Je la laissai tranquillement prendre conscience de ce qu'elle était. C'était sa révélation personnelle, pas la mienne. Au bout d'un moment, je posai finalement la main sur son épaule en lui assurant d'une voix chaleureuse :

"Je t'aiderai autant que possible. Tu peux compter sur moi, tu sais ?"

"Ca, y'a des chances qu'elle leur plaise, aux enfants. Mais... Est-ce que tu comptes faire quelque chose, pour Cecil ? Je veux dire... C'est le genre d'hommes un peu trop fier qui a du al à faire le premier pas même s'il en a envie..."

Je mettais les pieds dans le plat, en effet. Mais c'était nécessaire, à mes yeux.

Il était de notoriété publique que je n'étais guère démonstrative en général. Un travers que je devais probablement à mon éducation stricte et guindée... Néanmoins, je ne pouvais rester impassible devant la détresse de mon amie. Je cédai donc à mon impulsion première et la pris dans mes bras, en murmurant à son oreille :

"Ne sois pas ridicule. S'il t'aime, il pourra te pardonner. On fait tous des erreurs, parce qu'on est humains. L'important c'est de savoir les reconnaître et de faire de son mieux pour les réparer. Et puis..."

Je lui fis un petit sourire taquin en ajoutant malicieusement :

"Au pire sers toi de l'excuse millénaire des femmes dans ta situation : les hormones, ça sert à ça."

Je haussai les épaules avec fatalisme.

"Ma pauvre, il faudra bien que tu le fasses un jour. Je ne le connais pas assez pour en juger, mais à sa place, si j'avais des enfants et qu'on essayait de m'en priver je serais extrêmement désagréable. Comme tu l'as dit, il y a toutes les chances qu'il le sache déjà. Et je suppose qu'il sera plus facilement récéptif maintenant que s'il doit venir lui même quand les bouts de chou seront déjà là... Faute avouée, à demi pardonnée, comme on dit."

'Il est vrai que la situation n'est pas simple. Mais je persiste à croire que sans communication il n'y a pas de couple. Et si c'est lui qui ne veut pas communiquer... Ma foi, peut être n'était-ce pas le bon ?"

C'était peut être un peu dur de dire cela, et j'étais certainement mal placée pour donner des conseils matrimoniaux, mais... Je croyais sincèrement ce que je disais. La preuve en était mes parents : ils ne communiquaient pas, et de toute évidence, ne s'aimaient pas d'avantage...

Je fus un peu surprise par sa réaction mais cela me donnait l'occasion de souligner un point important... je poursuivis donc d'une voix douce :

"Dans ce cas, ne pas essayer d'arranger les choses serait une aberration. SI vraiment tu penses que  ton grand amour, c'est lui, alors parles lui. Ce serai trop idiot de gâcher ça pour un malentendu."

Car l'amour était une chance à mes yeux, un miracle ordinaire que tout le monde ne pouvait pas connaitre, malheureusement.

J'énonçai alors les faits d'une voix très scolaire, comme j'avais souvent tendance à LE faire sans meme m'en rendre compte :

"Tu l'aimes. Tu ne veux pas qu'il t'abandonne. Tu portes ses enfants. Tu n'as pas de certitude quant à son amour pour toi. On est d'accord ? Et tu penses moins souffrir à soupirer après lui sans savoir ce qu'il en pense ? Ne serait il pas plus vivable pour tout le monde d'être fixée une fois pour toutes ? S'il t'aime ça t'évitera de te faire du mauvais sang pour rien - ce qui est très mauvais pour tes bébés - et s'il ne t'aime pas, ça t'évitera d'avoir de faux espoirs et de te faire également du mauvais sang pour rien. Je me doute que ce n'est pas facile, mais tu dois le faire. Non seulement pour toi, mais aussi pour les bébés. Et puis pour lui aussi, en passant. "

Tout en parlant, je hochais du chef d'un air convaincu. Je n'avais jamais été très douée pour les choses sentimentale et mon esprit logique -je n'étais pas allée à serdaigle pour rien- me poussait à analyser la situation comme un probleme arithmétique d'avantage qu'un souci humain. Mais, j'avais toujours été ainsi et elle le savait.