Depuis 5 minutes, Aiden était planté devant la porte de l'infirmerie. Ne vous méprenez pas, il se rappelait encore comment abaisser la poignée et pousser la porte pour entrer, mais il n'arrivait juste pas à s'y résoudre. Parce que de l'autre côté, il y avait Nim.

Nim qui était blessée.

Il ne connaissait pas les détails (il n'avait pas envie de les connaitre pour le moment) mais il avait compris les grandes lignes. Ou plutôt, LA grande ligne. Elle avait déjà de la chance de s'en être sorti. Un hippogriffe pouvait facilement tuer un être humain, surtout un de la taille et de la corpulence de la jeune demoiselle.

Bref, il était mal.

C'était surement égoïste de ramener à lui cet épisode traumatisant, puisqu'il n'avait lui même rien vécu, mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Depuis l'épisode du Youpi, pendant lequel Nim s'était blessée et ou il avait littéralement fondu en larme de stress et de peur au fin fond des toilettes du troisième étages, il se sentait protecteur envers la rouquine.

Il ne savait tout simplement pas quoi faire.

Il n'était tout simplement pas habitué à faire face à ce genre de situation. Il avait toujours vécu une vie simple et sans problèmes. En tant qu'enfant unique il avait été surprotégé et choyé de tout les côté depuis tout jeune. Comment était-il censé réagir? Qu'est ce qu'on devait faire quand un proche était à l’hôpital?

Il regarda ses mains. Il n'avait rien apporté. Ne devait-il pas apporter quelque chose? Il n'en savait strictement rien. Elle abusait aussi. Si elle n'avait pas décidé de se battre contre un hippogriffe il ne serait pas dans cette situation!

Déterminé et certain qu'aucun moment ne serait meilleur que l'autre, il pris son peu de courage à deux mains et entra dans la chambre. Il n'y avait personne d'autre que Nim. Elle semblait d'ailleurs minuscule dans le lit de l'infirmerie. Cependant, elle avait l'air moins mal que ce qu'il c'était imaginé, après tout, elle était maintenant là depuis quelques jours, ça paraissait logique.

En essayant d'avoir l'air le plus naturel possible, il s'approcha et lui sourit.

-Alors, comme ça on essaie les arts martiaux contre les hippogriffes? On t'as pas prévenu que tu faisait 1m10 et qu'ils pouvaient te tuer juste pour un pas de travers?

Bien.

Les pieds dans le plats. La délicatesse à l'état pur.

Bien Aiden. Bien.

Se sentir mal, Aiden connaissait. Il en avait fait des bêtises dans sa vie et ses parents savaient toujours comment le faire se sentir coupable.

Mais jamais, jamais, il ne s’était senti aussi mal que quand Nim l’avait regardé, un peu perdue, avant de rire de ce doux rire cristallin.

Ses yeux se brouillèrent de larmes refoulées.

C’était avec un effort immense qu’il réussit à les contenir. Il n’était certainement pas celui qui devait pleurer. Nim se sentirait encore plus mal.

Ça le dépassait. Ce petit rire cristallin et doux. Il avait envie de pleurer, de casser quelque chose ou même de courir se cacher sous sa couette. Il ne la comprenait pas. Il ne se comprenait pas non plus.

Il ne comprenait rien.

Elle avait treize ans. Treize ans ça n’était pas un âge pour frôler la mort, ça n’était pas un âge pour la douleur, pour la désillusion ou pour ce dur retour à la réalité. Ça n’était pas un âge pour ce rire un peu perdu mais toujours innocent dans lequel on sentait cette anxiété propre au gens qui avaient trop vécu. Ça le brisait parce qu’il connaissait Nim, même au plus mal, elle ferait certainement celle qui allait bien. Et alors qu’il arrivait, maladroit et perdu avec sa blague mal choisit, elle riait.

Il avait gardé les yeux sur le sol, essayant de se protéger d’il ne savait trop quoi. C’était en entendant la jeune fille bouger qu’il se décida à la regarder.

Tiens. C’était ça.

Ce sourire.

Et il voulait à nouveau pleurer.

Il attrapa la friandise qu’elle lui tendait et pris place près d’elle, sans un mot. Il fixa ses mains, jouant avec la Patacitrouille. Il avait peur de recroiser son regard, son sourire.

