Après avoir fait la rencontre d'un espèce de foufou ADEM, j'étais descendue du Poudlard Express d'excellente humeur. Ce gars était cool. Cette journée était cool. D'ailleurs, de façon générale, le monde était cool. Je chantonnais en sautillant sur la distance séparant le quai du train et les calèches destinées aux élèves. Normalement, puisque j'étais en ADEM, je n'étais pas supposée les utiliser. Sauf que là, c'était un cas particulier, vous voyez ? J'étais enceinte de presque sept mois et il m'était difficile de me déplacer autrement qu'en transports "physiques". Et comme j'avais tenu à assister à la répartition de cette année...

Bref, voilà pourquoi je me retrouvais devant l'une des dernières calèches, hésitant à aller câliner le sombral qui la tirait. J'aimais bien ces animaux, moi. Ils étaient... Nobles. Je les avais toujours trouvés fascinants, même si le simple fait de les voir me rappelait que j'avais affronté la mort en face. Celle de ma mère. Mais, grâce au traitement du professeur Sonozoa, ce souvenir là avait cessé de me tourmenter. Toujours était-il que j'avais à faire à ces créatures depuis des années et qu'elles me semblaient particulièrement remarquables.

Finalement, je cédai à mon impulsion et m'avançai vers la créature. Je tendis la main, souriant aimablement. Je pris mon temps pour avancer, afin de ne pas l'effrayer ou l'énerver. Je m'adressai à lui d'une voix douce, comme lorsque je parlais à mes plantes, dans la serre.

"Bonjour mon beau... Allez, approche un peu... Je ne te ferai pas de mal. Je veux juste te toucher. Te câliner. Tu aimes les câlins, dis ? Moi j'adore ça. Je suis sûre que ça va beaucoup te plaire. Viens donc en juger par toi même."

Tout en parlant, j'étais arrivée juste à son niveau. Pour la rentrée, je m'étais habillée d'un pantalon lâche de grossesse, noir avec de petits motifs roses un peu partout, d'une tunique blanche a rayures parme et d'un long manteau blanc bordé de fourrure. Fausse, évidemment. Sauf que la fourrure, même en plastique transformé, ça n'avait pas l'air de beaucoup plaire au sombral. Il piaffait. Alors, dans le doute, je décidai d'enlever mon manteau. Telle une énorme baudruche colorée, je me tins encore quelques minutes près de l'animal avant qu'il accepte de m'effleurer la main d'un coup de naseaux.

"Eh ben voilà, alors, c'était pas si terrible, hein ?" commentai-je en lui gratouillant le bout du nez.

Llewy avait fait le voyage depuis Londres dans un brouillard confus. La rencontre du cimetière avait tourné et retourné dans sa tête toute la nuit, et le confort plus que relatif de la moins chère des chambres du Chaudron n'avait pas aidé à combattre ses insomnies. Il avait une tête à faire peur depuis le matin, et avait fait le trajet debout, en tête du train, juste derrière la porte menant à la locomotive, pour être à l'écart du flot d'élèves. Il n'avait d'ailleurs répondu que mollement aux rares condisciples qui avaient eu envie de le saluer, les autres préférant l'ignorer, vu son humeur sombre. Il n'avait vaguement repris contenance qu'à l'arrivée, et s'était juré de s'excuser auprès de ses camarades.
Descendu à l'avant du train, il avait vu défiler les premières année, emmenés vers les barques, et constaté avec dépit, presque avec horreur, qu'il n'était pas plus grand qu'eux. Prendre deux centimètres en un an, c'était ridicule pour un enfant de son âge, il en avait maintenant conscience.
C'est avec surprise qu'il se rendit compte que les préfets ne les menaient pas vers le lac, mais en direction d'une prairie où se trouvaient une multitude de calèches ... sans attelage.
Le retard pris fit qu'il se retrouva devant le dernier véhicule non rempli, qu'il devait partager avec ...

- Excusez moi ... vous êtes miss ... Mc Allister, c'est ça ? On s'est vu l'an passé en botanique, je crois ...
On devrait se dépêcher de monter, je crois qu'ils n'attendent que nous ... même si je n'ai aucune idée de la magie qui sert à faire bouger ... ça !

Llewellyn se tenait prêt à aider la jeune femme à monter, même si sa force lui semblait dérisoire, face à l'embonpoint de l'ADEM. Vraiment, comment pouvait-on se laisser aller au point de profiter autant en seulement deux mois de vacances ?

J'étais en pleine séance de papouillage du sombral lorsqu'un gamin fit surface, derrière moi. il me disait quelque chose, ce petit. Maiiiiis oui ! Llewellyn, qui était maintenant en deuxième année. Un petit un peu timide et pas très à l'aise avec les filles. Je laissai retomber ma main lorsqu'il m'adressa la parole.

