Aujourd'hui, tu avais quelques livraisons à faire – autant chez les moldus comme chez les sorciers –, tu avais pas mal de travail et tu étais relativement de mauvaise humeur puisque tu avais dû prendre cette potion dégueulasse qui prolongeait ta vie et ta jeunesse. Tu avais bu et mangé des choses écœurantes lors de tes voyages mais cette potion battait haut la main tous ces trucs. Même si ça en valait la peine, un jour, tu savais que cette potion ne risquerait plus de faire effet et si tu ne la buvais plus pendant un moment, ce procès risquait de s’accélérer. Tu te devais de trouver autre chose, tu avais lu et trouvé des informations sur les Élixirs de Vie concoctés par Nicolas Flammel et sa femme mais c'était hors de portée et tu ne comptais certainement pas sur eux. Encore est-il, tu voulais concocter une nouvelle potion ayant plus ou moins les mêmes effets, coûte que coûte et ce, n'important pas le temps que ça te prendrait. Tu étudias l'élixirologie chinoise, l'alchimie et la médecine – parmi tant d'autres sciences étroitement liées à la magie – depuis des décennies afin d'y parvenir : tu n'allais certainement pas laisser tomber maintenant que tu te savais sur la bonne voie.

Bref.
Après avoir fini la dernière commande – et la plus chiante à préparer –, tu as rempli quelques flacons avec le contenu de ton chaudron : c'était une Potion de Beauté qu'un célèbre moldu prenait depuis un bon moment. C'était grâce à cela qu'il arrivait à cacher son physique peu attrayant et à poursuivre sa carrière professionnelle. Tu le connaissais d'un de tes séjours à Paris et ce pauvre bout de chou t'avait demandé de l'aide afin de soigner sa lésion médullaire. À l'époque, il était paraplégique et avait eu pas mal de séquelles à cause d'un accident de voiture : un type ivre avait provoqué la collision entre leurs véhicules, son fils était dans la voiture. Il avait des problèmes de couple et, suite à la mort de son enfant, dut divorcer. Il s'en voulait et, tu dois l'avouer, le fait qu'il soit aussi désespéré pour entrer dans une secte et prier un Dieu factice t'amusait autant que ça te blasait. Qu'est-ce que les moldus peuvent être cons, parfois !

M'en fin.
On doit imaginer la suite : tu l'as aidé, tu l'as soigné et tu l'as rendu plus beau extérieurement afin qu'il puisse avoir une nouvelle vie. Il a la quarantaine, désormais, et ne peut pas se passer de ta potion donc ça te convient parfaitement. Ce n'est pas très légal comme transaction, encore moins au yeux du Ministère mais on tu foutais royalement : le business était le business et tu n'avais aucun client moldu qui puisse compromettre le secret de la société magique. C'était tout bénef ! Et puis, hein, une Potion de Beauté était difficile à préparer et tout aussi chère. Si quelqu'un pouvait se permettre de t'en acheter régulièrement, autant en profiter. Ce serait dommage de perdre un aussi bon client juste parce qu'il était moldu, uh ?

Quant tu comptais aller chercher un panier, tu sentis la présence d'un de tes pantins-capteurs. Ce derniers attiraient souvent les clients qui ne savaient pas où trouver certaines choses que tu pouvais leur donner en échange d'un prix modique. Quoi de plus naturel ? S'il était là, c'est que tu avais un nouveau client et la clochette du comptoir ne tarda point à confirmer tes pensées. Un large sourire fendit tes joues, te donnant un air presque malicieux : ça s'annonçait bien, ça te remontait le moral. Pendant que tu préparais le panier avec toutes les commandes à livrer pour la journée, un de tes mannequins vivants réagit à la visite du jeune sorcier. Il quitta sa petite estrade et contourna silencieusement le comptoir afin de s'occuper de lui comme il l'aurait fait avec n'importe quel autre client. Elle (puisque c'était une femme) salua ton client avec une petite courbette avant de pencher la tête sur le côté et lui adresser un geste de main signifiant « Que puis-je pour vous ? ». Comme la plupart de tes enfants, celle-ci était inexpressive et muette mais pas sourde.

Quand tu eus fini avec tes commandes, tu quittas l'arrière boutique et posas une main sur l'épaule de ta fille, adressant un léger sourire au jeune sorcier. Son visage te disait quelque chose, tu le connaissais à coup sur mais tu ne connaissais pas son nom – ce qui était assez frustrant, parfois. Par ailleurs… d'où est-ce que tu le connaissais, ce type ? Bonne question mais, tu n'oubliais jamais un visage – encore moins s'il était plaisant. Tu pris aussitôt la parole, arborant un air amusé mais pas pour autant moqueur :

— Glenda, tu peux te reposer et dire aux autres qu'on ferme la boutique quelques heures. Merci pour ton aide. lanças-tu, posant ton panier sur le comptoir, un peu écarté de ton client ; ton mannequin hocha la tête puis s'éloigna, allant à l'arrière boutique à son tour. Même si tu avais couvert les potions avec une petite nappe noire, on pouvait apercevoir une fiole au contenu brillant et multicolore sur l'un des côtés – c'était une des Potions de Beauté. Soyez le bienvenu au Crimson Camelia. Si vous êtes ici et qu'un de mes enfants vous guidé c'est que vous avez besoin de quelque chose que vous ne pouvez pas trouver ailleurs. Alors, que puis-je pour vous, jeune homme ?

Sur ces mots, tes iris prirent une teinte dorée – témoins de ton intérêt et ta curiosité – et ton sourire s'élargit. De quoi avait besoin ton cadet ? Découvrir les besoins des clients était toujours amusant ! Surtout, quand s'étaient des nouveaux.

HRP:

Silencieuse et souriante, tu regardas ce jeune homme en attendant une quelconque réponse – ou réaction. Il sembla perdu, perturbé et intrigué par ton attitude et tes propos, tu le ressentais. Il ne devait pas trop savoir comment s'adresser à toi mais il avait sûrement compris que tu étais beaucoup plus âgée que tu ne le semblais – la preuve, tu t'étais adressée à lui comme l'aurait fait une vieille femme ou une adulte envers un enfant.

— On m'a en effet indiqué un nom bien mystérieux pour trouver quelqu'un qui pourrait m'apporter une aide, disons, particulière. Un nom qui irait très bien avec celui de votre boutique. commença-t-il, t'adressant un sourire avant de s'incliner légèrement. Il poursuivit aussitôt : Je ne pousserai pas l'impolitesse jusqu'à vous demander votre nom. Sachez néanmoins que je me nomme Cecil Vernet et que j'ai besoin de vos services pour une tâche qui excède mes propres capacités.

Cet homme…
Il t'avait dévoilé son nom ouvertement, sans connaître le tien. C'était une sorte de geste de soumission ? Pourrait-il te faire confiance sans même te connaître ? Ou était-il quelqu'un d'assez confiant pour agir ainsi ? Tu n'en savais rien, tu n'étais pas en mesure de le juger puisque tu ne le connaissais pas non plus. Mais, quelque part, tu sentais une certaine complicité, comme auprès de beaucoup de tes clients : tu étais leur dernière option mais, cet homme était-il aussi désespéré que cela ? Par ailleurs, son nom te disait quelque chose et le fait qu'il vienne te voir te sembla étrange. Pourquoi viendrait-il te voir ? Il n'avait pas l'air de vouloir acheter quoi que ce soit d'interdit ou te tuer quelqu'un… ou, même, de voler quelque chose ou autres. Réfléchissant, tu l'écoutas aussi attentivement que possible mais ton regard ne cachait guère le sentiment familier qui t'aborda.

— Je suis prêt à payer le prix qu'il faudra pour m'offrir votre aide. Prix en gallions ou autre. ajouta-t-il, se redressant avant d'achever son discours en arborant un air grave – sérieux : Avant de vous raconter ce pourquoi j'en appelle à votre aide, j'ai besoin de savoir que vous êtes celle que je cherche ou que vous lui répéterez exactement ce que je vais vous dire. J'ai aussi besoin d'être certain de votre silence ; je ne voudrais pas que le bruit mes enquêtes ne tombe dans de mauvaises oreilles, je suis sûr que vous comprendrez. S'il faut pour cela avoir recourt à un pacte magique, je n'y vois aucune objection.

— Je serais qui vous voudrez que je soie, M. Vernet. lanças-tu, ayant un éclair de lucidité : ce jeune homme serait-il un parent du type qui était mort il y a quelque temps, cet employé du Ministère ?

Vernet n'était pas un nom très commun, à ton avis et la mort de ce type fut assez étrange pour qu'elle parvienne jusqu'à tes oreilles. Une employée du Ministère qui venait souvent t'acheter des filtres d'amour et des habits pour des soirées t'avait parlé de lui et elle disait que ce sujet n'était pas le bienvenu, là où elle travaillait. Personne ne devait en parler, pas même aborder le sujet – comme tant d'autres morts sinistrement incohérentes qui y avaient lieu.

— Je pense savoir ce pourquoi vous venez. Nous parlerons du payement une autre fois mais, sachez que pour être vous, je ne prendrais point d'argent. Vous me devrais cependant votre confidentialité et un dîner, jeune homme. soufflas-tu, élargissant ton sourire.

Tu étais sérieuse malgré ce petit air charmeur que tu arborais – tu étais ainsi et, quelque part, le silence de ton client était déjà un bon payement. Si jamais il te trahissait, tu ferais comme avec les autres qui avaient eu l'audace de le faire : tes kelpies se feront une joie de le dévorer une fois que tu l'auras coupé en morceaux et transformé en poupée. Il ferait une bonne poupée, sexy et grand. Rien que pour le voir, il y aurait sûrement pas mal de clientes qui tourneraient autour de lui. Tu chassas ces sombres pensées en même temps que tu contournais le comptoir de la boutique tout en effleurant son rebord du bout des doigts afin d'aller près de ton cadet.

— Dites… auriez-vous un lien quelconque avec un certain Thomas Vernet ? demandas-tu à ton interlocuteur, plongeant ton regard dans le sien. Si c'est le cas, je suppose que vous voulez que j'outrepasse les barrières que vous n'êtes pas en mesure de contourner, uh ?