J'avais un court instant de libre, cette semaine, entre deux examens. Nous étions la semaine suivant la Saint Valentin et j'étais en pleins partiels de milieu d'année. Comme de bien entendu, j'avais énormément révisé, mais une matière me posait toujours problème : potions appliquées. Non pas que j'aie de réelles difficultés pour ce cours, mais je souhaitais être major de mon année et si je voulais y parvenir, il faudrait que je fasse un effort supplémentaire. Surtout que le sujet des examens porterait probablement sur quelque chose que j'aurais vu en cours. Comme j'avais plutôt bien saisi le processus de fabrication des potions antitussives pour créatures magiques et des fortifiants ornithologiques, il ne restait que les vitamines pour créatures aquatiques à réviser. C'était assez ardu et je préférais m'entraîner pendant mon temps libre, histoire d'être sûr de ne pas me tromper le moment venu. J'aurais préféré profiter de ce temps là pour aller écrire à Paddy, mais... Non. Il faut avoir le sens des priorités, dans la vie.

C'est pourquoi je me retrouvais dans le sous-sol de Poudlard, à dix-sept heures trente. La plupart des élèves étaient en train de faire leurs devoirs ou de se balader dans les couloirs, à distance raisonnable des lieux. Je me retrouvais donc plus ou moins seul dans les corridors sombres et un peu humides. Je me demandai au passage ce que les anglais avaient avec les sous-terrains et les cachots. Ca n'était pas à Beauxbâtons qu'on verrait un étage de ce genre, ça non. Je repérai rapidement une porte où était écrit "Laboratoire" et me faufilai à l'intérieur. Malheureusement pour moi, j'ignorais totalement qu'il y avait deux laboratoires à cet étage et que je m'étais rendu dans celui destiné à l'alchimie... Matière dont j'ignorais tout, soit dit en passant. Après un œil critique alentours -décidément, un peu d'air frais ne serait pas superflu...- j'installai mon petit chaudron sur une des paillasses et sortis mes ingrédients de mon sac. J'ignorais totalement à quoi servaient tous ces alambics et ces choses étranges qui meublaient la pièce, mais peu importe. Je ne toucherais à rien, j'avais seulement besoin de calme pour travailler.

Alors que j'allumais le feu, je me demandai brièvement s'il était judicieux d'installer ce genre de salles de travail au sous sol. Ne serait-il pas plus sage de les mettre dans un lieu lumineux et aéré ? Ah, ces anglais... Je haussai les épaules et sortis mon livres de potions avancées, cherchant la page dont j'avais besoin. Je préparai minutieusement mes affaires et ensorcelai la montre que j'avais emportée afin qu'elle sonne au bout de trente minutes : la durée maximale de l'épreuve. Il ne restait plus qu'à me mettre au travail !

J'étais au beau milieu de mon travail lorsqu'un jeune homme entra dans la pièce. C'était bien ma veine... Je soupirai discrètement de dépit, non sans poursuivre mon travail. La montre continuait à compter, indépendamment de ce qu'il se passait autour de moi. Je n'avais pas une seconde à perdre si je voulais pouvoir travailler convenablement en conditions d'examens.

Le nouvel arrivant était vêtu de l'uniforme scolaire de Poudlard, avec l'écusson de Serpentard fièrement en vue sr le devant de sa robe de sorcier. Je n'avais toujours pas compris en quoi l'appartenance à telle ou telle maison pouvait être si importante. Peut-être cette incompréhension venait-elle du fait qu'à Beauxbâtons, il n'y avait rien de tel. Ni maisons ni séparation entre élèves d'une même année. A mes yeux c'était beaucoup plus sain... Il faudrait que je pense à demander à Paddy à quoi cela servait exactement, un de ces jours. J'aurais été curieux de savoir où le Choixpeau m'aurait envoyé, si j'avais étudié ici. Simplement pour savoir.

A en juger par l'importante masse de livres et documents divers que le jeune homme transportait, il devait être venu ici dans le but de travailler. J'espérais ne pas être une gêne pour lui, après tout il y avait assez de place ici pour pouvoir travailler de conserve sans se gêner l'un l'autre. Cependant, le garçon ne semblait pas enclin à vouloir partager la pièce avec moi et marmonna :

-Ah pardon, je ne pensais pas qu'il y aurait quelqu'un je vous laisse...

