Je m'affairais dans la cuisine, vetue d'un ensemble d'interieur en velours bleu roi qui me donnait des allures de princesse moderne. Je tartinais de la gelée sur du pain lorsqu'on frappa a la porte. Je me hatai d'aller ouvrir et tombai nez a nez avec la plus étrange apparition que j'aie vue de ma vie. Une femme blonde, vetue d'une robe froissee et de boots, l'une jurant avec les autres dans le plus pur mauvais gout. Un simple regard a sa physionomie me fit hausser un sourcil perplexe et je ne pus m'empecher de demander sans meme la saluer :

"Qui etes vous et qu'avez vous fait de Camille ?"

Son expression me laissa perplexe. Ça n'était pas son genre. Je me décalait sur le côté pour la laisser passer, puis refermai derrière elle. Je lui fais signe de me suivre à la cuisine : j'avais encore faim. Les crocs, pour tout dire.

"Tu veux quelque chose ? Tu es... pale." demandai-je avant de mordre dans mon pain.

"Sans vouloir t'offenser, les machines moldues ne sont pas terribles niveau séxurité... j'espère que tu n'as pas été trop gravement blessée... tu veux aller à sainte mangouste, au cas où ?"

Je mâchonnai distraitement ma tartine tout en laissant mon regard dériver vers elle. Je perçus alors un relief imprévu et fronçai les sourcils tout en la fixant avec perplexité. Elle avait grossi, non ?

SI je m'y étais attendue, j'aurais peut être eu une réaction différente. Sauf que je ne m'y attendais pas. Mais pas du tout. J'aurais ete moins surprise d'apprendre qu'un chien avait découvert le processus d'animagie inversé.... aussi m'étouffai-je avec mon pain. Je me mis à tousser, une pleine bouchée de marmelade coincée en travers de la gorge. Quand enfin je réussis à m'en libérer et à reprendre ma respiration, je m'exclamai d'une voix suraiguë :

"Comment ?!?"

Je vacillai. Qui. Que ? Quand ! Comment ?!? Sonnée, je me laissait aller contre le plan de travail, les yeux écarquillés.

"Par toutes les jupes de Morgan ! Quatrième mois ?!? Mais comment tu as pu ne pas t'en apercevoir avant ?!?"

J'êtais soufflée. Et puis... et puis.

"C'est Cecil le père ?"

"Tu lui as dit ou pas encore ?"

Déni. Ça ne m'étonnait pas tellement venant d'elle, après réflexion. Ce n'était pas le genre de choses qu'elle pouvait accepter facilement. Elle se voyait d'une façon très particulière... quant à papillonner, ça, ça n'était clairement pas son style. Mais j'avais été tellement étonnée que j'avais sorti la première ânerie qui m'était venue.

Je fronçai les sourcils. Ça allait beaucoup trop vite pour moi. Enceinte. Jumeaux. Séparés. Je me contentai de demander avec un air incrédule :

"Et tu crois vraiment qu'en te voyant enceinte il n'aura aucun soupçon ? Il est stupide selon toi ?"

Je soupirait et secouai la tête.

"Et puis ça ne se fait pas. Ce sont ses enfants à lui aussi..."

Je me grattai la tête dun air concentré tout en réfléchissant à la question. Il fallait qu'elle le lui dise elle meme, c'était certain. C'était la moindre des choses, surtout vu l'avancement de la grossesse... Je finis par commenter :

"Comme tu l'as dit, il finira par le savoir. Mais c'est mieux si tu le lui dis toi même. Pour ma part, si j'étais un homme, je n'aimerais pas apprendre ça par hasard."

Je poussai un soupir et ajoutai :

"Pourquoi vous êtes vous séparés ? Ça pourrait peut être vous rabibocher..."

Je fronçai les sourcils, perplexe. Ça n'était pas très élégant de la part de Cécil de lui faire ce genre de coups tordus. C'était meme insultant au plus haut point. Pourtant, quelque chose dans cette histoire me chagrinait. Je me sentis obligée de le lui dire, même si ce n'était peut être pas le plus judicieux :

"Je trouve tout ça un peu... étrange. Je veux dire, pas qu'il soit intéressé par les messieurs, ce point là... bien que je ne le comprenne pas, je suppose que ce n'est pas une chose que l'on contrôle, donc je n'en dirai rien. Mais peut être ne t'as t'il rien dit car il craignait ta réaction ? A sa place, j'aurais probablement honte d'en parler."

En tout cas, mon éducation ne laissait guère de place à ce genre de comportements. Pour ma part, je m'en fichais, mais bon...

"Et cela m'étonne qu'il te soit infidèle. Je ne crois pas que ça soit son genre, il m'a l'air trop... rigide pour ça. Tu vois ce que je veux dire ? Peut être que ça n'était pas ce que tu crois... "

J'écoutais attentivement, mais mon esprit vagabondait un peu. Qu'aurais-je fait, moi, à la place de Cecil ? J'étais après tout quelqu'un d'assez secret et j'avais horreur qu'on me "vole" mes secrets. En parler est une chose, mais les obtenir par quelqu'un d'autre..? Et puis, j'étais un peu vaniteuse, moi aussi... Je finis par en faire part à Camille.

"Si j'étais lui, j'aurais été extrêmement blessée que l'info te soit venue de quelqu'un d'autre. J'aurais pensé que tu aurais eu confiance en moi et je me serais sentie trahie que tu tires ça d'une tierce personne. Peut être n'était il pas prêt à te l'avouer ? Peut être cela n'avait il aucune importance pour lui, tout simplement. Et puis, qui sait, peut être que c'est la personne qui t'en a parlé en premier lieu qui cherchait à semer la pagaille. Une fois, en septième année, une fille que je détestais a appris un de mes secrets et a été le raconter au prof de métamorphose, en espérant que ça me bloquerait pour mon apprentissage d'animagie. Je n'ai jamais été aussi furieuse de ma vie, parce que ça venait de quelqu'un que je n'aimais pas."

Je me grattai le menton avec perplexité, puis finit par ajouter d'un air blasé :

"Je pense vraiment que tu devrais en parler avec lui. Il pourra très certainement t'expliquer de quoi il est question. Tout ce qu'on gagne à imaginer des choses c'est de faire empirer la situation."

Je haussai d'abord les épaules puis répondis :

"Eh bien on fait tous des erreurs, je suppose. Je crois que si tu lui parles honnêtement de ce que tu ressens, il pourra te pardonner... Si c'est bien une erreur, comme je le suppose; dans le cas contraire je t'aiderai à le changer en vermisseau si tu le souhaite. Et à cacher son cadavre."

Je lui fis un petit sourire amusé, puis vint sa demande. Une demande... Ahurissante. Du moins, pour moi.

"Par le caleçon de Merlin ! Si j'avais supposé qu'un jour tu me demanderais une chose pareille..."

Je me frottai la tempe gauche du bout des doigts avant d'ajouter :

"Tu es sûre de vouloir faire ça ? Je sais bien combien tu aimes ton a... Style habituel."

J'avais retenu de justesse le mot "accoutrement", qui caractérisait à mes yeux sa tenue coutumière.

"Bien. Dans ce cas, il va falloir commencer par deux trois sortilèges cosmétiques. Pour arranger tes cheveux, déjà, parce que là..."

Je désignai sa tignasse d'un grand geste de la main, l'air vaguement réprobatrice.

"On dirait un nid d'hippogriffes."