Les rayons de soleil de ce mois d'octobre répandaient une monstrueuse chaleur froide sur Poudlard et son parc. Assis à mon bureau, je regardais d'un air rêveur les habitants du château se promener d'un pas léger dans le jardin. L'automne avait pointé le bout de son nez depuis quelques jours déjà et la nature débutait, en son nom, une hymne en couleurs.

Je n'arrêtais pas de penser à Cecil et à ce que nous avions vécu cet été, avant que je ne tombe dans les méandres de mes dépendances. A dire vrai, les journées s'étaient suivies, inlassablement, la peur me tenaillant le ventre à l'idée de le croiser. Je savais, pourtant, que je devais lui parler. J'avais honte. Honte d'avoir jouer avec sa vie et avec la mienne.

N'y tenant plus, je me levais et, après avoir parcouru les couloirs, je sortis et me dirigeais vers le lac. Une rumeur disait qu'il se promenait souvent par là bas. Mais, ce n'était qu'une rumeur, et je n'avais pas cherché à démêler le vrai du faux. Après tout, Cecil était un bel homme qui faisait fantasmer plus d'un élève...

Le régal de l'air froid et le délice du soleil qui promettait un hiver splendide. Cecil n'en demandait pas plus ce jour-là, assis comme bien souvent près du lac, adossé à un arbre plusieurs fois centenaire et qui avait vu défiler sous ses branches épaisses les amourettes puériles et les premiers baisers de générations de sorciers. Cecil y était cependant seul, si seul il pouvait être en compagnie d'un livre, ce dont il doutait toujours. Un tome interdit sur les rituels proscrits des sorciers afro-américains.

Depuis quelques jours, Cecil se plongeait dans des lectures sombres et complexes qui ne lui laissaient guère le temps de réfléchir aux évènements des derniers jours. Car dans sa poitrine froide, son cœur était en berne. Alors il profitait aveuglement d'une solitude décidément factice.

Je vagabondais à droite, à gauche. Je saluais un élève par ci, une connaissance par là. Mes pensées, aussi noires qu'un crépuscule infini, me tourmentaient. Et je savais, mais je n'osais me l'avouer, pourquoi mes pas m'avaient conduit jusqu'ici. J'avais manqué à tous mes devoirs en retardant mon inévitable confrontation avec Cecil. Je n'avais pas eu le coeur d'en parler avec mes parents, et encore moins avec le docteur Baxter.

Je tournais dans un sens, puis dans l'autre. Je finis par arriver non loin d'un arbre qui avait, durant ma jeunesse, accueilli mon groupe d'amis durant les longues soirées d'automne. Je secouais la tête : je ne devais pas me souvenir de ces années là. Elles me faisaient si peur. Mes yeux se posèrent sur le professeur d'arithmancie. Les bras le long du corps, j'ouvris plusieurs fois la bouche, mais aucun son n'en sortit. Il semblait si concentré que je n'osais le déranger. Etait-ce vraiment cela ? Même si j'avais apprécié la présence de Cecil a mes côtés lors de notre dernière et unique entrevue, je ne pouvais m'empêcher de le craindre...

Cecil tourna une page et découvrit différentes planches décrivant les techniques les plus sordides de la magie vaudou. Un homme y apparaissait hurlant, alors qu'une poupée à son effigie était brûlée par une sorcière au regard haineux. Cecil connaissait déjà quelques principes de cette magie considérée comme de la magie noire et qui était depuis longtemps interdites au même titre que les Sortilèges Impardonnables.

Il releva les yeux et observa la surface du Lac noir qui brillait sous l'éclat froid du soleil. Il réalisa un instant combien son cœur était devenu froid devant ces atrocités. Son regard d'érudit le protégeait de toute affection dans certains domaines. Alors, le regard neutre et l'âme vide, il reprit sa lecture.

Mon regard observa ses moindres gestes. Il semblait ailleurs, dans un autre monde. Je ne pourrais dire exactement ce qui le tourmentait. A dire vrai, les rumeurs allaient bon train. Elles étaient là, persistantes. Ma raison les défiait, se riait de chacune d'entre elles. Je devais avouer pourtant que mon coeur avait suivi l'une d'elles. Mais je ne la considérais pas comme dangereuse. Elle m'avait permis de me mettre face au professeur d'Arithmancie.

Il leva un instant ses yeux et les posa sur le lac : ma présence fut néanmoins mise de côté. L'idée de faire le premier pas me tétanisait, mais je devais le faire. Je ne savais pas comment l'aborder, en vérité. Nous nous étions vu qu'une seule fois. Quel souvenir avait-il de moi ? Nous ne savions pas grand chose l'un de l'autre, et notre rencontre avec Alanig l'avait vexé. Et je le comprenais. Je n'avais pas assumé mes actes, je m'étais caché derrière des façades, des personnes...

Je finis par m'avancer, telle une marionnette... Comment ne pas être intrusif ? Je pris une grande inspiration et lançais un timide :

"Bonjour Cecil ! Non, monsieur Vernet... Euh... Non... Pas comme ça..."

Un bruit, un souffle, une voix. Cecil tourna la tête légèrement et aperçut Alouarn Grimgorson, son collègue d'Histoire de la Magie. Cecil fut étonné de la voir là, car depuis leur dernière entrevue intime il y avait de cela plusieurs mois, le flamboyant professeur l'avait apparemment évité. Cecil ignorait s'il y avait un malaise ou quoi que ce soit mais il n'avait pas voulu brusquer le sensible jeune homme, aussi n'avait-il pas pointé du doigt son étrange comportement. Il se leva avec souplesse et s'approcha d'Alouarn, l'air détendu à défaut de sourire.

"Bonjour Alouarn, comment vas-tu?"

Et il lui tendit la main afin de le saluer comme deux collègues se doivent de le faire.

Je regardais cette main tendue vers moi. Je clignais plusieurs fois des yeux, tentant de répondre à une simple question. Je finis par prendre la main de Cecil, et lui adressais un petit sourire triste. A dire vrai, j'étais persuadé que ce que j'avais à lui dire allait nous séparer à jamais. Je finis par lever le regard et plantais mes yeux dans les siens : je finis par les détourner rapidement.

"Je... Je vais bien. Enfin... Je..."

Pourquoi était-ce si difficile de parler à un autre adulte ?

"Et toi ? Comment te portes-tu ?"

Je me grattais la tête, avant de croiser les bras sur mon ventre. Je finis par lancer :

"Je... Comment dire... Je ne voudrais pas paraitre grossier mais ce n'est pas par hasard que je suis venu me balader dans le coin. Je... Je dois te parler."

Je regardais à droite et à gauche. Un groupe d'élèves passa à nos côtés, avant de disparaitre quelques secondes plus loin.

"Je... Je suis désolé, Cecil. Je n'ai pas eu le courage. J'ai été lâche. Et je n'ai pas osé venir te voir. Je... J'ai joué avec ta vie. A l'époque, j'espérais tellement... Terrible utopie qui m'habitait... Je... Je voulais simplement avoir un ami, et j'ai un peu tout gâché..."

Je pris une grande inspiration. Je sentais l'angoisse monter. Je demandais :

"Est ce que tu crois que le coin est assez calme ? Je n'ai pas envie que toute l'école soit au courant de ce que je vais te dire à cause d'une oreille indiscrète. Quoi que, tu feras bien ce que tu veux des informations que je vais te donner... De toute façon, je pense que tôt ou tard, je payerais pour les conneries que j'ai fait. Et si je ne me fais pas renvoyé ce mois-ci, ça sera le mois prochain..."

Cecil sut immédiatement que quelque chose n'allait pas. En réalité, il pensait bien qu'il allait apprendre la raison du silence d'Alouarn durant toutes ces semaines.

"Je vais bien, merci."

Puis il l'écouta bafouiller, peiner, le vit s'inquiéter. Cecil ne put s'empêcher de froncer légèrement les sourcils, attendant de voir ce que le jeune homme allait lui dire. Lorsque Alouarn s'inquiétait d'oreilles indiscrètes, Cecil sortit sa baguette et lança un Assurdiato informulé.

"Nous sommes seuls. Parle-moi."

Son ton fut plus dur qu'il ne l'aurait voulu, mais il voulait savoir.

Nous étions seuls. Lui et moi. Moi et lui. Je m'étais imaginé mille et une choses sur cette rencontre. Et toutes les fins se terminaient mal... Pour moi. Et la dureté de son ton ne mentait pas. A quoi bon se battre ? Non... Il ne fallait pas être défaitiste... La réalité m'avait rattrapé. Je ne voulais pas faire face... Du moins, pas tout seul !

"Je... Comment dire..."

Je déglutis difficilement. L'angoisse avait formé une boule persistante dans le creux de mon ventre.

