J'inspirai profondément avant d'entrer au ministère. Je reprenais le travail aujourd'hui, un emploi de bureau dans un premier temps, jusqu'à ce que mon medicomage m'autorise à retenter l'animagie. Pour l'occasion, j'avais revêtu une robe rouge qui m'allait particulièrement bien. J'avais fait un effort de sortilèges cosmétiques et j'avais camouflé ma prothèse par un sort d'illusion. Je m'avançai dans l'entrée, mes talons aiguille noirs claquant sur le parquet, avec la sensation d'être revenue à la maison.

Je fus interceptée après avoir a peine parcouru une dizaine de mètres par un de mes collègues.

"Alizea, quel plaisir de vous revoir, depuis le temps !
-En effet, je suis ravie d'être de retour. Des nouvelles pour moi ?
-D'après ce que j'ai compris, Wallace vous a fait parvenir une pile de dossiers. Mais, rien ne presse, je pense que vous avez le temps avant de vous y plonger."

Il me fit un clin d'œil et je lui répondis par mon plus beau sourire. Je pris congé de lui et m'avançais en direction de l'ascenseur : je n'avais guère confiance en ma prothèse. Pas suffisamment pour rechigner à utiliser ce moyen de locomotion si pratique en lieu et place des escaliers, en tout cas !

Je pris le temps de saluer mes collègues en arrivant, avant de m'installer dans mon bureau. Une belle liasse de parchemins m'attendaient et je songeai que le travail de bureau serait loin d'être passionnant... Enfin, il fallait bien recommencer quelque part. Je m'assis sur l'un de mes fauteuils, les documents posés sur ma table basse et me mis à lire le premier de la pile, les jambes croisées. J'étais très satisfaite de mes talents en magie : personne n'aurait pu déceler la différence entre mes deux jambes.

J'étais plongée dans un dossier de fausses autorisations de pratiquer l'animagie lorsque j'entendis frapper. Je levai les yeux sur un homme très grand, d'assez belle prestance, avec un sourire charmant plaqué sur le visage. Il portait deux tasses et déposa l'une d'elles sur mon bureau. Cappuccino, a vue de nez.

"Hey ! Je vous ai croisé, tout à l'heure et je me suis dit que vous prendre un petit quelque chose serait une excellente idée."

Prévenant. J'aimais bien ce genre de petites attentions. Après ma dernière discussion avec Camille, j'étais décidée à tenter des expériences... Cet homme là semblait être le cobaye idéal. Je lui répondis donc avec mon sourire le plus charmeur :

"C'est très aimable de votre part, monsieur..?"

"Owens, Mike Owens, pour vous servir. Et quel est votre nom ?
-Alizea Prewett. Enchantée."

a en juger par son expression, il semblait assez intéressé. Bien, Lizzie, ma belle, un peu de cran. Il n'y a rien de sorcier à se montrer un peu séduisante. Il ne pouvait pas savoir que je n'avais aucune expérience.

"Et puis-je savoir ce que fait une si charmante demoiselle dans les bureaux ? Vous devez vous ennuyer à mourir, non ?"

J'eus un petit rire, amusée par son commentaire.

"C'était précisément à cela que je songeais quelques minutes avant votre arrivée, Mike. Mais j'ai bien peur de ne pas avoir le choix, je viens d'être réaffectée après un... accident."

Je marquai une courte pause, le cœur légèrement serré. J'ajoutai précipitamment :

"Et vous, que faites vous au ministère ? Je ne crois pas vous avoir déjà vu auparavant."

J'esquissai un sourire à sa réponse évasive. Ce genre de réactions, ça n'avait pas trente six significations possibles. Probablement un auror ou une langue de plomb. Étant donnè que j'avais passé pas mal de temps chez mes collègues aurors, j'aurais parié sur la deuxième option. J'étais évidemment curieuse, mais trop bien élevée pour insister. Je me rabattis donc sur un autre sujet de conversation.

"J'aurais peut être eu besoin d'une épaule il y a quelques mois, mais maintenant... Je me suis faite à l'idée, je vous remercie. Cela m'a donné conscience que la vie est bien courte et je suppose que c'est une bonne chose que j'aie ouvert les yeux."

Je lui servis mon sourire le plus charmant, amusée par l'expression que je lisais sur son visage.

Une invitation au restaurant ? Le dernière fois que j'avais dîné avec un homme, il m'avait volé un baiser. Peut être cette fois ci serait elle plus... Concluante. Mon sourire s'élargit et je répondis simplement :

"Avec grand plaisir. Je termine mon service à 18h."

J'ignorais si nous nous entendrions, mais à priori il me plaisait. Physiquement, en tout cas. Restait à savoir si son caractère suivrait. Et, puisqu'il ne me connaissait pas auparavant et que la mention de mon patronyme n'avait allumé aucun intérêt dans son regard, je pouvais espérer qu'il ne soit pas... Intéressé uniquement par cela.

