Il faisait beau ce jour là et le soleil brillait réchauffant un peu le mois de mars, ses rayons se déroulant sur l'herbe verte et lui apportant la chaleur nécessaire pour grandir de nouveau, après un mois de février excessivement neigeux. Les giboulées ne tarderaient plus beaucoup et la pluie finirait bien par s'abattre sur la terre, donnant assez d'eau pour que chaque plante puisse se nourrir et se gorger afin de parfaitement se développer durant le printemps et l'été. Link avait toujours considéré le mois de mars avec beaucoup d'attention. Les giboulées étaient importants pour le bon déroulement de la suite. Un mois de mars trop pluvieux était catastrophique. Il transformait toute étendue d'herbe en piège boueux et les plantes pouvaient même pourrir. Au contraire, un mois de mars trop sec annonçait une canicule pour l'été et les plantes étaient vouées à cramer au soleil. Mais pour l'instant, pour l'instant tout allait bien. Le reste de neige du mois passé fondait paresseusement et les crins d'herbe fraîche laissaient voir leurs couleurs éclatantes aux mille et un vert.

Un rayon de soleil se perdit à travers l'un des grands vitraux de la bibliothèque et atterrit avec douceur sur la chevelure brune d'un Poufsouffle de septième année. La table était un peu retirée, placée derrière des rangées de livres, précisément entre la section potion et celle de botanique. C'était un véritable havre de paix ou personne n'allait jamais. Le muet l'avait trouvé au début de l'année, en cherchant des livres dans la section botanique. La plupart d'entre eux semblaient soit neufs, soit très vieux, tous couverts d'une grosse couche de poussière. Link s'était rapidement rendu compte que la botanique intéressait très peu de monde à Poudlard. Il s'en était rapidement offusqué mais n'avait pas cherché plus loin.

Mais comment s'était-il retrouvé, somnolant dans un coin de la bibliothèque, emprisonné dans une bulle de chaleur ensoleillée ? Dernièrement il était chamboulé. Il passait son temps à revivre ses dernières rencontres, celles-ci s'interposant avec le souvenir d'Ethan et le dernier souvenir d'amitié brisée qu'il s'était créé : Seyn, quittant l'infirmerie sans un au revoir, fuyant loin de lui. Généralement il se réveillait en un sursaut violent et silencieux. Ce matin là, encore, son esprit avait décidé de le torturer. Il était donc sorti très tôt, après avoir avalé ses pilules et avait erré dans les couloirs, déboussolé, à la manière d'un fantôme, ressassant encore tous les petits souvenirs de rencontres qu'il s'était fait récemment.

La plupart étaient heureux. Il y avait eu Aiden, tout d'abord. Une boule d'ingéniosité, de malice et de gentillesse. Il lui arrivait parfois de le revoir, comme cette fois-là, à la Saint Valentin. Et puis il y avait eu Eileen et Nim, toutes deux étaient bien différentes mais intéressantes par bien des points. Michaël avait aussi été très gentil avec la pauvre petite chose effrayée qu'était le muet de l'époque. C'était il y a quelques mois mais il sentait déjà qu'il avait avancé, un peu au moins. Le problème était qu'il n'y avait pas que des souvenirs heureux, et que quand Link faisait deux pas en avant, les événements lui faisaient faire cinq pas en arrière. Ainsi l'épisode « Morgane » de sa vie l'avait plongé dans une profond désarroi, et Seyn... Il ne savait pas trop quoi penser de Seyn. Le frère de Nim était si gentil et drôle. Mais il avait pris la fuite et avait blessé Link plus qu'il ne l'aurait jamais supposé. Mais le muet en avait marre de se faire bousculer à chaque fois qu'il avançait. Il était bouleversé par l'attitude des gens qui l'entouraient mais s'était finalement résolu à marcher droit devant peu importe les obstacles.

Il n'empêche qu'il restait bouleversé. Et qu'il avait besoin de calme pour mettre en place son plan du « j'avance en contournant les obstacles ». Il s'était donc retrouvé dans son petit cocon, à la bibliothèque, dès son ouverture, et n'en était pas sorti. L'après-midi était déjà bien entamée et une quantité impressionnante de livres s'étalaient sur une bonne partie de la table, tous à propos de botanique et plus particulièrement de plantes qui participent au sommeil. Le but était simple, pour surpasser ses obstacles, Link avait besoin d'être en forme psychologiquement mais aussi physiquement. Il n'y pouvait pas grand chose, pour l'instant, si son moral ne cessait de faire le yoyo entre désespoir profond et tendresse enfantine. Cependant, dormir sainement le rééquilibrerait peut être. Ce n'était cependant peut-être pas une bonne idée de s'isoler comme il l'avait fait, puisque au lieu de faire ses recherches, le sommeil tant attendu était venir le cueillir et Morphée semblait vouloir le garder dans ses bras bien longtemps. Mais ce n'était pas de l'avis de la bibliothécaire.

Link se réveilla en sursaut en entendant un « partez d'ici » peu avenant provenant du bureau d'accueil. Il était un habitué de la bibliothèque mais jamais il n'avait entendu la bibliothécaire s'énerver à ce point. Certes, l'élève qui lui adressait la parole parlait fort et faisait beaucoup de bruit, le muet l'entendait de sa place, mais ce n'était pas une raison. Link se plongea dans son livre, une marque de vêtement sur le visage, signe qu'il dormait depuis un petit moment déjà. Au moins, il était plus réveillé qu'avant. Il lut encore et encore jusqu'à ce qu'un bruit lui fasse relever la tête. Le muet fronça les sourcil, ferma le livre et le déposa entre l'individu et lui sur la table, dans le but inconscient de créer une sorte de muraille de protection.

Bien sûr il n'avait pas terminé son livre et s'offusqua lorsque l'autre garçon le prit et l'ouvrir, commençant à feuilleter l'ouvrage sans douceur. Bon sang, il allait l'abîmer, à tourner les pages comme un fou. C'était du papier par Merlin, pas un espèce de métal qui n'a pas besoin de délicatesse. Heureusement, le Serpentard – comme son uniforme le désignait – trouva sa page et s'arrêta dessus, marmonnant un petit « Herbe à rêve » et commençant à lire. Le muet souffla de dépit et commença à ouvrir un autre livre puis se rappela rapidement de sa décision de contourner les obstacles. Il n'allait plus changer de route.

Le Poufsouffle, fort de sa nouvelle résolution ferma son nouveau livre avec douceur et attrapa son carnet. Il griffonna quelques mots et fit glisser le carnet sur le livre, juste à l'endroit ou le serpentard lisait.


Excuse-moi mais tu viens de prendre mon livre. Je crois qu'on cherche tous les deux des renseignements sur les plantes et le sommeil. On pourrait s'aider l'un l'autre, non ?

HRP: