Il faisait beau. Ça change grandement des nuages irlandais qui ont caché la présence de l'été. Je tenais à en profiter pour me poser sur un banc libre, livre fermé dans mes mains et regarder le ciel, perdu dans mes pensées.
Après un cours moment, je sentis sur mon épaule une tape famillière...

"Mokaaaaa !!! Ca va dit ? Je peux m'asseoir ???"

Je me retourne et je lâche un sourire. Ça fait du bien de voir la tête de Ren toujours souriante.

"Ren !!! Je suis content de te voir. Viens, assis-toi"

Comme à son habitude, elle s'installa en tailleur de manière enjouée. Je la regardais un petit moment avant de replonger dans mes réflexions...

"Ca va ? Je t'ai dérangé en pleine réflexion philosophique ?"

Oh non. Ça se voit tant que ça que j'ai l'air absent ?, songeai-je. Je ne savais pas quoi faire, si je devais me confier à elle ou non. Je restai un léger moment silencieux avant de lâcher :

"Ne trouves-tu pas que les nuages ont de belles courbes ?"

... Je n'avais rien de plus cohérent à dire ? Et le mot courbe en plus ?
Je regardai Ren, puis mon regard se perdit autour d'elle avant de me fixer sur mon livre.

Ren me dévisageait, et il était clair que je ne pouvais pas cacher mon anxiété longtemps, surtout face à elle. Je ne voulais qu'une chose, qu'elle ne mette pas le doigt sur mon problème...
J'hésitai encore à lui parler, puis elle croisa les bras avec son air inquisiteur

"Mouais, les nuages, c'est la bonne excuse ! Je vois bien qu'il y a quelques chose qui te chiffonne ! C'est les cours ou autre chose ?"

Merci Ren pour la perche de secours. Je repris mes esprits rapidement pour paraître le plus honnête que possible :

"Ce sont les cours d'arithmancie. Je bloque sur ce devoir que le prof nous avait passé pour les vacances et je ne comprends pas ce passage dans le livre. Une chance que tu sois là"

J'ouvris alors mon livre et le lui tend... Elle me regarda comme si un truc n'allait pas...

Mais pourquoi je lui demande son aide sur un sujet que je maîtrise parfaitement ? Je viens de signer mon arrêt de mort... Je ferme les yeux. Il faut que je me ressaisisse.
Elle pose sa main sur la mienne. Je la regarde, toujours souriante.

"Tu sais, si tu veux pas en parler, faut le dire... Et pas me raconter des carabistouille grosse comme le château."

Me voila à présent comme le premier des imbéciles. Prendre Serena comme une idiote est la pire chose que je puisse faire. Elle, une amie...
Je me sens sale... Ce n'est pas moi... Je me décompose.

Je lâche silencieusement : "Désolé... Il y a bien quelque chose..."

"Ca va aller ? Tu peux en parler, si tu veux. Tu sais bien que je vais pas te faire de mal, quand même, hein ?"

Je me mis à lâcher un léger rire.

Je ne sais pas pourquoi, mais à chaque fois qu'on me dit ça, j'ai l'impression qu'elle va se jeter sur moi, toutes dents dehors. Et vu son tempérament, elle serait capable de le faire, d'autant plus qu'elle me tient la main. Impossible de m'échapper. Alors je me mis à table.

"Je vais t'en parler, mais je ne sais pas par où commencer. Le garder pour moi un moment de plus va me définitivement malade."

"Prends ton temps, hein. Mais pas trop ! Je suis pas fan de l'infirmerie."

J'éclatai de rire en la voyant faire son clin d'œil. Serena est vraiment gentille. Elle aurait pu m'ignorer et me laisser tout seul, ou m'envoyer balader.
Je repris mon souffle :

"... j'ai rencontré quelqu'un cet été..."

Je sentis une vague de chaleur monter en moi, et ce ne fut pas la main de Serena plaquée contre la mienne qui me fit cet effet là.
Je pris un moment pour ordonner mes idées, et d'en faire le tri. Je ne voulais pas tout révéler non plus.

"On ne s'est vu que quelques secondes. Je ne sais pas qui c'est, mais il me semblait plus âgé que moi."

"Tu as quand même réussi à le recroiser, où à aller lui parler, quelque chose dans ce genre là ?"

Il y avait de l'excitation dans sa voix et je devais m'y attendre. Elle qui est toujours curieuse pour tout. Cela détendait un peu. Je regardai le sol, et soufflai encore une fois. Je n'arrivai pas à deviner la suite de la conversation... ni en bien, ni en mal.

Je n'ai pas pu lui sortir. Ma voix s'était volatilisé. Je n'ai pas eu d'autre choix que de fuir... Je n'ai pas osé ressortir de chez moi depuis ce jour. Je ne savais pas ce qu'il m'était arrivé. J'étais trop effrayé par cette nouvelle sensation et trop occupé à me diagnostiquer... ou m'analyser, si tu préfères. Et maintenant, je n'ose plus regarder un seul mec de mon âge dans les yeux...

Une larme resta coincer dans un coin de mon œil, du côté de Serena. Je ne me sentais pas triste pour autant, mais cette larme se formait de plus en plus tout au long de mes paroles.
Mon regard resta fixer au sol...