Je levai un sourcil, perplexe. Etais-je si effrayant que ça ? Ou le garçon avait-il prévu de travailler sur quelque chose de secret et/ou dangereux qui nécessitait d'être seul dans le laboratoire ? Je pris néanmoins le temps de compter soigneusement mes sept gouttes de sang de salamandre, attentif et soigneux. Il ne s'agissait pas de me tromper maintenant, alors qu'il ne me restait que trois minutes et que j'arrivais au bout.

-Excusez-moi monsieur, mais... Vous ne vous seriez pas trompé de salle ? C'est la salle d'alchimie ici et pas celle de potion...

J'achevais de verser les gouttes lorsque le commentaire du garçon fit son chemin dans mon esprit. Pardon ? Je levai brutalement la tête, réalisant que c'était très probablement le cas. C'était donc à cela que servaient tous ces instruments bizarres... Bah, tant pis. De toute façon ça ne m'empêchait pas de travailler plus à l'aise ici que dans n'importe quelle salle de classe vide. Au moins, si je mettais le feu, il y avait ce qu'il fallait pour l'éteindre à portée de main. Je haussai donc les épaules avec une indifférence pas vraiment feinte et commentai d'une toute petite voix :

"Tant pis. Vous pouvez travailler ici."

Je désignai d'un geste de la main les nombreuses paillasses derrière moi. J'aurais probablement dû essayer de développer un peu plus ma réponse, mais je n'en avais pas envie. C'était déjà bien beau que j'aie formulé tant de mots à la suite sans raison apparente. Je restai aussi concentré que possible sur mon travail et finalement, la potion tourna à un bleu engageant au moment où la montre sonnait la fin du temps imparti.

"C'est fini, c'est fini, c'est fini" scandait-elle en français.

Parfait ! Un large sourire se dessina sur mon visage et je reposai mes instruments pour éteindre la sonnerie d'un coup de baguette. Bon, au moins, cette potion-là était faisable. Mais j'avais été limite niveau timing. Il faudrait que je m'entraîne un peu plus pour aller plus vite...

Je jetai un coup d'œil vers le nouvel arrivant, remarquant qu'il transportait des gros volumes. Il devait avoir beaucoup de travail. Un coup d'œil à la page ouverte me laissa perplexe et je m'interrompis dans mon travail. C'était quoi, comme écriture ? Des hiéroglyphes ? Était-ce normal en Grande Bretagne de lire des documents dans ce genre de langue ?

Je levai les yeux vers le jeune homme et l'étudiai quelques instants. Il avait quelque chose... Dans le regard ? Dans la forme des yeux ? Je n'aurais su le dire, mais quelque chose le désignait comme étranger. Autant mon métissage passait plutôt inaperçu, autant le sien était légèrement plus évident. Peut-être était-il d'origine égyptienne. Je détournai le regard, me rendant compte que j'agissais de façon très impolie. Je détournai donc les yeux et préparai de nouveau mon matériel pour recommencer, après avoir stocké la potion réussie dans des fioles. Alors, le garçon s'adressa à moi :

-Excusez-moi, mais j'ai remarqué votre accent... Vous n'êtes pas d'ici ? Et qu'étudiez-vous comme potion ? J'ai du mal à deviner... Ca n'a pas l'air d'être au programme de cette année... Ni de celle précédente... Oh, j'espère ne pas parlé trop vite ?

Je le regardai avec de grands yeux ronds, bouche bée. C'était bien la première fois que quelqu'un me posait cette question de façon aussi abrupte. Il ne s'était même pas présenté. J'hésitais sur la réponse à lui apporter, lorsqu'il ajouta :

-Euh... Votre feu n'est pas trop fort ?

Je jetai un œil à mon feu et le baissai légèrement, avant de répondre :

"Si. Merci. Je suis français, j'étudie en ADEM. Ce sont des vitamines pour êtres aquatiques."

Oh, question résumé, j'avais fait fort. Je me grattai le nez avec gêne. J'avais vraiment l'air malpoli... Ma mère aurait honte de moi. Je secouai la tête et m'inclinai légèrement en ajoutant :

"Je m'appelle Arnaud."

Après tout se présenter est toujours la base de toute relation sociale. Même quand, comme moi, on n'aime pas les relations sociales. J'ajoutai ensuite avec un brin de malice dans le regard :

"Et vous, vous n'êtes pas d'ici ?"

