Michaël s'esclaffa, puis mangea une nouvelle pistache.

« Eh eh, tu verras bien. Qui sait, en grandissant, elle trouv'ra p't'être le moyen de t'assagir ! Ou quelqu'un d'autre s'en chargera ! C'est c'que mon père me sort parfois, bien qu'y'ait peu d'chances que ça fonctionne, dans mon cas ! Eh. »

Il tira la langue, appuyant ainsi quelque peu ses propos.

Michaël, grignotant une nouvelle pistache, prit un air pensif.

« On a parfois pas vraiment le choix. On change parfois, sans s'en rendre compte, ou à force d'afficher un masque qu'est pas le notre, et c'est comme ça. M'enfin, ça m'empêche pas d'croire qu'au final, malgré l'temps et la prétendue maturité qu'on gagne avec l'âge, notre fond reste le même ! ... Il s'améliore, ou s'empire selon le point d'vue, et c'est tout. 'fin, je suppose. M'enfin, tant qu'on peut encore rire et s'amuser, m'en fiche un peu... 'peu compliqué, tout ça, quand même. M'fin bref. »

Nouvelle pistache, et un verre de jus d'citrouille pour le faire descendre - trop de bièraubeurre peut nuire à la santé ! - et éventuellement pour réhydrater sa bouche.

« J'te connais pas des masses, donc c'que je vais dire est assez présomptueux, mais je pense pas que tu sois l'genre de type qui change facilement, moralement et caractériellement. A moins qu'un événement particulièrement bouleversant arrive, du genre de ceux qui t'change une vie, j'sais pas si tu vois c'que j'veux dire. Bref, j'te souhaite de pas changer ! Ou, si ça doit arriver, alors que ça soit pour le meilleur ! Sinon, c'pas drôle. »

Gentil? Michaël haussa les épaules. Il n'avait pas vraiment voulu se montrer gentil en lui disant ça. Il avait juste dit ce qu'il pensait sincèrement, comme toujours. Le reste des paroles de Seyn fit rire le rouquin, cependant.

« AHAHAHAHAH ! Tu m'as démasqué, bien joué! Qu'est-ce qui m'a trahi? Eh eh eh. »

Le rouquin rigola encore, puis haussa les épaules.

« P't'être. Sinon, c'est juste ton instinct qui a tapé dans l'mille! Ou encore, c'est juste tellement flagrant, dans ton cas comme le mien, qu'c'est même pas possible de l'expliquer avec des mots ! Eh. »

Mika rit de bon cœur.

« C'est pas faux ! »

Pouffant encore, il but une nouvelle gorgée de jus de citrouille.

Face à l'expression de Seyn, ainsi qu'à sa question, Mika ne put que sourire. Puis il répondit.

« Nope. J'ai jamais essayé de le cacher. J'ai parfois tenté d'le nuancer, l'modérer un brin compte tenu de certaines situations, évidemment. Mais sinon, nope. Sur ce point-là, je crois pouvoir dire sans m'tromper que je suis toujours resté égal et inchangé ! Eh eh. »

Il y eu un petit moment de flottement, quelques secondes tout au plus, durant lequel Michaël resta silencieux, observant sans la voir Rosmerta s'affairer derrière le bar. Puis il se retourna vers son compagnon.

« Et toi? Tu t'y es déjà essayé? »

Le tatoué acquiesça après deux petites secondes de réflexion.

« C'pas faux. Mais parfois, on a pas le choix, on doit continuer à les côtoyer. Que ça soit à cause de leur proximité géographique, pour nos propres intérêts, ou j'sais pas quoi d'autre. Et puis... Même si certains savent pas accepter les autres tels qu'ils sont, ils en demeurent pas moins intéressants ! 'fin, tous ne sont pas intéressants, mais certaines "perles", on va dire, le sont, malgré leur... incapacité à accepter certains aspects d'autrui. »

Nouveau verre d'jus de citrouille, plus quelques pistaches.

« Ne pas être capable d'accepter veut pas dire qu'ils peuvent pas avoir d'autre qualité, aussi casse-couilles que ça puisse être ! Ça rattrape pas nécessairement cette "carence", mais ça a l'mérite d'nuancer un peu l'tableau. Après, y'a les cas désespérés. Autant les laisser dans leur coin, ils valent pas la peine qu'on s'use pour eux. Bref. V'la. »

Ce discours, bordélique, ne démontrait en rien les capacités d'observation ou de déduction du rouquin. Mais... A force de côtoyer une certaine Vieille, et son fils, avec qui pourtant son père s'entendait bien... Force est d'admettre que certains doivent avoir ont des bons côtés, même si on ne veut pas les voir les voit pas nous-même.

Michaël gloussa un instant.

« Toute relation n'est pas forcément amicale. Rien ne nous oblige à être pote avec tout le monde, et heureusement ! Bref. Et pour ce qui est d'raconter sa vie à une simple connaissance, voire un parfait inconnu... Ça peut arriver. Tout dépend du contexte, des circonstances, et si on a vraiment besoin de se confier à quelqu'un qui ne nous connait pas, a pas la moindre idée de qui on est, et qu'on reverra jamais. Juste pour raconter à quelqu'un, sans s'engager auprès de lui d'une quelconque manière. Juste histoire de parler sans contrainte. »

Michaël sourit aux propos de Seyn, puis regarda le fond de son verre à son tour, pensif.

« Ca m'est arrivé une fois, quand j'étais plus jeune. Avant que je me fasse tatouer. Mine de rien, cette conversation m'a un peu apaisé, et décidé à me faire ce tatouage sans la moindre appréhension, 'fin outre la douleur, ou le moindre remord. Mais depuis, non, j'ai pas réitéré. Du moins pas à des êtres humains, hé hé hé ! J'ai d'la chance que mon chien connaisse pas le langage humain, sinon il pourrait divulguer chaque secrets, chaque événement de ma vie que je lui ai confié ! Il est pas vraiment de bon conseil, maiiis c'est un auditeur attentif, et qui sait s'y prendre pour apporter du réconfort, au besoin. J'ai essayé une fois avec une lampe de chevet, mais étonnamment, elle n'était ni loquace, ni réceptive. Donc j'ai laissé tomber l'idée de causer aux meubles. »

Il acheva sa réponse par un gloussement espiègle, souriant alors assez stupidement - mais chaleureusement - à Seyn.

Michaël se mit à jouer avec son verre.

« Quand j'étais plus jeune, beaucoup plus jeune, même si j'étais déjà franchement intenable, voire insupportable, j'étais... Plus susceptible, et plus sensible. Le fait d'avoir des problèmes familiaux, et n'en parler qu'à... Une certaine personne, sans avoir d'autres confidents, alors qu'il... subissait aussi ces problèmes, m'a un peu plus sensibilisé. J'étais pas doué pour cacher mes émotions, et j'encaissais beaucoup, longtemps. C'étais assez douloureux. Comme tout le monde, je connais l'existence des dragons depuis aussi loin que j'm'en souvienne. Mais à cette époque, j'me suis découvert une véritable passion. D'abord à travers divers contes, même si les dragons étaient des méchants. Puis des légendes, où les dragons étaient des gardiens féroces, impartiaux, certes impitoyables, mais capable de tendresse pour leurs petits. Mon intérêt s'est mué en admiration, on va dire. Ces créatures, bien que dénuée de conscience, du moins évidente à nos yeux, m'ont beaucoup intrigué dès lors. Et apporté un certain réconfort. Parce qu'ils illustraient ce que je voulais devenir. Fort, mentalement et physiquement. Capable d'être chaleureux ou froid quand il le faut. Parfois dangereux, même si c'est pas recommandable, parfois plus doux, je suppose. Solidaires. Aux liens familiaux forts. Impressionnants. Et courageux. »

Il s'interrompit, se faisant servir un nouveau verre de jus de citrouille, et en but une gorgée.

« J'ai essayé de grandir en suivant ce modèle, en partie, ainsi que... Le modèle montré par la personne que j'ai mentionné. Bien sur, le résultat est pas parfait, eh ! Je suis tout sauf impartial, et puis... Bref. Pour me rappeler cette décision, celle de me renforcer, j'ai fait le choix de me faire tatouer assez tôt. Je sais plus si j'avais déjà treize ans à ce moment, ou si c'était plus tôt. Mon père était pas d'accord, évidemment. Ma belle-mère non plus. Et moi, j'hésitais. L'autre s'était aussi fait tatoué, avant moi, un dragon sur la clavicule. Un dragon endormi. Je sais plus pour quelles raisons, mais voila. Du coup, je me suis remis en question. Est-ce que je faisais le bon choix? Je voulais l'imiter, ou bien c'était bel et bien pour moi, et moi uniquement, je voulais ce tatouage? De base, je le voulais sur le bras. Mais, après la conversation avec l'illustre inconnu dont j't'ai parlé... Bah j'ai compris que c'était pour mon bien, pour une fois, que je prenais une décision considérée comme excessive. Et je me fis tatouer, sans prévenir personne d'autre que mes meilleurs amis, et mon chien, un dragon sur le visage. »

Nouvelle gorgée, et regard vers Seyn. Sourire un brin gêné.

« Je voulais pouvoir me rappeler presque à chaque instant de ma décision. D'où le visage, la nuque, et le torse. Surtout le visage. C'était pas pour me démarquer des autres, juste pour me souvenir. Et m'tenir à mon choix. Pourquoi un dragon éveillé ? C'tait pas pour faire l'inverse de l'autre. Juste une image que je me fais des dragons. Ils vont de l'avant, les yeux ouverts, sans s'arrêter. Quitte à se brûler, ou brûler un brin les autres. Un dragon sauvage, et bien éveillé, n'est pas entravé par quoi que ce soit autre que les chaînes qu'il s'est choisi. 'fin, c'est mon avis. Et c'est la signification que je donne à ce tatouage. Un spécialiste pourrait analyser ma vie, ma personnalité, et te donner une explication plus poussée, ou quarante-huit autres, mais c'est celle-là qui me convient. Alors voila. Question répondue ! »

De nouveau espiègle, Michaël but une gorgée de son verre avant de s'adresser de nouveau à Seyn.

« Et toi, cher ami d'élucubrations diverses, as-tu un tatouage, et si oui, il est comment ? Pourquoi l'avoir fait? Hm ? Eh eh. »

Michaël cligna des yeux. Une fois. Deux fois.

« Un.... Canard? »

Un grand sourire fendit le visage du tatoué, qui posa sa joue sur sa main droite, son coude droit appuyé sur le bar.

« Pourquoi ? Comment ? Quand ? Et quel type de canard en plastique ? Je veux des détails, Monsieur Seyn, pleiiiiiin de détails. »

Michaël n'allait pas le lâcher avant d'avoir lesdites informations, même si c'était avant tout pour le taquiner.

Michaël sourit.

« J'comprend, j'comprend, t'inquiètes. T'as dit que ton tatouage est moins classe que le mien, mais j'suis pas de ton avis. D'un côté parce que c'est pas un concours, et d'un autre, l'originalité d'ton tatouage, le lieu où il se trouve, le pourquoi que tu l'as fait et la signification que tu y rattaches... Tout ça, c'est à ton honneur, et je suppose aussi à celui de ton meilleur ami. En clair, ton tatouage est classe. Et puis, un peu culture pop moldue détournée n'est pas mal trouvé ! Bref, j'suis satisfait de la réponse, je ne demanderai aucun autre détail sur le sujet, ou sur d'autres sujets s'y rattachant directement ! ♪ »

Il finit son verre, content de lui.