Lundi 10 mars 2014.

Bien, bien, bien. Alors, où irai-je m'installer ? Maintenant que Damien savait que je m'entraînais à la DCFM, j'avais pu faire quelques exercices à la maison, mais honnêtement... J'avais peur de faire brûler ou exploser l'appartement. Non pas que je sois réellement une catastrophe ambulante depuis que je m'y étais mise... Après tout, je n'avais fait exploser que deux vitres et après quelques réparo, seule une trace due à début d'incendies sur un tas de parchemins dans le salon pouvait témoigner de mon passage. Seulement, j'avais la vague impression que ce serait plus facile de trouver quelqu'un pour m'aider à réparer mes bêtises ici qu'à la maison. au cas je ferais pire que de casser une vitre ou de cramer des papiers. En plus, depuis quelques jours je me sentais barbouillée. Je n'étais pas vraiment très concentrée et je faisais des gaffes idiotes.

Alors j'avais décidé d'investir une des salles de classe désaffectée, pour ne rien laisser au hasard. Je m'étais promenée dans les couloirs après avoir terminé mon devoir de Botanique Avancée, que j'avais laissé sur le bureau de Neville. Puis, finalement, au quatrième étage, j'étais tombée sur une pièce parfaite pour ce que j'avais prévu. Le sol était tapissé de cinq bons centimètres de poussière, les pupitres et le bureau semblaient ne plus avoir servi depuis la Grande Guerre et les fenêtres donnaient sur le parc. Parfait. Je jetai un œil dehors, histoire de vérifier que personne ne me suivait. Je n'avais pas vraiment envie d'avoir un public...

Constatant que j'étais parfaitement seule, j'ensorcelai un portemanteau qui se mit à avancer dans ma direction. Heureusement que Lizzie m'avait appris ce sort-là, parce que c'était vraiment pratique. Je me positionnai devant le bureau et commençai à m'exercer aux Lashlabask. C'était ce que je savais le mieux faire et je voulais m'y perfectionner avant de m'attaquer à autre chose. Puisque j'arrivais mieux à le faire une fois énervée, j'essayai de trouver une raison de me mettre en rogne. Et curieusement, aujourd'hui, il ne me fallait pas grand chose. Je n'avais qu'à penser à l'espèce de folle furieuse qui menaçait mon fiancé pour entrer dans une colère noire... Et me mettre à mitrailler ce pauvre porte-manteau de sortilèges. Oui, aujourd'hui, j'étais bizarrement émotive, mais pas dans le sens habituel...

Aujourd'hui, j'étais tout bonnement explosive.

Alors que je m'acharnais sur l'objet, j'eus une sensation diffuse de... Malaise. Comme si quelqu'un farfouillait dans ma tête. Non pas littéralement, mais plutôt... Aucune idée de comment le décrire. J'avais l'impression que quelqu'un avait tripatouillé ma colère du bout des doigts avant de s'en aller. Si tant est que la colère soit une chose réellement tangible et tactile. Je frissonnai à cette désagréable sensation et laissai ma colère s'évacuer d'elle-même. Je fermai les yeux une seconde quand...

-Bonjour Mademoiselle"

J'étouffai un cri de stupeur : je n'avais pas entendu que quelqu'un venait !

"Veuillez m'excuser pour le désagrément mais votre énervement était des plus perceptible, qu'il soit par l'image que vous aviez en tête que par l'état de cette pauvre chose que je viens de réparer et du bruit que vous faisiez en la démolissant.

Je portai la main à mon cœur, comme si cela pouvait calmer le battement frénétique de ce dernier. Pourquoi parlait-il de ma tête, lui ? J'le connaissais pas et... Ooooh ! C'était donc lui qui avait violé l'intimité de ma pauvre petite tête ! J'l'avais jamais vu et il fouillait mon crâne ! Quelle indélicatesse ! Je me sentais offensée par son acte inqualifiable à l'encontre d'une jeune fille seule et sans défense. Et si j'avais pensé à quelque chose de pervers, hein ? Je frissonnai de nouveau, de dégoût cette fois. Affreux !

J'en étais là de mes réflexions lorsque l'homme s'approcha de moi. Je le regardai avec suspicion, me demandant ce qu'il me voulait exactement. Il se mit à fouiller sa poche et je me tendis, ma baguette fermement en main. J'adoptai tant bien que mal la position de duel apprise dernièrement... Et me détendis instantanément en voyant qu'il avait seulement cherché un caramel dans sa poche. Aaaahhh carameeel ! Il me le tendit en disant :

-Je ne puis vous proposer de l'eau car je n'en ai pas mais un peu de sucre avec ce caramel ne peut que vous faire du bien. Dites-moi, pourquoi cet acharnement sur ce meuble ? J'ai bien cru voir pourquoi dans votre esprit mais cela était tout de même confus.

Et voilà qu'il me tapait la causette, alors qu'il venait de violer l'intimité de mon petit crâne de demoiselle fragile !!! J'étais à la fois ébahie et... Amusée. Pourquoi il me donnait un caramel, celui-là ? Et d'abord, qui était-il ? De toute évidence, il était plus âgé que moi... Suffisamment pour ne pas être en ADEM. A moins d'être très nul et d'avoir dû redoubler ses classes plusieurs fois... Je ricanai à cette idée, puis me décidai à répondre d'un air moqueur :

"Je détruis les meubles parce que c'est mieux que de détruire des premières années. Ca évite de décimer les rangs quand je veux m'entraîner, sinon on serait vite à cours de matière première."

Je secouai la tête en soupirant puis ajoutai plus calmement :

"On vous a jamais dit qu'il ne faut pas farfouiller dans le crâne d'une jeune fille ? "

Et, fidèle à moi-même, je changeai aussitôt de sujet, passant du coq à l'âne sans raison apparente :

"Merci pour le caramel. C'est bon ces trucs là, commentai-je en ouvrant le papier du bonbon. Sinon, pour répondre à votre question plus sérieusement, je m'entraîne à lancer des lashlabask. J'suis une brêle en Défense Contre les Forces du Mal alors j'ai besoin de pratiquer beaucoup avant d'arriver à quelque chose."

J'enfournai la friandise dans ma bouche et la savourai un instant, avant de demander, la bouche pleine :

"Che peux chavoir qui vous chêtes ?"

-Bonne idée que vous vous réserviez à ce genre de mobilier dans ce cas là car il serait dommage d'abimer nos chers élèves encore tout jeune. Vous savez, nous faisons déjà ce que l'on peut pour ne pas trop en faire baver à ces petites têtes blondes donc laissez nous, à nous professeurs, le loisir de le faire.

Ahah ! Donc, c'était un prof. Intéressant à savoir. Au début, j'avais hésité à me demander s'il se moquait de moi ou s'il était sérieux. Mais son petit commentaire moqueur, à la fin, m'avait portée à penser qu'il faisait dans l'ironie. Ce qui était assez inattendu venant d'un professeur. Ou d'un homme qu'on vient de rencontrer. Ou encore, d'un type qui venait de me violer la cervelle. Mais sa vision des choses était soit :
a) farfelue
b) inédite
c) comique
d) parfaitement géniale.
Après une intense réflexion d'une durée totale de trois secondes et sept dixièmes (ce qui est, venant de moi, un record), je décidai qu'il s'agissait d'un ensemble de ces quatre solutions. Pendant l'incroyable durée de mes cogitations, le professeur avait nettoyé une chaise d'un sortilège et s'y était installé. Il reprit alors d'une voix tranquille :

-Je me nomme Neph Sonozoa et j'occupe depuis peu le poste de professeur de Défense contre les Forces du Mal. Ma présence tombe donc à pic si j'ose dire mais je ne crois pas à vous voir que vous soyez une élève. J'ai cru voir un certain nombre d'étudiant à cet étage, d'ADEM comme vous les appelez ici, en faites vous partie ?

Par le string en dentelle rose de Morgane !!! Toute l'estime qu'il avait gagnée avec son précédent commentaire venait de disparaître en un claquement de doigt. Un prof de DCFM ? Oh, voilà bien le genre d'individus qu'il valait mieux que j'évite avec le plus grand soin ! Je piquai un fard énorme en me disant que s'il était télépathe ou une autre saleté du genre, il avait peut être compris ce que je venais de penser. Comment pourrais-je supporter la présence (et d'ailleurs, l'existence même) d'un individu capable de fouiller dans le débarras incommensurable de mon crâne ? Je bafouillai, perturbée à l'idée qu'il ait vu... entendu ? Comment pouvait-on qualifier ce geste hautement intrusif ? Disons, "pris connaissance" de tout ce que je pouvais penser. Pas bon pour mon matricule, ça. Il faudrait que je me surveille. J'étais tellement perturbée que mes marmonnements n'aboutirent sur rien de cohérent. Il se mit à soupirer, ce qui m'inquiéta au plus haut point concernant le système de sécurité de mon esprit...