Nim, c’était ce genre de personne qui faisait passer tout le monde avant elle. Le genre de personne qu’on rencontrait par hasard et qu’on avait envie de toujours garder près de soi et de protéger. Elle était plus âgée que lui, et pourtant, il avait cette envie de la garder sous verre trempé et de faire en sorte que rien ne la blesse plus jamais. Il voulait la revoir sourire et rire.  

Mais pas ce sourire. Pas ce rire.

Pas ceux qui disait qu’elle sourirait jusqu’au bout si ça voulait dire que ses proches ne s’inquiétaient pas. Pas ce sourire qui cachait la douleur physique et probablement psychologique d’un incident causé par l’une de ses précieuses créatures. Il était d’ailleurs presque sûr qu’elle n’en voulait pas le moins du monde à l’hypogriffe. Elle le défendrait même certainement.

Lui-même ne connaissait pas les détails. Mais il ne s’approcherait jamais plus de ces hybrides de malheur.

Un peu maladroitement, peut-être même un peu plus violemment qu’il ne l’aurait voulu, il prit sa main, toujours sans la regarder.

-Tu peux pleurer si tu veux. Ou faire la tête, être en colère ou même être juste fatiguée. Juste…

Il s’arrêta, la gorge noué.

-Juste, ne me souris pas si t’en as pas vraiment envie. Pas juste parce que tu ne veux pas que je m’inquiète.

Puis il se laissa un peu plus allé contre elle, épaule contre épaule.

Parce qu’il avait douze ans et qu’il ne savait pas quoi faire. Parce qu’il n’était pas habitué à réconforter les gens et qu’il ne savait pas quoi dire. Parce qu’il n’avait jamais rien vécu de pareil et qu’il ne savait pas comment réagir.

Parce qu’il voulait seulement qu’elle sourit. Pour de vrai.

Le coeur au bord des lèvres et les yeux brillants, Aiden mangea un bout de patacitrouille plus pour s’occuper que par réel faim ou gourmandise. D’ailleurs, il avait la désagréable impression qu’il ne pourrait plus rien manger pendant des jours. Sur ses lèvres, la friandise avait un goût presque rebutant et il se demanda un instant si cette scène n’allait pas à jamais le dégoûter de ces petits biscuits étrange.

Doucement, il posa ce qu’il en restait sur la commode près d’eux et sentit son coeur se briser au son des sanglots de sa camarade. Lui-même senti une larme, traîtresse et solitaire, cascader le long de sa joue. Il ravala les suivantes et laissa sa tête basculer sur l’épaule de la jeune fille. Il regarda devant lui, sans rien dire. S’il était certainement plus à l’aise avec les mots, il savait reconnaître une situation dans laquelle ils n’étaient pas nécessaires.

Il n’y avait rien à dire. Rien à faire.

Il ne pouvait rien faire de plus qu’être là, dans ce silence lourd et angoissant. Etre là pour elle quand elle en aurait besoin. Juste une présence. Etait-ce là la bonne solution ? Ne rien dire ? Peut-être valait-il mieux qu’il parle et la rassure. Il savait pourtant que ça aurait l’effet inverse. La gorge nouée et les larmes aux yeux qu’il combattait de toutes ses forces s'entendraient forcément dans sa voix. Il ne voulait pas lui parler de cette voix rauque et brisé des gens qui essayaient de retenir des sanglots. Elle s’inquiéterait encore plus et c’était bien la dernière chose qu’il désirait.

Il ne demanda pas comment elle allait. Il ne demanda pas ce qu’il c’était passé, parce qu’au final, il ne savait pas vraiment, mais il espérait juste qu’elle comprendrait qu’il était là. Si elle voulait parler, pleurer ou même si elle préférait simplement rester là,  l’un contre l’autre, à ne rien dire. Il se cala un peu plus contre elle et essuya rapidement l’humidité laisser sur sa joue par sa larme traîtresse.

Dans un silence presque confortable, il se laissa bercer par la chaleur dégagé par le corps de Nim. Elle était en vie. il sentait son coeur battre prêt de lui, il sentait sa chaleur, il entendait le son de sa respiration et il pouvait presque sentir l’humidité des larmes qu’elle avait laissé couler.

Il ferma les yeux et se laissa submerger par la présence de son amie.

Elle était là. En vie.

Et c’était tout ce qui comptait.

Le premier jour, Pamona n’avait absolument pas fait attention aux ragots. Il était trop occupé à réviser avec assiduité, et à travailler ses croquis pour le Club. Enfin, ce n’était pas la première fois qu’un élève finissait à l’infirmerie, loin de là. Bon, certes, il était rare que le professeur Wronski se déplace en pyjama jusque-là, paniqué aux dires de certains, franchement remonté aux dires des autres. Mais enfin, ça ne concernait aucunement le jeune serpentard. Sinon, il l’aurait su, non ?

Le second, cependant, il tendit davantage l’oreille. Il glana quelques autres informations. C’était une élève, et non un. Et une personne extérieure à l’école lui avait rendu visite en même temps que le professeur. Membre de sa famille, journaliste, les racontars fusaient, et Pamona s’y perdait. Les rumeurs avaient amplifié. Certains prétendaient qu’il y avait eu une dispute assez grave, et que l’élève s’était retrouvée entre les deux adultes au mauvais moment. Adultes qui, pour faire amende honorable, lui avaient rendu visite pour acheter son silence et éviter toute esclandre supplémentaire (c’était foiré, si c’était bien le cas). D’autres, qu’il s’agissait d’une tentative d’enlèvement déjouée par l’ivrogne de service le professeur, et que l’autre adulte était un envoyé du ministère venu récupérer les dépositions des principaux concernés. Et il y avait des versions encore pires, dont une faisant mention d’un hippogriffe, d’un dragon, et d’un mulot mais bon, c’était-là les principales. Et surtout les moins farfelues.

Pourquoi cet intérêt soudain ?

Hm.

Une simple coïncidence. Une coïncidence qui le titillait un peu trop.

Mais voilà : ça faisait un moment qu’il n’avait pas vu sa petite rouquine préférée. Cela leur était déjà arrivé de ne pas se voir pendant quelques jours, auparavant, mais ils parvenaient toujours à se donner signe de vie. Ou tout du moins, Pamona parvenait à prendre de ses nouvelles.

Mais là, rien. Rien de rien.

De quoi graduellement l’inquiéter l’intriguer. Certes, cela ne faisait pas deux jours entiers… Mais les rumeurs attisaient un peu trop son inquiétude. Aussi, au banquet de midi le petit blond partit en quête d’informations complémentaires auprès des poufsouffles.

Dix minutes et un « Nim est à l’infirme- bah où tu vas ? » plus tard, il se plantait devant la porte de l’infirmerie, nauséeux. Et surtout en pleurs.

Les informations. Trop d’informations. Pas le temps de trier. Et puis, il était déjà devant la porte, rester planté là durant des heures ne l’aiderait pas. Pire, si jamais il retournait à sa salle commune sans la voir, il s’en voudrait des années durant. Après tout, c’est lui son meilleur ami ! C’est à lui d’être là, pour elle, avec elle. A l’aider, la soutenir ! Peu importait les rumeurs, fondées ou non, ou l’état de ses blessures, c’était sa meilleure amie qui se trouvait derrière cette porte. Il fallait qu’il entre.

Mais il ne fallait pas qu’elle le voit dans cet état. Elle allait s’inquiéter. Et c’était pas à elle de s’inquiéter pour lui, enfin. Voyons !

Pamona sécha prestement ses larmes, et s’accorda quelques secondes pour retrouver une respiration à peu près normale. Pour ce qui était des yeux larmoyants… Boah, sa frange ferait laaaargement l’affaire. Il se tapota les joues, reprenant ses esprits et se forçant à faire preuve de courage, se racla la gorge, et abaissa la poignée.

Il pénétra dans l’infirmerie, et chercha du regard son amie. Quand enfin il se posa sur elle, ce fut à peine s’il remarqua la silhouette aux côtés de cette dernière. Un grand sourire se forma sur ses lèvres.

Elle est consciente !

Il s’approcha à pas vifs. Et ce faisant, il remarqua un détail. Un détail qui fit faner son sourire aussi prestement qu’il était apparu. Un détail qui lui serra la gorge. Qui fit grimper en flèche son inquiétude.

Arrivé auprès de la jeune fille, il semblait… choqué. Perdu. La bouche entrouverte, incapable d’articuler un mot, il resta là quelques secondes. Puis leva la main, et toucha l’une de ces choses bizarres qui s’écoulaient sur les joues de Nim. Ces choses qui ne devraient jamais se trouver là. Il regarda ses doigts, légèrement humides, et regarda une nouvelle fois son amie.

Contre toute attente, il ne fondit pas en larmes. Il sentit ses yeux picoter, signe avant-coureur de sanglots, et toute trace de sang refluer de son visage hormis de son nez et de ses joues. Ses lèvres étaient scellées, bien qu’agitées de quelques tremblements. Mais il ne pleurait pas.

Il s’assit partiellement sur le lit, et posa sa tête sur l’épaule libre de la rouquine. En silence. Il savait pertinemment que s’il essayait de dire quoi que ce soit, il ne pourrait plus se retenir. Et il préférait éviter de craquer devant elle. Pas comme ça. Pas à ce moment-là. Sa main serra doucement le bras de Nim tandis qu’il pressait un peu plus son front contre son épaule. Il soupira longuement. Et se rappela de la présence d’un second individu au chevet de son amie (enfin, plutôt collé à elle).

Le petit blond colla sa joue à celle, humide, de la rouquine, et parvint difficilement à desceller ses lèvres, débloquer sa gorge.

« … Tu m’raconteras. » articula-t-il dans un souffle, sa voix légèrement cassée.

Il posa alors son front contre celui de son amie pendant quelques secondes. Puis il s’éloigna, adressant un mince sourire à la convalescente. Arrivé à la porte, il ne prit pas la peine de se retourner. Il espérait simplement que, malgré la distance, elle ne pouvait pas trop voir ses épaules tressauter au rythme de ses sanglots muets. Les reniflements, par contre, il y pouvait pas grand-chose.

Une fois sortit de l’infirmerie, il ne parvint cependant pas à se contenir plus longtemps et s’adossa mollement contre le mur, à une quinzaine de pas de la porte, les jambes repliées sous son menton. Impossible de se retenir plus longtemps. Il ne faisait même plus attention à être discret.

Pâle. Elle est si pâle.  

Un petit sourire pointa au travers de ses larmes quand son ami s'empara de la pâte à citrouille. Elle savait que s'était plus machinal que par réelle envie mais ce mâchouillage lui permit de se reprendre un petit peu... Ou non. Elle eut un petit reniflement discret mais présent. Elle aurait rougi un autre temps mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, elle avait le droit de pleurer réellement. Elle commença à maladroitement essuyer ses yeux du dos de la main alors que les cheveux d'Aiden venaient caresser son visage. Elle renifla doucement une nouvelle fois avant de poser sa joue sur la tête de son ami. Un cocon s'installa doucement autour d'eux. Un silence presque confortable aurait pu venir les bercer. Doucement, elle se détendit, ses larmes se tarirent. Elle était bien entourée, elle était bien. Elle aurait pu rester comme ça un long moment, un très long moment juste à s'enivrer du parfum subtile du corps d'Aiden.

Mais un petit claque retenti, l'écho se répercuta discrètement sur les murs alors que la rouquine relevait la tête. Pamona lui souriait. Un grand sourire qu'il garda alors qu'il avançait d'un pas rapide vers son lit. Elle commença à esquisser aussi un sourire quand celui de son meilleur ami disparu. Le sien ne se concrétisa pas. Elle l'observa s'approcher sans un mot, laissant une boule d'angoisse s'installer. Qu'est ce qu'il allait se passer ? Pamona semblait perdu.

Quand, comme une caresse, les doigts de son ami vinrent effleurer sa joue, quelque chose explosa dans sa poitrine. Son Serpentard était bizarre. Le tremblement de ses lèvres n'indiquait rien de bon et pour l'avoir pratiquer quelques secondes auparavant, elle savait. Et elle ne voulait pas. Personne ne devait pleurer pour elle, elle devait se reprendre...

Mais pas aujourd'hui. Pas quand la tête de Pamona vint s'installer à son tour sur son épaule. Elle eut de nouveau envie de pleurer. Mais pas pour les mêmes raisons. Il y aurait eu du soulagement, de la gratitude et de la honte. Elle était entourée des meilleurs amis qui soit, elle ne pouvait pas rêver mieux. Ils étaient là, présents. Ils s’inquiétaient. Elle n'aimait pas ça mais en même temps, ca lui réchauffait le cœur. C'était compliqué et elle ne savait pas comment l’interpréter.

Elle enfouit ce qu'elle pu de son visage dans l'épaisse chevelure blonde et douce.

Mais la Salamandre n'eut le temps de rien faire plus que la main de Pamona venait lui enserrer doucement le bras. Un contact qu'elle apprécia tout particulièrement. Comme sa joue contre la sienne et ses mots à peine audibles qui ressemblaient à une promesse.

Alors qu'il posait son front contre celui de la rouquine, celle-ci eut un infime hochement de tête. Elle lui racontera.