"Je ne sais pas te l'annoncer simplement. J'ai passé ces dernières semaines à tourner le problème dans tous les sens. Je..."

J'aurais voulu lui offrir mon dos, pour pas qu'il ne voit les sentiments qui cohabitaient dans ma tête se former sur mon visage. Angoisse. Peine. Peur. Désolation. Conflit. Et bien d'autres. Mais cela aurait été lui manquer de respect.

"Je... J'ai été hospitalisé cet été. Et..."

J'aurais aimé pouvoir tout lui dire. Mais ça restait bloqué au fond de ma gorge. Je n'arrivais pas à m'exprimer sur cet épisode de cette fin d'été. Ni avec le médecin. Ni avec mes parents. Pourquoi est-ce que cela serait différent avec lui ?

"Et le médecin a demandé à ce que je fasse plusieurs analyses. Je... Je suis séropositif, Cecil. Et, d'après les résultats, je le suis depuis bien avant notre rencontre. Je... J'aurais du faire le test depuis quelques temps déjà, et je n'ai jamais eu le courage de le faire... Te dire que je suis désolé ne servirait pas à grand chose si... si je t'ai contaminé..."

Le mauvais pressentiment de Cecil se confirma et pire encore. Il ne s'attendait pas à cela. Sa froideur et sa crispation disparurent d'un seul coup, laissant place à un sentiment de vide étouffant. Il ne savait pas quoi dire mais il encaissa le coup durement.

"Je suis désolé..."

Il ferma les yeux quelques instants et un air triste se peignit sur son visage.

"Ne t'inquiète pas pour moi. En entamant ma relation avec Camille, je me suis fait tester contre différentes maladies et je ne suis pas séropositif, c'est certain. Mais pour toi... Je suis sincèrement navré."

Et, alors que cela ne lui arrivait jamais, Cecil sentit sa voix trembler sur ses derniers mots.

Je fus soulager d'entendre qu'il ait fait les tests de son plein gré. Sur ce point-là, il était beaucoup plus sérieux que moi. Etait-ce vraiment cela ? Je retins un soupir qui aurait, sans doute, fait couler les larmes que je retenais depuis tout à l'heure. Ma fierté avait déjà été mise à mal ces derniers temps, et elle était tombée trop bas bien trop souvent : je ne voulais pas que l'on pense que j'étais un homme faible...

J'ouvris plusieurs fois la bouche, avant de lancer des paroles sur un ton plus dur que j'aurais voulu :

"Je... Je n'ai besoin de la pitié de personne. Je mérite amplement ce qui m'arrive. Je... Je ne veux de la désolation de personne."

Mon cerveau m'ordonnait de mettre de la distance entre Cecil et moi. Une petite voix me lançait :

"De toute façon, il est comme les autres. Tu ne peux pas lui faire confiance. Il va vouloir rentrer dans ta tête pour tout apprendre de toi, et, une fois qu'il aura ce qu'il veut, il te poignardera dans le dos. Tu n'as pas d'amis. Personne ne veut être ton ami. Tu le sais, n'est ce pas ? Regarde-toi, tu n'es qu'un dégénéré ! Tôt ou tard, tu finiras enfermé dans un hôpital, tout seul : tu ne réfléchiras plus, tu ne penseras plus..."

Je voulais qu'elle se taise. Une autre prit le relai :

"Tu sais qu'on n'existe que dans ta tête, n'est ce pas ? C'est ridicule de mettre tes mains devant tes oreilles. C'est trop tard. Tu vas finir par replonger. Tu ne mérites que ça : vivre dans un caniveau, abandonné de tous. Tu sais bien que le directeur va prendre des mesures : tu es trop instable pour enseigner à de jeunes étudiants."

Je murmurais :

"Taisez-vous ! Vous ne savez rien du tout !"

J'aimais mon travail et mes élèves. Et c'est la seule chose pour le moment qui me permettait de ne pas devenir fou...

La réponse d'Alouarn laissa Cecil interdit. Il ferma la bouche et plissa les yeux. Quelque chose se passait pour son ami, mais il ne savait pas quoi. Ce qui était certain c'était qu'il avait terriblement souffert de la situation et qu'il continuait à être perdu, peut-être même jusqu'au désespoir. Puis il se murmura quelque chose à lui-même, Cecil sut que cela ne lui était pas adressé. Il décida de ne pas relever et de ce concentrer sur ce qu'Alouarn lui avait dit avant.