-Concernant ma présence dans votre esprit, il s'agissait d'un sortilège de legilimens et pour le contrer il faut user d'une technique qui nécessite une discipline de son esprit ou du moins de la concentration, il s'agit de l'occlumancie. Veuillez donc accepter mes excuses pour mon intrusion mais sachez que laisser apparaitre ainsi votre colère vous expose très facilement à ce genre d'intrusion si vous souhaiter vous défendre, forger votre esprit est nécessaire.

Légilimens ? J'en avais entendu parler en cours de DCFM, justement. Vaguement. Très, très vaguement. C'était probablement le genre d'infos qui avait rejoint les limbes de mon esprit aussitôt après y être entrée. Mais bon, à priori, y devait pas y en avoir des masses qui soient capables de legili...mancie, je crois. Et puis, de toute façon, il n'y avait pas grand chose à retirer d'une intrusion dans ce bordel qui me servait de tête. A moins que...

Peut-être bien que quelqu'un pourrait se servir de moi contre Damien. Je plissai les yeux, dans un signe d'intense concentration. Lorsqu'il serait Auror à part entière (et je ne doutais nullement de la question), il se pourrait que quelqu'un décide de s'en prendre à moi pour le toucher, lui. Après tout, l'histoire regorgeait d'Aurors dont les familles avaient été les premières victimes de mages noirs renégats. Et ça... Ca m'inquiétait. Déjà que j'étais une brêle en magie et que j'étais trop ridiculement petite et maigrichonne pour espérer me battre à mains nues... Si en plus quelqu'un venait squatter ma tête, là, ce serait le pompon. Cela dit, je doutais d'être capable de forger mon esprit, comme il disait. Si j'avais été capable de la moindre discipline, j'aurais probablement évité d'avoir la pire note de l'histoire de la sorcellerie en DCFM.

-Avez-vous déjà envisagé de vous entrainer aux duels ? quels sortilèges de défenses, autre que le lashlabask, connaissez-vous ? Cela peut être déjà un bon début de voir ce que vous connaissez avant de voir ce que vous pouvez ou non apprendre.
-Oui, en fait, je me suis un peu entraînée", finis-je par répondre.

Il fallait bien que je me décide à parler, sans quoi il essaierait peut être à fouiller de nouveau dans ma tête... Et je préférais éviter. Mais, évidemment, cette simple réponse ne suffirait pas, alors je pris le parti de tout déballer :

"Je m'appelle Elizabeth, mais j'préfère Lizzie. Ou Liz. Et je suis ADEM en Botanique. Normalement j'suis pas supposée m'entraîner à ce genre de choses. Mais dans le contexte actuel et après des raisons personnelles, j'ai décidé d'apprendre à me défendre. Même si j'suis sûre à 99% que n'importe qui me battrait en duel les yeux fermés, j'veux au moins être capable de me donner une petite chance. Alors j'ai demandé à une amie qui travaille au ministère de m'aider. On a fait un petit duel ensembles puis elle a remarqué que j'apprenais mieux quand j'suis énervée..."

Je m'interrompis pour reprendre mon souffle. J'avais tendance à être trop bavarde et une fois lancée, c'était difficile de m'arrêter. Mais, de toute façon, je n'avais pas fini mon histoire...

"Du coup quand je m'exerce j'essaie de me fâcher, comme ça, ça rentre plus vite dans le petit pois qui me sert de tête. Et elle m'a donné quelques sorts pour m'entraîner en attendant qu'on se revoie. Mais, dès que je ne suis plus fâchée... Je suis nulle."

Je ponctuai mon récit d'un petit protego qui se dissipa dès que je posai le doigt dessus. D'une remarquable... Inefficacité. Je fronçai les sourcils en commentant avec fatalisme :

"Bah, même si mon sort du bouclier ne protège de rien, il fait une jolie lumière. C'est pratique pour faire une ambiance tamisée."

Toujours assis sur sa chaise, le professeur leva sa baguette et esquissa un mouvement en prononçant la formule appropriée. Aussitôt, son propre enchantement du bouclier se mit en action. Il était plus clair et plus visible que le mien, de très loin. Je pouvais le constater d'un simple regard : là où mon bouclier produisait un faible crépitement, le sien scintillait sans la moindre hésitation.