- Excusez moi ... vous êtes miss ... Mc Allister, c'est ça ? On s'est vu l'an passé en botanique, je crois ...
On devrait se dépêcher de monter, je crois qu'ils n'attendent que nous ... même si je n'ai aucune idée de la magie qui sert à faire bouger ... ça !

Je dis un grand sourire au mioche en brandissant fièrement ma main devant moi. C'était le moment ou jamais pour commencer a me vanter de ma nouvelle situation familiale. Et puis, j'avais bien l'intention de faire profiter le monde entier de mon bonheur. A commencer par les enfants que j'aurais en cours.

"C'est Mrs Throwback, maintenant. Mais oui, c'est moi. Les calèches, elles sont tirées par des sombrals. Ce sont des espèces de chevaux noirs un peu genre... Spectraux. Tant mieux si tu ne les vois pas, pries pour que ça continue encore longtemps, bonhomme."

Personnellement, j'espérais que mon enfant ne verrait rien aussi longtemps que possible. Après tout, j'avais flippé bien comme il fallait, la première fois que je les avais vus. C'était quand même pas rassurant comme bestiole. Et puis... Si ma fille les voyait, cela voudrait dire qu'elle aurait vu quelqu'un mourir. Et Ça, ça n'était pas bon signe. Je préférais supposer que ni Damien ni moi ne risquerions de mourir avant bien longtemps. Nous avions la vie devant nous, pas vrai ? Devant le regard suspicieux du gosse a la vue de mon ventre, je ricanai. Je lui fis un très large sourire et expliquai d'un air amusé :

"T'inquiète gamin, c'est pas seulement mon gâteau de mariage qui a causé ça. Je vais juste avoir un bébé."

A ces mots, mon sourire s'élargit a tel point qu'il allait d'une oreille à l'autre. J'étais terriblement heureuse, le cœur battant la chamade. Un mari. Un appartement. Un bébé en route. Un travail que j'adorais. Le monde me souriait et il fallait que je partage ça. Avec tout le monde, justement !

Le sourire de contentement de miss Mc... de Mrs Thowback, sa joie de vivre dégoulinante, son air de ravissement avait de quoi mettre Llewellyn mal à l'aise. Il n'avait pas l'habitude de l'enthousiasme communicatif, de la bonne humeur partagée. Pour lui, jusqu’à cet été, chaque joie, chaque bon moment était un bien précieux, un trésor à chérir en secret, de peur que des jalouses n'en éprouvent que plus de plaisir à vous l'arracher pour le piétiner devant vos yeux. Un tel rayonnement de bonheur lui semblait presque ... indécent, presque obscène.
L'enfant se reprenait juste quand la demoiselle face à lui ajouta à sa gène en lui annonçant qu'elle attendait un bébé. Quel rapport entre un bébé et sa bedaine ?
Il tachât de ne pas montrer son incompréhension, ou au moins de la dériver vers un sujet plus neutre.

- Des sombral, dites vous ? Des créatures spectrales ... vous voulez dire des espèces de chevaux fantômes ? Etrange, pourtant, on les voit, les fantômes, non ? Et pourquoi je devrais prier de pas les voir, ils sont si moches que ça ?

Le petit serpentard tenait la porte de la calèche pour la grosse demoiselle, dansant d'un pied sur l'autre, de plus en plus inquiet de mettre la caravane en retard, tout le monde semblant installé, et les visages se montrant de plus en plus nombreux aux portières des autres véhicules.

- Des sombral, dites vous ? Des créatures spectrales ... vous voulez dire des espèces de chevaux fantômes ? Etrange, pourtant, on les voit, les fantômes, non ? Et pourquoi je devrais prier de pas les voir, ils sont si moches que ça ?

J'allais répondre mais un chuchotement attira mon attention : on nous regardait. Un coup d'œil aux autres calèches m'apprit que nous retardions le convoi. Je m'excusai d'un sourire à l'adresse de ceux qui nous attendaient et me hâtai de m'installer, incitant d'un geste Llewellyn a faire de même. Une fois que j'eus confortablement placé ma personne sur les coussins un brin miteux, je pus répondre tranquillement :

"Merci de m'avoir tenu la porte, tu es gentil. Les sombrals, donc. En fait, ce ne sont pas des fantômes."