Mon interlocuteur semblait satisfait, pour une raison qui m'échappait totalement. Il se présenta ensuite à son tour :

-Je suis désolé... J'aurais dû me présenter en premier ! Je me nomme Amun et ma famille est Egyptienne, même si pour ma part je suis né sur le sol Anglais. J'ignorais que l'on pouvait aller dans un pays étranger pour les études supérieures, pourquoi avoir fait le choix de Poudlard ?  … Désolé de parler autant... Je ne suis pas aussi bavard d'habitude... C'est même le contraire.

Oh. Un egyptien. Je n'en avais jamais rencontré, ça pourrait être intéressant. De façon générale, j'avais peu de connaissances concernant les nationalités étrangères. Là où je vivais auparavant, les gens étaient souvent racistes et je n'avais jamais rencontré personne de visiblement étranger avant d'avoir une dizaine d'années. A part ma mère et sa famille, bien sûr. La première fois que j'avais vu quelqu'un avec la peau noire j'avais été étonné... Voilà là un bien mauvais point concernant l'éducation d'un enfant dans un coin perdu du pays basque. Nous n'étions psychologiquement pas formés pour accepter les autres. Heureusement, ma mère avait courageusement lutté contre tous ces préjugés en m'inculquant le respect et toutes ces choses.

Je comprenais ce qu'il voulait dire au sujet de son "bavardage". J'étais probablement comme lui, raison pour laquelle j'avais tendance à toujours résumer mes paroles. Comme je venais de le faire, je disais souvent l'essentiel et puis... Voilà. Néanmoins, si je voulais lui expliquer convenablement le pourquoi du comment, il fallait bien me montrer un peu moins concis... Alors j'expliquai doucement :

"Je voulais devenir spécialiste des Hippogriffes et les seules formations sur le sujet avaient lieu dans le haras qui appartient à ma famille. Ce n'est pas très... Correct à mes yeux d'obtenir un diplôme alors que ce ne serait peut être pas entièrement de mon propre fait. "

Je soupirai en me concentrant à nouveau sur mon travail. Je remis le minuteur en cours et recommençai à travailler. Tout en découpant mes ingrédients j'ajoutai :

"J'ai dû remplir un dossier qui a été étudié par le ministère de la magie britannique avant d'être transféré. Mais, je n'ai aucun regret. C'est passionnant."

A mesure que je parlais, mon interlocuteur semblait de plus en plus passionné par mes propos. J'essayai d'ignorer son regard insistant en me concentrant d'avantage sur ma mixture. c'était à la fois gênant et flatteur d'éveiller un tel intérêt chez quelqu'un. Mais pour ma part, j'était plus facilement gêné que flatté, d'où mon insistance à regarder ailleurs.

-Français... Donc vous êtes allé à Beauxbâtons, c'est ça ? Comment est cette école ? On m'a dit qu'elle était... « charmante », mais je ne comprends pas ce que cela veut dire... Enfin pas vraiment.
-Oui, en effet, je suis allé à Beauxbâtons."

Je marquai une pause le temps de rassembler mes idées. Après tout, il y avait énormément de choses à dire sur l'école de sorcellerie française. C'était difficile pour moi d'expliquer le fonctionnement de l'école à quiconque n'y étant pas allé. D'autant plus si la personne en question était issue de Poudlard, qui ne fonctionnait pas du tout sur le même modèle. Un coup d'œil vers Amun suffit à me signifier qu'il était de nouveau concentré sur son travail. Les mots incompréhensible qu'il marmonnait en étudiant suffisaient à me prouver qu'il était vraiment et sérieusement en train de travailler. J'en fis de même tout en ajoutant, légèrement plus détendu :

"Le côté "charmant" est dû, je pense, au fait que Beauxbâtons est très portée sur la discipline et l'étiquette. Au début de notre scolarité nous avons des cours de bonnes manières et il se passe rarement un trimestre sans récéption ou supidité de ce genre. Personnellement, j'ai toujours essayé de les éviter autant que possible."

Premièrement, parce qu'en réalité, ça n'avait rien à faire dans une école, ces choses-là. Deuxièmement, parce que moins je fréquentais de gens, mieux je me portais. Question de goûts.