Le professeur me fit un signe, cherchant probablement à me proposer d'en vérifier moi-même l'efficacité. Pourtant, je n'avais pas vraiment besoin d'y toucher pour constater que son protego était bien plus performant que le mien. JE n'aurais probablement même pas dévié un sortilège de crache-limace, tandis que le sien semblait à l'épreuve des balles.

"Essayez donc de briser ce protego. Cela peut etre un bon catalyseur d'utiliser la colère pour lancer un sort d'attaque ou de destruction mais qu'elle est la pensée qui doit vous venir en tête lorsque vous lancez un sort défensif comme protego ?"

Là, il marquait peut être un point. Je restai debout sans bouger pendant quelques secondes, réfléchissant à la question. La seule fois où j'avais fait un protego valable, c'était... Dans une situation désespérée, où j'avais eu peur de mourir. Pendant que je cogitais, le prof posa la main sur son bouclier pour m'en démontrer la tenue. Le sortilège réagit aussitôt et bloqua sa main aussi sûrement que s'il était fait de briques. Je lâchai alors d'une voix tendue :

"Que je veux rester en vie, je crois. Mais, professeur, ce n'est pas vraiment moi que je voudrais être capable de protéger."

J'expirai profondément, réfléchissant à la raison pour laquelle je voulais vraiment apprendre les méthodes de duel. Pour Damien. Notre futur serait certainement plein de dangers, puisqu'il voulait être Auror. Jamais je ne l'en aurais empêché. C'était ce qu'il voulait faire, au plus profond de lui. Cependant, je ne pouvais rester assise là sans rien faire alors que quelqu'un s'en prenait à lui en bas de notre immeuble. Cette garce moldue avait bien failli le tuer, d'après ce que j'en avais compris. Je n'avais pas été présente, mais ça aurait pu. Et dans ce cas, j'aurais voulu être capable de le défendre. De le protéger. Il était la personne la plus importante de mon monde et je n'aurais jamais pu me le pardonner s'il lui arrivait malheur... Surtout si c'était juste en face de moi et que ma faible puissance magique -ou devrais-je dire ridicule ?- m'avait empêchée de le sauver.

"Je veux juste être à même de protéger les vies de ceux que j'aime." finis-je par lâcher avec un petit regard désespéré.

Le professeur qu’il était ne pouvait qu’être heureux de la réflexion intensive qui s’agitait dans la tête de celle qui était face à lui. C’était un cours, si on pouvait appeler cela un cours, qui aurait le mérite d’être quelque peu instructif. Bien entendu, il n’avait rien d’officiel et il s’agissait plus d’une aide envers quelqu’un qui en avait besoin qu’un réel cours. Elizabeth n’était pas l’une de ses élèves et encore moi l’ADEM attachée à sa discipline.
Neph savait qu’il ne pourrait en quelques entrainements compenser toute une scolarité qui n’avait pas été excellente dans l’art de maitriser les sortilèges et ce n’était pas le but. Il fallait qu’elle comprenne comment utiliser tel ou tel sort et avec quel état d’esprit le faire. Dans le cas contraire, chaque sort aurait en soit une chance sur deux de réussir, de lui exploser à la figure si l’on ose dire ou du moins ne rien produire comme effet utile.

Alors qu’il avait posé sa main sur son propre protego, elle lui adressa la parole à nouveau pour lui donner un premier début de réponse à sa question. Cette première réponse était de se protéger soi-même. Bien entendu, elle indiqua d’elle-même que ce n’était pas réellement pour elle qu’elle cherchait à s’améliorer. Un protego est là pour vous protéger en cas de problème ou d’attaque mais si les sentiments qui vous guident sont dirigés vers quelqu’un qui vous est cher, le sortilège qui en découle sera toujours plus puissant que si l’on est dirigé par la colère et l’envie de tuer.

Il patienta le temps qu’il fallait et la seconde réponse arriva, venant tout droit du cœur. Au moins la réflexion aura été plus vite qu’il ne le pensait. Il fit disparaitre son protego et se leva de la chaise sur laquelle il était assit.

-Vous savez, il existe différente manière de protéger ceux que l’on aime. Au moins vous venez de trouver aujourd’hui le pourquoi des efforts que vous cherchez à produire. Servez-vous de cela lors de vos sorts défensifs et cela leur donnera déjà plus d’efficacité. Bien que l’on soit d’accord que rien ne vaut l’entrainement.