Elle n'eut pas le temps de faire plus. Déjà la chaleur de son ami la quittait et elle rêvait de lui attraper la main, de sentir ses doigts contre sa paume. D'avoir encore sa présence auprès d'elle. Un reniflement discret lui apprit que c'était impossible. Et elle comprit, bien qu'elle regrattait. Elle avait l'espoir qu'il repasse bientôt, elle avait l'espoir de sortir vite pour reprendre une vie normal et partager tout son temps libre avec eux. Elle voulait revoir Aiden sortir des bêtises plus gros que lui et elle voulait revoir le sourire de Pamona.

Elle était bien entourée. Ses amis se comptait sur les doigts d'une main mais jamais, ô grand jamais elle ne les aurait échangé.

Détendu, le silence confortable de la pièce fit presque somnoler le jeune homme. Son cœur se calmait doucement et sentir Nim contre lui le rassurait probablement plus qu’un millier de mots n’auraient pu le faire. Les yeux fermés, il entendit la porte s’ouvrir puis se fermer suivi de pas silencieux. Toujours dans cet état quasi comateux, il observa, curieux, l’échange qui avait lieu devant ses yeux.

C’était rare. Ce calme. Aiden pouvait compter sur les doigts d’une main les fois où il s'était senti si calme et détendu. C’était contre nature pour lui, hyperactif, de rester assis aussi paisiblement. Pourtant, il se sentait bien. Toujours dans cet état nuageux et les yeux à demi ouvert, il inclina imperceptiblement la tête pour pouvoir observer ses deux camarades.

Il savait qu’il devait probablement se sentir rejeté d’avoir été oublié si vite, ou au moins mal à l’aise, pourtant, il y avait quelque chose de tellement intime et beau dans la scène face à lui, qu’il n’arrivait à en ressentir qu’une joie émerveillée. Il y avait juste quelque chose de profondément pure. C’était étrange, pour lui, de penser et ressentir ce genre de chose. Il n’en avait pas vraiment l’habitude, mais depuis qu’il était entré dans cette pièce il avait l’impression de découvrir de nouvelles part de lui-même. Comme si l’affreuse réalisation d’avoir presque failli perdre une amie, un proche, pour la première fois de sa vie, lui avait fait prendre conscience de la fragilité des choses. Jamais il n’avait été confronté à ce genre de situation. Tout à coup il se rendait compte qu’il pouvait perdre ses amis, comme ça. D’un claquement de doigt. D’un battement d’aile. D’une seconde à une autre, les choses pouvaient juste disparaître. Alors, face à lui, quand il voyait la douceur, la proximité, la tendresse et la facilité qu’avait apparemment les deux amis pour communiquer, il sentit une vague d'émerveillement et de protectivité le prendre à la gorge.

Il se sentit submergé par une immense envie de prendre les deux amis dans ses bras, de les protéger et de faire en sorte qui ne leur arrive plus jamais rien. Il avait envie de se battre contre le monde. Il avait envie de se battre contre toute personne qui ferait du mal à Nim et il avait envie de retrouver les responsables de cette situation pour se venger. Il avait envie de se venger, de se battre et de s'énerver. Pendant une seconde il se sentit envahi par une sensation si mauvaise, si haineuse qu’elle l’effraya.

La sensation disparut en instant pour le laisser dans un état de vulnérabilité profonde. Parce que, paradoxalement, si un instant auparavant il s’était senti l’âme d’un protecteur, à cette seconde, il se sentait juste vide. Effrayé. Il voulait juste se glisser sous une couette, au chaud et protégé du reste du monde. Il voulait Nim avec lui. En sécurité. Il voulait qu’elle passe sa main dans ses cheveux et le rassure. Qu’elle lui dise qu’elle allait bien, encore et encore. Il voulait s’endormir paisiblement avec l’absolue certitude que tout irait bien. Perdu entre deux états diamétralement opposé, il décida d’ignorer ce qu’il se passait en lui pour se concentrer sur les deux amis.

Le jeune inconnu souffla quelques mots à Nim, puis posa son front contre le sien. Il sentit son coeur rater un battement et son souffle se couper devant la beauté de la scène. Ca n’était pas tant le tableau qu’ils peignaient mais plus dans l’aura de pure confiance et d’amour qui semblait se dégager d’eux.

Encore une fois, il ne se sentait pas mal à l’aise. Pas voyeur. Juste chanceux. Il sourit, heureux de voir que Nim semblait avoir près d’elle des gens de confiance. Il sentit un peu de sa colère et de sa tristesse partir avec le jeune homme et se tourna vers Nim pour lui offrir un sourire doux, si différents des larges sourires francs qu’il avait l’habitude de donner aux gens.

