Je réfléchissais, sans doute trop. Tout changeait tellement vite, tout allait et venait à une vitesse si affolante que j'en avais presque le tournis. En débardeur et boxer, en tailleur sur mon lit, je tenais dans les mains une peluche. Oh, elle était abîmée, normal, elle avait plus de vingt-neuf ans... Comme moi. Je ne l'avais pas sortie de sa boite depuis des années... Depuis l'orphelinat, en fait. Pourquoi aujourd'hui, je l'ignorais. Enfin, j'avais une idée, mais je ne savais pas si j'allais dans la bonne direction. Je soupirais.

Moi qui avait toujours vécu sans me soucier du lendemain, sans vraiment en avoir à foutre de l'amour, voilà que j'étais en couple. Et le pire, c'est que ça ne remettait pas grand chose en compte dans mon esprit. Pourquoi je changerai, hein ? Je sautais de mon lit et descendis les escaliers à toute allure. J'en avais marre de réfléchir, merde. Je me roulais rapidement une clope et me mis à la fenêtre. Franchement, cette fois-ci, même le bain n'avait rien fait. Le pire dans tout ça, c'était que je savais exactement ce qui me trottait dans la tête, mais je n'arrivais pas à l'en sortir. C'était très perturbant, en réalité. La cigarette fut fumée bien plus vite que je ne l'aurais imaginé alors j'en roulais une seconde... Puis une troisième. Pourtant il n'y avait rien à regarder, dehors. Mais bon...

Je ne tenais plus en place, c'était insoutenable, cette tension. Moto... Oui, moto, c'était bien, ça ! J'enfilais rapidement un cuir et attrapais ma veste avant de descendre au garage. Je souris, mon bolide était là, propre, prêt à me porter là où le vent voudrait bien me déposer. J'ouvris la porte, et fit rapidement vrombir le moteur de la bête avec un grand sourire. Pour sûr, un petit tour me ferai le plus grand bien. Après avoir refermé le garage, je partis, direction la campagne. Du moins, c'était la destination initiale.

Je passais devant le cimetière et m'arrêtais devant, relevant la visière de mon casque, fronçant les sourcils. Puis je soupirai, coupais le moteur et enlevais le casque. Il fallait que j'y aille. J'avais accompagné Cecil, j'avais fui devant eux, mais je n'avancerai pas si je ne tournais pas cette page de mon passé. Il fallait que je le fasse pour moi, pour lui... Pour nous deux. Cela ne changerait pas grand chose, en somme, je serai toujours telle que je suis. Mais peut-être aurai-je moins peur d'affronter son amour après ça. Je mis le casque dans le coffre, et, le cœur lourd, je pénétrais dans ce lieu sinistre, que j'aurai préféré oublier à tout jamais.

A pas lourds, je m'avançais dans le cimetière. J'aurais pu faire le chemin les yeux fermés, même si en réalité, je ne 'avais fait que deux fois : une à douze ans et une autre il avait de cela à peine quelques jours. Je me sentais de plus en plus lourde au fur et à mesure que j'avançais. Limite si mes pieds ne traînaient pas entraînant quelques graviers au passage, histoire de me ralentir encore plus. Je sentais cette boule au ventre grossir toujours plus au fur et à mesure que les secondes passaient. Je serai la peluche, que j'avais machinalement mise dans ma poche en partant, et qui, par chance, n'était pas tomber sur le chemin. Il fallait que j'y arrive.

Il me fallut quelques minutes pour atteindre leurs tombes. Ils avaient toujours dit qu'ils voulaient être enterrés côte à côte. C'était le cas. Je soupirais, et doucement serrai la peluche contre moi. Georges et Lydia Aarons, décédés le 26 Avril 1998, de circonstances inconnus. En fait si, torturés et assassinés par des Mangemorts. À peine quelques jours avant la fin de cette putain de guerre ! Seulement quelques jours avant que Voldemort ne disparaisse. Mes parents me craignaient parce que j'étais sorcière, mais ils m'aimaient... Moi aussi... Je les aimais.

Je serrai doucement les dents, mais c'était trop tard. Je la sentis couler sur ma joue, doucement, chaude, comme si elle se voulait rassurante. Puis une seconde, puis une troisième. Je n'avais pas pleurer depuis qu'on me l'avait annoncé. Jamais ouvertement, en tout cas, si aussi librement. Je n'étais qu'une enfant quand ils ont été tué, qu'une petite fille.

Pourquoi ?!

Je n'étais pas la seule à avoir perdu un proche. Cette guerre nous a tous arraché quelqu'un de toute façon, un père, une père, un frère... Mais les deux parents en même temps ? Je me laissais tomber à genoux, fixant la pierre tombale, les yeux noyés par les larmes que je n'arrivais pas à stopper. Au contraire, c'était de plus en plus intense. Même ce doudou, qui arrivait à calmer mes pleurs bébé, il ne me faisait plus rien aujourd'hui. Je retenais autant de sanglots que je le pouvais, mais l'émotion était bien trop forte. Plus de quinze années que je repoussais cet instant, parce que je ne voulais pas souffrir. Et pourtant, j'avais mal, comme si on m'arrachait le cœur de la poitrine.

Je n'avais jamais fait mon deuil, je l'avais enfoui en moi comme on garde un trésor.

Du bout des doigts, je vins toucher la stèle gravés du nom de mes parents. Je déglutis. Pourquoi ?.. Pourquoi ? C'est à cause de vous que je suis comme ça aujourd'hui, pas vrai ? De rage, je tapais du poing sur le sol, qui, à ma surprise, m'éclaboussa légèrement... Il pleuvait.