Il marqua une légère pause avant de se rappeler qu’elle avait déjà commencé son entrainement par les conseils de quelqu’un. Il reprit :

-Vous m’avez dit que vous receviez l’aide d’une personne travaillant au ministère de la magie ? C’est une bonne chose, même si cela n’est qu’épisodiquement. Je peux également vous aider à vous entrainer mais il va falloir faire énormément d’efforts et de manière très régulière. N’oubliez pas une chose, vous n’êtes pas être pas excellente en sortilèges mais vous connaissez à ce que j’ai compris beaucoup de choses en botaniques. Servez-vous de ce que vous avez.

Il regarda autour de lui la salle poussiéreuse et toujours hors d’usage. Il était dommage de s’exercer dans une salle avec un tel état.

Pour commencer, il faudrait nettoyer, ranger et organiser cette salle pour votre entrainement. Je pense donc que votre première tache, si vous acceptez que je vous aide, sera de réfléchir à quels sorts utiliser pour ranger et organiser cette pièce avec votre baguette tout en la préparant grace à certains sortilèges pour qu’elle soit plus grande, que personne ne puisse entrer lorsque vous vous entrainer, etc.. L’entrainement peut engendrer des complications ou des dommages et si vous ne faites pas attention, vous pourriez blesser quelqu’un par erreur.

Oui, il avait beaucoup parlé, vraiment beaucoup mais il avait eu beaucoup de choses à dire en peu de temps. Si elle voulait que son entrainement reste discret, il ne fallait pas utiliser les salles d’entrainements classiques de l’école et donc s’en arroger une en transformant par quelques charmes cette salle désaffectée en une salle d’entrainement. Ce n’était pas très compliqué mais il allait falloir quelques préparatifs et qu’elle meilleur entrée en matière pour réviser quelques sorts que cela.

Ma réponse sembla satisfaire le professeur, comme si c'était exactement ce qu'il attendait de moi. Pour une fois qu'un enseignant de DCFM ne me regardait pas de travers avec une expression du genre "cette fille est une catastrophe ambulante, que quelqu'un l'ôte de ma vue, par pitié !"... Il fit disparaître son protego et se leva en expliquant :

-Vous savez, il existe différente manière de protéger ceux que l’on aime. Au moins vous venez de trouver aujourd’hui le pourquoi des efforts que vous cherchez à produire. Servez-vous de cela lors de vos sorts défensifs et cela leur donnera déjà plus d’efficacité. Bien que l’on soit d’accord que rien ne vaut l’entrainement.

Bon. En gros, utiliser ma colère pour attaquer et mon envie de protéger pour défendre ? Ca se tenait. Lizzie m'avait probablement d'avantage parlé d'attaque que de défense parce que je lui avais expressément demandé de le faire... Je songeai qu'il faudrait que je sois plus précise dans mes demandes, à l'avenir.

-Vous m’avez dit que vous receviez l’aide d’une personne travaillant au ministère de la magie ? C’est une bonne chose, même si cela n’est qu’épisodiquement. Je peux également vous aider à vous entrainer mais il va falloir faire énormément d’efforts et de manière très régulière. N’oubliez pas une chose, vous n’êtes pas être pas excellente en sortilèges mais vous connaissez à ce que j’ai compris beaucoup de choses en botaniques. Servez-vous de ce que vous avez.

S'il m'aidait lui aussi, et plus seulement Alizea, j'aurais probablement un avantage non négligeable... Et il avait probablement raison. Avec mes compétences en botanique, je pourrais peut être faire quelque chose d'intéressant. C'était une idée à creuser. D'ailleurs, j'étais actuellement en train de creuser la question lorsque le professeur me sortit de mes pensées :

Pour commencer, il faudrait nettoyer, ranger et organiser cette salle pour votre entrainement. Je pense donc que votre première tache, si vous acceptez que je vous aide, sera de réfléchir à quels sorts utiliser pour ranger et organiser cette pièce avec votre baguette tout en la préparant grace à certains sortilèges pour qu’elle soit plus grande, que personne ne puisse entrer lorsque vous vous entrainer, etc.. L’entrainement peut engendrer des complications ou des dommages et si vous ne faites pas attention, vous pourriez blesser quelqu’un par erreur.

Oh. Attends. Moi, organiser une pièce ? C'était... Comment étais-je supposée faire ça ? Je n'avais aucune idée de ce que j'étais supposée préparer pour m'entraîner... Déjà, j'étais nulle avec ma baguette. J'aurais probablement plus vite fait de gérer tout ça à la main... Agrandir, ça, j'avais une idée du fonctionnement des sortilèges nécessaires. Faire en sorte que personne n'entre, aussi. Y'avait moyen. Largement. Par contre, pour l'organisation des lieux... J'en savais fichtre rien, moi ! J'étais loin d'être une experte... J'étais en train de bougonner dans mon coin lorsqu'une idée me traversa l'esprit. Oooh... Ca pourrait fonctionner. J'esquissai un très large sourire et répondis :

"D'accord. La semaine prochaine, au même endroit... Ca vous convient ? Je ne peux pas m'en charger tout de suite mais je pense que lundi prochain j'aurais terminé..."

S'il acceptait, il ne restait plus qu'à nous séparer et à nous retrouver la fois suivante...

-Cela me va.

J'espère bien que ça lui allait ! La DCFM n'était absolument pas au programme de mon année  après tout. Je faisais ça pour moi et pas pour mes études. Alors si en plus je devais faire du travail supplémentaire au lieu de travailler correctement pour ma formation, je risquais de mal finir. Pas possible. Nope.

-Pensez bien à tout ce qu'il faut en terme de charmes pour ces entrainements. Bien entendu, vous ne serez pas noté étant donné que nous n'en sommes plus à des cours standard mais disons que les charmes devront être impeccable si l'on souhaite commencer réellement l'entrainement des sorts d'attaques.

Notée ? Il ne manquerait plus que ça. Par la barbichette fourchue de Salazar, j'aurais été dans un beau pétrin ! Et il venait plus ou moins de me dire que si je me ratais au niveau charmes, il ne commencerait pas ses... Cours ? C'était bien ma veine ! Trop d'exigences, beaucoup trop... Ne vous étonnez pas que les pauvres filles comme moi n'aiment pas votre matière après, hein ! Bande de profs mal embouchés. Tous les mêmes. Heureusement, j'avais un peu de temps pour y réfléchir. Des devoirs, yeah... Mon grand délire en rentrant chez moi après une dure journée de travail : passer la soirée à réfléchir à des choses qui ne sont même pas au programme au lieu de profiter de mon fiancé... L'éclate totale.

Le professeur s'en alla et je le saluai en restant au beau milieu de la pièce. Je devais réfléchir. Et relativiser. Après tout, ce petit cours particulier pouvait m'apporter énormément de choses. Soyons honnêtes, j'en avais cruellement besoin. Je m'étais promis de protéger Damien, mais je ne m'en donnais pas vraiment les moyens jusque-là. C'était mal. Et là, on me donnait une chance de peut être apprendre quelque chose qui pourrait le sauver un jour. Si jamais il retombait sur la folle Moldue alors que j'étais là... Oui. Je devais le faire. Mais par où commencer ? Par les sortilèges à utiliser. D'abord. Le reste viendrait ensuite.

Pendant les deux jours suivants, je passai un temps considérable à la bibliothèque. Sous l'œil ébahi de la gestionnaire des lieux. Il faut dire que je n'étais pas vraiment une adepte de ce genre de bouiboui poussiéreux et qui sent le vieux parchemin. Néanmoins, j'étudiais avec le plus grand sérieux les sorts nécessaires à ce que j'avais en tête. Lorsque je fus plus ou moins convaincue d'avoir trouvé ce qu'il me fallait, je rassemblai un maximum de notes sur chaque sortilège afin de pouvoir essayer de les apprendre. Ce ne fut que le troisième jour, entre deux cours pratiques, que je finis par retourner dans la pièce qui allait me servir à m'entraîner. Je n'avais pas beaucoup de temps, mais cela devrait faire l'affaire pour le premier sortilège.

Je me plaçai au milieu de la pièce, prononçant distinctement la formule décrite dans le livre que j'avais travaillé et en effectuant le mouvement de poignet adéquat. Les murs et le plafond de la pièce semblèrent... Onduler. À défaut de meilleur terme. Mais aucun changement notable. Je me grattai la tête avec perplexité et allai tâter la cloison en briques... Qui était devenue molle comme du chewing-gum. Mince alors. Effet totalement imprévu.

Je relus avec soin mes notes sur le sortilège et finis par comprendre où j'avais fait erreur. C'était une question de volonté, pour le coup. J'avais voulu obtenir des murs élastiques. La magie m'avait plus ou moins prise au mot et je supposai que si on appuyait dessus, les briques auraient en effet un comportement semblable à un élastique. Seulement, ce n'était pas ce que je voulais. Moi  je voulais une pièce élargie.

