Il ne savait plus depuis combien de temps il était là, assis dans la neige, le dos posé contre le saule, la main sur son carnet et le crayon posé sur le papier sans bouger. Ses yeux regardaient dans le vague et de petites gouttes cristallines dévalaient ses joues dans un silence presque mortuaire. Sur le papier, un seul dessin, la silhouette vague d'un canard en plastique.

Le muet sursauta, sortant de ses pensées alors qu'une main et un tissus blanc apparaissaient dans le champ de vision. Il se recula prestement, encore dans ses pensée et effrayé. Effrayé qu'on l'ait vu pleurer, effrayé qu'on l'approche. Le flot de larmes recommence alors qu'il tente de le stopper.

Link regarda l'homme en face de lui et ne put empêcher un peu de chaleur de l'emplir. Un sourire microscopique naquit sur son visage alors qu'avec douceur il récupérait le mouchoir détrempé et essuyait ses larmes comme il pouvait. Le froid du tissus fit du bien à ses yeux gonflés. Il récupéra ensuite son carnet et écrivit un petit mot avant de le tendre à l'homme.

Vous allez bien?

Le jeune homme acquiesça et sembla se rendre compte seulement à ce moment qu'il était dans la neige, presque seul, à deux pas du lac. Link regarda les alentours, se demandant depuis combien de temps il se trouvait là à ruminer ses mauvaises pensées. Il était juste perdu pour l'instant. Perdu triste et déboussolé. Il hoqueta sans le vouloir et les larmes recommencèrent à tomber, contre son grès.

Link renifla puis s'essuya les yeux, tentant de ne plus pleurer encore. Il sourit de façon timide à l'homme face à lui, qui faisait l'effort d'écrire sur un carnet pour lui parler et continua d'écrire.

C'est une longue histoire. C'est pas très important. Je suis juste déçu... de moi je crois. Je vous sentez pas forcé de me parler par écrit. J'aime beaucoup entendre la voix des gens.

Le petit brun acquiesca, dans une sorte de satisfaction et retourna un regard un peu éteint sur le lac, remontant ses genoux et les entourant de ses bras, la tête posée sur le tout, l'air pensif.

Le contact entreprit par l'homme à ses côtés fit immédiatement rougir Link qui était à la fois peu à l'aise et gêné au possible, rougissant comme un écrevisse. Le contact était néanmoins chaleureux. Il secoua la tête et retint de nouvelles larmes, ne répondant pas à sa question.

Un carnet apparut devant ses yeux et le muet ne put empêcher une petite moue de jouer avec sa bouche. L'homme se jouait de lui n'est-ce pas? Il voulait se moquer en le forçant à communiquer?

Le muet frissonna, apeuré et se referma comme une huître.

Link était complètement renfermé sur lui-même. Cependant sa curiosité était toujours active. Il tourna légèrement la tête quand il vit l'homme à ses côtés faire deux trois mouvements et finit par loucher sur le petit objets. Le monocle était de très bonne facture, semblait-il, et donnait envie au muet de le dessiner. Mais pour se faire, il fallait le voir de plus près. C'est un Link tremblant qui tendit son carnet à l'homme.

-Je peux le voir de plus près...votre monocle?

Le jeune homme saisi l'objet entre les doigts fins, faisant attention de ne pas toucher la peau de l'homme et le regarda sous toutes les coutures avec admiration. Il le rendit bien vite à l'homme à ses côtés et griffonna quelques petits croquis du monocle, ce qui finit de le détendre complètement. Quelque chose fit tilt dans sa tête et Link se mit à rougir de gêne. Il écrivit rapidement sur son carnet.

- Je suis désolé de ma réaction... Vous êtes professeur, n'est-ce pas?

Link rougit en se rendant compte qu'il avait vraiment laissé passé sa détresse devant quelqu'un. Il était plus que gêné mais ne se sentait pas d'expliquer pourquoi il avait si mal à un professeur. Il ne comprenait pas lui-même. Une peine de coeur? Pouvait-il vraiment appelé ça comme ça? Il en avait juste marre d'être toujours abandonné à cause de ce qu'il était. Le muet soupira et attrapa son carnet.

Ne vous inquiétez pas pour moi. J'irais bien, ça va déjà un peu mieux d'ailleurs. Et puis, je ne vais pas embêter un professeur avec mes problèmes d'adolescent, ça ne sert à rien et c'est futile. Mais un grand merci d'avoir prit le temps pour vous arrêter et me réconforter. J'ai même pu dessiner votre monocle. Il est magnifique.

Le petit sourire timide de Link se craquela. Il pinça ses lèvres l'une contre l'autre évitant aux larmes de franchir leur prison de peau. Cet homme lui ressemblait en un point. Etrangers, tous les deux. Pourtant Link se sentait étranger partout où il se trouvait depuis qu'il avait perdu sa voix. Il récupéra son carnet et écrivit rapidement.

-Je ne suis pas d'ici non plus. Je ne saurais pas trop comment qualifier le problème autrement qu'en me désignant dans ma totalité. J'ai...Je... J'ai l'impression que mon coeur implose. Tout ça parce que je suis ce que je suis. C'est du grand charabia n'est-ce pas?

Link regarda doucement son interlocuteur dans les yeux et sourit. La couleur était magnifique et lui faisait penser à une pierre précieuse. Le sourire fana de nouveau alors que le muet se mit à écrire.

-C'est difficile de ne pas s'en préoccuper...Surtout quand c'est quelqu'un que l'on apprécie. Je croyais que le courant était bien passé mais j'ai dû me tromper...Dire que je l'ai embêté toute la soirée. Vous vous rendez compte? J'ai été ridicule et je l'ai dérangé.

Link se sentit de nouveau malade et honteux et puis des vannes s'ouvrirent sans qu'il ne sache pourquoi et puis il raconta tout ses ressentis à Neph. Il parla de Seyn sans jamais le nommer, de sa bonté et sa gentillesse, de son humour et du coup de coeur qu'il avait eu pour lui. Et il parla aussi de sa fuite.