Tenue:

A dix huit heures je me changeai rapidement dans mon bureau, avec une des tenues de cocktail que j'avais laissées dans mon placard. J'avais parfois l'obligation de participer à des soirées mondaines, donc j'étais dotée des tenues nécessaires. Pour une fois que je m'en servais avec un réel plaisir ! Je retrouvai bientôt Mike, très charmant ainsi vêtu. Il était tellement grand... J'aimais bien cela, car j'avais un sentiment de sécurité. Je lui fis un grand sourire, ravie de le voir.

"En route ?"

Italien ? Pourquoi pas. Je n'étais guère accoutumée à ce genre de cuisine, mais cela me plairait probablement. De toute façon, il serait peu courtois de faire la difficile pour un premier... Rendez vous ? Je rougis légèrement à cette idée mais ne laissai rien paraître, bien décidée à ne pas trahir mon manque d'habitude de la chose. Je saisis son bras avec l'aisance née d'une éducation bourgeoise et répondis :

"Ce sera parfait, en vous en faites pas. Je ne suis pas vraiment difficile et... Un apéritif nous donnera l'occasion de discuter tranquillement."

Je le laissai donc me guider, amusée par sa galanterie apparente. En tout cas, ce point là me plaisait. Il était bien différent de la nonchalance indifférente du dernier homme avec qui j'avais dîné !

Mike me fit entrer dans un petit restaurant d'allure agréable. Il était bien élevé mais il ne tombait pas non plus dans l'excès, ce qui me plaisait. Un serveur s'adressa à nous :

"Monsieur Owens, Mademoiselle. Ce sera pour dîner ou seulement pour l'apéritif ?
- Pour dîner, mon cher, l'apéritif également. Mettez nous dans un coin tranquille."

Oh ? Le grand jeu d'entrée. Intéressant. Non pas que je sois intéressée par l'argent, mais cela me flattait. L'endroit où il nous fit installer était intime et plutôt plaisant. Mike tira ma chaise pour moi et je m'assis gracieusement comme on me l'avait enseigné depuis mon plus jeune âge. Je consultai la carte d'un œil distrait et jetai un coup d'œil intéressé à mon vis à vis, tout en commentant avec un sourire amusé :

"Vous ne faites pas dans la dentelle, pour un premier rendez-vous."

Je n'étais pas réellement une experte dans ce genre de boissons, aussi décidais je de suivre le conseil de Mike. Il semblait beaucoup plus instruit de moi sur la question.

"Très bien, dans ce cas ce sera le chianti. Je ne suis pas vraiment accoutumée aux apéritifs, pour tout vous dire. Je sors très peu en général."

Ce n'était peut être pas franchement la bonne chose a dire, car avouer mon inexpérience des rendez vous pouvait paraître ridicule. Pourtant, j'avais toujours été franche. Et cela ne risquait pas de changer de sitôt...

L'expression ouvertement surprise de mon vis à vis me gêna un peu, car je n'avais pas envie de passer pour une innocente ou une ignorante... Même si je l'étais.

"C'est dommage, vous êtes charmante et vous semblez aimer prendre soin de vous."

Son compliment me fit rosir et je le remerciai d'un léger sourire.

"Mais je peux comprendre le ressenti de sécurité quand on reste chez soi... A moins que ce ne soit autre chose. Mais ne vous inquiétez pas, je ne vous harcèlerai pas de question."

J'appréciais qu'il ne s'insinue pas dans ma vie privée. C'était prévenant de sa part. Lorsque le vin fut servi, j'en humai le bouquet discrètement, habitude animale difficile à perdre. Il sentait très bon et cela me rassura sur son goût.

"A cette charmante soirée, et ... A vous ?"

Mon visage s'éclaira d'un doux sourire et je répondis avec un petit air espiègle :

"A cette soirée. Et au hasard qui nous a mis sur le chemin l'un de l'autre. Si hasard il y a."

Je lui fis un petit clin d'œil avant de tremper les lèvres dans mon verre pour savourer le vin.

On nous apporta la carte et je la consultai en constatant au passage que les prix n'étaient pas indiqués. Eh bien... De toute façon, ce que j'aimais était rarement cher payé. Nous autres renards goûtons particulièrement la volaille...

"Une envie particulière, ma chère ?
- La caille aux marrons me semble être un bon choix. "

Je n'avais pas exprimé un enthousiasme débordant, néanmoins mes yeux brillaient à l'idée d'un tel mets. La caille était plus goûtue encore que le poulet, qui se trouvait déjà bien haut dans mon estime... Je levai le regard vers Mike, examinant son visage avec un peu plus d'attention qu'auparavant.