Je refis une tentative en ce sens, qui aboutit sur un résultat encore plus bizarre : deux des murs se déplacèrent littéralement, volant des mètres carrés aux salles voisines. Ça, ça n'était pas vraiment ce que je voulais non plus. Ça aurait pu suffire -après,tout, c'était plus grand, pas vrai ?- mais j'avais la conviction que, d'une part, le professeur ne s'en satisferait pas, et d'autre part, c'était quand même de la triche. Je réussis tant bien que mal à rendre son espèce et sa forme normale à la pièce et décidai de recommencer de zéro.

Je me creusai la tête en relisant le passage sur le sortilège encore et encore, lorsque la solution vint toute seule : je devais vouloir que la pièce soit plus grande dedans que dehors. Tout simplement. Une troisième tentative eut un effet étrangement similaire à ce que j'avais obtenu juste avant, mais lorsque je vérifiai les pièces voisines, tout était en place. Un sourire ravi se dessina sur mes lèvres et je jubilai en retournant dans ma salle d'entraînement.

Bon, ça n'était pas encore assez grand, mais on était bien partis. Alors je retenti le sortilège deux fois, remettant tout dans son état initial à chaque tentative. Si je n'y arrivais pas en un sortilège, ce serait aussi de la triche, pas vrai ? Quand finalement la pièce eut quasiment doublé,de volume -et sans que ça se perçoive de l'extérieur, s'il vous plaît- je m'estimai satisfaite. Etape 1 : réussie.

Je retournai en cours et revins dans la soirée, accompagnée de Neville. J'avais besoin de quelqu'un pour vérifier que la pièce serait bien inaccessible de l'extérieur, une fois le sortilège lancé ! Si c'était juste pour prétendre que ça fonctionnait alors que ça n'était pas le cas, ça ne servait rigoureusement à rien. Comme pour le sortilège précédent, je n'y arrivai pas du premier coup.

Il me fallut six essais avant de parvenir au résultat escompté. Le premier bloqua complètement la porte, dans un sens comme dans l'autre. Ca, c'était embêtant. D'autant que j'eus le plus grand mal à l'annuler et que Neville dût me venir en aide. Raté, donc. Le deuxième coup bloqua la porte de mon côté uniquement. Le troisième fut plus difficile à retirer parce qu'il bloqua complètement la porte du côté de Neville, qui ne pouvait même plus passer avec le mot de passe que nous avions prévu. Les deux essais suivant n'eurent rigoureusement aucun effet. La dernière tentative me permit enfin de bloquer la porte de l'extérieur -à moins de connaître le mot de passe- tout en la laissant libre de l'intérieur. Parfait.

La dernière étape me prit les trois jours restants. Evidemment, je ne vins pas le dimanche, parce que j'avais autre chose à faire, notamment passer un peu de temps avec mon fiancé. Quand même. Nan mais oh ! Surtout que ce week-end là me réserva une surprise des plus hallucinantes... J'en étais d'ailleurs toute euphorique lorsque je retournais en cours lundi matin. J'hésitais un peu à continuer mon entraînement, pour ne pas risquer ... Enfin... Voilà, quoi ! Mais je me dis qu'après tout, c'était une raison supplémentaire d'apprendre à me défendre toute seule. Et accessoirement, à défendre ce qui me semblait dorénavant être la chose la plus précieuse sur terre.

Je me retrouvai donc à l'heure prévue dans la salle prévue, que j'avais pour l'occasion complètement redécorée. J'avais réfléchi à l'affirmation du professeur selon laquelle je devais utiliser mes connaissances en botanique. Et je l'avais fait. Je me demandais s'il avait eu ce genre de choses en tête ou si j'avais légèrement extrapolé, mais lorsqu'on entrait dans cette pièce, on était comme dans une serre tropicale... Un brin plus dangereuse. Au centre de la pièce trônait une sorte de mannequin d'entraînement entièrement végétal et mobile, puisqu'il était en partie constitué d'une pousse de filet du diable. J'avais tamisé la lumière d'un sortilège afin que la plante soit à son aise et au maximum de son... "enthousiasme". Un snargalouf renfrogné avait pris ses quartiers entre deux plantes à pipaillon et un arbuste à prunes dirigeables, dans un coin. J'avais également installé une mandragore dans un parterre de plantes plus ou moins communes, ainsi que tout un espace vide destiné aux duels et délimité par de nombreux bulbobulbs qui garantissaient qu'on ne sortait pas de la zone de duels. Le tableau était toujours au même endroit, si ce n'est que du lierre magique avait été installé tout autour et donnait un petit côté vivant aux lieux. J'espérais vraiment, vraiment que cela suffirait au professeur Sonozoa...