Je me tus quelques instants histoire de trouver la meilleure façon d'expliquer à un enfant ce qu'était un sombral. Après tout le sujet, était relativement sensible. Il ne s'agissait pas, pour le coup, de simplement expliquer au gamin comment rempoter convenablement une mandragore. Enfin... C'était un bon entraînement pour mon boulot de mère... Il fallait bien commencer quelque part, et cette occasion la en valait bien une autre. Sans compter que je ne pouvais pas laisser la question du gosse sans réponse. Alors, au moment où la calèche s'ébranlait, je me lançai :

"Ce sont des chevaux, oui. Ils sont à peu près de la même taille qu'un cheval moldu standard, avec un pelage très court d'un noir brillant. Ils disposent d'une paire d'ailes, qui ressemblent un peu à celles des chauve souris. Ils sont assez squelettiques, puis ils ont une queue qui me fait un peu penser à celle d'un rat ou d'un dragon qui n'aurait que la peau sur les os. En fait, ils ont l'air... Effrayants."

Je marquai une petite pause, histoire de voir comment il réagissait. J'ignorais tout de son passé et je ne souhaitais pas vraiment raviver d'éventuels souvenirs douloureux. A l'époque, quand j'avais appris pourquoi je les voyais, j'avais pleuré. Beaucoup. Ce n'était qu'un vivant rappel du fait que ma mère était morte sous mes yeux. Heureusement, j'avais depuis subi les effets de la magie du professeur Sonozoa. Il m'avait permis de ne plus avoir constamment cette image en tête. Il m'avait permis non pas d'oublier, mais de commencer a vraiment vivre avec. Enfin... Si le petit n'avait pas vu le sombral, il ne devait probablement pas avoir assisté à un tel spectacle. Je marchai néanmoins sur des œufs en lui expliquant le principe :

"En réalité, ce sont des animaux très gentils. Ils ont seulement une très mauvaise réputation à cause de leur talent magique un peu... Spécial. Tu sais, on ne peut voir les sombrals qu'à condition d'avoir vu la mort. C'est pour cela que tu devrais être heureux de ne pas les voir. Personnellement, j'aurais préféré ignorer a quoi ils ressemblent."

Je lui fis un petit sourire gêné puis caressai doucement mon ventre avant d'ajouter :

"J'espère que mon bébé n'aura jamais l'occasion de les voir. Un enfant ne devrait pas s'inquièter de la mort, mais seulement de profiter de son enfance. De rire, de sourire, de s'amuser et de faire des blagues. D'apprendre et de faire des bêtises. Certainement pas souffrir de tels souvenirs. On a tout le temps de s'intéresser aux choses sérieuses en grandissant."

C'était pas pour me vanter mais... J'étais intiment convaincue que je serais une mère drôlement cool, un de ces jours. Crier et râler toute la journée, c'était pas vraiment ma vision d'une éducation efficace et épanouissante. Je voulais élever ma fille comme mon père nous avait élevés, mes frères et moi. Avec des rires, des rêves... Et beaucoup d'amour. Surtout de l'amour.

Les sentiments de Llewellyn avait changé plusieurs fois avant que les calèches ne se mettent VRAIMENT en route.
D'abord, l'impatience, tout le monde était prêt, sauf lui et Elizabeth. Ensuite, l'inquiétude, parce que si quelqu'un devait se faire disputer pour le retard, ça ne serait surement pas l'adulte ! Puis l'agacement, pourquoi tenait-elle tant à papouiller de bêtes animaux fantômes ? Enfin, le soulagement, non seulement la dem ... la dame avait-elle fini par se décider à monter, mais en plus elle y était parvenue presque sans son aide, bien dérisoire.

Ils finirent par monter en voiture, et l'ADEM lui expliqua ce qu'était un Sombral. Llewy écouta attentivement la présentation, imaginant à quoi pouvait correspondre une telle description, tiquant légèrement sur l'aspect morbide de la bête, comprenant tout à fait qu'elle puisse avoir mauvaise réputation. Même si depuis l'avant-veille, il connaissait le sens de la mort, la sensation de manque en pensant à l'être perdu, il est vrai qu'il n'avait jamais vu qui que ce soit mourir. Il ne savait trop s'il devait le regretter ou, comme semblait le penser l'adulte face à lui, s'en réjouir.
Mais un geste répété, et sans doute inconscient, de la dame perturbait ses réflexions. Il mit un peu de temps avant de comprendre ce qu'il devait signifier, et la portée de ce geste était tellement ... incongru, qu'il ne pût s'empêcher de demander :

- Excusez moi, Mrs, mais ... Chaque fois que vous parlez de votre bébé, à chaque fois que vous y pensez, même, vous vous caressez le ventre ... Vous ... Vous voulez dire qu'il est ... Là dedans ?

Tout à coup, le garçon eut l'air... Interpelé. Choqué ? Perturbé, en tout cas. Il me regarda avec un intérêt doublé d'une lueur de crainte et finit par demander timidement :

- Excusez moi, Mrs, mais ... Chaque fois que vous parlez de votre bébé, à chaque fois que vous y pensez, même, vous vous caressez le ventre ... Vous ... Vous voulez dire qu'il est ... Là dedans ?

Mon premier réflexe fut de froncer les sourcils avec perplexité. Voulait-il dire qu'il n'avait jamais vu de femme enceinte auparavant ? Il avait été élevé dans un couvent ce gosse ou quoi ? P't'être bien, à en juger par la tête qu'il faisait à ce moment là... Finalement, face à l'expression incongrue de son visage je finis par éclater d'un rire cristallin. Il était trop drôle ce petit ! Lorsqu'enfin mon hilarité se fut calmée, je répondis ironiquement :

"A moins qu'il ne s'agisse d'un rare parasite magique encore inconnu de ce monde, oui. Elle est là dedans."

Puis je tentai un petit trait d'humour, certes stupide mais bien digne de mon niveau d'intelligence, en ajoutant d'un air légèrement sadique :

"Je l'ai mangée ce matin au petit déjeuner, elle avait l'air drôlement appétissante."

J'enchaînai sur un sourire carnassier, jusqu'à ce que je voie le visage du gamin, toujours perplexe. Il pourrait bel et bien y croire... Bien sûr qu'il y croirait, imbécile que j'étais ! Après tout il ne savait pas comment on faisait les bébés, même dans les grandes lignes... Alors Merlin seul savait ce qu'il pourrait penser de ce commentaire ! J'aurais dû faire plus attention et réfléchir un peu avant de sortir une bêtise. Je m'empressai d'expliquer avec un gentil sourire :

"Non, je plaisante. Les bébés grandissent toujours dans le ventre de leurs mamans jusqu'à ce qu'ils soient assez grands pour sortir."

Llewy était abasourdi. Jamais il n'aurait pu imaginer que les enfants se fassent comme ça ... Jamais, à bien y réfléchir, il n'aurait pu imaginer une quelconque façon de faire les enfants, d'ailleurs. Pour lui, les enfants apparaissaient, comme ça, c'était ... magique, quoi !
Même la tentative d'humour, assez bizarre cela-dit, de l'ADEM ne parvint pas à le sortir de sa perplexité. Il ne comprenait pas trop comment la jeune femme en était arrivée là, peut-être cela avait-il un rapport avec les baisers, pas toujours discrets, qu'échangeaient joyeusement les élèves les plus âgés ? Il se dit que soit il était particulièrement naïf, ce qu'il pouvait très bien concevoir et accepter, soit le cursus de l'école manquait d'une matière CA -PI - TA - LE pour le devenir des élèves. La profondeur et l’intensité de son raisonnement devait finir par éclater :

- Mais pourquoi on a pas un cours qui nous explique tout ça ? Il me semble pourtant que c'est quelqu'un chose de super important, non ?

Il ne lui paraissait pas avoir manqué de cours important durant l'année précédente, et une telle matière se devait d'être enseignée à part, selon lui. Il ne lui venait même pas à l'idée qu'il puisse être le seul, ou presque, à qui on n'avait jamais rien dit sur la manière de faire les bébés, parce qu'il n'avait jamais eu personne à qui poser la question.

La perplexité la plus complète s'était emparée du gamin et je pouvais presque voir les rouages tourner dans sa petite tête. Le moins qu'on puisse dire, c'était qu'il n'avait probablement jamais eu l'occasion d'en discuter avec sa famille à lui, ou qui que ce soit qui le prenait en charge en dehors des cours. Cela manquait quelque peu de... Bases. Comment étais je supposée le lui expliquer si personne n'avait jamais pris la peine d'aborder le sujet ? Finalement, il commenta d'un air bougon :

- Mais pourquoi on a pas un cours qui nous explique tout ça ? Il me semble pourtant que c'est quelqu'un chose de super important, non ?
- C'est très important, je suis d'accord avec toi. Seulement, ce n'est pas quelque chose qu'on apprend a l'école. Du moins, pas à ton âge. En général on en parle avec un adulte en qui on a confiance et qui nous connaît bien, de façon à pouvoir poser les questions tranquillement et en toute tranquilité. Mais la plupart du temps, il faut attendre d'être plus âgé pour avoir une explication satisfaisante."

Je ne voyais pas vraiment comment esquiver le sujet autrement que de cette façon : je doutais fortement que le responsable légal de ce garçon me remercie d'avoir initié le sujet, alors il valait mieux arrêter les frais. Et puis, ce n'était pas tout à fait faux : il valait mieux en discuter avec quelqu'un de proche, car cela pouvait se révéler très gênant. Je préférais ne pas lui dire que la plupart des élèves assistaient à quelques cours d'éducation sexuelle en cinquième année : je n'avais pas la moindre idée de comment lui expliquer ce qu'était le sexe. Et puis, les professeurs en charge de ces leçons particulières feraient cela beaucoup mieux que moi en temps voulus.