"Mais je n'ai pas pitié. De la sollicitude tout au plus, mais te prendre en pitié serait inutile. Je suis désolé cependant de ne pas avoir réussi à te faire comprendre que je pouvais être là pour toi, pour ne pas que tu vives ce genre de moments seul. Sache juste que combattre ses démons seul est souvent difficile, voire impossible. Alors je te tends la main. C'est à toi de choisir si tu la saisis ou non."

Cecil parla d'un ton franc et ferme. Brusquer Alouarn ne lui faisait pas peur. Il espérait une réaction de sa part.

Mes yeux ne quittaient pas le professeur d'arithmancie. Je ne comprenais pas. Je ne comprenais plus. Pourquoi ? Pourquoi voulait-il m'aider ? On se connaissait à peine... Voudrait-il encore de moi lorsqu'il apprendra ? Je n'osais lui avouer tout ce que j'avais fait ! Je tentais de prononcer quelques mots :

"Je... Enfin... C'est-à-dire que..."

Raté. Je pris une grande inspiration. Les petites voix dans ma tête s'entre-déchiraient. Il n'y en avait pas une qui prenait le pas sur l'autre. La plupart était totalement contre le fait d'accepter cette main tendue. Les bras toujours croisés sur mon ventre, je finis par dire d'une toute petite voix :

"J'ai peur, Cecil, tellement peur. Et j'ai honte. Je suis tombé si bas. Je ne veux plus que ce passé me rattrape. Je... Je n'arrive pas à parler de tout ça... Ni avec mes parents, ni avec mon médecin, ni avec personne d'ailleurs. Je ne veux plus qu'on me regarde comme si j'étais un monstre, une erreur de la nature. Dans la rue, j'ai l'impression que les gens savent ce que j'ai fait, et qu'ils rigolent, me montrent du doigt, m'évitent, me font passer pour le grand méchant loup dans les contes qu'ils racontent à leurs enfants. Je me sens écrasé, je plie sous le poids de mes bêtises. Je m'éloigne des gens qui souhaitent m'aider, de ceux qui voudraient que je m'en sorte : je ne veux pas les humilier par ma déchéance. Et pourtant, je tiens à eux. Je ne veux pas me montrer sous mes mauvais jours, de peur de me retrouver encore plus seul que je ne le suis déjà. Et si ces personnes qui m'aiment n'acceptent pas la monstruosité que je suis devenu ? Je n'ai pas été le jeune homme sage que tous parents auraient voulu après mes études à Poudlard. Et si certains gars n'étaient pas venus me chercher dans la rue, j'y serais certainement encore aujourd'hui. Ce jour là, j'ai commencé une nouvelle vie, mais j'ai aussi tout perdu. Il a fallu que je reprenne tout à zéro. Je ne veux pas que ça recommence... J'ai fait de nouveau des mauvais choix. Je crois qu'il me rattrape, Cecil, mon passé. Suis-je voué à être éternellement rattrapé par mes démons ? Qu'est ce qui ne va pas chez moi ?"

Une larme roula sur l'une de mes joues, et vint s'écraser sur mon bras. J'étais en train de craquer...

Les mots d'Alouarn ouvrirent un gouffre de douleur dans le coeur de Cecil. Il comprenait ce que son ami vivait, ils combattaient chacun leurs propres démons avec autant de difficultés. Des flashs de souvenirs divers et douloureux submergèrent les pensées de Cecil qui dut fermer les yeux afin de ne pas tomber. Mais il fit face aux flots et lorsqu'il prit la parole, sa voix ne tremblait pas.

"Alors commence par ne pas te considérer toi-même comme un monstre. Tu as fait des erreurs, certaines irréparables, certaines qui vont marquer ta vie à jamais, et même l'abréger. Mais il est inutile de passer des heures et des heures à te flageller comme tu le fais. Il ne s'agit pas d'être fort, ni même faible ou encore moins d'amenuiser ce que tu as fait. Il s'agit simplement de comprendre que, quoique tu aies fait, te morfondre ne changera rien. Nous avons tous notre propre croix à porter et les autres n'ont pas besoin de savoir de quoi notre croix est faite."

Qui était-il pour dire ces mots, pour conseiller Alouarn? Une voix acide lui taraudait l'esprit mais il ne l'écoutait pas.

"Je ne sais pas ce qui ne va pas chez toi, mais est-ce réellement important? Toi seul peu le dire, mais dans tous les cas, cela ne changera pas l'amitié que je te porte."