-Je vais te laisser dormir, dit-il doucement, et, s’il était lui-même étonné par le ton doux et bas de sa voix, il n’en laissa rien paraître, déterminé à ne pas laisser une seule émotion négative et triste transparaître sur son visage. Il glissa doucement du lit et regarda la jeune fille fatiguée.

-Je repasserais, repose toi bien, Pumpkin, conclut-il en effleurant sa main de la sienne et en quittant doucement la pièce.

Sans vraiment le savoir, il repartit changé. Il ne s’en rendrait probablement jamais compte et ne ferait certainement jamais le lien mais, d’année en année, alors qu’il grandirait pour devenir un jeune homme espiègle et souriant, il resterait marqué par cette journée. Il serait connu pour être ce garçon souriant, drôle mais férocement protecteur. Ce garçon qui ne renoncerait à rien pour protéger ceux qui l’aimait et qui laissait, dans ces moments là, entrevoir la part la plus sombre de lui.

Mais pour le moment, il était juste perdu. Pour le moment, seulement Nim importait. Nim et...et lui, pensa-il en observant le jeune homme dans le couloir qui semblait pris de sanglots discret.

Pour le moment, il ferait ce qu’il pouvait.

Le sourire que Aiden lui avait offert alors que Pamona passait la porte avait fait naître quelque chose dans la poitrine de la rouquine. Comme une fleur qui éclos, une flamme venait de s'allumer. Le sourire d'Aiden était différent, doux, beau. Un sourire qui lui allait bien, qui donnait envie d'en voir plus mais qu'on gardait aussi jalousement. Un sourire qu'on ne voulait que pour soit, réservé. C'était une sensation étrange et Nim avait eu l'impression d'avoir pu être spectatrice d'un levé de soleil merveilleux aux couleurs jamais vu. C'était ça ce que le sourire d'Aiden évoquait à la Poufsouffle. Et elle en était heureuse. C'était un nouveau Aiden, un Aiden doux, elle n'avait jamais douté que cette part protectrice existait quelque part dans ce trop plein de Gryffondor mais le voir, vraiment, s'était le trésor. Elle sourit à son tour, heureuse.

Et finalement, il choisi aussi de partir. La Salamandre comprenait mais elle avait envie de compagnie aussi, elle avait envie d'avoir ses amis autour d'elle. Bien que ce ne soit finalement pas utile en cet instant, elle était tellement fatigué qu'elle ne doutait pas de s'endormir en deux secondes. La voix d'Aiden, encore, était de velours, un plaisir pour les oreilles. Elle rougie doucement à sa nouvelle appellation. Pumpkin, la citrouille, comme ses cheveux. Elle se senti flattée. Et les doigts de son ami sur sa main étaient comme une brise fraîche mais insaisissable. Elle avait eu envie de les attraper, de les garder avec elle, de ressentir sa chaleur, ses flammes. Elle avait envie que Pamona et Aiden se rencontrent, elle adorerait passer son temps libre avec eux et Eileen. Tout les quatre pourraient vivre de grandes choses. Elle n'en doutait pas un instant.

Mais pour tout de suite, elle regardait le dos de son ami partir et disparaître derrière la porte de l'infirmerie. Elle avait vu un dos plus grand et plus fort mais pourtant, il n'avait pas changer. Il avait grandi et elle aussi, elle avait grandi. Elle avait trouvé ce qui lui était précieux, ce pour lesquels elle se battrait jusqu'au bout du monde. Ses amis, ses précieux amis.

Un sentiment bizarre était né en elle. Elle était à la fois reconnaissante et honteuse. Le fait que Nocta, Pamona et Aiden se déplacent pour elle l'avait charmé mais le fait qu'ils s'inquiètent, c'était une situation tout ce qu'il y avait de plus détestable, elle ne voulait plus jamais montré ça. Pas à eux, pas comme ça. Elle devait vite guérir, se présenter souriante et rougissante sur ses deux jambes le plus rapidement possible. Elle devait être Nim en toute circonstance, leur prouver qu'ils n'ont pas besoin de s'en faire pour elle.

Et pourtant, elle était plus que reconnaissante qu'ils leur ai montré ça. Une marque d'amour inconditionnel.

C'était ça son amitié. Quelque chose d'aussi fort qu'authentique et que rien ne viendra brisé. Jamais.