J'étais tranquillement en train de soigner l'arbuste à prunes dirigeables lorsqu'un énorme fracas retentit du côté de la porte. Je poussai un cri aigu en me cachant instinctivement derrière mon camarade végétal. Un nuage de fumée pénétra dans la pièce alors que la porte était propulsée sur un bon mètre vers l'intérieur de la pièce... Avant de retomber lamentablement sur le plancher. Par tous les pustules des bulbobulbs, mais que venait-il de se passer au juste ?!? Je risquai un petit regard sur le côté de la plante pour pouvoir examiner les lieux, lorsqu'enfin l'origine du bruit : Le professeur Sonozoa se tenait dans l'entrée, un léger étonnement dans le regard. J'aurais dû me douter qu'il ne tarderait pas, mais... J'avais un peu oublié de lui faire parvenir le mot de passe, en fait. Je me grattai la tête avec perplexité tout en sortant de ma cachette. C'était idiot, quand même. Non, parce que s'il m'avait proposé de m'entraîner, c'était quand même mieux qu'il rentre. Pas vrai ? Je reniflai avec dédain -vraiment, quelle cruche je faisais !- et m'avançai vers l'enseignant.

J'examinai soigneusement son expression alors qu'il regardait la pièce, satisfaite de ne pas y lire de désapprobation. J'avais tellement eu peur qu'il trouve mon travail mauvais et qu'il me faille tout recommencer ! Après tous les efforts que j'avais faits, ça m'aurait probablement guérie de mon envie d'entraînement. Oui, en effet... Je n'ai jamais eu beaucoup de volonté... Enfin, je me serais probablement entraînée quand même, mais toute seule. Bien que j'eusse de légers problèmes de persévérance en général, le sujet du jour était trop important pour que je ne fasse pas de mon mieux. La sécurité de ma famille, voilà tout ce qui importait. L professeur finit par se tourner vers moi et à ma grande surprise... Il se mit à applaudir doucement, souriant.

-Bonjour Elizabeth. C'est une bonne préparation et surprise que vous m'offrez là. Nous pouvons donc commencer l’entraînement et je m'excuse pour l'entrée avec fracas mais disons que nous avons tous besoin de nous échauffer de temps en temps. Quel sortilège ai-je utilisé d'après vous pour dégager une certaine puissance d'explosion ?

Hem... Une explosion, hein ? A dire vrai, j'étais une grosse tarte en ce qui concernait les sortilèges d'attaque, parce que... Hé bien, je n'avais pas tellement eu l'occasion de m'en servir. Ni l'envie. Mais j'en connaissais quand même quelques-uns. Et celui-ci, je le connaissais particulièrement bien, pour avoir causé une énième catastrophe avec. En fait, j'avais littéralement explosé le mur ouest de la salle de DCFM en sixième année. Je ne me souvenais même plus pourquoi j'avais fait ça. Je crois que j'étais en train de me chamailler avec une fille de Serdaigle. Elle m'avait dit que je n'avais rien à faire là bas, enfin... Il me semble. Et elle n'avait pas tort, jamais je n'aurais dû prendre l'option Défense Contre les Forces du Mal après les BUSE. Mais je l'avais fait, histoire d'avoir un cours de plus avec Damien. Et je ne l'avais jamais regretté. Quoi qu'il en soit, cette expérience personnelle suffit à me faire répondre avec un léger sourire :

"Bombarda Maxima."

Même si j'étais très mauvaise en pratique, j'avais tout de même des bases théoriques suffisantes pour me rappeler de quelques détails. C'était d'ailleurs pour mes capacités théoriques que l'ancien professeur de DCFM m'avait acceptée en classe, évidemment pas pour la pratique... Je précisai donc d'une voix un peu tendue :

"J'ai eu cours de Défenses Contre les Forces du Mal jusqu'aux ASPIC. Même si je ne les ai pas validés pour des raisons assez... Evidentes, j'ai quand même les bases de la théorie. C'est juste que je suis une bille, en pratique."

Et que la théorie aux ASPIC avait porté sur un truc auquel je n'avais tristement rien pigé, au sujet d'une mystérieuse bestiole issue de la forêt tropicale ou allez savoir quoi d'autre. Pas d'bol.