Une ombre fugace sur son visage. Il ferma les yeux. Je ne voulais pas le faire souffrir : il semblerait que je lui renvoie l'image de démons que je ne connaissais pas. Pourquoi devrais-je les percevoir ? J'étais mal. Englué dans mes propres lacunes, je n'avais rien fait pour l'aider.

Pourtant, était-ce vraiment la question ?

Pouvais-je me prétendre de son cercle d'amis si j'étais incapable de le protéger ? Non. L'interrogation était de savoir plutôt s'il avait besoin d'être soutenu maintenant ?

Tout se mélangeait à un rythme effréné dans ma pauvre petite tête. J'écoutais, dans un silence trop cérémonieux à mon goût, les paroles de Cecil.

"Comment peut-on avancer dans la vie ? Il faudra bien, un jour ou l'autre, que je m'attelle à ces démons, que je leur fasse face, que je les accepte, que je les comprenne, que j'avance avec. Il parait que la route est longue ! Maman disait toujours, quand j'étais petit, qu'on ne sait jamais ce que nous réserve la vie. Comme les personnages des histoires, on trouvera dans notre aventure une multitude de chemins. Personne ne pourra prendre la décision à ta place. Il ne faut pas croire que les protagonistes des romans font systématiquement le bon choix, beaucoup de choses sont passées sous silence, et nous ne pouvons qu'imaginer ce qu'ils ont traversé. J'aurais aimé trouver ce qui les pousse à aller toujours de l'avant. La plupart sont animés d'une lueur, d'une flamme qui, au rythme de leurs rencontres, du chemin parcouru, illumine avec plus ou moins d'intensité le paysage qui l'entoure. Petit, je rêvais d'être un pirate des connaissances sillonnant le monde à la recherche de cette étincelle. Et puis, j'ai oublié... Pourquoi doit-on grandir ? Les rêves de notre enfance finissent toujours au fond d'un placard. Je... Dis, Cecil, crois-tu qu'un homme peut croire en ses rêves, et que les prochains découlent de celui originel ? Je pense que nous sommes fait pour avoir des songes... Mais, tout seul, ce n'est pas très marrant... Dis, comment tu définirais les autres ? Sont-ils si mauvais que ça ? Les amis font ils partis des autres ? Doit-on rester seul au milieu de cette immensité d'autres ? Peut-on seulement survivre à nos démons ? Après tout, c'est eux qui mangent nos rêves d'enfant ! Si les autres n'ont pas à savoir ce que je porte, qui doit le savoir ? Personne ne peut vaincre ses démons tout seul... Je ne sais pas... Je ne sais plus... Peut-être devrais-je parler ? Mais je ne sas pas comment le dire. Le jugement d'autrui est dur... Mes angoisses sont souvent plus fortes que tout le reste, et ma part de rationalité est souvent mise à mal par... Non, rien ! Pas tout à la fois !"

Je ne pouvais pas non plus lui dire que j'étais aussi soigné pour de la schizophrénie. Poussah, de toute façon, ça faisait longtemps que je n'avais pas fait l'une de ces crises abominables.

"Je pense que, dans la vie d'un homme, tout est important. Tout n'a pas la même importance mais c'est ainsi que chacun construit son royaume intérieur..."

Je me grattais la tête. Le fait d'écouter Cecil m'avait fait un peu oublié... J'étais parti ailleurs... Autre part...

"Dis... Pourquoi veux-tu être mon ami ? N'as-tu pas peur de ce que tu vas trouver ? Tu n'es pas fâché contre moi ?"

Cecil laissa Alouarn finir de poser toutes ses questions, qui étaient visiblement bien trop nombreuses à se bousculer dans sa tête. Lorsque son ami finit véritablement de parler, Cecil reprit la parole d'une voix douce.

"Tu as beaucoup de doutes et d'interrogation, il n'y a pas besoin d'être legilimens pour le sentir. Non, je ne suis pas fâché contre toi, car tu l'es déjà suffisamment envers toi-même. Le pire ne s'est pas produit et même si notre comportement a été imprudent, la faut est partagée. Je suis là pour toi car je comprends ta douleur et le poids qui gît sur tes épaules et je souhaite être ton ami pour t'aider à la porter. Tes démons ne m'effrayent pas. Je connais les miens, je connais leur pouvoir et l'ascendant qu'ils peuvent avoir sur une personne, alors je veux être là pour que nous les combattions ensemble. C'est aussi simple que ça. Tu dis que tout est important dans une vie et je suis d'accord avec toi : ce qui s'est passé entre nous était important à sa manière et je ne souhaite pas lui tourner le dos, te tourner le dos. Je te tends juste la main, c'est tout ce que je peux faire maintenant."

Et Cecil lui tendit effectivement la main, une main droite et pourtant douce, ouverte mais ferme, invitation parfaite à une peine partagée.

Je n'aurais jamais pensé qu'il insisterait pour rester à mes côtés. Je n'avais pas vraiment voulu renouer de contact avec les personnes depuis que l'on m'avait sorti de la rue. J'avais peur de ce que je trouverais... Ou de ce que eux pouvaient trouver.

Je devais lui donner raison sur un point : à plusieurs, on était toujours plus fort pour combattre nos démons.

Je regardais cette main tendue. Je ne voulais pas qu'elle s'en aille. Je finis par avancer lentement la mienne. Mes doigts touchèrent les siens avant de se reculer : ils tremblaient légèrement. Je finis par céder : je voulais tenter l'aventure, bien que la crainte de me voir abandonner à nouveau soit là.

Ma main vint se glisser dans la sienne. Puis, sans crier gare, mes bras vinrent s'enrouler autour de la taille de Cecil et ma tête vint se cacher dans son cou. Et les larmes que j'avais retenu ces dernières semaines se mirent à couler abondamment.

Je voulais juste un peu de douceur... Rien qu'un instant !

La poignée de main se fit étreinte et Cecil cligna des yeux. Il ne s'était pas attendu à ce que Alouarn se laisse aller ainsi, mais, d'une certaine manière, il préféra cela. Il referma ses bras autour de son ami et collègue et attendit patiemment que ses larmes se tarissent. Ils restèrent ainsi plusieurs minutes, sans vraiment bouger, attendant que l'amitié et les promesses nouvelles ne fassent leur oeuvre.

Mes larmes finirent par laisser place à un grand soulagement d'avoir pu laisser échapper toute cette douleur, ce passé et ces démons qui me rongeaient de l'intérieur. Elles avaient comme enlever un poids de mes épaules.

Et je n'étais plus tout seul.

"Je... Je suis désolé. Je..."

Papa et le docteur Baxter m'avaient expliqué que faire des câlins en public, surtout à une personne du même sexe, pouvaient être mal interprété, surtout lorsque les autres connaissaient les orientations sexuelles de chacun. Je ne comprenais pas pourquoi le monde se mettait à imaginer des choses dés qu'on avait juste besoin d'un peu d'amitié.

Qui était le plus fou entre le monde et moi ?

Laissant mon regard se baladait sur les alentours, j'aperçus le professeur Aarons. Je rougis violemment. Je savais qu'elle était avec Cecil. Je... Je ne voulais pas qu'elle s'imagine des choses...

Tout se passa très vite mais Cecil ne laissa rien paraître. Il vit Camille au loin et il sut ce qu'elle pensait. Elle s'en fut très vite et il resta quelques instants à regarder là où elle s'était tenue quelques instants plus tôt. Puis il se tourna à nouveau vers Alouarn et lui dit d'une voix douce :

"Si tu as besoin de quoique ce soit, n'hésite pas à venir me voir. Je suis là pour toi."

Et à son tour, il tourna les talons, dans la direction opposée de celle de Camille.

Il était en colère, contre elle, contre lui-même, contre Mike. Mais il se mura dans son silence et, son livre dans la main, il erra ainsi pendant bien trop longtemps.

Hors RP:

Je ne comprenais pas trop ce qui se passait entre les deux. Mon esprit voulait-il seulement connaitre la vérité ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je n'osais demander des explications à Cecil, mais il semblerait que ma présence n'ait rien arrangé. J'eus honte.

La voix du professeur d'arithmancie se fit entendre. Elle était douce. Je souris. Elle était un peu comme celle de Linus quand il voulait me rassurer. J'aurais voulu lui répondre mais, lorsque je me retournais pour lui donner la réplique, il était déjà bien loin.

Je fis la moue. Décidément, le monde des adultes était bien compliqué. J'aurais aimé me retrouver dans ma petite bulle, mais j'avais promis que je ne ferais pas de bêtises. Et je ne voulais pas retourner au service psychiatrique de Sainte-Mangouste. Je finis par prendre la direction du château.

A l'occasion, il faudrait que je demande un truc à Cecil... Mais ça, ça sera plus tard ! Je ne sais pas vraiment si j'ai envie de l'embarquer dans tout ceci... Il faut que j'y réfléchisse !

Spoiler: