce serait un crime de ma part de vouloir l'en empêcher. Je suis sûr que nous pourrions trouver... Un moyen d'arranger notre après midi.

Je ne pouvais pas m'empêcher de noter le "nôtre". Ce petit "nôtre" qui semblait si anodin, mais qui à mes oreilles signifiait bien plus. Yep, cette fois j'en étais sûr : ces deux-là s'entendaient à merveille. Et je ne pouvais pas m'empêcher de penser qu'au final, ils formaient un assez beau couple tout les deux. Cela s'entendait rien qu'à leur façon de parler, au timbre de leur voix qu'ils représentaient chacun beaucoup pour l'autre. Ça sautait aux yeux. Enfin... aux oreilles quoi. Non, décidément je ne pouvais pas me résoudre à accepter de m'immiscer entre eux sous prétexte que je n'avais pas revu Paddy depuis longtemps. Certes, j'avais envie de la revoir, de lui parler à nouveau. Mais est-ce ce que cela en valait la peine ? Gâcher leur moment à eux par pur égoïsme ? Je secouais lentement la tête intérieurement. Non, je ne pouvais pas me résoudre à faire ça. Si j'avais été à la place d'Arnaud, c'est ce que j'aurais voulu qu'il se passe. Il ne le proposait que par politesse, par gentillesse. Ça crevait les yeux -enfin, ça c'est déjà fait-.

- Je sais que tu en as envie. Tu m'as tant parlé de lui... Ce n'est pas parce qu'on devait se voir que tu ne peux rien faire d'autre, tu sais ? Et puis... Les chocolats se mangent aussi bien à trois qu'à deux... N'aimerais-tu pas nous voir miauler comme des chatons tous les deux ?

...Pardon ? "Miauler comme des chatons" ? Euh... Je n'étais pas sûr de savoir de quoi ils parlaient, même si je ne doutais pas que Paddy devait le savoir, mais d'un point de vue de quelqu'un qui ne savait absolument pas de quoi il parlait -en l’occurrence : le mien-, cette dernière phrase semblait... étrange. Et je me demandais si le "nous" faisait référence à Arnaud et moi, ou si implicitement il faisait référence à eux deux. Franchement, la question pouvait se poser. Je ne pouvais pas m'empêcher de tirer un sourire pour ces deux-là. J'avais presque l'impression de me voir moi avec Liz... Et étrangement, savoir que je pouvais ressembler à ça d'un point de vue extérieur était assez drôle. Alors c'est ça ce que ça fait quand on se rend compte que les deux personnes qui sont en face de nous sont parfaitement amoureux l'un de l'autre, mais que ces deux même personne ne s'en rendaient pas compte eux-même ? Je comprenais mieux comment nous voyaient ma mère et le père de Liz, tout à coup. Cela me fit étirer mon sourire en coin, lorsque je sentis la main de Paddy saisir la mienne.

- Tu as raison, allons-y !

Oh oh, alerte rouge Damien ! Tu t'apprêtais à être embarqué dans un endroit où tu n'avais rien à y mettre les pieds ! Fais quelque-chose, tout de suite ! Par réflexe, je retira ma main de celle de Paddy avec douceur -enfin j'avais essayé, mais au final elle était partie plus vite que je ne l'aurais voulu dans la précipitation-, et me tourna vers le couple.

- Euh... C'est-à-dire que je ne peux pas. Vous savez... Les études, tout ça... Faut que je révise pour les examens qui approchent.

Ouf, je ne m'en étais pas trop mal tiré ! En plus ce n'était qu'un demi mensonge : les examens arrivaient bientôt, et il fallait que je commence à réviser mes sorts et connaissances pour ne pas arriver là-bas les mains vides. Même si je ne prévoyais pas de le faire immédiatement, c'était plutôt un bon prétexte pour laisser ces deux tourtereaux seuls. Et qui sait, peut-être que cela débouchera sur quelque-chose. Oh, d'ailleurs en parlant de ça...

- Au fait, tant que je te tiens, Paddy ! Je voulais te dire que je t'invite pour mon mariage avec Liz. Je t'enverrais l'invitation par hiboux quand elle sera faite.

Je me tourna alors vers Arnaud, ou tout du moins sa direction approximative.

- Tu peux venir aussi, si tu veux, lui annonçais-je avec le sourire.

Cela faisait étrange de parler de mariage ainsi... Jamais je n'aurais imaginé avoir à faire ce genre de chose dans ma vie, et pourtant je trouvais cela assez amusant. Je me retournai alors vers Paddy de nouveau.

- Ce sera dans le mois de juillet. J'espère que tu pourras venir.

HRP:

Mon sourire se fane au profit de mes sourcils froncés quand je sens la main de Damien se retirer de la mienne avec un peu de violence. Il a l'air gêné mais pas dans le sens dérangé. Peut-être qu'il a compris que je voudrais passer cette journée seule avec Arnaud ? J'adore Damien, vraiment, mais je ne peux pas me concentrer à la fois sur Arnaud et sur lui, c'est trop d'attention à donner. J'adore donner de l'attention, faire des câlins surtout mais je dois faire attention à tout ce que je fais quand Arnaud est dans les parages. Il n'aime pas qu'on le touche. Et si, habituellement, j'aurais peu de choses à dire à ce propos et je me retiendrais seulement un peu, je ne veux pas du tout le forcer alors je dois être vigilante et arrêter mes instincts quand je sens mes mains frôler ses bras ou toute autre partie de son corps. Pour Damien c'est différent. Son contact me procure un bien être fou dans le sens où je me sens chez moi, comme avec un frère ou encore un parent.

Je regarde Damien d'un air goguenard, comprenant bien ce qu'il tente de faire. Ce type est plus ou moins rusé. Il sait. J'en suis sûre, il sait que je suis amoureuse d'Arnaud. Il est aveugle mais je crois que chaque particule de mon être crie cet amour. Comment ne pas le voir, que je me nourris de son sourire, comme une plante se nourrie d'un rayon de soleil ? Que je suis obligée de me faire violence pour ne pas le toucher ? Que je me mets à sourire automatiquement quand Elliot ou Hermes viennent m'apporter une lettre et que je suis si déçue quand ça ne vient pas d'Arnaud que j'en raterais un repas ? Il est aveugle et l'a ressenti tout de suite. Je n'imagine même pas comment les « voyants » nous me perçoivent en compagnie d'Arnaud. Et puis je me rappelle de Trisha et Mélodie ce matin, appelant ma rencontre un rendez-vous, de façon consciente. Elles aussi ont dû le deviner. Merlin, je suis irritée maintenant parce que tout le monde est au courant avant moi de ce que je peux ressentir. C'est loin d'être juste, toute cette histoire !

Je regarde Damien qui ouvre la bouche et attend son excuse avec impatience. Excuse bidon en approche...

-Euh... C'est-à-dire que je ne peux pas. Vous savez... Les études, tout ça... Faut que je révise pour les examens qui approchent.

BINGO ! Excuse bidon ! Bon c'est vrai que les examens arrivent, mais sérieusement ?! Si ça avait été moi seule, aurait-il sorti la même idiotie ? Je ne pense pas. J'entends Arnaud soupirer à côté de moi alors qu'un grand sourire joyeux étire mes lèvres. Je ne peux pas m'empêcher de montrer mon contentement de passer l'après-midi seule avec lui. Je ne tente pas d'interpréter ce soupir... ou peut être que si. Mais je ne sais pas trop quoi en faire. Le voir comme un soupir soulagé serait trop beau pour être vrai. Ou peut-être qu'il l'est, soulagé mais seulement parce qu'il ne connaît pas Damien. Et qu'il me connaît moi. Et qu'avec Damien il est donc peu à l'aise. Merlin il aurait sûrement passé un très mauvais moment avec nous deux, tentant d'être avenant mais gêné de la proximité avec Damien. Tout ça pour moi. Mes joues rosirent de plaisir.

Je me rends rapidement compte que ma main crépite dans celle d'Arnaud. Il me touche de façon inconsciente sans vraiment un problème. Et ma peau contre la sienne me donne la chaire de poule. Ma main parais si petite dans la sienne. Je n'aime généralement pas donner l'impression d'être fragile mais là... Là ce n'est pas le cas. Je suis à ma place...Enfin je crois. Je relève à temps les yeux pour entendre Damien m'inviter à son mariage comme à une pendaison de crémaillère et retient un rire de son indélicatesse quand il présente les choses ainsi. Il se tourne ensuite vers Damien et l'invite lui aussi, me faisant sourire encore plus de bonheur. Bon sang, ce type est vraiment formidable. Quel meilleur moyen pour moi de passer du temps avec lui que d'aller au mariage de mon presque frère avec ! Enfin...Avec... Si Arnaud veut bien y aller bien sûr... S'il veut bien y aller avec moi surtout.

Je souris à Damien alors qu'il me donne la date et je sens quelque chose se glisser sur le dos de ma main. Avec étonnement, je regarde la seconde main d'Arnaud se poser sur la mienne et je relève la tête pour tomber dans un océan d'étoiles. Un petit sourire tremblant au coin des lèvres, Arnaud me regarde et mon cœur semble faire des bonds de joie, voulant sortir de ma poitrine. Il me regarde encore et je ne sais pas quoi faire, mais mes lèvres s'étirent encore et encore dans le plus grand sourire que je n'ai jamais donné à personne.

Arnaud me touche. De son propre chef. Bien sûr, il l'a déjà fait cette fois-là, à l'infirmerie, mais ce n'est pas pareil, il était inquiet pour moi, c'est tout. Mais là...Là il me touche et me regarde, et me touche. Et je suis déboussolée parce que je pensais qu'il n'aimait pas le contact alors...pourquoi me touche-t-il ? Je le vois tout d'un coup rougir et détourner la tête, et m'attends à ce qu'il défasse ses mains de la mienne mais il ne bouge pas et s'accroche même un peu à ma menotte. Je continue de sourire et avec douceur pose ma seconde main sur la sienne et la caresse du bout du pouce, dans une attitude qui se veut réconfortante. Je tourne ensuite la tête sur le côté, vers Damien et lui souris.

-Si Arnaud veut bien m'accompagner, nous viendrons tous les deux. Mais je serais là, sois-en sûre.

Je lui souris ensuite et, sans lâcher les mains d'Arnaud, me dirige de façon un peu ridicule, en reculant et sur le côté, vers Damien. Je manque de tomber alors je libère l'une de mes mains, celle du dessus, et fait encore un pas, puis me mets sur la pointe des pieds et fait un léger bisou sur la joue de Damien.

-J'ai été ravie de te revoir tu sais ? Je peux t'envoyer des lettres ? Elizabeth pourra te les lire ? Je ne sais pas écrire le braille mais j'apprendrais pour communiquer avec toi.

Puis je lui fait un grand sourire, une main sur la bandoulière de mon sac, l'autre entre les grandes maniques d'Arnaud. Je me décale légèrement pour que ma position soit plus confortable et me retrouve de nouveau face à Arnaud, un grand sourire sur les lèvres.

-Allons-y, Soleil!

Quand je lui ai annoncé la nouvelle pour mon mariage, j'eus cru avoir entendu un rire contenu, mais je n'en étais pas sûr. A mes oreilles, ça sonnait plutôt comme... un genre de hoquet, ou quelque-chose d'assez proche. J'arquais presque imperceptiblement un sourcil. Si elle tentait vraiment de se retenir de rire, qu'est-ce qui l'avait mise dans cet état ? Le fait que je lui annonce qu'on allait se marier ? J'étais pourtant presque sûr que Liz m'avait dit qu'elle l'avait déjà prévenue. Alors si ce n'était pas ça, quoi d'autre ? A moins que ça ne soit l'idée même que je puisse me marier qui la faisait rire. C'est vrai qu'après tout... La situation pouvait paraitre un peu "déplacée" quand on y réfléchissait : Liz et moi nous nous sommes considérés comme amoureux il y avait seulement quelques mois de cela, et voilà que je lui annonçais qu'on allait s'unir pour toujours. Il y avait peut-être effectivement matière à rire d'un point de vue extérieur. Seulement la situation était légèrement différente que ce qu'il n'y paraissait. Certes, on ne s'étaient considérés comme amoureux que depuis peu, mais pendant sept ans, nous nous sommes côtoyés. Nous avons vécu énormément de choses ensemble, c'est sans doute ce qui a fait que je lui ai demandé sa main aussi "vite". Et puis... Les événements récents m'avaient quelque-peu chamboulé, et la demande s'était faite un peu sur un coup de tête. Mais je savais que c'était la bonne décision, je ne croyait pas une seconde du contraire.

- Si Arnaud veut bien m'accompagner, nous viendrons tous les deux. Mais je serais là, sois-en sûre.

Puis, après avoir prononcé cette phrase qui me tira un sourire, je l'entendis se rapprocher de moi... Avec plus ou moins de mal. Qu'est-ce qui lui arrivait ? Est-ce qu'elle effectuait une genre de... danse du bonheur, ou quelque-chose comme ça ? J’eus alors la réponse lorsqu'elle se tint près de moi, qu'elle se mit sur la pointe des pieds et me déposa un doux baiser sur la joue. Une vague de sérénité emplie de chaleur se propagea dans l’intégralité de mon corps, jusqu'à la plus infime fibre de ma peau. La même sensation que lorsque c'était ma mère qui faisait ce geste... Oui, je la considérais vraiment comme ma famille. Une minute... Si jamais elle sortait avec ce garçon, Arnaud... Et que les choses iraient pour le mieux... Ça voulait dire que lui aussi allait faire parti de la "famille" ? Oh... Non pas que je n'aimais pas ce gars-là ou quoi que ce soit, il m'a l'air d'ailleurs très gentil, juste timide. Mais... Ça me serait plus difficile à accepter. Un sourire en coin naquit sur mes lèvres. Est-ce que je m'entendais penser ? On dirait un grand frère qui s'inquiète pour sa petite sœur. Et c'était plus ou moins le cas.

- J'ai été ravie de te revoir tu sais ? Je peux t'envoyer des lettres ? Elizabeth pourra te les lire ? Je ne sais pas écrire le braille mais j'apprendrais pour communiquer avec toi.

Mon sourire s'étira, un brin moqueur en ayant eu une pensée -plus un souvenir, en réalité- qui m'avait traversé l'esprit en réponse à ses questions. Liz, lire à voix haute ? La dernière fois que je l'avais entendue faire, je lui avait supplié d'arrêter en plaisantant, prétendant que j'allais attraper des verrues de troll aux oreilles. On s'était chamaillé amicalement, mais c'était un souvenir que j'avais presque oublié. M'en rappeler me tira un très bref rire. Mais après tout, pourquoi pas ? Je n'avais pas vraiment d'autre moyens pour lire du courrier. Je me voyais mal demander à la petite elfette d'Alizea que j'avais rencontré presque en même temps qu'elle d'aller me traduire ses lettres en braille. Et je refusais d'en avoir un à l'appartement. Ça n'était pas vraiment mon genre de laisser les autres s'occuper de taches que je pouvais faire moi-même. Revenant sur Paddy, je hochai la tête.

- Pas de problèmes. Moi aussi j'ai été très heureux de te revoir.

J'entends alors Paddy s'écarter de moi et s'approcher d'Arnaud. J'aurais presque cru que dans son élan, elle allait embrasser son petit ami, mais elle n'en fit rien. Pendant une folle seconde, j'avais cru qu'ils étaient déjà ensemble, mais ce que je pensais initialement se confirmait : Ces deux-là étaient amoureux, mais l'un et l'autre ne se l'étaient pas encore dit. C'était même à se demander si ils le savaient eux-même. Comme moi et Liz à l'époque.

- Allons-y, Soleil !

Hm ? "Soleil" ? Je rêvais ou... Ou c'était sa manière de surnommer Arnaud ? "Soleil" ? Non, une minute Damien, c'est pas bien de s'immiscer dans l'intimité des autres comme ça. Moi il m'arrivait bien d'appeler Liz ma "Princesse", ou d'autres surnoms plus intimes, alors ils avaient tout autant le droit d'avoir leurs petits sobriquets à eux, et ça ne me regardait aucunement. Je fis donc comme si je n'avais rien entendu, et m'apprêtais à tendre la main pour serrer celle d'Arnaud, mais quelque-chose me stoppa dans mon geste. Je ne savais pas pourquoi, mais mon instinct me chuchotais à l'oreille que si je tentais de serrer la main à Arnaud, j'allais briser quelque-chose. Pas au sens propre, bien entendu, mais je n'avais pas vraiment d'idée de quoi il s'agissait. Mais si mon instinct me le disait... Il valait sans doute mieux pour moi de l'écouter. Jusqu'ici, il ne m'avait quasiment jamais fait défaut. Enfin... Presque. J'avais quand même suspecté Arnaud d'être un agresseur, comme cette folle à lier. Mais était-ce vraiment mon instinct qui me l'avait soufflé ? Je n'en étais plus aussi sûr. Je crois que j'avais vraiment besoin de repos.

- Sur ce, passez une bonne journée, tout les deux.

Ma phrase semblait anodine, mais si ce que je pensais était exact, au moins l'un des deux, peut-être même tout les deux, allaient relever le double sens qu'elle portait. J'ouvris alors la porte de mon appartement, un sourire au coin des lèvres, et rentra dans mon appartement avant de refermer derrière moi. Chamallow m’accueillit en sautillant vers moi et en se blottissant contre ma jambe.

Je me baissa pour lui caresser le plumage, et souhaita silencieusement tout le bonheur du monde pour ces deux-là.

HRP: